mercredi 20 octobre 2010

L'idéologie permet d'économiser des arguments

Mon argumentaire sur le débat sur les retraites n'est pas du tout élaboré.

Il peut se résumer en une simple "inférence vers la meilleure explication" :
Par expérience répétée, nous savons que M. Woerth et M. Badinguet sont des menteurs systématiques. Donc nous n'avons aucun crédit à leur accorder, on ne peut donc pas les croire sur parole lorsqu'ils disent que leur réforme est
(1) absolument et objectivement nécessaire et inévitable pour des raisons démographiques (2) juste (3) faite pour sauver le régime par répartition.
Même lorsqu'ils citent le C.O.R. c'est généralement de manière très partiale et mensongère.

Je n'ai jamais eu l'occasion d'être marxiste mais le gouvernement actuel me rend plus ouvert à croire n'importe quelle interprétation presque strictement "économiste". La politique de Badinguet sur tous les points semble être de trouver un problème et de systématiquement l'aggraver sans jamais rien résoudre, en songeant en priorité à son intérêt politique à court terme puis à l'intérêt financier de ses amis ou de la classe dirigeante dont il assure le ministère (les rares fois où le premier l'emporte sur le second est lorsqu'il fait semblant de taper sur les banques ou les Golden parachutes après avoir lu une étude d'opinion).

C'est la même chose ici : paraître réformateur et moderne (intérêt politique de court terme), faire faire quelques économies budgétaire pour payer plus d'inégalité sociale, préparer le passage vers la capitalisation pour soutenir Axa et d'autres grands groupes (intérêt financier oligarchique, ce qui est aussi un intérêt politique sur le moyen terme). Certes, une partie de l'individu doit croire qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre ces intérêts particuliers qui lui importent et une action de la Main Invisible qui pourrait aussi être utile collectivement, mais je crois qu'il est assez irresponsable et dangereux pour que cela ne soit pas du tout essentiel dans sa manière de décider (les exagérations de cet été ont encore une fois démontré qu'il était prêt à dire tout et n'importe quoi).

Et donc je vais seulement croire Gérard Filoche tant qu'on ne me prouvera pas le contraire.

On pourrait certes m'objecter que si le Président Lionel Jospin en 2002 ou la Présidente Ségolène Royal aujourd'hui allongeait la durée de cotisations de manière assez similaire, je ne m'indignerais pas. C'est probable en effet, car j'imagine que le contexte politique ne serait pas le même et que j'espère qu'il y aurait d'autres politiques qui tenteraient de protéger et conserver un Etat-Providence que M. Badinguet veut détruire.

Aux USA actuellement, la date pour atteindre une retraite pleine était aussi 65 ans et vient de passer à 66, plus tard 67. Comme le fait remarquer Dean Baker, le fossé n'est pas si énorme avec la date de l'âge "à taux plein" français (65 ans pour l'instant) mais les chroniqueurs des deux côtés de l'Atlantique ne le disent pas souvent. Il est vrai que les Américains sont nettement plus nombreux à continuer de travailler après 65 ans parce qu'ils n'auraient pas de retraite décente même "à taux plein", les systèmes de capitalisation (qui étaient encore peu nombreux avant la période Reagan, moins de 12% et maintenant 63% des salariés) étant souvent bien plus aléatoires (les plans 401k et les fonds de pension ayant été été ruinés par la crise financière alors que le système par répartition conservait un rendement plus stable).

  • Par ailleurs, je crois que le nouveau Premier Ministre pressenti Serge Gainsbourg pourrait se passer de l'expertise de Mme Penchard.

  • 4 commentaires:

    kaem a dit…

    Que vous choisissiez de ne pas croire le gouvernement est votre droit le plus total, mais prétendre que Gérard Filoche a un argumentaire valable me semble assez malhonnête intellectuellement. Prenons son premier argument "il n'y a pas de problème démographique, car à court terme c'est la crise qui aggrave les comptes de la retraite". C'est un sophisme évident, puisqu'il y a bien un trou lié à la crise (moins d'activités --> moins de rentrées des cotisations sociales et d'impôts), mais cela n'empêche absolument pas que la proportion des plus de 60 ans passera de 1/5 actuellement à 1/3 en 2050 (lien : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-358.pdf).

    Groug a dit…

    Ce n'est pas encore l'argument du chaudron, mais il y a des contradictions dans le texte de Filoche. Par exemple quand il dit que "le travail forcé des seniors se substituera à l’emploi des jeunes" mais qu'il faut "favoris[er] un plus fort taux d’emploi des femmes". Un vieux au travail, ça prend la place d'un jeune, mais une femme au travail, non ?
    Bref, sur ce sujet des retraites on entend énormément d'âneries d'un côté comme de l'autre.

    Unknown a dit…

    @Groug: il est question ici de la retraite (qui s'applique aux vieux), pas d'un revenu complémentaire de "genre".
    En fait ce qui est douteux, c'est la notion de travail forcé des seniors. Quel est le taux d'activité des pré-retraités ?

    Phersv a dit…

    Pour le premier argument relevé par kaem, le texte dit bien "à court terme". Il reconnaît qu'il y aura un effet démographique (moindre que dans de nombreux autres pays européens), mais à plus long terme.

    Pour le second argument relevé par Groug, en revanche, je crois en effet qu'on peut y voir une contradiction. Il dit à la fois qu'il ne faut pas que les sexagénaires travaillent plus et qu'il faut que les femmes travaillent plus. L'idée est donc bien que plus de travail féminin pourrait compenser les retraites des seniors.

    Je ne sais pas si le travail des seniors prend vraiment aux jeunes (ce ne sont peut-être pas vraiment les mêmes postes) mais le report à 67 ans va coûter cher aux allocations-chômage (j'avais lu dans les Echos 200 millions d'euros par an. On déplace donc en partie le problème vers les assurances-chomage pour pouvoir ensuite aussi baisser ces allocations.

    Le texte condamnait aussi la "retraite à points" et l'individualisation que le gouvernement présente à présent comme une grande concession vers une "Réforme systémique" en 2013 et qui est soutenue par la CFDT.

    Je me demande si cette solution ne finira pas par être celle du PS quand même mais je n'ai rien lu à ce sujet (on parle d'une réforme assez minimale avec maintien à 60 ans mais avec grosse décote).

    Dans ces débats, on ne parle le plus souvent que de l'âge légal (en moyenne, les Français s'en contentant) et de l'âge à taux plein mais pas assez des montants des retraites. La décote impliquera que plus de monde aura encore plus intérêt à attendre le taux plein à 67 ans.

    Le Monde citait un comparatif sur les montants des retraites où on découvre que les Pays-Bas accordent 105% du montant moyen à partir de 65 ans. Ce commentaire parle d'un taux moyen de 53% en France en 2030 si on n'a pas de surcote...