If you prick us, do we not bleed?
if you tickle us, do we not laugh?
if you poison us, do we not die?
and if you wrong us, shall we not
revenge?
Je serai rapide sur mon avis subjectif sur le film Superman (qui devait originellement s'appeler Superman: Legacy ou Superman: Gods & Monsters) parce que :
(1) je suis très fan de superhéros en comics (le medium auquel ils sont adaptés) mais pas tellement des superhéros au cinéma et je vais en voir assez peu,
(2) je suis très biaisé comme j'ai détesté le Man of Steel (2013) de Zack Snyder avec l'intensité d'une supernova (non, c'est faux, j'aimais bien l'acteur, la scène du premier vol ou le fait que Lois Lane devine l'identité de Clark immédiatement... mais à part ça... et certes le scénario fait de Superman un tueur mais sans trop lui laisser le choix comme c'est pour sauver des innocents).
Le simple fait que le Superman de James Gunn en 2025 se positionne très explicitement comme une inversion totale du précédent (que ce soit par ses thèmes ou son traitement de la "saturation" des couleurs) me fait peut-être un peu négliger certains de ses défauts. Si j'y connaissais quelque chose en cinéma (ce qui n'est pas le cas), je ne parlerais pas des thèmes mais de son esthétique de la "courte focale" de la caméra Leica Tri-Elmar (que je n'apprécie d'ailleurs pas tellement mais voir François Theurel sur ce sujet formel).
Alors que Man of Steel voulait rendre Superman plus sombre, plus "sérieux" ou émo, le nouveau film s'adresse à nouveau aux enfants avec plus de légèreté Silver Age (même si le fait que le milliardaire de la tech déporte des gens dans des camps de concentration secrets, s'allie à un dictateur slave pour faire des opérations immobilières dans les annexions de territoires et attise la xénophobie n'est pas particulièrement léger ou indépendant de tout contexte politique).
Les personnages de la fiction populaire ont traversé plusieurs grandes phases ou "tropes" : le Héros (avec certes son hubris), la Victime, le Vengeur ambigu et le Méchant en rédemption. Le film n'utilise certes pas ce dernier trope mais reste dépendant de notre goût cathartique sur la compassion pour l'Agneau Sacrificiel plus que l'admiration pour le sublime du Héros. On insiste (à mes yeux) un peu trop sur la vulnérabilité du personnage pour rejeter son apparente inhumanité, pour créer de l'empathie alors que je préfèrerais qu'il soit plus un symbole de sérénité qu'un martyr sanglant, plus un bodhisattva souriant qu'un Christ sur la croix. Mais je préfère encore le martyr à l'assassin batmanifié qui veut venger la mort de son père de la version Snyder.
Hollywood a industrialisé le Ressentiment et notre Übermensch christiano-kryptonien Superman est censé être au-delà du Ressentiment, il pardonne, il voit le bien potentiel en tous, même chez les agents de Luthor qui veulent le tuer. L'hypocrisie du film est qu'on affirme cette innocence mais qu'on met d'autres personnages plus "réactifs" (Hawkwoman et le chien Krypto) pour satisfaire le désir primaire de châtiment des spectateurs contre les vilains. C'est un peu faux-jeton : on fait l'éloge de la gentillesse de Superman qui croit à la rédemption de tous mais en même temps, on remet encore en avant d'autres personnages qui sont plus issus des valeurs inverses et qui trouvent Superman naïf et coupé du monde.
Cette contradiction risque de continuer comme Superman restera une exception par rapport aux autres films du nouveau DC Universe cinéma fondé sur des personnages plus violents comme les membres de Suicide Squad ou Peacemaker. Le nouveau DCU est un reboot du DCEU (DC Expanded Universe) mais garde quelques intersections (qui n'intéresseront que des übernerds fans de cosmologie comme moi). Alex Nikolavitch fait remarquer avec raison que ces contradictions sont propres aux reboots des comics qui ne sont jamais des tabulae rasae.
