Quantum denique ad parentes attinet,
ut omnia vera sint quae de illis unquam putavi,
non tamen profecto illi me conservant,
nec etiam ullo modo me, quatenus sum res cogitans, effecerunt;
sed tantùm dispositiones quasdam in eâ materiâ posuerunt,
cui me, hoc est mentem, quam solam nunc pro me accipio,
inesse judicavi. (Méditation III)
Une fibre qui ne m’a point été donnée, une fibre lâche
qu’on a beau pincer et qui ne vibre pas.
La molécule paternelle était dure et obtuse ;
et cette maudite molécule première
s’est assimilé tout le reste. Le Neveu de Rameau
ut omnia vera sint quae de illis unquam putavi,
non tamen profecto illi me conservant,
nec etiam ullo modo me, quatenus sum res cogitans, effecerunt;
sed tantùm dispositiones quasdam in eâ materiâ posuerunt,
cui me, hoc est mentem, quam solam nunc pro me accipio,
inesse judicavi. (Méditation III)
Une fibre qui ne m’a point été donnée, une fibre lâche
qu’on a beau pincer et qui ne vibre pas.
La molécule paternelle était dure et obtuse ;
et cette maudite molécule première
s’est assimilé tout le reste. Le Neveu de Rameau
Tout est travail d'édition et nous, ainsi que toutes nos croyances, ne sommes que ces erreurs typographiques. Ce que nous croyons si sacré, si sublime, si individuel, si autonome, repose sur ces fautes infinitésimales, ces coquilles, écarts de molécules et copies délavées et érodées de nos chaînes.
João était né dans l'Alentejo, dont le nom signifie "Au-delà du Tejo", au sud dont les habitudes populaires disent qu'ils sont renommés pour leur paresse. Il n'alla pas plus loin que l'Escola Secundária jésuite mais il avait un don pour les langues et avait appris le français avec les touristes avant même d'émigrer, peut-être autour du quartier du Temple romain, qu'on appelait un peu arbitrairement le Temple de Diane.
Sa mère avait quitté son père et il jouait à son tour à faire des fugues contre ce père et sa belle-mère. Il était né juste après la Seconde guerre mondiale et l'Estado Novo avait su rester bien plus neutre que l'Espagne, ce qui leur permit d'entrer dans l'Otan dès cette année, seule dictature autorisée dans les membres fondateurs.
Quand il avait à peine 11 ans commença la Guerra do Ultramar, la Guerre des Provinces d'Outremer, qui devait durer encore pendant treize ans en Angola, en Guinée, au Mozambique. Quand il eut 12 ans, l'Inde reprit le comptoir de Goa. Cette année-là, il y eut de grandes manifestations étudiantes à la Capitale qui furent violemment réprimées en mars.
L'année de ses 17 ans, il cessa définitivement ses études ratées en pension. La Guerre dévastait la Guiné et il savait que le vieux Presidente do Conselho de Ministros qui était au pouvoir depuis 45 ans l'enverrait bientôt faire un service de trois ans en Outremer, combattre le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde d'Amílcar Cabral ou le Frente de Libertação de Moçambique d'Eduardo Mondlane. Tout cela sonnait moins triomphant qu'une guerre punique.
João fit donc désertion de cette Seconde République pour en rejoindre une Cinquième au nord, un an avant que des manifestations étudiantes ne touchent un officier démocratiquement élu. Il changea son prénom, en partie parce qu'il pouvait le faire, ou bien parce qu'il aimait les allitérations. Il n'eut jamais vraiment le désir de rentrer dans son pays natal, malgré la Revolução dos Cravos quand il eut 25 ans. Il aimait dire que Paris était la seconde ville de son pays.
Il y repassa brièvement, y laissa même en vacances un fils âgé de trois ans, pour quelques semaines, peut-être dans l'espoir que ce choc linguistique profiterait à sa forme légère d'autisme. Cette thérapie innovatrice n'eut pas cet heureux succès mais ne sembla pas non plus entraîner de séquelles profondes.
