En 1998, quatre des principaux scénaristes de DC, Grant Morrison, Mark Millar, Mark Waid et Tom Peyer proposèrent une "relance" de Superman pour le passage au XXIe siècle, Superman 2000. Cela aurait été un remodelage moins radical que le reboot de John Byrne en 1986 après la Crise puisqu'il aurait essayé de conserver une partie de la nouvelle continuité accumulée. Mais le projet fut finalement l'objet d'un véto de Mike Carlin, l'editor de Superman, qui l'emporta sur les scénaristes.
Progrès
Certaines idées sont intéressantes comme celle de Superman continuant à "progresser" vers la divinité, une sorte de "DoctorManhattanisation" de Superman vers l'omniscience ou vers une sorte de Bodhisattva de sagesse et de compassion. La dignité du Surhomme n'est pas dans un état angélique de béatitude, mais dans cette ascension ou cette perfectibilité, pour reprendre un argument de Fichte. Cependant, il y a un risque dans ce genre d'histoire sur l'inflation des pouvoirs de Superman, on l'a déjà vu dans les années 60. Au bout d'un moment, cela exige ensuite un retour en arrière pour rendre à nouveau Superman plus vulnérable et ce fut après tout l'une des fins du reboot Byrnien. Cette idée put être reprise mais hors continuité dans la mini-série All-Star Superman de Morrison.
Mais j'aime beaucoup l'insistance sur l'intelligence contemplative de Superman (mais c'est mon fond aristotélicien qui me fait penser que ce serait la forme de vie la plus épanouie pour un tel être proche de la Vie Divine). Quand vous pouvez presque tout faire, il ne vous reste plus qu'à découvrir. Le Superman des années 60 est avant tout un scientifique comme son père Jor-El, et il passe son temps à faire des expériences théoriques dans sa Forteresse de Solitude, pas seulement à sauver le monde. C'est une dimension qu'on a un peu oubliée pour rendre Clark Kent plus humain, plus un "journaliste" que ce demi-dieu descendu des cieux. L'idée d'une colonisation de la Zone Fantôme et de voyages temporels réactive des thèmes charmants de l'Âge d'Argent qu'avaient aussi su reprendre la bd nostalgique d'Alan Moore, Supreme, ou bien son Tom Strong.
D'autres idées sont des obsessions typiques de Grant Morrison comme l'idée que Superman devrait être un végétarien car il a une compassion infinie pour toutes les formes de vie. Oh, et une idée inutile était le gadget (qui n'aurait sans doute pas duré quand on connaît le conservatisme foncier des comics) de changer le costume en supprimant le "slip rouge au dessus du justaucorps bleu".
... et régressions
Mais l'un des éléments les plus importants était de tenter de revenir en arrière sur le mariage de Lois Lane et Clark Kent (qui venait à l'époque d'avoir lieu en 1996), pour revenir à la convention classique du Triangle Lois-Clark-Superman. Grant Morrison propose un scénario absurde où Luthor révèle au monde l'identité secrète de Clark et empoisonne Lois Kent avec une toxine liée à son cerveau qui la tue à chaque fois qu'elle identifie Clark et Kal-El. Morrison a eu des tas de mauvaises idées (voir aussi Steven Grant sur l'opposition entre des récits "mad ideas" / "big ideas", qui correspond un peu à l'opposition entre DC et Marvel) mais c'est l'une des plus inutilement compliquées et absurdes.
La fin aurait été que l'omnipotent Mr. Mxyzptlk propose à Clark d'effacer les souvenirs de tout le monde et revenir ainsi à la situation antérieure au mariage, ce qu'il doit accepter pour sauver son épouse.
Autrement dit, ils proposaient une histoire relativement proche de celle qui vient d'être utilisée en 2007 chez Spider-Man dans Brand New Day pour annuler son mariage avec Mary-Jane Watson (qui avait eu lieu dans Amazing Spider-Man Annual #21, 1987). Peter Parker a accepté un marché avec Mephisto pour faire oublier à tous son identité secrète et son mariage (vieux pourtant de vingt ans dans la réalité) fut donc ainsi retiré de la continuité.
Mais Morrison a ensuite reconnu qu'il avait lui-même abandonné l'idée et que ce scénario aurait été une malédiction pour Superman, en l'associant à un échec et non à une vraie "tragédie" héroïque.
Les scénaristes ont du mal à accepter la dimension accumulative et linéaire des récits qui finissent par transformer les archétypes figés des superhéros. Depuis plusieurs décennies, on alterne donc changements et annulations, les événements et les illusions du changement.
Le mariage de Lois et Clark de 1996 empêche certes de faire certaines histoires comme l'ancien triangle Lois-Clark-Superman ou le triangle Lois-Clark-Lana (Smallville) ou le triangle Lois-Clark-Lex (Lois & Clark). Mais l'annuler serait sans doute une histoire inutile qui conduirait ensuite à une annulation de l'annulation - comme cela arrivera sans doute aussi à Peter Parker qui finira par retrouver ses souvenirs et se remarier avec Mary-Jane un jour ou l'autre.
Il y a une plasticité relative des héros. Les personnages les plus célèbres s'altèrent moins que les autres. Ce malheureux Giant-Man a frappé sa femme il y a plusieurs décennies et malgré de nombreuses tentatives de scénaristes pour effacer cette histoire, il en est toujours vicié. A l'inverse, je doute qu'un retcon décidant qu'Alfred Pennyworth (le valet de Batman) est le vrai père de Bruce Wayne ou bien (comme dans une plaisanterie de Neil Gaiman) l'identité secrète du Joker puisse tenir, tant il va à l'encontre de 75 ans d'histoires...
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Il y a 6 heures
4 commentaires:
je me permet de dire que le mariage de peter avec mj a duré 20 ans,et non pas 30
Oops, oui, je corrige.
A propos de « l'inflation des pouvoirs » j’ai pu constater dans Civil War, et avec pas mal de surprise, que Serval était devenu pratiquement immortel, résistant même à une totale carbonisation.
Je suis en train de relire les premiers (enfin premiers, deuxièmes plutôt) X-men des années 75-80, il y parait tout de même un peu plus vulnérable. Dans un épisode de 1980, se déroulant dans un futur apocalyptique on le voit vieux( !) puis réduit en cendre par une sentinelle. Un peu plus tard (mais dans le présent, enfin celui des années 80 ; oui, je sais c’est un peu difficile à suivre) on peut même lire cette pensée de Tornade, sorte de prescience inversée : « Il faut faire vite… Même le pouvoir autoguérisseur de Logan ne le reconstituer pas s’il est incinéré ! »
Je ne crois pas connaitre d’autre exemple d’une telle promotion.
(Désolé pour le retard à la réponse, je n'ai pas d'alerte sur les commentaires)
Oui, c'était une inflation qui avait dû causer le passage à je ne sais plus quelle époque où il perd son squelette en adamantium arraché par Magneto (son pouvoir de guérison a dû morfler, là, quand même). Les scénaristes se disaient qu'il était devenu trop puissant. On a le même problème avec Savage Dragon où les scènes de fin où on le voit mort et déchiqueté n'ont plus aucun effet car cela est arrivé trop souvent.
L'inflation des pouvoirs est aussi proportionnelle à la popularité. Wolverine est l'un des personnages les plus populaires, donc il serait invulnérable et invincible même face à Galactus.
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