L'Ultime Epreuve (janvier 1983) de Fabrice Cayla fut le premier jeu de rôle français (je recopie en partie la note Wikipedia que j'avais écrite en 2004). De même que le premier jeu suédois Drakar och Demoner (1982) avait été la traduction du BRP/Magic World de Steve Perrin, L'Ultime Epreuve était très clairement une adaptation/simplification de Runequest, comme le sera ensuite Rêve de Dragon. Le paysage rôludique français sera donc d'emblée plus marqué par le BRP ou par le simulationnisme de Légendes que par D&D.
UE , "Jeu d'Epopée fantastique", a repris les caractéristiques de RQ (sauf la Taille) sur 3d6 et il y a seulement 9 compétences en pourcentages (appelés "Talents") : Attaque, Tir, Capacités Physiques, Manipulation, Discrétion, Détection, Influence, Connaissance, Magie). Elles sont calculées directement à partir des caractéristiques (Par exemple : l'Attaque au contact est à Force + Dex + Constitution, le Tir à seulement Dex + Pouvoir, l'Influence est à Intelligence + 2x Charisme). MEGA 1e édition reprendra quasiment le même système avec plus de caractéristiques. La création est ultra-rapide et sans Classe de personnage mais ne laisse donc que peu de choix (même le choix du Peuple dépend des caractéristiques). On remarque que, contrairement à RQ2, la Magie est une compétence et il y a assez peu de chances que les personnages aient des sortilèges dès la création du personnage (il fallait un score Intelligence + Pouvoir au moins à 30%). Curieusement, malgré la caractéristique Pouvoir, UE avait gardé l'idée qu'un Sort ne se lance qu'un certain nombre de fois par jour. On pouvait ensuite entraîner ses caractéristiques et ses compétences en payant des Ecoles comme la "Guilde des Espions" (et il y avait même un examen de sortie à passer), et c'est donc le choix de ces Ecoles qui pouvait finir par former une sorte de "Classe", même s'il était possible de demeurer polyvalent.
Oui, c'est un peu "simpliste" et propre à un jeu d'initiation en 45 pages (ce qui était clairement le but). Fabrice Cayla a aussi traduit Tunnels & Trolls en français et il ne devait pas apprécier les jeux trop compliqués (même si les règles avancées, les Chroniques de Linaïs de 1985 ajoutent plus de mini-systèmes simulationnistes sans pour autant assez approfondir l'univers).
L'autre ressemblance avec RQ était un univers intégré dans la boite de base, le Monde de Linaïs (parfois orthographié Lynaïs, mais à ne pas confondre avec le continent de Lyn et sa cité principale). Tous les personnages sont des Humains mais ces Humains sont eux-mêmes divisés en six Peuples (correspondant en gros aux six caractéristiques, avec des bonus/malus). Les six cultures de Lyn comprennent le Peuple des Forêts (qui correspondent en gros à des Elfes), le Peuple des Montagnes (les Nains), plus quelques autres (Peuple des Marins, Peuple des Brigands-Voyageurs, Peuple des cités de Lynn et les mystiques Peuples des Monolithes). Ainsi, on a une fusion simple des jeux humanocentriques de Sword & Sorcery à la Conan et des conventions tolkieniennes.
Comme l'indique le titre, le jeu a aussi assigné un but, des conditions de victoire (un peu comme D&D BECMI a aussi des conditions de victoire : on doit y devenir un Immortel, et dans L'Oeil Noir, on était censé devoir partir vers l'intérieur du Monde de l'Aventurie pour y devenir Maîtres d'Armes). Dans UE, les Seigneurs de la Destruction ont envahi Lynn et les Seigneurs de l'Equilibre se sont réfugiés hors d'atteinte (mais les scénarios ne décrivent pas vraiment un univers qui semble "occupé" ou sous le contrôle de ces Seigneurs de l'Entropie). On ne nous donne que le nom d'une Déesse de l'Equilibre, Elynaïs, et il est précisé qu'elle est associée au Jade (Chroniques, p. 12). Les aventuriers sont "en formation" pour passer la Porte de l'Ultime Epreuve et rejoindre les Seigneurs de l'Equilibre. C'était une fin assez décevante où dès que votre personnage devenait suffisamment puissant avec de très hauts scores dans ses caractéristiques et compétences, il était censé partir vers le Portail et passer un test complètement aléatoire (du genre périr ou gagner). Il devait ensuite être remplacé, qu'il ait été tué ou qu'il ait réussi à franchir le Portail. Le système fut plus développé dans Les Chroniques de Linaïs avec une sorte de mini-jeu pour régler l'Epreuve mais cela demeurait décevant. J'imagine qu'un bon Meneur de jeu devait avoir l'idée de développer ces "Seigneurs de l'Equilibre" et créer une campagne à la place de ces jets de dés.
Les règles additionnelles dans Les Chroniques de Linaïs avaient le défaut d'inverser un peu le jeu. L'Ultime épreuve est très simple et intuitif alors que les règles supplémentaires semblent parfois trop hétéroclites et moins systématisées. On est passé d'une simplification extrême du BRP à une sorte de "jeu à la FGU", avec des bonus très divers. Le monde de Linaïs est un peu plus détaillé mais Cayla n'a toujours pas précisé la religion (à part pour dire que les Nains du Peuple des Montagne sont athées), comme les magiciens n'ont pas vraiment besoin de Cultes. De ce côté, Linaïs diffère grandement de Glorantha.
