dimanche 13 avril 2008

Abysses & Apocalypses



  • Un ami m'a dit qu'il trouve que je parle trop de jeu de rôle et il est vrai que ce divertissement de l'imagination joue peut-être un rôle un peu disproportionné dans mon temps. Peut-être devrais-je non pas seulement faire des rubriques mais séparer complètement un Blog ludique et d'autres.

  • Nous avons continué hier notre campagne d'Abyme, le jeu de rôle français de 2000 qui se situe dans une cité de canaux et d'intrigue construite au-dessus des Abysses infernales.

    Je joue une aristocrate Méduse richissime (Social 8). Nous avons déjà eu trois longues aventures. D'abord nous avons enquêté sur une affaire impliquant une porte ouvrant sur les Enfers. Puis nous avons étudié le vol d'un Pacte démoniaque et d'un document crypté. Enfin, nous sommes sur ce qui semble être un meurtre d'ambassadeur par empoisonnement (pas exactement, c'est un meurtre par absence d'antidote, ce qui est plus amusant).

    Je n'ai pas lu les romans de Gaborit mais la cité d'Abyme a enfin fini par devenir de plus en plus attirante. Je n'aime pas les whodunnits mais ici l'atmosphère marche assez bien. En revanche, Abyme me confirme que je préfère lancer des dés que jouer à des systèmes abstraits.

  • Une de mes envies depuis longtemps est d'arriver à faire un jeu post-apocalyptique "optimiste" (si ce n'est pas un oxymore) et un peu drôle, le contraire de la vague sombre ou horrible.

    Une autre influence est Tribe 8. Tribe 8 est un jeu québecois qui se passe dans un Montréal du futur qui a été dévasté par une invasion magique d'êtres démoniaques. Les humains sont revenus à un état primitif et adorent sept Déesses autour de "Vimary" (Ville-Marie, un des quartier de Montréal).

    Je me demande ce que pourrait donner une adaptation pour Paris à la place de Montréal et avec un monde moins sombre. J'aimerais aussi jouer plus précisément sur le Métro parisien (plus les Catacombes). L'ennui est que les noms de station sont souvent moins poétiques que celles du métro londonien (dont Neil Gaiman a su user dans son roman Neverwhere).

  • J'ai déjà mentionné Metamorphosis Alpha & Gamma World, les premiers jeux de rôle de SF (Metamorphosis Alpha est de 1976, Traveller n'apparaît qu'en 1977 et il va représenter un saut qualitatif sans précédent).

    Une des choses qui était le plus amusante dans les premiers jeux post-apo était la possibilité de jouer des Mutants (des humains mutants, mais aussi des animaux mutants comme dans Teenage Mutant Ninja Turtles ou des plantes intelligentes !). Plus tard, un jeu français Athanor (1989) a remplacé les radiations par un Virus de mutation et les dernières éditions de Gamma World propose plutôt des Nanomachines & Nanites, la magie qui a remplacé les radiations comme technobabble actuel.

    Puisque j'ai une édition de Metamorphosis Alpha (1976), revenons sur ce jeu, le père de la SF, créé par Jim Ward.



    D&D, sorti en 1974, avait déjà utilisé des références de SF. Empire of Petal Throne était un monde de science-fantasy et les reliques magiques étaient parfois des objets technologiques. La campagne de Blackmoor a une Vallée des Anciens où s'est écrasée un vaisseau spatial et Greyhawk aura de même le module S3 Expedition to Barrier Peaks (1980) qui entre aussi dans un vaisseau crashé.

    Metamorphosis Alpha adapte directement les ruines du Château Greyhawk dans l'espace (Jim Ward jouait le mage Drawmij dans la campagne de Gygax) : les douzaines de niveaux souterrains deviennent des niveaux dans un astronef.

    Les personnages vivent à bord du gigantesque vaisseau colonie Warden (80 kilomètres de long, prévu pour accueillir environ 1 500 000 colons, plus des robots). Le Vaisseau est parti en 2290 et le vol a été perturbé dans un accident par des radiations. Une partie importante du personnel mourut, les formes de vie connurent des mutations, la connaissance scientifique disparut et les habitants ignorent désormais même qu'ils sont dans un vaisseau. Le modèle est par exemple le roman Non-Stop (1958) de Brian Aldiss.

