mercredi 9 juillet 2025

Bûcherons & Loups-garous

Alexandre Poitras, Bûcherons et Loups-garous 376 pages, Posidonia, avril 2023

L'auteur dit qu'à l'origine, le jeu avait commencé comme un cadre nouveau (le folklore de la Nouvelle-France du XVIIe-XVIIIe) pour un jeu médiéval fantastique bien connu avant de devenir son propre jeu assez différent (même si on reconnaît quelques traces lointaines de cette origine D&D dans ses Curés qui ressemblent à des Clercs). 

Une originalité de la présentation est d'avoir une sorte de chapitre 0 (p. 13-35) de conseils au maître de jeu au lieu de le mettre à la fin. L'histoire de la Nouvelle France mentionne en plus de compagnies commerciales comme Les Cent-Associés (dissoute en 1663 et remplacée ensuite par le Conseil souverain) une fictive Compagnie Secrète qui serait faite de sorciers et/ou de fées. 

Les divers ordres religieux catholiques de moines ou de bonnes soeurs (p. 21) ont des pouvoirs réels de miracles pour lutter contre le "Yâbe" (une des prononciations québecoises du Diable). Par exemple, les Ursulines de Marie de l'Incarnation (1599-1672) puis Mère Anne de Sainte-Agnès (1644-1711), actives à Québec dès les années 1640, y sont des guerrières (pourtant cloîtrées) en lutte contre les démons. Les Soeurs "grises" de la Charité s'occupent de l'Hôpital de Montréal mais seulement à partir des années 1740. 

Les Contes québecois sont surtout catholiques et liés au Diable. On devient un "loup-garou" par malédiction du Yâbe quand on a péché (par exemple, en n'allant pas à la messe ou en ne fêtant pas Pâque) ou quand on a directement vendu son âme au Malin. Le Yâbe envoie alors ses Chiens Noirs enlever l'âme du pécheur. Le célèbre conte de la Chasse-Galerie (p. 167) a plusieurs variantes avec des fins différentes mais ce sont des chasseurs qui voyagent sur un canoë d'écorce volant du Yâbe pour rentrer chez eux plus vite et qui vont y perdre leur âme ou rejoindre une Chasse Infernale. 

Mais il y a aussi une influence des Amérindiens ou "Autochtones", qui croient aussi à divers êtres-animaux (p. 28-30). Ils sont divisés en trois groupes : les Inuits au nord, les Algonquins (Anishinaabeg, qui forment la majorité des tribus alliées des Français autour des Grands Lacs) et les tribus de langue iroquoise (les Hurons/Wendat alliés des Français et plus au sud la Confédération Iroquoise en guerre contre les Hurons jusqu'à la Paix de 1701 et donc plutôt alliés des Anglais au début). Les Algonquins (Abénaquis, Cris / Christenaux, Malécites & Passamoquodys, Micmacs, Montagnais-Innus, Ojibwés, Outaouais, sont plutôt des Nomades (sauf les Abenaquis et Passamoquodys) et les Iroquois tous des Sédentaires. Certains peuples ont complètement disparu, sans doute à cause des épidémies, comme les nations iroquois du Saint-Laurent (disparues dès le XVIe) ou certaines tribus des Outaouais. 


 

Le shaman métis iroquois Jean-Pierre Lavalée (p. 31) est un des plus grands magiciens. Il protège la Nouvelle-France contre les Britanniques et c'est lui qui invoqua une tempête qui détruisit la flotte anglaise sur le Saint-Laurent en 1711. Du coup, le début des années 1700 est un bon cadre si on veut pouvoir rencontrer le Merlin des Iroquois après la Grande Paix de Montréal. Une légende dit que Lavalée aurait prophétisé la sécurité de la colonie pour quatre décennies jusqu'à la fin des années 1750... 

