lundi 20 juillet 2009

[Comics] Le retour d'Artesia



Enfin ! Après 35 mois d'attente, le #3 d'Artesia Besieged, la meilleure bande-dessinée de fantasy du monde connu, paraît.



Artesia est une bande-dessinée créée en 1998 par Mark Smylie, racontant l'épopée d'une Sorcière et Mercenaire, sorte de Jeanne d'Arc qui serait une condottiera dans un univers incroyablement détaillé.

Le cycle épique pourrait rivaliser avec A Song of Ice and Fire de G.R.R. Martin dans son ambiance shakespearienne, The Prince of Nothing de R. Scott Bakker dans sa méditation sur les religions ou Ash: A Secret History de Mary Gentle pour son utilisation minutieuse de la stratégie dans un XVe siècle alternatif.

Quand je dis qu'Artesia est la meilleure bd de fantasy, il ne me semble pas que ce soit de l'hyperbole. Il est vrai qu'il n'y a guère de concurrence de qualité pour l'instant et qu'Artesia a une mythologie et un approfondissement du contexte qu'on n'a jamais vu dans aucune bd auparavant. Mais le monde est injuste et les meilleures oeuvres restent dans l'obscurité.

Mark Smylie est un cas assez rare (en dehors de David Sims ou Erik Larsen) d'auteur complet en bande-dessinée, qui écrit, dessine, encre et dirige aussi sa propre maison d'édition, Archaia. C'est cette démesure qui a d'ailleurs retardé pendant 3 ans la suite d'Artesia en raison du développement de la compagnie qu'il a fondée (plus le jeu de rôle Artesia: Adventures in the Known World 350 pages, paru en 2005, qu'il a écrit et illustré entièrement et qui reçut le prix du meilleur jeu 2005 aux Origin Awards).

  • Résumé des épisodes précédents

    Chaque volume d'Artesia comprend 6 numéros plus un numéro annuel. Il est prévu que la saga complète jusqu'au décès d'Artesia dure 22 volumes, comme les 22 cartes du Tarot. Il y a déjà eu trois volumes. Dans le premier, intitulé simplement Artesia, l'héroïne, mercenaire du seigneur de Dara Dess, renverse son suzerain. Dans le second, Artesia Afield, elle part avec sa nouvelle armée pour répondre à l'invasion des Royaumes Médians par l'ancien Empire de Thessid-Gola, bien qu'Artesia serve l'ancien panthéon de la Déesse Yhera, abolie par la Cour Solaire des Royaumes Médians. Dans le troisième, Artesia Afire, suite aux manoeuvres des Isliklidae vampires et de leurs légions de zombies, Artesia et ses alliés doivent faire retraite mais réussissent à se maintenir dans la cité d'Abenton lorsque la Sorcière sacrifie les ôtages et lie leurs fantômes aux murailles de la ville. Le Sultan de Thessid-Gola, qui dirige l'armée pendant le Sommeil de l'Empereur, jure qu'aucun de ses soldats ne "portera ses regards sur les murs de la ville".

    Dans le 4e volume, Artesia Besieged, le roi félon Euwen d'Angowrie, qui est passé du côté de l'Empire de Thessid-Gola, n'est pas concerné par le serment et commence le siège d'Abenton. Mais pendant les pourparlers entre deux sorties, Artesia est victime d'une tentative d'assassinat par une arme empoisonnée venant d'un de ses propres lieutenants, Vaslav d'Av-Tenved, frère de Demetrius, qui dirige une compagnie d'une quarantaine d'hommes nommés les Ailes Noires. Vaslav a été acheté par le Roi Félon. C'était le cliffhanger dans le #2, publié en août 2006...

  • #4 "As I Lay Dying"

    Ce numéro est dans les séquelles de cette tentative d'assassinat, qui a été plus près de réussir que la première au début d'Artesia Afield.

    Les thèmes principaux d'Artesia sont la religion, le pouvoir et le rapport entre les sexes, et on revoit ici toute l'ambiguïté de la position d'Artesia, crainte des hommes et haïe des femmes, en tant que principe de déstabilisation des statuts sociaux. La Comtesse Elisabeta d'Abenton, qui l'accueille, la redoute presque autant que les ennemis qui assiègent sa cité mais Artesia est sauvée par la Princesse d'Or Myrina, fille de la Reine Ifare d'Amora, qui décrit Artesia comme une machiavellienne amorale.

    La chute, nouveau cliffhanger, que je ne veux pas gâcher, m'a assez surpris. L'histoire doit montrer que l'intolérance l'emporte sur toute rationalité mais on a quand même du mal à imaginer à quel point Artesia pourrait se trouver avoir plus de difficultés avec ses alliés, qui pourraient se féliciter de ses succès, qu'avec l'Empire qu'elle combat.

    Artesia est une réussite parce que chaque case est témoin de l'amour du détail de l'auteur, aussi bien dans la réflexion sur la politique que dans la peinture. C'est un saut qualitatif dans les comics de fantasy qui paraissent tous simplistes en comparaison.

    Il y a quand même quelques objections qu'on peut formuler.

    La première est qu'on peut douter à ce rythme (3,5 volumes en 10 ans) qu'on voie un jour la fin de ce cycle ambitieux de 22 volumes, mais peu importe, la bd me semble pouvoir tenir même sans une conclusion annoncée. Et maintenant que Smylie a réglé les problèmes financiers de sa compagnie, il a repris un rythme de parution : le #4 est annoncé pour septembre.

    La seconde objection, la plus fréquente, est un problème de toute bande-dessinée avec de nombreux personnages : il y a vraiment du mal à distinguer les personnages (c'est le même problème que dans une autre bd brillante, Age of Bronze de Shanower).

    Par exemple, si elle n'avait pas nommé son assassin, je pense que personne (même avec le guide dans le Annual #1) ne pourrait l'identifier. De même, j'ai du mal à distinguer Caslav, le roi jaloux d'Umat, et ses rivaux dans le lit d'Artesia, les fils du Maréchal Owen Lis Red.

    J'admets que c'est un obstacle à la lecture mais qui ne me semble pas insurmontable. Le voyage en vaut la peine.

  • 2 commentaires:

    N. Holzschuch a dit…

    Ah, tiens, voilà une bonne nouvelle (enfin, sauf pour mon compte en banque...)

    Je ne suis pas inquiet sur la capacité de l'auteur à terminer son oeuvre. Après tout Dave Sim a bien réussi à terminer les 300 numéros de Cerebus, en seulement 27 ans (bon, il est devenu fou au passage, mais c'est accessoire).

    Phersv a dit…

    Oui, bonne comparaison (surtout que Sim aussi avait presque tout à gérer, y compris sa compagnie). Après tout, 22 volumes de 6 épisodes (certes plus long que le rythme de 22 pages) fait nettement moins que Cerebus. D'un autre côté, Cerebus était en Noir & Blanc alors qu'Artesia est peint.

    Mais j'espère que Smylie ne finira pas par prendre Artesia comme un porte-parole de théories sexistes.