    • Création de personnage : on choisit si on est un Humain Pur, un Humanoïde Muté ou bien une Créature mutée (par exemple un Ours ou une Tortue).

      Il y a 6 caractéristiques (5 pour les non-Humains) tirées sur 3d6 : Résistance aux Radiations, Résistance mentale, Constitution, Force et Potentiel de commandement. Ce Potentiel de commandement n'appartient qu'aux Humains purs, les mutants reconnaissant spontanément que les Humains purs sont les vrais héritiers du personnel du Vaisseau ! La caractéristique est plus importante que le Charisme car elle permet aussi d'utiliser la technologie. Les Vrais Humains ont aussi un léger avantage au dégat sur certaines armes mais les Humains restent dans l'ensemble moins intéressants que les Mutants. Je ne sais pas pourquoi Radiation Resistance et Constitution doivent être différents. On remarquera qu'il n'y a pas d'Intelligence ni de score de Psi actif (qui ne s'obtient qu'avec une mutation). La race n'a aucune influence sur les caractéristiques - à part ensuite dans les Mutations.

      Les points de vie n'ont rien à voir avec ceux de D&D puisqu'on a un score égal à CONxd6 (l'addition d'un nombre de d6 qui est le score en Constitution). Un perso débutant d'OD&D avait 1d6 points de vie (ou 1d4/1d8 dans le supplément 1 Greyhawk). Un Humain normal de Metamorphosis Alpha avec 10 en Constitution a donc entre 10 et 60 points de vie, avec une forte tendance vers 30-40. Un personnage avec un 18 en Constitution peut donc avoir en moyenne 50-70 points de vie, ce qui le rendrait équivalent à un guerrier D&D du 10e niveau.

    • Puis commence la partie la plus amusante qui fait de Metamorphosis Alpha l'ancêtre de Villains & Vigilantes. Le Mutant a droit à 1d4 mutations mentales et 1d4 mutations physiques. Ces 40 pouvoirs physiques et mentaux sont incroyablement déséquilibrés et le joueur peut les choisir, pas les tirer.

      Un des pouvoirs ouvre une Porte dimensionnelle (utilisable une seule fois par semaine). Il y a un méta-pouvoir Dé-évolution qui permet au Mutant de retirer les mutations d'un autre mutant pour le faire revenir à l'état de ses ancêtres.

      Le tableau des Mutations comprend aussi mutations végétales mais il semble impliqué qu'elles ne sont que des PNJ inintelligents.

    • Combat : Le combat ressemble à D&D (classe d'armure décroissante, d20 pour toucher, dégat) mais au lieu d'opposer la Classe d'Armure au Niveau de l'Attaquant, on oppose la Classe d'Armure au Niveau de l'Arme. Un désintégrateur a donc plus de chance de pénétrer qu'un arc, quelle que soit l'expérience du tireur - on comprend alors pourquoi il n'y a ni Classe ni Niveau : le pillage de trésors technologique se substitue donc à toute progression.

      Les personnages ont beaucoup de points de vie (30-40) mais les dégats sont très proches de ceux de D&D, avec 1d4, 1d6 ou 1d12 (avec un bonus égal à Force - 14). Le désintégrateur seul atteint le score impressionnant de 20d6 (moyenne de 70 points de dégat).

    • Le reste du livre décrit quelques communautés et quelques niveaux du Warden, avec surtout des tables de rencontre aléatoire. Il n'y a pas vraiment de but en dehors de se balader dans ce vaisseau et de tuer des monstres. Le livre semble même encourager des conflits entre PJ : si un PJ mutant a le défaut Mutation effrayante, l'effet fonctionne aussi sur les autres PJ humains...

      Voir aussi cette page sur MA 1e édition, avec un errata.

  • Gamma World, sorti deux ans après, avec le même auteur Jim Ward, utilisait la Terre et non un Vaisseau spatial.


