Ce blog est à l'avant-garde du conformisme le plus servile. Quand j'ai commencé, je m'étais même dit qu'il aurait fallu que j'acquisse un Chat pour faire comme tous les autres blogueurs avec leur prière à Bastet du Vendredi (les InterTubes étant surtout faits pour s'envoyer des photos de chats mignons). Et bien sûr, j'aurais probablement noyé mon infortuné félin dès qu'on lança la contrainte hautement oulipiste d'écrire sans jamais mentionner un chat. Ah, le bloggage, c'était mieux, avant.
Donc autant dire que lorsque mes blogueurs favoris, Ezra Klein et Matthew Yglesias ont rejoint le concept de Infinite Summer avec le Supposedly Fun Blog : lire le roman gargantuesque Infinite Jest (1996) de David Foster Wallace (1079 pages dans l'édition Back Bay Book), je me suis dit que j'allais ajouter ce projet aux semblants de téléologies avortées de mes velléités estivales. Généralement, je ne finis jamais les livres (je me demande toujours pourquoi la Chartreuse de Parme s'appelle ainsi, d'ailleurs) et je les abandonne même lorsque je commence à les apprécier (comme Don Quichotte la résolution de 2004 négligée quand cela devenait plus intéressant dans la complexité post-moderne et qu'on dépasse les scènes déjà adaptées dans toutes les versions). Et la résolution de l'été 2008 a tenu à 50%.
Le roman semble donc le pire des choix car il est connu pour lasser dans ses obsessions de Génie Autiste et j'ai tellement peu de patience pour les fictions en dehors des mythes que je risque d'arrêter encore plus vite.
Même physiquement, c'est lourd à porter.
Ma vraie raison pour lire Wallace n'est pas tellement littéraire (en dehors de mon affection pour John Barth que Wallace a visiblement imité). Wallace, fils d'un philosophe, fit de ses études sur le traitement par la logique modale des Futurs contingents.
Mais en fait, il y a un rapport avec ce roman. On apprend dès la page 7 que l'un des principaux héros, Hal Incandenza a rédigé un mémoire dans son adolescence sur "Grammaire de Montague et Sémantique de la modalité physique".
Mon but va être de vous dégoûter de le lire pour que je puisse gémir crânement sur ma solitude. Mais je finirais probablement en trichant et en lisant un Profil, comme pour Moby Dick (malheureusement, je viens de voir que l'entrée Wikipedia est vraiment bien faite).
Ne croyez pas du tout la préface de Dave Eggers qui dit que c'est difficile mais pas à cause du jargon. C'est plus lisible que du Pynchon, bien entendu, mais il y a parfois un vocabulaire obscur.
Pour l'instant, les thèmes me rebutent vraiment. Je crois radicalement au clivage ontologique entre les Intellos (Nerds) et les Sportifs (Jocks) et l'un des axes du roman est de révoquer cette différence de l'âme et du corps. Les membres de la famille Incandenza sont des génies torturés qui choisissent des carrières de sportifs professionnels et qui ont même une image de retardés mentaux auprès du monde extérieur.
Autrement dit, oui, je crains qu'on ne soit vraiment dans le thème classique de la Mélancolie de l'Homme de Génie depuis Aristote, avec les drogues psychotropes en plus.
La Verve Infinie ("Hélas! pauvre Yorick !... Je l’ai connu, Horatio! C’était un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise", Hamlet V, 1) du titre renverrait d'ailleurs à une sorte de poursuite effrénée de plaisir et du Divertissement où tout sens semble se dissoudre, comme avec ce Cheikh saoudien qui ne consent à se nourrir que de "Töblerone" (l'umlaut nous indiquant que nous sommes dans un autre monde parallèle et non celui où le Toblerone a causé la chute d'une ministre suédoise).
Un autre aspect de ce monde parallèle est que le NAFTA semble être devenu une vraie organisation confédérale, l'Organization of North American Nations (O.N.A.N., j'espère que les autres calembours sont de meilleure qualité que celui-là).
