L'oeuvre d'Ian Watson tourne souvent autour de la rencontre avec l'Autre comme métaphore sur le problème général de la communication. The Embedding (1975) est devenu un classique sur la xénolinguistique, The Martian Inca (1977) suivait une épidémie martienne qui modifiait un indigène et Alien Embassy porte sur des rapports non-eurocentriques à l'univers, dans la confrontation entre des visions orientales et la réalité scientifique du cosmos.
Il y a deux romans distincts d'esprits opposés, l'apparence du début et le choix d'intrigue ensuite.
Nous sommes au XXIIe siècle, dans les années 2170, et l'Humanité a été transformée par la découverte que certains humains avaient la capacité psychique (à condition d'utiliser des techniques indiennes de sexe tantrique) de projeter leur esprit dans un autre plan et vers d'autres planètes dans l'espace intersidéral. Les religions humaines n'étaient pas complètement de la projection mais de la xénobiologie confuse : elles avaient pris pour des descriptions d'anges, de divinités ou de l'au-delà ce qui était en fait un voyage simplement spatial.
On a alors rencontré trois autres espèces d'Intelligences sur d'autres mondes, qui furent tous nommés d'après des êtres surnaturels de mythes indiens ou tibétains : les Rakshashas de Barnard's Star (des ballons à tentacules volant dans l'atmosphère d'une lune glacée de géante gazeuse), les Asuras de Procyon IV (une forme de vie symbiotique où des avians circulent entre des synapses végétaux en leur donnant ainsi une conscience) et les Yidags (les "fantômes affamés" en tibétain, en fait des créatures minérales inertes sur une planète bouillante qui communiquent en émettant des ondes laser). Ces êtres ont tous les mêmes capacités de projection et peuvent se transférer dans la conscience d'un autre. Ils semblent pacifiques et "éclairés", soucieux de contribuer à élever la spiritualité des Humains en discutant de philosophie avec nous. Ils n'ont pas trouvé de traces d'autres civilisations et une théorie évoquée à un moment est celle d'un grand "filtre", que tous les autres organismes mammifères individualisés avant notre espèce s'auto-détruisent en découvrant cette capacité avant de pouvoir se répandre dans l'univers.
La Terre vient de sortir d'une catastrophe écologique du XXIe siècle (qui pourrait être dans le même monde que The Martian Inca où le sable martien provoque des problèmes écologiques) et une forme de régulation plus ou moins "Bouddhiste" et "écologiste" contrôle la planète avec contraception obligatoire et entraînement ascétique des capacités de Yoga. Les dirigeants sont appelés les Lamas écologistes et les Dobdobs (nom des Lamas "martiaux") et ceux qui ont des pouvoirs psychiques rejoignent l'organisation du BARDO (acronyme ainsi nommé en hommage au concept bouddhiste tibétain de "Libération").
L'héroïne, Lila, est une Tanzanienne douée en voyage psychique (Watson avait enseigné en Tanzanie à la fin des années 60) et on croit au début à un Bildungsroman simple d'exploration ou de Space Opera pacifique.
Je ne vais pas trop divulgâcher la suite mais on change en fait de roman à la moitié.
On n'est plus dans l'exploration xénobiologique, ce qui m'a un peu déçu. Une des personnages dit qu'on ne pouvait pas croire du tout à la cosmogonie qui avait été décrite auparavant ("comme par hasard", les trois espèces d'Aliens rencontrés sont un minéral, un végétal et une créature marine et les planètes avaient un seul biotope) et on bascule vers quelque chose de plus classiquement lovecraftien avec des êtres incompréhensibles dont la pensée circule en Tachyons qui contredisent donc notre continuum temporel.
Retrouver du quasi-"numineux" après la xénobiologie m'a paru être un retour en arrière mais on a la même ambiguïté avec le Mythe de Cthulhu qui change l'effroi du Fantastique par une explication SF avant de re-transformer ses Aliens de SF en des Diables Fantastiques plus traditionnels comme Nyarlathotep.
Un truc qui vieillit parfois assez mal dans les conversations est la mystique mélangée au technobabble pseudo-scientifique. Certaines Intelligences supérieures disent parfois des choses qui ne paraissent plus si profondes que ce que Ian Watson voulait utiliser dans les années 70 (notamment les concepts mathématiques qui paraissent parfois être parfois des slogans un peu vides qui peuvent paraître triviaux, voire "sokaliens" à toute personne ayant déjà lu de la philosophie des mathématiques).
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