Theatre: A Very Wooster Holiday
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*Happy Christmas, Jeeves* by Heidi McElrath and Nathan Kessler-Jeffrey,
directed by Karen Lund, based on the stories of PG Wodehouse Taproot
Theatre Com...
Il y a 4 heures
5 commentaires:
C'est incroyable comme design. :) Aujourd'hui, pour concevoir un JdR qui s'appellerait "l'Ultime Épreuve" (un bon sujet pour des concours type "créer un JdR en 24h avec des mots-clés", tiens :), on ferait tourner tout le jeu autour de cette Ultime Épreuve; il y aurait des Épreuves intermédiaires. Des équipes concurrentes. Des matchs dans tout le pays et il faudrait aller d'une ville à l'autre se taper p.ex. Le Labyrinthe de la Mort, avec des aventures entre-deux, et il y aurait toutes sortes d'à-côtés, du genre "l'équipe concurrente essaye de vous écarter en vous droguant, vous soûlant, vous égarant..." :)
C'est le sujet d'interminables mangas, comme Dragon Ball... mais pas encore parus au moment de la parution de UE... :)
Après, on pourrait imaginer que ceux qui passent l’Épreuve seraient renvoyés dans le Monde avec des superpouvoirs, du genre détection des spectres et du mal; on pourrait imaginer un autre niveau de réalité au-dessus du 1er...
Ou alors, dans l'esprit de l'auteur, une fois franchie l'épreuve, un vieux sage type Yoda annoncerait :"bravo, tu as appris ce qu'est un JdR! Tu peux maintenant poursuivre vers les JdR que j'aime" :)
La transition vers du "vrai JdR", la sortie du paradigme initial, me semble être un problème des JdR pour débutants, comme le montre notre trad de <a href="http://ptgptb.free.fr/index.php/ghostbusters-rpg>la critique de Ghostbusters</a>. Si des nouveaux joueurs découvrent le jdr pour débutants par eux-mêmes, ils peuvent s'imaginer que cela s'arrête là et le ranger dans l'armoire ou, (pire à mes yeux) se mettre à inventer leurs propres règles et faire n'importe quoi.
Je relis la note et je tombe sur une mention qui m'avait échappé : Rêve de Dragon, une adaptation de RQ...
Je savais pour avoir lu ses articles dans CB, que Denis Gerfaut était un fan de la première heure de Runequest, mais de là à voir RdD comme cela, je dois dire que je suis assez...
Il y la table de résolution unique mais à mart ça, je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé une filiation entre ces deux jeux... Un nouvel angle pour se replonger dans ce jeu mythique qu'est Rêve ^
@Fred MESTRE :
Dans "Éditer son jeu de rôle ?", un article de Casus Belli n° 40 (3ème trimestre 1987), Pierre Rosenthal écrivait (p 24, 3ème colonne) :
Denis Gerfaud (Rêve de Dragon) a commencé une campagne mélangeant les règles de AD&D, RuneQuest et Stormbringer, en modifiant sans cesse les règles, de partie en partie, jusqu'à ce qu'elles se fixent de façon « naturelle ».
La filiation est donc (re)connue depuis longtemps... ;-)
> Rappar
Le jeu de débutants est un équilibre difficile. J'ai l'impression qu'avec une bonne présentation, on peut très bien vendre un jeu relativement complexe.
Mega marchait sans doute mieux que UE dans ce but. Beaucoup ont d'ailleurs remarqué l'étrange écart entre les deux jeux sortis presque en même temps, UE et Légendes, des règles simples en 40 pages et un jeu très simulationniste.
Mais je ne suis pas sûr qu'il ne soit pas parfois positif que les débutants se mettent un peu à inventer leurs propres règles pour mieux comprendre certains mécanismes. On a tous bricolé des règles maison dans nos campagnes avant de trouver un rapport satisfaisant de jouabilité et de tentative de simulation.
> Fred Mestre
Je ne pensais pas tellement à la Table de résolution unique [où le pourcentage pour un score de caractéristique de X et une compétence/difficulté de Y est égal à X.((Y+10)/2)], mais aussi aux caractéristiques : le Rêve est en gros le Pouvoir de RQ ("Points de rêve" à la place des Points de Magie) et il y a la Taille, par exemple.
Et il y a une filiation majeure non pas de RQ mais de Glorantha : le titre et la cosmogonie, influencés directement par les Dragons gloranthiens qui créent des "Dragons des Rêves" en dormant - si ce n'est que Denis Gerfaud a retiré tous les Dieux de Glorantha qui semblaient l'agacer (alors qu'à l'inverse, l'absence de mythologie est ce qui me déçoit un peu dans RdD).
> Imaginos
D'ailleurs, je ne vois pas bien l'influence d'AD&D dans RdD. J'imagine qu'il utilisait AD&D plutôt comme source d'idées, et notamment le MM et le FF. Ses scénarios pour Casus semblent aimer chercher des créatures (Dragon chromatiques) qui dépasseraient sans doute RQ.
> D'ailleurs, je ne vois pas bien l'influence d'AD&D dans RdD.
Elle est probablement très diluée...
Mais la zyglute par exemple est d'abord parue comme créature pour AD&D dans les pages de Casus Belli (n° 17, rubrique Devine qui vient dîner ce soir ; il y avait des zyglutes dans son scénar AD&D "Le temple de M'shu" du n° 19).
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