Les personnages visionnent souvent des "cartouches" (cartridge) qui ont l'air d'être simplement des vidéos mais je ne suis pas encore sûr de voir s'il y a une différence (cela semble assez SF pour que ce soit un système plus complexe de réalité virtuelle, comme Hal a fait un mémoire sur les Hologrammes).
Le début est relativement compréhensible. En gros, on suit surtout la famille Incandenza. Le père, James Orin Incandenza (surnommé par ses enfants "Himself"), génie du cinéma, a fondé une école de tennis, l'E.T.A. (Enfield Tennis Academy) et il s'est suicidé d'une manière originale (en mettant sa tête dans un four à micro-ondes - alors que l'auteur choisit plus classiquement de se pendre). Sa femme, la Québecoise Avril (surnommée The Moms), dirige maintenant l'Académie. Ses enfants comprennent l'aîné, Orin, champion de football angoissé, Mario (Booboo), qui a l'air arrêté à un stade infantile mais qui est le seul à être optimiste et surtout (pour l'instant) Hal, idiot savant, génie universel qui a retenu par coeur tout l'Oxford English Dictionary, qui a eu 0 aux examens du S.A.T. en "Verbal" et champion régional de tennis.
Pour l'instant, ce n'est pas très drôle alors que je m'attendais à une sorte d'ironie constante un peu comme chez Proust ou Musil. Ou bien cette ironie est en fait présente mais je la perçois mal à cause de la déréliction dans la drogue.
Le temps est non-linéaire dans les premiers chapitres. Hal a environ 17 ans dans le premier chapitre, puis 10 ans dans le chapitre 3 (p. 27), puis à nouveau un peu plus que 17 dans le chapitre 9.
*
Je suis allé jusqu'à la page 53.
La fameuse page 53 où ont dû s'échouer tant de tentatives de lectures. Infinite Jest est en effet connu pour ses Notes de fin de volume (p. 983-1079).
Ce serait plutôt pour moi un argument en faveur du livre. J'adore les notes de bas de page. Je n'utilise pas des notes de bas de page parce que je ne suis pas un universitaire mais si j'étais devenu universitaire cela aurait été uniquement pour pouvoir faire des notes de bas de pages. Et des astérisques. Et des doubles astérisques. Et si c'était possible typographiquement plusieurs couches concentriques de marginalia de différentes fontes et couleurs, comme certaines éditions des commentaires du Talmud.
En passant, je me demande pourquoi la SF n'utilise pas les Notes de bas de page. Un défaut de la SF est l'Infodumping (vouloir transmettre au lecteur trop d'informations sur l'arrière-fond de la cosmologie imaginaire) et des Notes seraient un bon moyen de le faire sans interrompre le récit (surtout quand un narrateur vous explique des choses qui devraient être évidentes pour les personnes de ce monde).
Mais je n'aime pas les notes de fin de volume. Lire est déjà épuisant physiquement mais s'il faut en plus remuer la masse de 900 pages pour zigzaguer entre la page 53 et les pages 983-984, cela risque d'irriter. So, yeah, Fuck you, David Foster Wallace.
Avant la page 53, c'est très supportable.
Une note de temps en temps, neutre et absolument non-essentielle et sans intérêt, comme une simple explication lexicale.
Mais là, la page 53 se met à s'exciter furieusement en une seule phrase interminable :
Oui, c'est une orgie de notules et je ne suis même pas sûr de vouloir comprendre que le LSD-25 avec un peu de méthédrine s'appelle à Boston des "Etoiles Noires" ou bien que si vous voulez en obtenir il faut que vous rendiez à Bridgeport, Connecticut.
Les notes 5-9 sont légèrement moins amusantes que de lire le Vidal. La note 8 sur la chimie de molecule hallucinogène a même une Note dans la Note sur des produits "transdermals". Non, pour l'instant, pas de jeu aussi amusant que dans Pale Fire.
Je crois que pour finir cette page, je vais demander un congé ou alors essayer quelques-unes des substances mentionnées.
