lundi 7 février 2011

[JDR] Arneson : First Fantasy Campaign & Adventures in Fantasy

Le co-créateur de D&D Dave Arneson quitta la jeune compagnie TSR en 1976 après s'être brouillé avec Gygax et les premiers fondateurs.

A cette date, la compagnie Judge Guild lui permet de publier First Fantasy Campaign, ses notes sur Blackmoor (cela explique comment Blackmoor va se retrouver ainsi au nord-est du monde des Wilderlands). Ce recueil prouve à nouveau à quel point Arneson était bien moins ordonné encore que Gygax. Il n'y a pour ainsi dire aucune progression systématique dans toutes ces notes qui sont des pages de statistiques des armées de Blackmoor au fil des années de campagne, des notes sur l'exploration, des descriptions de PJ et PNJ, la ville de Blackmoor elle-même avec des plans du Donjon (qui est grand mais n'a rien de très excitant dans son côté très générique et ses salles vides : Gygax n'a jamais publié son grand projet de Château Greyhawk peut-être pour éviter ce côté si morne de la version de Blackmoor).

Mais on voit quand même qu'Arneson a parfois des idées de Maître du Donjon assez brillantes. Par exemple, une des règles est qu'on ne gagne aucun point d'expérience tant qu'on n'a pas dépensé une somme proportionnelle aux points d'expérience dans ses Intérêts et qu'on n'a pas acquis les biens achetés. Il dit même que dans certains cas, cela pouvait donner une aventure en soi rien que pour aller faire des emplettes et les rapporter. Ainsi on résout certains problèmes. Les personnages ne peuvent plus accumuler autant d'or puisque ils doivent en dépenser une grande partie entre les aventures. Les magiciens peuvent mieux justifier leur progression en expertise, comme l'or dépensé est censé être en livres. AD&D avait aussi une règle qu'un PJ devait payer pour avoir le droit de changer le niveau mais il était très rare que les joueurs connaissent cette règle.

Chaque joueur devait chercher un Intérêt pour ses dépenses : Alcools, des Femmes, Chansons, Argent-pour-l'argent (accumulation avare, mais alors le PJ perd ses niveaux si l'or est volé), Renommée, Religion et Hobbies divers (dont la Recherche magique, créer de nouvelles races ou bien de nouveaux objets magiques). Gygax, malgré la Table des prostituées du DMG, n'ira pas vraiment dans ces directions.

Une idée originale est que le Maître du Donjon tirait un Oracle "bohémien" pour chaque année et que cela fixait des événements aléatoires comme des invasions d'Orcs ou de Vikings sur Blackmoor. Arneson énumère des interprétations et des exemples de ses tables. Je me demande si cela a inspiré Curse of the Crimson Throne, la campagne Pathfinder où on tire une carte de "Harrow" (Tourment) à chaque partie pour "colorer" la séance.

Arneson n'a pas peur de procès de Tolkien comme les clans des Orcs de Blackmoor comprennent quatre groupe : les "Isengardiens", les Orcs de la Main Blanche, les Orcs de l'Oeil rouge et les Orcs des Montagnes.

L'un des joueurs d'Arneson, Richard Snider, fournit à la fin de FFC des notes sur la forêt de Bleakwood. C'est avec lui qu'Arneson publie ensuite en 1979 son propre jeu de rôle, Adventures in Fantasy. Après la publication d'AD&D (où Gygax ne verse plus de royalties à Arneson), c'est donc la réponse d'Arneson vers ce que serait devenu OD&D s'il en avait eu la garde.

Le bilan d'Adventures in Fantasy est contrasté. Malgré l'aide de Richard Snider (qui écrira ensuite en 1983 le lourd mais très systématique Powers & Perils), c'est toujours très chaotique et incomplet (même si Arneson se vante au début d'avoir écrit un jeu dont les extensions sont déjà prévues par avance, contrairement à d'autres). Il serait difficile d'y voir autre chose que des notes lacunaires sur OD&D (avec peut-être une influence plus récente de C&S et de Runequest ?), et pas vraiment un jeu de rôle complètement achevé. Le jeu se veut plus médiéval européen, un peu moins "High Fantasy" qu'AD&D (même s'il y a aussi des monstres du monde entier). Par exemple, les Elfes sont censés être rarissimes et vivre dans un Autre Monde en Féérie, pas trop se mélanger avec les domaines des mortels. Le jeu est encore plus humanocentrique que D&D (alors qu'on dit souvent que c'est Arneson qui avait plus apporté les influences tolkieniennes).

