L'opposition israélienne (notamment les Travaillistes, le Yesh-Atid centriste, Yisrael Beitenu conservateur, et les partis arabes Hadash-Ta'al & Ra'am) avait déposé un projet de censure du gouvernement Netanyahu et la motion a été rejetée hier par 61 voix contre 53 (sur 120 députés - je ne trouve pas la liste des 6 abstentions). L'opposition n'aura pas le droit d'en redéposer avant 6 mois.
Un des enjeux avait été le chantage des partis des "Haredim" (littéralement "ceux qui tremblent [devant Dieu]", les ultra-orthodoxes) et notamment du petit parti ashkénaze Yahadut HaTorah ("Judaïsme Unifié de la Torah", 7 élus). Ils demandaient en échange de leur abstention que Netanyahu accorde le maintien de l'exception de la conscription militaire pour les hommes qui étudient en séminaires religieux. C'est devenu un sujet de crispation dans la société israélienne où le service militaire devient le centre de l'identité civique. Les Haredim ne forment que 8% de la population totale. Une large majorité (même dans une partie de la droite) souhaite qu'ils n'aient plus cette exception et la Cour suprême a statué il y a un an (25 juin 2024) que l'exception n'était pas valable. Une majorité relative (environ 40-45%) des Israéliens est appelées les "Hiloni", les non-pratiquants (ou faiblement pratiquants). L'accroissement du pouvoir politique des Haredim n'est pas du tout représentatif de la sécularisation de la société qui continue.
Le Likud promet une nouvelle Loi à venir sur la conscription mais on ignore les conditions et sanctions pour ceux qui refuseraient le service militaire.
Ces rabbins haredim de Judaïsme Unifié de la Torah n'ont pas nécessairement tous des positions maximalistes en faveur de la continuation de la guerre, des crimes de guerre, des expulsions ou des colonies (voire pour certains sur le projet sioniste tout court !) mais ils n'ont en tout cas pas envie de voir leurs fils se faire tuer dans les Territoires, c'est bon pour leurs compatriotes qui ne tremblent pas devant Dieu.
Mais le chantage des Haredim est curieux. Comment pouvaient-ils faire croire qu'ils allaient faire tomber le gouvernement comme l'Opposition serait encore plus encline que le Likud a leur appliquer la conscription ? N'ont-ils pas fait que gagner un peu de temps dans leurs négociations avec le Likud ? Quel compromis peut-on leur offrir s'ils préfèrent la prison à la conscription ? Un nouveau statut de réservistes en prière ? Quelle marge de manoeuvre reste-t-il après la décision de la Cour Suprême ?
Il faut 61 sièges pour avoir la majorité absolue à la Knesset mais le fait qu'il y ait des sièges de Partis arabes auxquels l'opposition ne voudra pas s'allier signifie qu'en pratique il va être plus facile de renverser un gouvernement que d'avoir une coalition fonctionnelle. Dans la 25e Knesset élue en novembre 2022 (dont j'avais parlé dans le survol des 30 dernières années d'élections), la coalition au pouvoir doit avoir en ce moment (cela a beaucoup fluctué dans les accords entre partis) un soutien potentiel d'au moins 70 députés sur 120 : 32 Likud (26%), 11 Shas (9%, ultra-religieux sépharades), 6 Force juive (extrême droite raciste de Ben Gvir), 7 Judaïsme Unifié de la Torah, 6 Mafdal (Sionistes religieux), 4 Nouvel Espoir-Droite Unie (nationalistes libéraux).
Un député de l'Opposition a été expulsé de la Knesset pour avoir soutenu des critiques contre le régime mais je crois qu'il n'a pas été remplacé (?). Un député homophobe (Avi Maoz) qui soutenait Netanyahu et avait même une place au gouvernement vient de se déclarer neutre en mars dernier et ne soutenant ni le gouvernement ni l'opposition. Il y a 5 députés islamo-conservateurs (Ra'am) et 5 députés arabes laïcs (Hadash & Ta'al).
Même sans les 7 Députés de Judaïsme Unifié de la Torah, la coalition de Netanyahu aurait donc encore eu 63 sièges. En revanche, si les 11 Députés du Shas ("Gardiens Sépharades de la Torah"), qui avaient aussi agité la menace sur le même sujet, avaient tous voté en faveur des élections anticipées, le gouvernement serait forcément tombé. Mais le Shas a une place de participation bien plus importante dans le gouvernement (9 ministres et secrétaires d'Etat contre 2 secrétaires d'Etat pour Judaïsme Unifié de la Torah).
Vu le rapport de forces actuel (si on croit les sondages), et malgré la corruption manifeste et le discrédit de Netanyahu, on peut supposer que de nouvelles élections pour la 26e Knesset en 2026 ne changeraient pas profondément la situation. Netanyahu peut tomber mais y a-t-il à nouveau une contre-coalition sans l'extrême droite et les partis religieux ?
A l'heure actuelle, le Likud tomberait de 32 sièges à 21-24 mais resterait peut-être le plus grand parti. Le principal parti d'opposition actuel deviendrait les Conservateurs russes de Lieberman (qui triplerait à 14-19 sièges au lieu de 6 - ils sont de droite mais anti-Netanyahu et soutiennent la conscription pour tous). Autour de lui le parti de Benny Gantz doublerait autour de 14-16 (au lieu de 8) et le parti centriste Yesh Atid de Yair Lapid baisserait à 13-15 (au lieu de 24).
On aurait donc probablement une nouvelle coalition plus élargie où Netanyahu n'aurait plus le rôle central mais où le Likud ou d'autres partis extrémistes resteraient peut-être quand même dans le gouvernement.
Le nouveau parti de gauche des Démocrates (fusion des Travaillistes + Meretz) a certes remonté la pente mais resterait à un niveau entre 12 et 16 sièges (au lieu de 4), donc peut-être derrière les Conservateurs russes et Unité nationale de Benny Gantz. A eux trois, ils n'ont qu'environ 40-45 sièges.
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