mardi 30 décembre 2008

Le poids de la culture et l'immatériel



Tout amateur de sf et de fantasy a remarqué l'augmentation considérable du nombre de pages. Alors qu'on pouvait trouver de longs "novellas" écrits gros de 200 pages dans les années 60 quand le format dépendait encore de la prépublication en feuilleton dans les magazines, aujourd'hui le standard est plutôt celui du volume massif autour de 700-800 pages (en nombre de caractères, la multiplication aurait été par 2 au cours des années 90).

Je pensais que les facteurs étaient seulement internes au genre, simplement d'imitation et que les succès de Dune ou du Seigneur des Anneaux (voir l'influence des logorrhées de Stephen King) avaient habitué les lecteurs à des romans à durée de vie plus longue. Mais selon Charles Stross, il y eut en partie un facteur purement économique de la distribution des paperbacks de sf dans les années 90 dans les commerces généraux, quand il fallut justifier une hausse importante du prix en augmentant aussi le poids du livre (qui a en moyenne doublé). Depuis que les grandes chaînes comme Barnes & Nobles ont détruit la distribution dans les épiceries, la taille a pu redescendre à nouveau mais les lecteurs de SF/F ont désormais acquis des habitudes de gros romans (Neal Stephenson, Peter Hamilton, etc.).

Il a en revanche une explication "interne" aux contraintes génériques entre les deux genres principaux de la sous-littérature, SF et Mystery :

I would hypothesize that mysteries didn't succumb to the selection pressure for longer books because there's a countervailing force at work — the reader's ability to keep track of multiple characters and plot threads. If you want to bulk up an SF or fantasy novel, the easy (and lazy) way to do it is to add viewpoint characters and plot threads, small stories interleaved within the larger story that shed light on it. But it's hard to do that if what you're trying to hand the reader is a comprehensive set of clues to a fixed scenario, without burying them in a midden of red herrings.


Mais ce qui est drôle est qu'il me semble ainsi bien dénoncer une dérive du roman de SF récent.

Par exemple, au hasard, j'aime bien certains aspects du roman de Charles Stross, Halting State (qui est quand même un peu trop übergeek pour moi dans son jargon - je comprends les termes de jeu de rôle mais pas ceux d'informatique) mais un des défauts me semblait justement la rupture continuelle des récits imbriqués avec plusieurs points de vue (même s'il y a bien un essai d'avoir des voix distinctes, dont un jeu agaçant sur l'accent écossais de Sue).

Le roman se passe dans un futur proche, 2017, et l'Ecosse est devenue une République indépendante membre de l'UE et avec l'Euro (Stross vit à Edinbourg et il affiche un enthousiasme très optimiste sur le "Tigre de l'Atlantique" qui aurait alors un Miracle rivalisant avec l'Irlande et la Norvège).

Sue Smith, de la "Polis" d'Edinburgh, enquête sur un vol commis dans la Banque d'un monde virtuel, sachant que les voleurs avaient réussi à passer depuis un autre réseau. Jack, un programmateur geek fans de jeux virtuels (il gérait un jeu de catharsis pour les hooligans de foot), est aussi engagé pour mener l'enquête dans une mise en abyme dans le jeu Spook (où on joue des espions virtuels). Au-delà du ludique, l'intrigue analyse plus les MMORPGs comme l'économie spéculative capitaliste, continuée par d'autres moyens (analyse de D&D aussi faite par l'auteur marxiste China Miéville dans ses romans).

Il y a déjà eu des fraudes bancaires virtuelles (dans E.V.E.) mais contrairement au roman, c'était avec de l'argent non-convertissable en monnaie réelle alors qu'un des gags chez Stross est que même la BCE pourrait prendre en compte les masses monétaires géantes de l'or virtuel puisqu'il y a un taux de change avec l'Euro.

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