Le fait que les jeux de rôle puissent être "sans fin" ou "sans condition de victoire" est à la fois une potentialité merveilleuse de l'Infini (et c'est un des aspects sublimes propres à ce type de jeu) et un défaut d'inachèvement ou d'insatisfaction permanente qui rend le jeu dévorant ou obsédant.
Certes, la plupart des jeux de rôle ont des fins de campagne possible et donc une "victoire". La première édition de D&D présupposait sans doute que le personnage prendrait un jour sa retraite à "haut niveau" (c'est-à-dire le 10e à l'origine), comme un vieux Roi Conan d'Aquilonie, un peu désabusé sur son trône serti de joyaux. Le destin du PJ était de finir en PNJ pour d'autres campagnes futures où vos nouveaux PJ pouvaient croiser leurs incarnations passées.
Mais certaines éditions de D&D (comme la boite Immortals après le 36e Niveau) ouvraient au contraire le but infini de devenir un dieu. Les PJ devenus Immortels commençaient à nouveau comme des Immortels débutants et tout recommençait. Ils devaient alors suivre une nouvelle progression interne aux Immortels depuis "Initiés" jusqu'à Temporels / Célestes / Empyréels / Eternels et enfin Hiérarques à l'intérieur d'une des cinq sphères (Matière, Energie, Temps, Pensée et Entropie. Je présume que dans la réalité aucun joueur au monde n'a jamais accompli réellement cette progression sans sauter des étapes.
Les premiers jeux de rôle pensaient plutôt à des fictions de feuilletons sans fin mais ce n'est qu'ensuite qu'on a pensé à reprendre des structures de récit plus traditionnel avec un vrai "arc narratif", un début et un dénouement, un épilogue qui donnerait une impression d'accomplissement.
Pendragon trouvait sa réalisation dans la procréation dans la dynastie : c'est le successeur qui marquait le succès. Mais c'était donc le début d'un nouveau PJ.
L'Ultime Epreuve (1983), le premier jeu de rôle français, avait une fin annoncée : les PJ vivaient leur aventure pour pouvoir affronter ensuite le Portail et rejoindre les dieux de l'Equilibre dans leur lutte contre les dieux de l'Entropie. Mais le jeu n'avait pas vraiment réfléchi à ce dénouement et je crains que beaucoup de joueurs devaient presque s'en désintéresser comme si c'était plus un décès qu'un triomphe.
Fiasco (2009), jeu sans MJ, est aussi clairement centré sur une fin de jeu puisqu'on joue une expérience et non une progression. Ce thread sur Twitter mentionne d'autres jeux indépendants construits sur un terme, comme Agon (où le Héros doit réussir à la fin à mettre fin à son périple et revenir d'exil) ou Ten Candles (jeu d'horreur où on éteint progressivement les bougies de manière irréversible, les personnages mourront et leur feuille de PJ sera même brûlée au feu de la bougie...).
2 commentaires:
Je joue en ligne avec deux groupes d'amis britanniques différents, les lundis et les mercredis.
Les sessions de jeu du lundi constituent des mini-campagnes de 6-7 sessions maximum, au bout desquelles on considère que l'arc narratif est terminé et on passe à autre chose (nouveau jeu, nouvel univers).
Le mercredi c'est RQG et on vient enfin de récupérer les mains d'Hofstaring après 5 années de jeu en ligne, ce qui conclut la campagne (alors que quand je l'avais jouée sur table avec les règles de HQG cela avait plutôt été le *début* de la "vraie" campagne).
Je me demande si on ne se lasse pas davantage en jouant en ligne.
C'est peut-être aussi une évolution générale IRL. On a tellement de jeux qu'on aurait du mal à rester longtemps sur une seule campagne pendant des années comme au début. On ne peut plus être tous des Robert Wardhaugh.
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