jeudi 5 avril 2012

La SF définie par Hypocrite

Hypocrite fait une remarque d'esthétique intéressante au début de N'importe quoi de cheval (1972) de Jean-Claude Forest :
"La science-fiction aura été tellement à la mode qu'elle sera ringarde avant même d'avoir eu le temps d'être kitsch."

C'est intéressant mais la succession me paraît discutable car il est aussi possible d'avoir été ringardisé pour ensuite redevenir "kitsch". Mais justement nous ne savons pas toujours vraiment ce qui est "kitsch". Hypocrite me paraît échapper au kitsch plus que Barbarella par exemple, comme si l'ironie agressive de la première était moins naïve que celle pop art de la seconde.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me permets de partager ma redécouverte de http://fr.wikipedia.org/wiki/Myst%C3%A9rieuse_matin,_midi_et_soir, que je lus dans Pif à l'age où la sf est exempte de ringardise.

Anonyme a dit…

Qui est une transposition par Forest de l'Ile Mystérieuse, donc.

Tororo a dit…

Un des aspects intéressants de la remarque d'Hypocrite c'est qu'elle suggère que devenir kitsch est une étape naturelle dans l'évolution d'une forme, tandis que devenir ringard est un accident.

Phersv a dit…

> Anonyme
Ah, Mystérieuse, c'est ma prochaine étape dans l'achat des Forest chez l'Association.

> Tororo
Ou que le kitsch garderait quand même une sorte de valeur esthétique (un peu comme chez Heinrich Wölfflin les Formes ont une vie qui évolue du Classicisme vers le Baroque pour tomber ensuite dans le Maniérisme) alors que la ringardise serait une sorte de condamnation définitive sans rédemption.

La culture française depuis au moins Rousseau est obsédée par la crainte d'être soit snob par amour-propre soit vulgaire.

Le concept de kitsch me culpabilise beaucoup depuis qu'on a trouvé des lithos style D&D (sous-Frazetta, plus Vallejo) chez Saddam Hussein à sa chute.

Je me suis soudain brutalement rendu compte à quel point j'avais mauvais goût : j'aurais très bien pu avoir le même genre de choses aussi, mais, disons, par Druillet. C'est une chose de vouloir cultiver ce mauvais goût pop volontaire (comme ceux qui défendent Jeff Koons ou Murakami Takashi) mais je crains souvent de tomber dans le ringard tout à fait involontaire et premier degré.

John Warsen a dit…

J'aimais bien la définition du kitsch développée par Kundera dans "l'insoutenable légèreté de l'être", mais je peine à trouver la citation exacte (plusieurs paragraphes).
http://www.kustu.com/w2/fr:kitsch
En ce qui concerne la SF, je découvre avec 20 ans de retard le cycle de la Culture de Iain Banks, et comme quand je lis de la SF je redeviens le vieil ado que je n'ai jamais cessé d'être, je ne trouve pas que ça ait beaucoup vieilli...
"Vision Aveugle" de Peter Watts, ainsi que les titres chroniqués sur le Cafard Cosmique (site gelé) et son forum (des traces de vie), c'est assez contemporain.

賈尼 a dit…

Ringard, kitsch... C'est toujours le regard de l'autre. Je me préoccupe de ce qui m'intéresse et me plaît, point.

Alias a dit…

Assez d'accord avec le commentaire de 賈尼. Quand on aime, c'est vintage; quand on aime, mais qu'on a honte, c'est kitsch; quand on n'aime pas, c'est ringard.

Anonyme a dit…

Différents niveaux de culture coexistent peinardes. Le pompier a ses qualités consolantes pour qui les prend pour ce qu'elles sont, sans obligation d'ironie, sans obligation de Duchamp.

Phersv a dit…

> John Warsen
Le kitsch chez Kundera est politique : c'est la crainte ou le refoulement de la négation, de la dissension et de l'ironie. Le problème est que dans le post-modernisme il y a aussi du kitsch qui se veut "ironique" : les gens qui collectionnent des Nains de jardin en disant que c'est "délicieusement moche".

En revanche, oui, je ne crois pas que la SF se soit ringardisée, malgré tout Star Wars, quand je lis Greg Egan par exemple. Mais Egan ghettoise peut-être la hard-science.

> Gianni
Il y a certes plusieurs critères esthétiques et ce qui apparaît ringard à une époque peut redevenir fécond ensuite ; et oui, la "violence de la distinction symbolique" bourdivine existe, mais je ne pense pas qu'on puisse simplement dire que tout est relatif et que de gustibus et coloribus non disputandum. Regarde cet ange, le jugement de kitsch n'est quand même pas si relatif. :)

Un terme en revanche qui me paraît complètement relatif c'est "poshlost" (en gros "vulgaire") chez Nabokov. nabokov ne donne pas de critère, seulement des énumérations (par exemple réduire une oeuvre par la biographie ou la psychanalyse de l'auteur) mais cela semble être en gros "tout ce que n'aime pas Nabokov".

Phersv a dit…

> Alias
Ah, oui, j'avais oublié le vintage et le Cult. Mais je continue à penser qu'on ne peut pas simplement dire que c'est subjectif même si l'expérience subjective va accorder des poids différents à certains critères.

> Anonyme
Le pompier a ses qualités consolantes pour qui les prend pour ce qu'elles sont, sans obligation d'ironie, sans obligation de Duchamp.

Jolie formule, mais je me demande parfois si je ne devrais pas "exercer" mon goût pour ne pas trouver parfois du plaisir au pompier un peu grossier. Par exemple, ce premier dessin de l'article kitsch de Wikipedia, je l'aurais trouvé amusant s'il n'était là pour représenter le sentimentalisme infantilisant.

賈尼 a dit…

L'article de Wikipedia est intéressant : « Kitsch is a form of art that is considered an inferior, tasteless copy of an extant style of art ». De quoi la SF serait-elle une copie inférieure ? Du roman épique ? Mais déjà les lettrés chinois lisaient le Shuǐhǔ Zhuàn en cachette, et l'immense Don Quichotte était considéré comme un simple divertissement à l'époque de sa publication... C'était toujours mieux avant :)

Phersv a dit…

Certes, et le XVIIIe siècle français est plein de ces textes disant que Shakespeare est vulgaire et grossier. Je ne dis pas que la relativité n'a pas certains arguments. Mais si on me dit que Hélène et les Garçons cela vaut Shakespeare à un certain point de vue, je crois qu'on se trompe de critères.

Mais pour la SF, Star Wars (en tout cas certains Episodes) pourrait être considéré comme plus "kitsch" que Fondation, même si en un sens les deux partagent certains aspects d'un Empire romain projeté vers notre futur. Ce serait peut-être même plus kitsch que la naïveté assez crue de films comme Flash Gordon en un certain sens, même s'il finit par se prendre plus au sérieux que Flash Gordon.

Imaginos a dit…

Je ne vais pas faire avancer la discussion, juste déclarer que je suis d'accord avec Gianni (je parle surtout de son premier commentaire) et Alias. :-)

Phersv a dit…

Tiens, puisqu'on parlait de Star Wars et son statut kitsch, cette comparaison entre Wagner et Star Wars. Au début, les analogies énumérées sont très superficielles et forcées mais peu à peu certaines marchent, certaines dans les thèmes musicaux de l'Opéra sont assez frappantes.