Le système est lourd, fait d'exceptions, de listes de bonus et malus de circonstances ad hoc comme les premiers wargames avec figurines. On a les caractéristiques habituelles de D&D mais avec une division Constitution (Endurance, Fatigue) et Santé, et plus de distinction Intelligence/Sagesse (comme les Mages et les Prêtres sont identiques en termes de jeu). Les 6 caractéristiques se tirent avec un d100 (comme Empire of the Petal Throne), plus le Rang social sur une table (par exemple Rang 1 Serf ; Rang 10 Chevalier ; 50 Duc ; 60 Roi). Puis le personnage peut acquérir des compétences, en nombre assez limité, qui demandent du temps pour les apprendre (Alphabétisation, Langues, Equitation, Forge, Armurerie, Génie de sapeur, Navigateur, Elevage, Forestier, Artisanat), plus la spécialisation dans chaque arme. Un aventurier par défaut est un mercenaire militaire.

Les règles de combat (I, p. 47-53) sont rapidement expliquées mais quand même assez lourdes, avec assez peu de différenciation. La chance de base de toucher dépend surtout de la différence générale de gabarit (ce qui fait que deux humanoïdes ont toujours 40% de base) + la différence entre les deux scores de DEXtérité divisé par 4 (avec un maximum +10) + la différence en Niveaux. Donc un Chevalier de 10e niveau avec un 95 en Dex contre un Guerrier du 1er niveau avec un 10 en Dex n'a que 59% de toucher. Les dégâts sont considérés comme étant toujours 1d6 (comme dans OD&D avant le supplément I) sauf si on utilise un bonus de Force et une table de réussite critique (appelée "localisation" mais elle ne précise pas du tout les localisations en réalité et que le gabarit général n'en tient pas compte de manière très adapté). Les armures ont une probabilité de baisser les dégâts (divisé par deux pour la cotte de maille, par 3 pour l'armure de plate) et ne baissent pas la chance d'être touché (ce qui est donc plus proche de Runequest que de D&D).

Le système de progression de l'Expérience et de la Réputation est expliqué mais je n'ai pas vu clairement en quoi consistaient les Niveaux puisque le livre a oublié de faire un tableau ou même de distinguer des Classes de personnage.

Il n'y a pas vraiment de "monde" mais les auteurs ont fourni clef en main un petit "Bac à sable", le Fief de Bleakwood (comme dans la First Fantasy Campaign), avec peu de détails (en gros une tour d'un magicien et une tanière d'un Dragon). L'idée intéressante est d'avoir développé le Bac à sable comme un exemple de tous les problèmes d'une campagne (notamment les règles pour s'approvisionner en extérieur, avec des tables de rencontres). Il y a un calendrier original complet (avec des noms qui semblent parfois inspirés du zoroastrisme persan mélangé avec diverses races et même un jour pour le dieu égyptien "Tehuti").


Le Sanctuaire de Saint Cuth doit être un reliquat de Saint Cuthbert, qui est devenu un des cultes principaux d'aventuriers de Greyhawk.

C'est dans le livre 2, Book of Faerry and Magic, qu'on découvre vraiment les races inhumaines, les Faeries qui regroupent aussi les Hauts Faerries (un peu comme les Eladrin de D&D4 ou les Sidhes de P&P), les Elfes, les Nains, les Gobelins et les Trolls. Ces races féériques craignent toutes la lumière du soleil et le Fer (même les Nains).

La Magie utilise des Points de magie à la place du système vancien de D&D. Il y a une magie de base qui ressemble à celle de D&D si ce n'est que les sorts dépendent plus des Alignements (cela évoquerait donc plus la magie cléricale). Il faut ajouter de petits sortilèges spéciaux appelés les Chants et les Runes, qui sont la spécialité des races féériques. Les Elfes peuvent par exemple Chanter divers sorts rapides, plus souples que la sorcellerie des Humains, et les Nains peuvent se servir de Runes pour améliorer leurs armes (mais les bonus ne sont pas énormes, du genre +5%). La différenciation des types de magie est une bonne idée pour l'atmosphère (même si C&S faisait cela bien mieux).

Le livre 3 sur les créatures et les trésors a une longue section originale sur les Dragons (voir DragonsFoot) où on tire leur apparence. Ils sont bien plus individualisés et terribles que ceux de D&D. On doit même tirer s'ils ont des ailes et quels sont leurs intérêts (Livres, Sexe...), leur degré de Cupidité. Ils crachent tous du feu en cone, quelle que soit leur couleur, mais certains peuvent une tête de chameau, des pattes palmées ou des cornes de bélier. Ce côté plus "chimérique" et singulier du Dragon me paraît la meilleure idée à voler à Adventures in Fantasy.

Dans les monstres, l'Anakim (grand incube lubrique) a peut-être inspiré le Jeu-qui-ne-doit-pas-être-nommé. Parmi les trésors, certaines épées magiques semblent parfois surpuissantes (comme l'Epée de Résurrection des Morts, une Résurrection par jour !).

Je ne me vois pas jouer à AiF, mais il peut donner des idées, plutôt pour un jeu comme C&S ou Ars Magica qui se voudrait plus "pseudo-médiéval".

1 commentaire:

Fencig a dit…

Merci pour cette présentation détaillée.