jeudi 29 août 2024

CM9 Legacy of Blood (1987)


La longue description de ce module de D&D chez Paleologos m'a donné envie de revenir dessus. L'Héritage sanglant est un des rares modules écrits par le créateur de RuneQuestSteve Perrin dans sa période où il travaillait comme free-lancer pour TSR. J'ai déjà parlé de son N5 Under Illefarn dans les Royaumes Oubliés et à la même époque il préparait aussi son supplément (plutôt réussi) sur Alfheim, la forêt elfique dans le Known World de Mystara qui parut l'année suivante. Perrin collabore ici avec l'écrivaine Katherine Kerr, l'autrice du cycle de Deverry (qui cite ici son mari Howard comme testeur des aventures) et ce scénario de 32 pages fut là son seul module pour D&D (elle collabora aussi à Savage Mountains pour Pendragon). 


La série "CM" (Companion - j'ai déjà parlé de la série M, Master) était tous des modules consacrés à des PJ de hauts niveaux (Niveaux 15-22) et l'idée de D&D est qu'à ce niveau on cherche à diriger un Domaine et non plus seulement à chercher l'aventure. Ce sont donc des cadres pour des jeux plus "politiques". 

Les 4 premiers volumes de la série CM se déroulaient tous dans une colonie de peuplement nordique, le Norwold. Ce Norwold était hélas très vide et fade avant que les publications de fans n'y ajoutent des territoires. Les Alphatiens y offraient des Fiefs aux seigneurs entreprenants - mais des PJ habitués à jouer dans le Grand Duché de Karameikos auraient peu d'intérêt à partir ainsi sans raison servir l'Empire alphatien opposé au Thyatis. Ces modules étaient : CM1 "Test of the Warlords" (1984) de Douglas Niles, CM2 "Death's Ride" (1984), CM3 "Sabre River" (1984) encore de Douglas Niles et CM4 "Earthshaker!" (1985) de David Cook. 
Puis venaient des aventures sans lien entre elles. CM5 "Mystery of the Snow Pearls" (1985) était une aventure en solo (par Anne Gray McCready) pour un Elfe de la cité elfique de "Tarylon" (où que ce soit) et le CM7 "The Tree of Life" (1986) par le grand Bruce Heard reprenait l'idée d'une quête elfique et jetait les bases de ce qui devait devenir plus tard l'histoire d'Alfheim. CM6 "Where Chaos Reigns" (1985) de l'auteur britannique Graeme Morris n'était même pas sur Mystara du tout mais une aventure mélangeant SF et fantasy avec une invasion de Cyborgs déshumanisés, les "Oards". CM8 "The Endless Stair" (1987) d'Ed Greenwood était une quête d'une relique majeure, un Trône des dieux, censée partir d'un domaine de Glantri et même Greenwood a dit par la suite qu'il regrettait que ce scénario soit trop généreux en trésors déséquilibrés. 

CM9 reprend à nouveau l'idée du Jeu sur l'exploitation d'un Fief. Mais Perrin et Kerr abandonnent encore le fade territoire glacé du Norwold pour installer le fief des PJ dans un pays qui n'était alors pas encore très décrit plus au sud-ouest : la République de Darokin, une ploutocratie qui a en son centre tout un autre pays en enclave, la grande forêt d'Alfheim - . Peut-être que ce choix du Darokin vient du CM7 the Tree of Life de Bruce Heard mais Steve Perrin écrit ensuite Alfheim en précisant bien que les événements du CM7 n'ont pas encore eu lieu. 

Le supplément officiel sur cette ploutocratie, Gazetteer 11 The Republic of Darokin par Scott Haring ne sortira que deux ans après, en 1989, mais tient pas compte du module CM9 (et ce module de 1987 par Steve Perrin paraissait moins naïf dans son évocation de l'oligarchie que la version idéalisée de Haring, qui ne peut s'empêcher de projeter une vision des Etats-Unis sur la République). Le Grand-Chancelier Président-Directeur de la République (on pourrait peut-être l'appeler le "Doge") est Corwyn Mauntea, de la famille la plus puissante de l'oligarchie. 

L'idée du module est simple : un des PJ de niveau 15-20 hérite d'un autre seigneur la suzeraineté sur une Marche sauvage ("Borderlands") dans un marais. Le domaine de "Fenhold" se trouve en territoire darokinien entre le pays sylvestre d'Alfheim (la forêt de Canolbarth) et les Montagnes des Pics Noirs de Cruth. Le domaine a environ 700 habitants sur un hexagone de 24 km, la moitié des Humains (surtout bûcherons) et la moitié des Hin (Halflings venus des Cinq Comtés, surtout bergers). 

Dans les pré-tirés, si on choisit de les prendre, l'héritier serait le guerrier Hughes des Terres Rouges. Bien que le Darokin ne soit pas un pays féodal classique, certaines des régions ont des Magistrats locaux qui peuvent acheter et transmettre les territoires. Alfheim et Darokin ont plus de relations entre eux que Mirkwood et Laketown (Haring dit que la cité de Dolos a même une part importante de demi-elfes, quelles que soient les tensions entre elfes et bûcherons). 

Il y a eu beaucoup de discussions pour savoir où placer précisément ce domaine de Fenhold dans la carte moderne de Darokin mais la version de synthèse des fans comme le cartographe Thorf est de la déplacer un peu plus vers l'ouest de la capitale, entre Dolos et Nemiston, sur la route entre Darokin et Selenica, avec pas mal d'indications tirées du supplément sur Alfheim (dans cette carte, chaque hex fait 13 km)


Voir aussi la carte dans la version par Jason Hibdon. 

Fenhold est un domaine en crise et les PJ vont vite douter que cet héritage soit vraiment un cadeau. Le prédécesseur des PJ a échoué à drainer les Marais qui semblent même devenir plus dangereux, avec un être nommé le "Seigneur des Eaux" qui déclenche des inondations régulières. Ce n'est pas trop gâcher le suspense que de dire que les eaux du Marais ne sont pas toutes naturelles. Les règles utilisent la notion de "Niveau de Confiance" (expliqué dans D&D Companion). Si les PJ n'arrivent pas à rétablir la confiance face aux crises, ils ont perdu et risquent de voir les autorités de la République de Darokin leur retirer leur Domaine qu'ils n'ont pas su sécuriser. 

On voit qu'on n'est pas loin de zones de magie positive de la Forêt elfique (Glow Tree, Alfheim p. 20) mais aussi de zones de magie maudite (Stalkbrow, Alfheim p. 23). Même si les relations sont globalement bonnes avec Alfheim (un jardinier elfe, Plume Grise, s'est installé dans le domaine pour planter un verger d'agrumes), il y a aussi des Elfes très opposés aux bûcherons de Fenhold. 

Le module commence par une partie politique pour obtenir la charge de Magistrat auprès d'un certain Arnulf qui doit remettre l'héritage. Steve Perrin avait imaginé un schéma abstrait ingénieux des commerces de la capitale Darokin comme substitut de carte, mais on peut utiliser simplement la carte du Gazeteer. La cité de Darokin n'est pas qu'un ville de commerçants, c'est un des plus grands centres diplomatiques du Monde Connu autour du Capitole du Chancelier. 


A Fenhold, la politique doit gérer le Sénéchal Gereint, le Maire Will Duchamp, la Mairesse d'East Riding Hilda (ancienne magicienne) ou les sheriffs Halflings (comme le sheriff Feuille-de-Chêne et sa fille Plume d'Alouette). Il y a aussi plusieurs prêtres de niveau moyen mais la religion de Mystara n'était quasiment pas détaillé à cette période et "l'Eglise de Darokin" reste trop vague. Les descriptions plus récentes l'ont associée à plusieurs divinités et notamment à Asterius, dieu de la lune, des voyageurs et du commerce ou Koryis, dieu de la paix et de la prospérité. Il y a divers bandits dans les marais, des monstres aquatiques, des fantômes et même un Dragon noir, Snagglefang, qui adore dévorer le bétail des bergers halflings (et on n'est pas loin de l'Arbre aux Dragons d'Alfheim). 

Je dois reconnaître que globalement, je ne suis pas vraiment emballé par ce petit module, malgré toute mon admiration pour Steve Perrin. En dehors des relations avec les Elfes, je ne vois pas grand chose pour développer cet endroit. Autant Daggerford (le village dans son autre module Under Illefarn) était assez dense en éléments pour lancer une campagne, ici Fenhold reste un peu trop basique avec seulement un petit mystère que Perrin conseille d'ajouter sur d'éventuelles ruines d'une "Cité submergée" sous les eaux du Marais. Dans le genre d'exploration d'un marais, le vieux module U1 The Sinister Secret of Saltmarsh (1981) ou a fortiori la grosse campagne de gestion de domaine Kingmaker (2010) ont sans doute un peu plus d'atmosphère. 

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