samedi 18 juillet 2009

Galimafrée



  • La philosophe hilzoy (comme elle l'avait annoncé) arrête de bloguer après 5 ans au blog collectif ObsidianWings. hilzoy présentait les vertus de ce qu'un blog de non-spécialiste peut être, des arguments nuancés mais attentifs pour montrer que les citoyens peuvent parfois réussir à percer les nuées de désinformations et de manipulations des pouvoirs. Elle le faisait sans acrimonie, avec tact et courtoisie, ce qui rendait son blog parfois moins distrayant que le ton de troll internet, car on savait qu'elle ne basculerait pas dans les excès de la blogosphère et qu'elle restait plus prudente et plus équilibrée. On savait aussi que ses posts seraient plus longs et précautionneux que la plupart. Elle nous manquera.

  • Une des raisons pour lesquelles le célèbre présentateur de CBS Walter Leland Cronkite, décédé hier, bouleverse toujours quand il annonce la mort de JFK le 22 novembre 1963 est ce moment où sa voix se brise et où il semble s'arrêter dans une pause comme s'il luttait contre sa propre émotion (5'16- 5'22).



    En 2003, il critiqua l'invasion de l'Irak mais le vieux Démocrate, qui avait été l'un des premiers à rendre public le scepticisme sur la Guerre du Viêtnam, n'était plus guère écouté.

  • Via Matt Taibbi, une discussion sur Goldman-Sachs étrangement dénuée de langue de bois sur France 24, où l'analyste Max Keiser est distrayant dans son vitriol contre Goldman-Sachs.



    On arrive dans un monde étrange où même un analyste financier (ou bien un cadre du FMI - tr. fr.) utilise l'expression si politiquement chargée de "coup d'Etat" de l'Oligarchie financière (voir aussi le bref article de l'économiste Max Sawicky, qui sort temporairement de sa retraite du bloguage pour rappeler les arguments de Galbraith contre cette financiarisation de la politique via tous les pantouflages insidieux entre le pouvoir et les banques).

  • Les éditeurs de Pride & Prejudice & Zombies proposent maintenant Sense & Sensibility & Sea Monsters, où les soeurs Elinor et Marianne Dashwood doivent confronter non seulement leurs hésitations sur le Meilleur Parti Conjugal mais aussi des créatures abyssales à tentacules (non, je ne parle pas de Belles-Mères).

  • Dans le long article du New York Times Magazine sur le grand auteur de science fiction Jack Vance, un bon résumé de son style par Michael Chabon :

    It’s not Twain-Hemingway; it’s more Poe’s tradition, a blend of European refinement with brawling, two-fisted frontier spirit.

    (...)

    Chabon contrasted Vance with Tolkien and C. S. Lewis, British dons who shared a grandiose “impulse to synthesize a mythology for a culture. There’s none of that in Vance. The engineer in him is always on view. They’re always adventure stories, too, but they’re also problem-solving puzzles. He sets up these what-ifs, like a syllogism. He has that logic-love like Poe, the Yankee engineering spirit, married to erudite love of pomp and pageantry.


    Voir aussi chez Crooked Timber la discussion dans les commentaires des Expériences de pensée anthropologiques et sociologiques de Jack Vance dans ses oeuvres de sf et de fantasy. Vance est un conservateur dans son style baroque et orné mais son conservatisme se fonde sur une sorte de relativisme désenchanté encore plus radical que chez Hérodote ou Montaigne, où on a l'impression que n'importe quelle coutume aussi bizarre qu'elle soit pourrait très bien devenir une norme. Jack Vance fut décisif pour la Littérature spéculative parce qu'il fut l'un des seuls à faire avec l'anthropologie ce que les autres auteurs de sf faisaient avec les sciences exactes.

    Par ailleurs, comme chacun sait, Vance est l'auteur essentiel pour la naissance du jeu de rôle comme Gary Gygax fonda la magie de D&D entièrement sur les nouvelles de Dying Earth (c'est pourquoi le nécromancien démembré de Greyhawk s'appelle Vecna).

  • L'un des plus célèbres philosophes analytiques vivants est Saul Kripke (68 ans), qui démontra la complétude de la logique modale alors qu'il était encore jeune étudiant précoce à Harvard vers 1962. Il est aussi connu pour le petit nombre de ses publications éparses, comme il déteste publier presque autant qu'Isaac Newton (et comme son mode particulier de génie rend ses textes parfois mal organisés en raison de toutes les contre-objections qu'il se fait sans cesse). C'est pourquoi c'est un événement qu'on entreprenne enfin une édition de la collection de ses articles (dont beaucoup d'inédits comme "Vacuous Names and Fictional Entities" qui n'était connu qu'indirectement parce qu'il avait circulé sous le manteau sous forme de samizdat).

    Il n'y a toujours pas son article légendaire sur l'Identité à travers le temps, dont il ne doit toujours pas être satisfait (bien que de nombreux livres aient déjà discuté l'argument non-publié). Quand j'étudiais dans une université du New Jersey (où Kripke était professeur "émérite" à l'époque), j'en avais demandé un exemplaire clandestin à Un Célèbre Philosophe Barbu, et après une pause un peu fulminante dont il avait le secret, il me répondit posément que quand bien même il en aurait un, il trouvait curieux que je puisse croire qu'il respecterait assez peu les principes moraux élémentaires de la république des lettres pour m'en passer une copie sans l'assentiment de l'auteur. Je ne crois pas que je pus regagner sa confiance après cette violation de l'étiquette du manuscrit.

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