Rappel des épisodes précédents : Juanalberto est un Canard-Artiste, fan de livres et de bd, qui est aussi devenu le Dieu démiurge d'un des Univers. Ce n'est pas toujours facile d'être Dieu quand on a décidé de donner du libre-arbitre à ses créatures et que certaines s'en servent si mal pour finir par se retourner contre le désir de créativité que Juanalberto avait voulu insuffler dans son monde.
Le problème principal est l'Amour. Le Créateur voudrait aimer sa création sans exiger d'eux leur amour, mais ce n'est pas si évident.
Juanalberto vit avec sa compagne bien-aimée et femme idéale, Victoria, et il est en partie amnésique sur les origines de Vi, soit qu'il l'ait créée et se soit voilé à lui-même sa création, soit qu'elle soit bien une oeuvre du créateur antérieur de Juanalberto (car Juanalberto sait bien qu'il a été lui-même un personnage de bande-dessinée avant de devenir le Créateur local). Vi et Juanalberto vivent dans un paradis, un éternel recommencement sans origine mais la tragédie de l'entropie va pourtant entrer dans ce monde et peut-être ce deuil ou ce manque était-il inévitable pour donner de la valeur à leur relation.
Pendant ce temps, Limerius le lapin blanc bibliophile rencontre une version d'Alice, "Louise Carole" l'Oedipienne, dans une version cauchemardesque modernisée où le Wonderland est soumis au narcissisme et au court-termisme poshlost des réseaux d'Internet. Limerius dit à Louise-Carole qu'il est homosexuel et elle se dit qu'elle peut enfin avoir une relation platonique avec un Lapin. Ici, ce n'est pas Alice qui poursuit le Lapin mais le Lapin qui tente d'initier Alice à la littérature (les bd de Roosevelt utilisent souvent ce thème du Pygmalion) et au dépassement de son monde étriqué. En relisant mes notes du volume précédent, je ne suis plus du tout d'accord avec ce que j'écrivais à cette époque : les Néo-Oralistes qui ont interdit toute littérature sont clairement condamnés, même si le Livre est souvent représenté aussi comme le Fruit défendu qui va déclencher l'entropie. Roosevelt n'en est pas resté à une opposition si manichéenne entre art et destruction.
Syprisse, l'avatar de l'Eros, est devenue hermaphrodite et a perdu ses pouvoirs de métamorphose depuis qu'elle (pardon, iel) a eu son overdose avec l'étrange drogue organique du Prygnaf. Elle s'unit à l'Ange Andrea et au chaste Ian (qui était une version de Tintin), chez l'escargot-astronome Loïk Yarbave (je dois avouer que je n'ai pas deviné ce qu'il symbolisait avec son visage d'astre, une référence alchimique ?). Je n'avais pas remarqué à ma première lecture des volumes précédents à quel point Syprisse pourrait être considérée comme le personnage le plus important de la série, comme elle est une des plus actives et change le plus de cadre. Elle est d'ailleurs la seule à apparaître dans toutes les couvertures. Son hédonisme naïf a été remis en cause dans sa relation masturbatoire avec cette drogue vivante et on voit pour la première fois aussi une part plus sombre ou auto-destructrice dans sa libido.
Enfin, Krapch, le violent Inhibiteur Photonique qui apparaissait dans les volumes précédents comme le plus clair "méchant" intolérant, fanatique, ascétique et fasciste, est en pleine crise de culpabilité après avoir tué sa maîtresse Kala dans un accès sado-masochiste. Il accuse la Volonté de Puissance d'être la vraie responsable. L'intrigue "policière" sur cet assassinat a l'air de parodier plus nettement du Jodorowsky ou du Bilal (mais le passage le plus nettement hermétique jodorowskyen doit être le jeu de cartes entre Juanalberto et Victoria).
La série est prévue pour 8 volumes au total.
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