    Au XXIVe siècle, la Terre, qui a commencé à coloniser les étoiles (et a envoyé le Warden ?) était en guerre entre une faction voulant unifier le gouvernement mondial (Ligue des Hommes Libres) et les Autonomistes. Un groupe nommé simplement "Apocalypse" - qui prétendait agir pour mettre fin à la Guerre et dont on ignore les vraies intentions - fit alors détruire toutes les villes de la planète avec des bombes à neutron et la civilisation s'écroula.

    Plus d'un siècle s'est écoulé. Les villes n'existent plus qu'à l'état de ruines et il n'y a plus depuis les Années noires que de petites communautés. La technologie des "Anciens" a en grande partie disparu (il y a encore des robots et des traces d'anciens astroports).

    Les caractéristiques de Gamma World ont un peu changé celles de Metamorphosis Alpha : Force mentale (au lieu de Résistance mentale, pour être utilisée aussi de manière active), Force physique (au lieu de Force), Intelligence, Dextérité, Charisme (les mutants y ont droit aussi) et Constitution (Résistance aux Radiation n'est plus séparée).

    Gamma World garde le même système de combat, avec simplement plus de classes d'armement et un système plus uniformisé pour les combats physiques et mentaux (celui de Metamorphosis Alpha utilisait une table de résistance différente de la matrice de combat). Il y a cette fois des règles d'expérience : on gagne des points d'expérience et ainsi on peut gagner des bonus aux caractéristiques ou aux chances de toucher, mais il n'y a toujours pas de niveau ni de classes de personnage.

    Mais la différence principale est que les Mutations sont maintenant aléatoires et qu'on peut donc tirer des défauts (Hémophilie) ou bien des pouvoirs surpuissants (Manipulation temporelle).

    Un des aspects les plus intéressants de l'univers est les différentes factions et sociétés secrètes (appelées Alliances Cryptiques).

    La Confrérie de la Pensée étudie les pouvoirs mentaux et est ouverte à toutes les races. Les Guérisseurs de la Main Blanche s'occupent surtout de soigner les formes biologiques, pas les androïdes. Les Restorationnistes cherchent les reliques des Anciens pour faire revivre la technologie. Les Serviteurs de l'Oeil, Archivistes cherchent les reliques mais seulement pour les adorer. Les Chercheurs (Nouvelle Aurore) sont des écologistes qui veulent détruire toute trace de la technologie des Anciens. Les Adorateurs de la Voix (Programmeurs) adorent d'anciens ordinateurs. Les Chevaliers de la Pureté Génétique sont des Humains purs racistes anti-mutants. La Société de Fer sont des mutants qui éradiquent les Humains purs. Les Radioactivistes sont des mutants résistants qui adorent la "Gloire Divine Radiante". Les Créés sont des êtres artificiels qui veulent remplacer les formes biologiques. Les Zoopremacistes sont des animaux mutés spécistes. Les Cohortes Adaptées (Ranks of the Fit) sont une légion impérialiste d'un Ours mutant, qui dit s'appeler "Napoléon Ier", qui admire les anciens dictateurs comme Napoléon et Hitler. Les Entropistes de la Mort Rouge sont des nihilistes fous.

    Cet aspect rend Gamma World très moderne puisque la notion de faction ou groupe d'intérêt (voir les Splatbooks) a de plus en plus remplacé la notion de classe de personnage (on retrouve quasiment ces mêmes Sociétés dans le jeu Paranoia). Par ce biais, Gamma World a un vrai background par opposition à un jeu pseudo-générique comme D&D.

    Cependant, le gros défaut de ces deux jeux post-apo est que plus encore que les autres jeux de SF tout va être défini par l'Equipement, et tout devient donc une recherche de plus gros gadgets. Le personnage n'est plus réduit à une classe de personnage mais c'est en l'occurrence un défaut : il est plus identifié par ce qu'il a que par ce qu'il peut faire.

    La seconde édition de Gamma World (1983) corrige en partie ce problème en ajoutant des "Points de Statut social". Le but des personnages n'est plus seulement de survivre, il devient alors clairement de gagner du Statut à l'intérieur des villages et communautés qu'ils tentent de sauver - et ils gagnent du Statut (et ainsi du Charisme) en offrant les objets technologiques à la communauté au lieu de les garder (cependant ce Statut permet aussi de s'améliorer, ce qui revient donc à une hausse standard de points d'expérience).

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