mercredi 19 novembre 2025

Die: Loaded #1


Le premier "arc" de Die (dont j'avais parlé là) a duré pendant 20 numéros (2018-2021). La série de l'Anglais Kieron Gillen & de la Française Stephanie Hans est le comble de la méta-geekitude, un comic sur des joueurs de jeu de rôle qui sont absorbés dans leur jeu et en même temps un jeu de rôle complet sur des joueurs qui reviennent sur leur expérience de leur jeu. La série avait commencé comme une histoire d'horreur (Jumanji pour les Goths, dit Gillen, un dark issekai) mais la conclusion avait été surprenante de réconciliation et d'évolution. Au lieu de rester figé dans une nostalgie récessive, les joueurs survivants avaient évolué, ce qui doit être le fantasme le plus ultime du jeu de rôle, que nous ne fassions pas que ressasser notre enfance ou être prisonnier de fantasmes rétrogrades. 

Mais ce nouvel "arc" (dont Stephanie Hans disait aux Utopiales de Nantes avoir déjà illustré 7 numéros en novembre 2025) a l'air de déplacer l'expérience ailleurs dans la question des rôles de genre. 

Dominic Ash (le "Dictateur", d4) assumait une identité féminine ou queer dans le monde du jeu et quand il revient dans le monde réel, il doit assumer un nouveau rôle, celui de père comme son enfant (Stuart) est né pendant la période de sa disparition (dans le monde du jeu, Ash était la mère d'Augustus). 

Dans le monde réel, Sol annonce qu'il va publier le jeu de rôle Die et Ash redoute que c'est justement ce que l'entité de cet univers désire et qui pourrait attirer d'autres âmes dans ce monde-oubliette.  

Mais dans ce premier épisode, on va approfondir le point de vue féminin. C'était représenté dans la première série par Angela la Neo, la soeur shadowrunner d'Ash, par sa fille Molly (qui devait mourir dans le monde du jeu et y devenir une "Déchue") et par Isabelle la Lieuse de Dieux

Je suppose qu'on va revoir une autre "seconde génération", Violet, la fille du défunt Chuck (qui était le Bouffon, le Casual Gamer). 

Sophie, la compagne d'Ash, reçoit le Dodécaèdre (le D12 des Lieurs de Dieux) et va s'adapter assez vite à ce nouveau monde en se liant au Dieu de la vie sauvage, l'Ours, et le totem Renard. Le chiffre 12 est associé aussi aux 12 émotions principales qu'on retrouve dans la classe du Chevalier Emo ou dans le registre du Dictateur. Les règles de Die évoquait six archétypes de dieu (Lumière, Nature sauvage, Feu, Enfer, Destinée, Indicible). 


 

Cet Ours sur la couverture évoque graphiquement chez Hans aussi les premiers épisodes du Démon-Ours par Bill Sinkiewicz quand il arriva sur New Mutants

C'est assez prodigieux de complexité et cela devient presque fractal dans les références internes au jeu de rôle Die et à l'histoire de la fantasy ou des jeux. A force de ne parler que de la dimension de méta-jeu ou de commentaire sur la fantasy littéraire (Brontë, Tolkien, Welles, Lovecraft), on pourrait oublier que l'issekai a aussi une dimension de meta-comic. 

En parlant de Sinkiewicz et de fractals, j'adore Big Numbers mais j'avais été un peu déçu par le gag un peu prévisible dans cette bd où les jeunes jouent à un jeu Real Life sur la banalité du déterminisme social, comme si Alan Moore se contentait de se moquer de la dimension d'escapisme. Le jeu est nettement plus pris au sérieux ici et c'est peut-être le fossé générationnel : Gillen a dû grandir en lisant White Dwarf et cela ne donne pas le même univers mental. 

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