Donc autant dire que lorsque mes blogueurs favoris, Ezra Klein et Matthew Yglesias ont rejoint le concept de Infinite Summer avec le Supposedly Fun Blog : lire le roman gargantuesque Infinite Jest (1996) de David Foster Wallace (1079 pages dans l'édition Back Bay Book), je me suis dit que j'allais ajouter ce projet aux semblants de téléologies avortées de mes velléités estivales. Généralement, je ne finis jamais les livres (je me demande toujours pourquoi la Chartreuse de Parme s'appelle ainsi, d'ailleurs) et je les abandonne même lorsque je commence à les apprécier (comme Don Quichotte la résolution de 2004 négligée quand cela devenait plus intéressant dans la complexité post-moderne et qu'on dépasse les scènes déjà adaptées dans toutes les versions). Et la résolution de l'été 2008 a tenu à 50%.
Le roman semble donc le pire des choix car il est connu pour lasser dans ses obsessions de Génie Autiste et j'ai tellement peu de patience pour les fictions en dehors des mythes que je risque d'arrêter encore plus vite.
Même physiquement, c'est lourd à porter.
Ma vraie raison pour lire Wallace n'est pas tellement littéraire (en dehors de mon affection pour John Barth que Wallace a visiblement imité). Wallace, fils d'un philosophe, fit de ses études sur le traitement par la logique modale des Futurs contingents.
Mais en fait, il y a un rapport avec ce roman. On apprend dès la page 7 que l'un des principaux héros, Hal Incandenza a rédigé un mémoire dans son adolescence sur "Grammaire de Montague et Sémantique de la modalité physique".
Mon but va être de vous dégoûter de le lire pour que je puisse gémir crânement sur ma solitude. Mais je finirais probablement en trichant et en lisant un Profil, comme pour Moby Dick (malheureusement, je viens de voir que l'entrée Wikipedia est vraiment bien faite).
Ne croyez pas du tout la préface de Dave Eggers qui dit que c'est difficile mais pas à cause du jargon. C'est plus lisible que du Pynchon, bien entendu, mais il y a parfois un vocabulaire obscur.
Pour l'instant, les thèmes me rebutent vraiment. Je crois radicalement au clivage ontologique entre les Intellos (Nerds) et les Sportifs (Jocks) et l'un des axes du roman est de révoquer cette différence de l'âme et du corps. Les membres de la famille Incandenza sont des génies torturés qui choisissent des carrières de sportifs professionnels et qui ont même une image de retardés mentaux auprès du monde extérieur.
Autrement dit, oui, je crains qu'on ne soit vraiment dans le thème classique de la Mélancolie de l'Homme de Génie depuis Aristote, avec les drogues psychotropes en plus.
La Verve Infinie ("Hélas! pauvre Yorick !... Je l’ai connu, Horatio! C’était un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise", Hamlet V, 1) du titre renverrait d'ailleurs à une sorte de poursuite effrénée de plaisir et du Divertissement où tout sens semble se dissoudre, comme avec ce Cheikh saoudien qui ne consent à se nourrir que de "Töblerone" (l'umlaut nous indiquant que nous sommes dans un autre monde parallèle et non celui où le Toblerone a causé la chute d'une ministre suédoise).
Un autre aspect de ce monde parallèle est que le NAFTA semble être devenu une vraie organisation confédérale, l'Organization of North American Nations (O.N.A.N., j'espère que les autres calembours sont de meilleure qualité que celui-là).
Les personnages visionnent souvent des "cartouches" (cartridge) qui ont l'air d'être simplement des vidéos mais je ne suis pas encore sûr de voir s'il y a une différence (cela semble assez SF pour que ce soit un système plus complexe de réalité virtuelle, comme Hal a fait un mémoire sur les Hologrammes).
