lundi 2 juin 2008

Review: A Jakállan Intrigue



Si vous prenez le temps de lire une note sur les jeux de rôle ou que vous arrivez sur cette note par un moteur de recherches, je n'ai même pas besoin de vous expliquer ce qu'est l'Empire du Trône des Pétales (version courte : l'un des plus fabuleux mondes fantastiques créé il y a 35 ans par M.A.R. Barker et l'une des preuves manifestes de l'injustice profonde du cosmos puisque ce second jeu de rôle n'eut jamais l'ombre du succès de D&D - et je ne parle même pas du plagiat qu'en a fait Raymond Feist).

Si Tékumel est un univers fabuleux, il faut reconnaître que les scénarios sont rares et ont souvent de qualité inégale. Le module Nightmare Maze of Jigrésh publié par Judges Guild en 1981 n'est qu'un donjon, et Barker a laissé l'impression que son univers si complexe, à l'anthropologie si détaillée, ne devait guère servir qu'à tuer des Ssú dans des tunnels souterrains.

C'est pourquoi A Jakállan Intrigue (1984) de Mark Pettigrew est une rareté si intéressante : un scénario pour Empire of Petal Throne qui n'est pas simplement du dungeoncrawling.

Mark F. Pettigrew avait 18 ans cette année et il venait de publier chez FGU son propre jeu de rôle, Flashing Blades (traduit en français en 1986 Les Trois Mousquetaires chez Hexagonal). Il était également un fan de Tékumel et ce scénario est un mélange de ses deux intérêts : une sorte d'intrigue inspirée de l'atmosphère Alexandre Dumas avec les étrangetés de l'univers de M.A.R. Barker, où il y a une licencieuse "Cardinale" de Dlamélish-Lady De Winter et de nombreux autres clins d'oeil de ce type (il sortit le scénario Parisian Adventures peu de temps après A Jakállan Intrigue).

Jakálla est une cité du sud de l'Empire tsolyani, l'ancienne capitale royale remplacée par la métropole de Béy Sü et la Cité Interdite d'Avánthar. Elle était décrite dans la première édition d'Empire of Petal Throne et doit donc être la première ville de jeu de rôle, bien avant la publication de Greyhawk et en même temps que City-State of the Invincible Overlord de Judges Guild. Il n'y a pas vraiment d'informations supplémentaires sur la ville et il faut donc déjà posséder la carte qui est dans le jeu de base. Jakálla est surtout connue comme la nécropole de la Reine Nayári aux Cuisses de Soie, légendaire tentatrice et destructrice, fondatrice du Premier Imperium bednálljan, qui a donné son image hédoniste et sybarite à la cité des milliers d'années avant.

Le scénario est très court, 24 pages très illustrées (13 splashs de dessins très réussis par Lynette Schmidt pour chacun des personnages principaux, et de plans). La structure est particulière. Au lieu de donner une histoire, Pettigrew fournit une vingtaine de Personnages Non-Joueurs, leurs relations, la table des rumeurs et la suite probable des événements qu'il faut ensuite adapter aux Personnages-Joueurs.

De manière très sagace, Pettigrew s'est dit qu'on ne mémoriserait pas les noms de tous les PNJ avec leurs noms exotiques tsolyani (il n'y a pas d'index) et il leur a donné à chacun un numéro en plus de son nom, et un surnom plus facile à retenir (par exemple la Tsémel Chaturghà hiVriyén peut être appelée PNJ #1 ou "la Dame Jade").

Je ne veux pas spoiler trop l'intrigue mais elle se situe avant la mort de l'Empereur Hirkáne (ce qui était le présent dans Empire of Petal Throne, avant la Guerre civile). Tout va tourner sur le PNJ #11, un Héritier de plus (encore !) et les plans pour l'éliminer entre le parti du Prince Eselné (Stabilité) et le parti du Prince Dhich'uné (Changement), et cela peut donc complètement changer le scénario selon la faction à laquelle se rattachent les personnages-joueurs.

J'aime bien l'accroche et on peut réussir à éviter trop de dirigisme, ce qui est assez original pour un scénario de 1984. En revanche, j'aurais préféré qu'on n'ait pas encore un Prince Héritier de plus pour ne pas réduire toutes les intrigues politiques à ces questions de succession impériale. Il y en a déjà beaucoup si on compte tous les officiels, plus Táksuru, adorateur du dieu Ksárul comme le Prince Mridóbu. Mais il est vrai qu'il y eut de nombreux Princes Héritiers qui renoncèrent au Trône (voir une liste partielle dans le supplément Mitlanyál, vol. 2 p. 9)

Cela rend le scénario très difficile à adapter pour la période post-Guerre civile qu'a choisie la nouvelle édition du jeu Tékumel - il est vrai que je doute qu'on ait envie de jouer après cette époque si propre à une campagne.

Cela dit, les PNJ peuvent facilement être repris et rendent très bien l'ambiance des romans de Barker. C'est un des aspects de ce jeu si exotique : on apprécie même des scénarios imparfaits par les informations qu'ils permettent de mieux digérer.

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