mardi 21 juillet 2009

Sur une apologie curieuse de Mabire



Je le marque là parce que je ne veux pas polluer le forum d'origine d'un hors-sujet politique. Sur le forum Casus Non-Officiel (sur les jeux de rôle), Soner Du (qui développe le jeu de rôle sur le mythe de Mu) parle de sources néo-païennes (souvent contaminés par le fascisme ou d'autres idéologies d'extrême droite) et dit en passant que Jean Mabire par exemple écrivait des textes intéressants sur les Vikings (j'aime bien personnellement ses notes, assez peu originales mais pratiques, dans les Dieux Maudits sur les Eddas en prose de Snorri) mais était aussi fan de la Division Charlemagne et des Jeunesse Hitlériennes.

Un certain "Critias" le reprend alors et prétend que parler de nazisme de Mabire serait un outrage à sa mémoire.

Je ne me suis jamais habitué à la "reductio ad hitlerum" que dénonçait déjà Léo Straus.


C'est certain que le chantre réactionnaire Leo Strauss s'y connaissait bien en fascisme :
"le fait que la nouvelle Allemagne de droite ne nous tolère plus ne dit rien contre les principes de la Droite. Au contraire, ce n'est que par les principe de la Droite, c'est-à-dire des principes fascistes, autoritaires et impériaux qu'il est possible de protester contre cette aberration (Unwesen) mesquine sans recourir à un appel rididule et haïssable aux "droits imprescriptibles de l'homme" (en français dans le texte, lettre du 13 mai 1933 à Karl Löwith, traduite dans Jeffrey Barash, "Leo Strauss et la question du relativisme", Cités 2001/4 - n° 8).

Il y a vraiment des excès de référence à la Seconde Guerre mondiale à notre époque mais cette expression de reductio ad Hitlerum est toujours piquante quand elle est utilisée par les vrais fascisants comme un parapluie commode (même si Strauss préférait de toute évidence Mussolini à Hitler).


Pour en revenir un bref instant à Jean Mabire, je ne suis même pas certain que l'on puisse dire qu'il ait été "d'extrême droite" (surtout depuis qu'il est de bon ton de qualifier de fascistes tous ceux qui ont le malheur de ne pas être assez à gauche... bref...)


Jean Mabire lui-même a été un des fondateurs de la Nouvelle Droite, il s'est toujours identifié avec Tixier-Vignancour et le Front National de Jean-Marie Le Pen, et surtout, il a glorifié la Waffen SS (voir les exemples parlants) mais il serait mal-séant de dire qu'il serait d'extrême droite ? Mais alors qui sur Terre a jamais été d'extrême droite ??

Soit Monsieur "Critias" n'a pas vraiment lu Mabire soit il est d'une mauvaise foi totale. Dire que Mabire est d'extrême droite n'est pas une invective ou une condamnation à l'auto da fe, ce n'est qu'une constatation qui découle de ce que l'auteur lui-même affichait.

2 commentaires:

Hady Ba a dit…

Merci pour le lien sur Léo Strauss, j'étais censé avoir lu Strauss pour les cours suivis à Dakar sur Kant et Machiavel mais n'y ai jamais vraiment jeté le moindre coup d'oeil à cause de mon aversion pour les commentaires philosophiques. Toujours eu du mal à comprendre pourquoi je lirais un machiavélien après avoir lu Machiavel!

Faisant cependant confiance à mes profs, je lui gardais tout mon respect et pensais qu'il était peu ou prou un Anna Arendt en pantalons. Je croyais que la filiation entre les neo-cons et Strauss était plus de la récupération qu'autre chose mais apparemment, il y a une vraie parenté entre eux.

Phersv a dit…

Oui, ce serait du moins mon interprétation. J'hésite beaucoup sur Leo Strauss car quand on lit ses textes de la période américaine, il a l'air d'être devenu un libéral de droite classique, comme Isaiah Berlin (sur lequel il faut lire cette critique violente dans le Times de la semaine dernière).

Mais comme la théorie de Strauss est que les vrais philosophes doivent exprimer leur point de vue aristocratique de manière cachée sous une apparence "moralisante" et grégaire (ainsi pour lui Platon fait semblant de soutenir son maitre Socrate mais serait en fait du côté du Sophiste Calliclès... cf. ce qu'en dit Myles Burnyeat), je le soupçonne d'avoir appliqué lui-même sa théorie exégétique délirante et qu'il faut donc le lire de manière ironique.

Même ses textes ultérieurs plus démocrates cachent mal le mépris envers la démocratie : il faut faire semblant d'être démocrate mais l'Elite doit manipuler les masses imbéciles (par le mensonge) pour leur propre bien.

En ce sens, les néo-cons seraient en fait des Straussiens très fidèles dans tous leurs mensonges sur l'Irak (alors qu'au contraire Hannah Arendt ne cesse de dire que la doctrine platonicienne du "Beau Mensonge" utile en politique est le vice originel de la philosophie qui compromet l'intégrité de tout l'attachement de Platon à la Vérité).

Et j'ai aussi un argument plus ancien contre Strauss : un classiciste qui dit que cet abruti de Xénophon est un penseur très profond ne peut pas être pris au sérieux.