Je ne parlerais pas non plus de politique comme ce n'est pas l'enjeu principal d'un film pour enfants sur un extraterrestre qui vole et lance des radiations par les yeux. Cependant, sans demander que le film soit subtile en géopolitique, on pourrait quand même attendre autre chose que cette division figée de Victimes Impuissantes à sauver (un Tiers-Monde qui ne peut se défendre) et des Tortionnaires complets (des dictatures soutenues par le complexe militaro-industriel). Je passe par la bizarrerie géographique où la Boravie (créée dès Superman n°2 en septembre 1939) semble être slave mais toucher le Jarhanpur qui semble plus indien.
Je suis reconnaissant à James Gunn d'avoir eu l'intelligence de voir (quels que soient ses propres goûts) que Superman ne devait pas être confondu avec ses caricatures Omni-Man / Homelander ou avec sa propre parodie en film d'horreur (enfin, celle par son frère) dans Brightburn. Mais on garde depuis en gros le reboot de John Byrne des années 1980 l'idée que Kal-El est bon mais que Krypton (voire ce pauvre Jor-El) était fondamentalement mauvais, déshumanisé ou impérialiste.
Quentin Tarantino a analysé le mythe de Superman comme une critique de l'humanité depuis son extérieur, depuis le Surhomme (dans Kill Bill 2 : Kal-El créerait le personnage de "Clark Kent" par condescendance envers nous, même s'il veut nous "protéger") mais bien sûr, cet argument de "Bill" ne tient pas : Clark Kent est humble parce que Percy Blakeney (le Scarlet Pimpernel) ou Diego de la Vega (Zorro) jouent à prétendre la faiblesse, pas parce que Kal-El nous regarde comme des "singes primitifs". Tout le message "existentialiste" du film est que Clark n'est pas défini par une essence mais par un choix : il adopte son identité, celle d'un humanisme représenté par les Parents Adoptifs contre son "identité" culturelle impérialiste. Le sous-titre de "Legacy" disait bien que le thème de ce film est savoir ce qu'on devrait faire de son héritage, de ce qui nous a été donné, au lieu de partir avec mauvaise foi d'un message figé.
La vieille plaisanterie sur Superman était : ce qui est fantastique n'est pas qu'il soit omnipotent mais qu'il ne soit pas corrompu par son omnipotence. Et ici, la solution est simple : il échappe à la corruption parce qu'il garde des attaches humaines.
Mais peu importent mes préférences, parlons d'évaluations plus objectives : le Box Office.
Nous n'avons pas les mêmes valeurs
D'après cette liste sur SensCritique, voici le boxoffice mondial (non-réactualisé en dollars constants) des différents films sur Superman :
1. Batman v. Superman (2016) 873,260,194 $ (budget 250 millions)
2. Man of Steel (2013) 668,045,518 $ (budget 225 millions)
3. Superman Returns (2006) 391,081,192 $ (budget 270 millions)
4. Superman (1978) 300,218,018 $ (budget 55 millions)
5. Superman II (1980) 108,185,706 $ (d'autres sources donnent le double)
6. Superman III (1983) 59,950,623 $
7. Superman IV (1987) 15,681,020 $
8. Supergirl (1984) 14,296,438 $
Le Superman sorti depuis le 11 juillet dernier vient de dépasser après 3 semaines 500 millions de revenus (290 aux USA et 210 à l'étranger, le budget est de 225 millions, comme Man of Steel). Il peut donc dépasser Man of Steel mais cela semble à peu près au même niveau et bien loin des plus gros succès de Marvel comme les Avengers qui dépassaient les deux milliards de dollars.
A mes yeux, Superman II reste toujours le meilleur film de Superman peut-être parce que le Superman de 2025 est un peu fouillis. Je n'ai jamais vu Superman Returns mais je crois que c'était un sequel un peu inutile des films de Richard Donner.
Mais si on tient compte de l'inflation, les 300 millions de dollars du Superman originel (1978) sont l'équivalent de 1,5 milliards de dollars d'aujourd'hui (et son budget de 55 millions revient à 271 millions aujourd'hui). Cela en ferait donc toujours le plus gros succès de DC de toute son histoire (devant le surprenant Aquaman de 2018 avec 1 milliards de revenu, dont 70% hors des USA).

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