Le début est relativement compréhensible. En gros, on suit surtout la famille Incandenza. Le père, James Orin Incandenza (surnommé par ses enfants "Himself"), génie du cinéma, a fondé une école de tennis, l'E.T.A. (Enfield Tennis Academy) et il s'est suicidé d'une manière originale (en mettant sa tête dans un four à micro-ondes - alors que l'auteur choisit plus classiquement de se pendre). Sa femme, la Québecoise Avril (surnommée The Moms), dirige maintenant l'Académie. Ses enfants comprennent l'aîné, Orin, champion de football angoissé, Mario (Booboo), qui a l'air arrêté à un stade infantile mais qui est le seul à être optimiste et surtout (pour l'instant) Hal, idiot savant, génie universel qui a retenu par coeur tout l'Oxford English Dictionary, qui a eu 0 aux examens du S.A.T. en "Verbal" et champion régional de tennis.
Pour l'instant, ce n'est pas très drôle alors que je m'attendais à une sorte d'ironie constante un peu comme chez Proust ou Musil. Ou bien cette ironie est en fait présente mais je la perçois mal à cause de la déréliction dans la drogue.
Le temps est non-linéaire dans les premiers chapitres. Hal a environ 17 ans dans le premier chapitre, puis 10 ans dans le chapitre 3 (p. 27), puis à nouveau un peu plus que 17 dans le chapitre 9.
Je suis allé jusqu'à la page 53.
La fameuse page 53 où ont dû s'échouer tant de tentatives de lectures. Infinite Jest est en effet connu pour ses Notes de fin de volume (p. 983-1079).
Ce serait plutôt pour moi un argument en faveur du livre. J'adore les notes de bas de page. Je n'utilise pas des notes de bas de page parce que je ne suis pas un universitaire mais si j'étais devenu universitaire cela aurait été uniquement pour pouvoir faire des notes de bas de pages. Et des astérisques. Et des doubles astérisques. Et si c'était possible typographiquement plusieurs couches concentriques de marginalia de différentes fontes et couleurs, comme certaines éditions des commentaires du Talmud.
En passant, je me demande pourquoi la SF n'utilise pas les Notes de bas de page. Un défaut de la SF est l'Infodumping (vouloir transmettre au lecteur trop d'informations sur l'arrière-fond de la cosmologie imaginaire) et des Notes seraient un bon moyen de le faire sans interrompre le récit (surtout quand un narrateur vous explique des choses qui devraient être évidentes pour les personnes de ce monde).
Mais je n'aime pas les notes de fin de volume. Lire est déjà épuisant physiquement mais s'il faut en plus remuer la masse de 900 pages pour zigzaguer entre la page 53 et les pages 983-984, cela risque d'irriter. So, yeah, Fuck you, David Foster Wallace.
Avant la page 53, c'est très supportable.
Une note de temps en temps, neutre et absolument non-essentielle et sans intérêt, comme une simple explication lexicale.
Mais là, la page 53 se met à s'exciter furieusement en une seule phrase interminable :
"Much of this is good clean temporarily fun; but a traditionnaly smaller and harder-core set tends to rely on personal chemistry to manage E.T.A.'s special demands — dexedrine or low-volt methedrine5 before matches and benzodiazapenes6 to come back down after matches, with Mudslides or Blue Flames at some understanding Comm. Ave. nightspot7 or beers and bongs in some discreet Academy corner in night to short-circuit the up-and-down cycle, mushrooms or X or something from the Mild Designer class8 — or maybe occasionally a little Black Star,9 whenever there's a match- and demand-free week-end, to basically short out the whole motherboard and blow out all the circuits and slowly recover and be almost neurologically reborn and start the gradual cycle all over again... this circular routine, if your basic wiring's OK to begin with, can work surprisingly well throughout adolescence and sometimes into one's like early twenties, before it starts to creep up on you. "
Oui, c'est une orgie de notules et je ne suis même pas sûr de vouloir comprendre que le LSD-25 avec un peu de méthédrine s'appelle à Boston des "Etoiles Noires" ou bien que si vous voulez en obtenir il faut que vous rendiez à Bridgeport, Connecticut.
Les notes 5-9 sont légèrement moins amusantes que de lire le Vidal. La note 8 sur la chimie de molecule hallucinogène a même une Note dans la Note sur des produits "transdermals". Non, pour l'instant, pas de jeu aussi amusant que dans Pale Fire.
Je crois que pour finir cette page, je vais demander un congé ou alors essayer quelques-unes des substances mentionnées.
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