Il croyait si fermement à son génie et à sa réussite matérielle qu'il s'effondra dès qu'il comprit qu'elle ne se matérialiserait jamais. Il se mit à boire de plus en plus, passait ses nuits dans les casinos à jouer et commença des crises d'épilepsie. Il tenta quelques empoisonnements aux barbituriques, vola un peu d'argent dans la caisse et s'enfuit du pays.
Pendant vingt ans, il erra en Europe et multipliait les boulots grâce à son don pour les langues. Mais le cancer le rattrapa, on lui retira la gorge et il mourut dès la cinquantaine atteinte juste avant le XXIe siècle. Il laissa plus d'effets indirects par l'existence d'enfants de divers lits que par quoi que ce soit d'autre.
João était né dans l'Alentejo, dont le nom signifie "Au-delà du Tejo", au sud dont les habitudes populaires disent qu'ils sont renommés pour leur paresse. Il n'alla pas plus loin que l'Escola Secundária jésuite mais il avait un don pour les langues et avait appris le français avec les touristes avant même d'émigrer, peut-être autour du quartier du Temple romain, qu'on appelait un peu arbitrairement le Temple de Diane.
Sa mère avait quitté son père et il jouait à son tour à faire des fugues contre ce père et sa belle-mère. Il était né juste après la Seconde guerre mondiale et l'Estado Novo avait su rester bien plus neutre que l'Espagne, ce qui leur permit d'entrer dans l'Otan dès cette année, seule dictature autorisée dans les membres fondateurs.
Quand il avait à peine 11 ans commença la Guerra do Ultramar, la Guerre des Provinces d'Outremer, qui devait durer encore pendant treize ans en Angola, en Guinée, au Mozambique. Quand il eut 12 ans, l'Inde reprit le comptoir de Goa. Cette année-là, il y eut de grandes manifestations étudiantes à la Capitale qui furent violemment réprimées en mars.
L'année de ses 17 ans, il cessa définitivement ses études ratées en pension. La Guerre dévastait la Guiné et il savait que le vieux Presidente do Conselho de Ministros qui était au pouvoir depuis 45 ans l'enverrait bientôt faire un service de trois ans en Outremer, combattre le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde d'Amílcar Cabral ou le Frente de Libertação de Moçambique d'Eduardo Mondlane. Tout cela sonnait moins triomphant qu'une guerre punique.
João fit donc désertion de cette Seconde République pour en rejoindre une Cinquième au nord, un an avant que des manifestations étudiantes ne touchent un officier démocratiquement élu. Il changea son prénom, en partie parce qu'il pouvait le faire, ou bien parce qu'il aimait les allitérations. Il n'eut jamais vraiment le désir de rentrer dans son pays natal, malgré la Revolução dos Cravos quand il eut 25 ans. Il aimait dire que Paris était la seconde ville de son pays.
Il y repassa brièvement, y laissa même en vacances un fils âgé de trois ans, pour quelques semaines, peut-être dans l'espoir que ce choc linguistique profiterait à sa forme légère d'autisme. Cette thérapie innovatrice n'eut pas cet heureux succès mais ne sembla pas non plus entraîner de séquelles profondes.
Il croyait si fermement à son génie et à sa réussite matérielle qu'il s'effondra dès qu'il comprit qu'elle ne se matérialiserait jamais. Il se mit à boire de plus en plus, passait ses nuits dans les casinos à jouer et commença des crises d'épilepsie. Il tenta quelques empoisonnements aux barbituriques, vola un peu d'argent dans la caisse et s'enfuit du pays.
Pendant vingt ans, il erra en Europe et multipliait les boulots grâce à son don pour les langues. Mais le cancer le rattrapa, on lui retira la gorge et il mourut dès la cinquantaine atteinte juste avant le XXIe siècle. Il laissa plus d'effets indirects par l'existence d'enfants de divers lits que par quoi que ce soit d'autre.
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