Publié il y a 12 ans,
World-Tree de
Bard & Victoria Bloom est l'un des univers les plus exotiques du jeu de rôle.
Ce n'est pas seulement le fait que l'univers entier soit un arbre gigantesque et qu'on construise des cités sur d'énormes branches de plusieurs kilomètres, ni le fait que le métal ou la pierre soit très rare et que tous doivent user d'artefacts organiques (végétaux ou animaux), comme dans
Animonde. Ce ne sont pas non plus les huit espèces intelligentes (les "
Premiers"), dont certaines ne sont que des animaux anthropoïdes (canidés, ursidés, insectidés, loutres & ratons laveurs), il y a aussi des pieuvres sylvestres à sept tentacules, qui peuvent léviter et aiment porter des petits chapeaux mous, de petits dragons et une espèce de panthères non-anthropomorphes (sans mains, elles doivent utiliser une forme de télékinésie).
La vraie originalité dans l'histoire du jeu était que les Blooms étaient partis d'un monde de
fantasy fait spécifiquement pour rendre raison des clichés du jeu de rôle. Au lieu de simuler une "réalité fictive", ils ont construit ce monde sur les contraintes ludiques. Par exemple, ils expliquent que la plupart des maladies ne sont pas très amusantes à jouer et donc un des mystères de l'Arbre-Monde est que les 8 espèces jouables (
et seulement elles) sont immunisées aux maladies. Les
Points de Vie (qu'on retrouve dans tant de jeux) ont une
réalité tangible et matérielle dans l'Arbre-Monde : c'est vraiment une "énergie vitale" quantifiable qui peut se vider ou s'épuiser brutalement, ou régénérer le corps vivant tant qu'elle n'est pas réduite à zéro. L'opposition espèce jouable/non-jouable est aussi une donnée
objective de l'univers, avec des règles différentes pour les espèces "non-joueurs". C'est d'ailleurs le seul univers de jeu de rôle que je connaisse où les personnages eux-mêmes doivent être conscients de toutes ces conventions habituelles des règles.
C'est un univers très fantastique où la Magie est littéralement quotidienne et où tout le monde en connaît au moins certaines formes à la place de la technologie (un peu comme dans le joli jeu de Julien Dorvennes
Palimpseste/Terres suspendues). Les règles et la magie de
World Tree sont inspirées d'
Ars Magica (comme le récent
Novarium) mais chacun des 7
Verbes (Connaître, Contrôler, Créer, Détruire, Guérir, Muter, Soutenir) et des 12
Noms (Air, Âme, Corps, Eau, Espace, Feu, Illusion, Intellect, Magie, Matière, Temps, Végétaux) sont aussi des Dieux qu'on peut adorer. Chaque espèce a un lien plus particulier avec l'un des Dieux créateurs des Verbes (par exemple les Insectes avec la Création et les Pieuvres avec la Destruction). Ce n'est que par la Magie de
Matière qu'on peut produire un peu de substance non-organique durable dans ce monde hylozoïste. Une des surprises de cet univers est que le plus terrible adversaire est en fait le cruel Dieu de l'Espace, baptisé "
Ici", qui règne sur la Téléportation et les Portes dimensionnelles et a la forme d'un insecte creux et percé de multiples trous.
Je vais conclure avec la litanie habituelle de mes jeux favoris : il n'eut guère de succès ou en tout cas, autant que je sache, aucun supplément publié (en dehors d'un roman sur les espèces d'insectes et un
scénario en ligne). Si vous voulez un univers dépaysant, sans aucun être humain et aux lois physiques très divergentes du nôtre,
World-Tree va encore plus loin que
Shards par exemple.
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