Les enfants de Gygax annoncent qu'ils quittent la revue baptisée Gygax (et celle-ci annonce son arrêt) parce que leur belle-mère, la seconde épouse de Gygax, ne veut pas qu'ils utilisent leur nom de famille. La petite histoire dit qu'elle avait négocié un accord à condition qu'ils ne la critiquent pas et qu'ils ont refusé.
On accuse souvent John Wick (un des créateurs de Legends of the Five Rings) d'attaquer inutilement Gygax (quand il disait que D&D n'était même pas encore un jeu de rôle car il ne récompensait pas une stratégie sub-optimale au nom du rôle) mais en l'occurrence, sur le S1 Tomb of Horrors, je trouve qu'il a raison : c'était sans intérêt, une des tendances les plus agaçantes du vieux AD&D. A la rigueur, on peut dire que c'est un exercice de réduction par l'absurde contre l'idée même d'antagonisme entre le narrateur et les joueurs dans certaines interprétations du "Ludisme", mais ceux qui défendent le module S1 comme un défi pour Grosbills négligent que cela ne fait que renforcer une course aux armements dans cet antagonisme pervers.
Jon Peterson, l'historien du jeu de rôle et auteur du livre déjà classique sur les origines de D&D, Playing the World, a découvert qu'un certain Leonard Patt avait créé sur deux pages des règles de wargame fantastique en 1970 qui contenait déjà certaines des idées qu'on retrouvera telles quelles dans les règles fantastiques de Chainmail de Jeff Perren et Gary Gygax en 1971 et dans D&D en 1974, y compris le mécanisme de jet de sauvegarde, la description du Souffle conique du Dragon et le fameux sortilège de Boule de Feu explosive ainsi décrit par Patt :
Wizards in possession of magic powers can cast a fire ball once very other turn. The distance is 24" and the hit is determined by a 6" grid with a 24" burst circle. Any figure under the burst are killed except HEROES or ANTI-HEROES who are saved by a throw of a 5 or a 6. A dragon hit by a fire ball is driven away and will not attack the wizard's side for one turn.
Et voilà la formulation de la Fire Ball dans Chainmail (je n'ai que la 3e édition p. 31) :
A Wizard can throw either of two types of missile (select which before
play begins). A fire ball, equal in hit area to the large catapult hit area, or
a lightning bolt, 3/4" wide by 6" long, with an attack value equal to a heavy
field gun, are the two missile types employed. These missiles will destroy any
men or creatures which are struck by them, with certain exceptions noted below.
Both types of missiles can be thrown up to 24", direct or indirect fire, with
range being called before the hit pattern is placed. The center of the fire ball is
placed down at the number of inches called. The head of the lightning bolt is
placed at the number of inches called, so that its body extends 6" behind it in a
straight line from the Wizard who threw it.
Et dans
OD&D, Men & Magic p. 25 :
Fire Ball: A missile which springs from the finger of the Magic-User. It explodes
with a burst radius of 2" (slightly larger than specified in CHAINMAIL). In a confined
space the Fire Ball will generally conform to the shape of the space (elongate
or whatever). The damage caused by the missile will be in proportion to the
level of its user. A 6th level Magic-User throws a 6-die missile, a 7th a 7-die missile,
and so on. (Note that Fire Balls from Scrolls (see Volume II) and Wand are 6-die
missiles and those from Staves are 8-die missiles. Duration: 1 turn. Range: 24"
Ceux qui disent que le fait de lancer du feu est générique ne voit pas les analogies dans la formulation (notamment cette idée de zone d'effet quand elle éclate). Il y a une "sensibilité au sentier" où ces deux petites pages de Patt ont clairement influencé ce sortilège si caractéristique.
Certains des premiers fans de D&D se sont parfois plaints que leurs idées aient été absorbées dans les règles sans qu'ils en soient nécessairement remerciés, Gygax ayant l'habitude de synthétiser toutes les règles qu'il lisait, ce qui explique d'ailleurs parfois le manque de cohérence systématique. Un cas que raconte Jon Peterson (plus en détails dans Playing the World, p. 470, 510, mais sans la copie du texte) est celui de Gary Switzer. Switzer (mort en 2006), qui travaillait dans une boutique appelée Aero Hobbies, à Santa Monica (elle existe toujours 40 ans après !), voulait ajouter une nouvelle Classe de personnage (créée par son groupe, notamment un certain Daniel Wagner, à l'origine pour un PNJ nain), celle du Voleur et il appela Gary Gygax pour en parler sans doute dès la sortie de la première édition. Dans le fanzine Great Plains Game Players Newsletter #9 (Dakota du Sud, mai-juin 1974, vendu à la GenCon VII en même temps que la première édition de D&D), Gygax décrivit sa première version de la Classe du Voleur, qui s'inspirait du Cugel de Vance et sa version était assez différente : les Compétences étaient toutes là dès le départ et montaient alors que dans la version AeroHobbies, les Compétences étaient plutôt encore comme des Sortilèges discrets (Crocheter serrure, etc) qu'on obtenait à chaque niveau (c'est aussi cette variante originelle qu'utilise Kenneth Dahl dans son groupe de CalTech pour le supplément Warlock). Gygax dit en avoir discuté avec un certain "Gary Schweitzer" de Californie par téléphone mais cette mention n'apparaîtra plus dans la version finale dans le premier supplément Greyhawk (printemps 1975). Un an après, au printemps 1976, le groupe Aero Hobbies (avec Hugh K. Singh,
D. Daniel Wagner, Larry E. Stehle (et la mention de Gary Switzer dans le second tirage) publièrent (sans jamais citer le copyright du jeu anonyme pour lequel il donnait cette extension) leur propre version de variantes de D&D, The Manual of Aurania, qui apportait de nouvelles classes comme le Beorning (Ours-Garou neutre de Tolkien), le Sidhe, le Lepreachan, les Basadae , le Shapeshifter ou le Samurai, un système de réussite critique (avec localisation des coups) et d'échec critique (appelés "trip", Playing the World p. 558-559). La préface se plaignait que certaines de leurs inventions aient été reprises mais ils ne précisent pas lesquelles.
1 commentaire:
The Aurania Group fait d'ailleurs l'objet d'une "monographie" dans le bouquin de Shannon Appelcline "Designers & Dragons – The Platinum Appendix", où cette histoire de classe de voleur "volée" est racontée.
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