Gouverneurs généraux (appelés par les Algonquins l'Onontio, la "Grande Montagne") : Louis de Frontenac (1672-1682 puis 1688-1698), Louis-Hector de Callière (1698-1703) et ensuite Philippe de Vaudreuil (1703-1725).  

Chapitre I Règles de jeu (p. 36-60)

7 caractéristiques sur 10 : Adresse, Esprit, Force, Influence, Instinct (comprend la Perception), Magie, Pureté (la force de la Volonté pour résister aux Tentations du "Yâbe"). On commence avec 05 dans toutes les caractéristiques, modifiées à la création. Le PJ a en plus Points de vie, Points d'énergie et Points de bravoure. On tire 1d10 et on doit faire moins que sa caractéristique + bonus (un 01 est une réussite critique, un 10 est un échec critique). Il y a 13 grandes compétences générales. 

Le système a précisé plusieurs "conditions" et notamment des règles sur la folie (voir aussi les divers effets possibles de la peur et des traumatismes p. 199-202).  

Chapitre II Les personnages (p. 61-177)

Il y a 17 "classes" qui donnent des compétences et un +1 à une caractéristique (le joueur peut choisir un autre +1 à condition de baisser une autre caractéristique de -1) : Bonne sœur, Bûcheron, Chamane, ChasseurConteurCoureur des bois (trappeur qui cherche des peaux)CuréGuerrier, Habitant (= Colon), Magicien (pas nécessairement diabolique)NobleNomadePatenteux (= Inventeur)Ramancheur (= Guérisseur), SoldatSorcier (diabolique), Violoneux (peut enchanter et accélérer les autres par son violon). On tire sur 1d10 divers traits particuliers à cette classe. Les classes des autochtones sont notamment les Chamanes, les Guerriers et les Nomades. 

Le rang dans une caractéristique permet d'obtenir des Traits (des talents ou superpouvoirs, comme les "feats"). On remarque par exemple que le trait "Sang de Sasquatch" (p. 99) permet de jouer un Wolverine avec pouvoir de régénération. Comme fan d'Alpha Flight, je soupçonne même qu'on pourrait facilement y jouer plusieurs membres de l'équipe au XVIIe-XVIIIe. 


 

C'est ce chapitre qui a aussi l'équipement et les objets magiques ou les saintes reliques.  

Chapitre III Histoires en Nouvelle-France (p. 178-226)

Après des règles diverses sur la nature et le surnaturel, le livre donne de nombreux conseils pour mener des scénarios, avec des éléments de légendes que les Québecois doivent bien connaître. Je ne connaissais pas du tout cette légende du Royaume de Saguenay (ou Sagnay), un pays de cocagne utopique pleins de Cité d'Or que les premiers colons cherchaient en vain en suivant des récits de Hurons. 

Les règles ont des tableaux aléatoires pour créer des scénarios, ce qui devrait permettre un jeu en bac-à-sable assez facilement.  

Chapitre IV Bestiaire du Nouveau Monde (p. 227-332)

Le guide comprend des animaux réels comme le carcajou, des créatures surnaturelles des légendes autochtones (le Wendigo algonquin), du folklore français (lutins), du christianisme (démons) et du folklore québecois (comme le Bonhomme Sept Heures, la Dame aux Glaïeuls). La lycanthropie qui donne son nom au jeu est aussi appelée "courir la galipote". 

Scénarios : "Les Castors blancs" (p. 333-356 - aussi disponible gratuitement sur le site) 

Le jeu est très riche en atmosphère, notamment dans les règles de magie qui n'ont rien de générique. Dans quel autre jeu un rituel peut invoquer des Castors pour vous construire une hutte ? C'est assez curieux à quel point c'est dépaysant pour un Français, à la fois familier et d'une inquiétante étrangeté. Mais l'ambiance recherchée est plus celle des Contes du folklore qu'une simulation "historique" (ce qui explique peut-être pourquoi les cartes sont peu détaillées). 


Chevalier Hubert de la Pâte Feuiletée, Noble typique

Aucun commentaire: