vendredi 28 février 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (5)

Sin Glas : Surgi du Futur (1982)

Thias m'avait appris l'existence de Sin Glas, une bd de science fiction qui n'eut qu'une histoire par Bosse & Darasse dans Spirou n°2317-2330 (1982). 

Sin-Glas est un ethnologue du sixième millénaire qui ressemble un peu à Valérian et qui étudie les colonies humaines qui se sont dispersées depuis la "catastrophe" du 34e siècle, environ deux mille ans avant. 

Il pilote le North-Tramp, vaisseau spatio-temporel avec un droïd nommé Or-Ter et un pilote dauphin intelligent nommé Dalmus WH-1. Il trouve une énorme épave de plusieurs kilomètres, qui a déjà été subi d'autres tentatives de pillages, le Shin Wasa Thai.

 

Il rencontre Sakuragi, un cyborg Waraï qui attend en stase depuis deux mille ans dans l'épave. Sakuragi lui dit que Sin Glas les avait sauvés contre les Pirates Lomars en 3337 (le vaisseau appartenait à une énorme flotte de vaisseaux comme celle de Battlestar Galactica) et que ces pirates avaient aussi voyagé dans le temps. 

Quand il revient dans le présent tout comme les pirates Lomars, il promet à Sakuragi qu'il l'aidera à retrouver sa flotte. 

Comme le dit Thias, il y a une certaine atmosphère plus sombre que le space opera habituel de Spirou, qui me fait penser au film Black Hole. Il est dommage que le décor et l'univers semblent plus creusés que l'intrigue. 

Zagazik : Du Shah des Shas au Premier Tsar (1980/1982)

Mais en lisant ce numéro n°2317 où commençait Sin Glas, je tombe par hasard sur un second épisode d'une autre série de voyage temporel, mais dans une veine plus "humoristique", Zagazik, qui ne fut pas reprise en album non plus. C'était écrit par un certain Eugène Crespin mais dessiné par Jo-El Azara (auteur venu de Tintin où il dessinait Taka Takata, le pilote japonais myope). 

Zagazik est un musicien hippie parti à Kathmandu qui a acquis d'un gourou malhonnête, Ramavishnou, le pouvoir de se téléporter dans l'espace et dans le temps (mais sans contrôler sa destination). Dans Spirou n°2209-2019 (1980) "Un Terme aux Piles", il participe à la Seconde Guerre médique où il conseille d'abord Xerxès, puis Thémistocle à Salamine (tout en essayant de ne jamais changer le passé, avec l'aide des dieux grecs et de nombreux gags absurdes). A la fin de la première aventure, il se venge du gourou en l'envoyant à son tour dans le passé et il apparaît en pleine Guerre napoléonienne. 

Dans la seconde histoire "Les Tsars dînent à l'Huile" (Spirou n°2317-2338, 1982), Zagazik revient en France (sans se téléporter, car il redoute son pouvoir). Il finit par se servir de son don et se retrouve en Russie à l'époque d'Ivan le Terrible, au XVIe siècle. L'épisode se termine en plein suspense avec Zagazik dans les geôles d'Ivan mais il n'y eut jamais de suite.

lundi 24 février 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (4)

Les Marais du temps (2007)

Le XXIe siècle va voir se multiplier les nouveaux voyages dans le temps de Spirou. 

En 2007, le dessinateur Frank Le Gall fait un album dans la collection "Le Spirou de..." qui permet à un auteur d'expérimenter sa propre version du personnage. Les Marais du temps est à nouveau une histoire de Zorglub. Celui-ci a laissé un message en zorglangue pour avertir qu'il a voyagé à Paris au XIXe siècle mais qu'il s'est retrouvé bloqué. Il a besoin du Comte de Champignac et de ses amis pour venir le délivrer. Suite à un accident, Spirou et son équipe sont bloqués à leur tour et vont devoir trouver une source d'énergie (des champignons) pour revenir à leur époque. 

Zorglub tente une opération de spéculation immobilière en achetant des terrains au XIXe siècle pour les revendre au XXe mais ses titres de propriété ont disparu quand il revient. 

Aux sources du Z (2008)

A la même époque, c'est un autre voyage dans le temps qui va être mis dans la série "officielle" par Morvan & Munuera (et un collaborateur au scénario, Yann).

Jean-David Morvan est Français mais il a fait ses études de dessin et scénario aux Instituts Saint-Luc de Bruxelles, ce qui doit lui assurer une certaine légitimité chez Dupuis pour reprendre Spirou (Rob-Vel, Jean-Claude Fournier ou Frank Le Gall étaient Français, contrairement à Jijé, Franquin, Nick & Cauvin, Tome & Janry). Morvan avait eu un des plus grands succès de la bd francophone comme scénariste depuis 1998 avec Sillages et il fut donc contacté pour reprendre la série de Spirou et Fantasio en 2004, avec le dessinateur espagnol Jose Luis Munuera (qui avait aussi travaillé avec Sfar). Ils arrivaient après une longue attente, après Tome & Janry (13 albums 33-46, 1984-1998, plus des histoires courtes qui commencent dès 1981) et la sorte de "redémarrage" que ces derniers avaient tenté avec leur album plus "réaliste" Machine qui rêve (1998 - en termes de comics américains, on dirait que cet album fut "retconné" hors continuité). Morvan & Munuera ne firent ensemble que 4 albums de Spirou, les n°47-50 (2004-2008 - Morvan a fait aussi un essai de "manga Spirou" et Jose Luis Munuera est depuis revenu seul sur la série dérivée Zorglub). 

Il y a un petit côté de retour aux sources chez Morvan, qui réutilise notamment en plus de la référence à Franquin le surnaturel avec des sorciers des années Jean-Claude Fournier (le scénariste de toutes les années 1970, des n°20-28).  

Dans leur premier numéro, le n°47 Paris-sous-Seine (2004), Spirou affronte Miss Flanner, une ancienne camarade de Champignac et Zorglub (ils en étaient tous deux amoureux) tente d'utiliser une invention de Champignac qui inonde tout Paris. Miss Flanner est gravement malade et même mourante. On apprendra que son cancer a été causé par une expérience nucléaire dans la jeunesse. Spirou éprouve aussi une certaine attirance pour son adversaire Miss Flanner.

Dans le n°50 Aux sources du Z (2008), Jean-David Morvan collabore avec le scénariste Yann (à ne pas confondre avec le dessinateur Yoann, qui reprit Spirou par la suite). Yann Lepennetier (né en 1954), c'est le "provocateur", l'anar (de plus en plus) de droite devenu tonton gênant travaillé par la libido refoulée du personnage franco-belge et renvoyé de Dupuis quelques années avant. 

[Petite parenthèse hors-sujet sur ce second scénariste quand il revient chez Dupuis. Ses défenseurs diront qu'il introduit une ironie salutaire, dans l'esprit du côté trickster qui a toujours existé chez cet espiègle groom, mais on peut aussi trouver cela juste boomer dans ses satires. Yann venait de parler l'année d'avant de la vie sexuelle de Spirou dans un one-shot hors continuité, Le tombeau des Champignac, 2007. Il y montrait une Seccotine qui parlait de ce qu'elle pensait être la relation homosexuelle de Spirou et Fantasio, qui se faisait plus ou moins violenter par Spirou et qui plaquait ensuite le pauvre Spirou pour un homme plus riche. Yann a récemment repris le même sujet de la vie sexuelle en milieu Marcinelle dans son album lourdingue qui a été censuré par Dupuis (en raison des codes graphiques sur les personnages noirs, pas tellement à cause du sexisme) La gorgone bleue (2023). Champignac y prend des champignons-viagra pour devenir ithyphallique et Seccotine y est homosexuelle. On peut à la fois déplorer la pudibonderie dévote franco-belge tout en trouvant le désir de pastiche officiel de Yann un peu lourd (de même quand il s'était moqué vers 1980 dans les petits dessins en haut de page du magazine des mensurations de Yoko Tsuno, ce qui faisait très beauf à la Depardieu). 

Mais revenons à notre sujet, au voyage dans le temps, pardon.]

Zorglub décide de sauver Miss Flanner, qui va bientôt mourir du cancer à cause d'une irradiation au plutonium des années avant. Zorglub montre à Spirou une invention, le pistolet à voyager dans le temps et explique qu'il s'oppose à Champignac en ayant décidé de changer le passé (Miss Flanner semble plus admirer l'intelligence de Pacôme mais avoir plus en commun avec le pragmatisme immoral de Zoglub). Il est aussi impliqué que le pistolet avait été fabriqué en trois exemplaires depuis plusieurs années par le trio Champignac-Flanner-Zorglub mais que Champignac a détruit le sien de crainte que cela ne puisse détruire le continuum temporel. Depuis quand l'avaient-ils ? Si Flanner avait déjà le pistolet avant, pourquoi ne l'a-t-elle pas utilisé elle-même pour changer son passé ? Pourquoi Zoglub, si mégalomane, a-t-il besoin d'appeler à l'aide Spirou ?

Cette invention a toutefois une contrainte majeure : ce "pistolet" a besoin de viser un objet singulier pour ramener le tireur à un autre moment et au lieu où le même objet est déjà proche du même individu dans son passé. Il détruit aussi l'objet visé. Or, Zorglub sait que Spirou avait des gants de boxe (vus dans l'album n°1 de Spirou) qu'il portait exactement le même jour que l'expérience fatale de Miss Flanner. Spirou accepte le plan de Zorglub (ce qui suggère son affection pour Miss Flanner) mais il n'arrive pas à retrouver ces gants de boxe dans le présent. Spirou est donc forcé de remonter le passé par étapes, d'objets en objets (et donc d'albums en albums, le costume de gorille du n°11 puis le masque du n°8 puis les clefs de turbotraction du n°7 et enfin les gants de boxe du n°1) jusqu'à cette époque (en chemin, il séduit pour la première fois Seccotine qui n'avait jamais montré d'intérêt pour lui avant). 


Spirou sauve Miss Flanner avant qu'elle ne soit irradiée mais l'expérience déclenche une petite explosion atomique. Spirou et la jeune Miss Flanner tombent tous les deux amoureux. 

Cela crée une autre ligne temporelle où Spirou n'est jamais devenu aventurier (tout le monde le croit même mort pendant l'explosion en même temps que Miss Flanner) mais il a épousé Miss Flanner. Dans cet univers, Spirou & Flanner ont créé une Fondation humanitaire secrète en utilisant les inventions de la savante. Zorglub et Champignac ignorent que Flanner a survécu et ils sont restés amis sans être rivaux ; Zorglub n'est jamais devenu savant fou (mais contrairement à ce que croit le Spirou de cet univers, Zorglub a quand même inventé la Zorglonde). 

Le Spirou de cet univers, allié de Miss Flanner, est très content de son nouveau sort. Fantasio a ramené dans ce nouveau présent le jeune Spirou du n°1 qui n'aurait donc jamais eu aucune de ses aventures des n°1-50.

La fin du paradoxe temporel n'est pas très claire à mes yeux. Morvan & Munuera voulaient-ils vraiment rebooter toute la série en faisant revenir un second Spirou, le jeune Spirou mais en effaçant tout le passé, y compris toute la boucle temporelle des n°47-50 ? Le n°46 de Tome & Janry aussi avaient joué sur la relation Spirou-Seccotine et avaient introduit un double de Spirou (un clone et non pas un homologue temporel).

En pratique, j'imagine que la continuité très vague de Spirou a effacé ces épisodes ? Y a-t-il des indices lors du retour de Zorglub de cet épisode ? 

Mais peu importe l'idée de "continuité" au sens des comics américains, on n'est pas dans un scénario de Roy Thomas qui ne serait motivé que par le souci de recréer une cohérence rétroactivement. La multiplication des albums parallèles par plusieurs auteurs rappelle que la bd n'est pas du tout dans ce genre de cosmologie. 

Le but de Morvan & Munuera devait plutôt être de rendre un hommage à toute la série dans ce n°50 pour les 70 ans du personnage (et d'insister au passage sur l'absence de relations sentimentales dans les aventures passées, en dehors de l'épisode Machine qui rêve de Tome & Janry : on commence deux intrigues à la fois pour Spirou mais je soupçonne là l'intervention du co-scénariste Yann comme c'est déjà dit plus haut). 

Le voyage dans le temps est donc plus un outil pour replonger sur les variations de papier de la bd qu'un artefact de science-fiction. Un effet de décalage ironique est de jouer sur l'impossibilité chronologique d'aventures pendant 70 ans. Le retour vers le n°11 (paru en 1956, 4 ans avant l'indépendance du Congo) parle de franc congolais mais il se trouve que ce fut le nom de la devise aussi bien pour le Congo belge (1887-1960 et même au début de l'Indépendance) et à nouveau de nos jours après la fin du Zaïre en 1998. La fameuse turbotraction de Franquin dans l'album n°6, 1955 (pré-publié dès 1952) est censée être un nouveau prototype et il est plus difficile de prétendre la détacher de son époque. Le retour au n°1 semble clairement être plusieurs décennies avant le présent alors que Spirou ne semble avoir vieilli que d'une douzaine d'années tout au plus. Spirou utilise une "chronologie flottante" et le voyage dans le temps a plus pour objet de manière post-moderne (ou "métafictive") cette contradiction entre le temps réel de l'édition et le temps fictif du feuilleton et des divers épisodes. Spirou avait commencé dans sa première apparition en sortant de la toile de Rob-Vel et là, il voyage entre les cases, presque aussi littéralement que dans Imbattable de Pascal Jousselin.

Le titre de cet album est donc assez trompeur : il porte bien plus sur l'essence de Spirou sur plusieurs décennies que sur les origines de Zoglub (et je ne crois pas que la série Zorglub de Munuera soit revenu dessus non plus).

La Chevauchée temporelle (2013)

Les histoires plus récentes de Spirou s'affranchissent désormais de tout semblant d'illusion de continuité temporelle. Même la série officielle peut soudain sauter du temps de l'URSS ou en pleine Crise des Missiles de 1962 et revenir plus tard à notre époque. 


L'histoire courte "La chevauchée temporelle" par les auteurs Fabien Vehlman & Yoann (parue dans le Spirou spécial 75 ans, n°3914, 17 avril 2013) entraîne à nouveau Spirou dans une aventure imaginaire à travers diverses époques. Ce fut repris dans le hors-série n°5, Les folles aventures de Spirou (2017, compilation où Spirou devient aussi un sidekick de Batman et Supergroom). 

jeudi 20 février 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (3)

En 1985, la nouvelle équipe des deux trentenaires Tome (Philippe Vandevelde) et Janry (Jean-Richard Gueurts) a déjà réalisé à un rythme soutenu 3 albums de Spirou et Fantasio (volumes 33-35) quand ils vont créer le diptyque des albums 36-37 L'Horloger de la comète / Le réveil du Z. Ce sont clairement des hommages à la période de Franquin (& Greg) en utilisant le voyage dans le temps. 

La première histoire fut pré-publiée en 1985 (Spirou 2427-2448) mais 1986 était l'année du passage de la Comète de Halley et on ne parlait alors que de cela et de son retour tous les 76 ans.  [C'est d'ailleurs bizarre pour moi de me dire qu'on est maintenant plus proche de son retour, dans 36 ans que de la date de parution de cet album il y a 39 ans !]

Dans L'Horloger de la comète, le Comte Pacôme de Champignac confie son château à Spirou et Fantasio pendant qu'il part s'occuper de son jeune neveu Aurélien de Champignac. 

C'est alors qu'arrive justement un vieil Aurélien de Champignac (qui est un sosie du Comte Pacôme) dans un véhicule temporel qui ressemble à peu près à une forme tordue comme un anneau de Moebius. Aurélien doit venir de l'an 2061 puisqu'il explique que son véhicule ne peut voyager que pendant des passages de la comète de Halley (il ne précise pas explicitement que c'est Halley si je me souviens bien). Van Hamme se souviendra de cette idée dans l'album de Blake & Mortimer L'étrange rendez-vous (1991) où les voyageurs temporels du LXXXIe siècle utilisent une autre comète pour venir en 1954. Aurélien a fait ce bond de 76 ans pour sauver la Terre de son désastre écologique en allant récupérer des essences rares d'arbres disparus en Palombie. Le retour en arrière grâce aux technique est vu comme le seul remède pour résoudre les difficultés créées par la technique.


 

La Palombie est le pays imaginaire le plus visité par Spirou et se situe à la frontière du Brésil et c'est aussi le pays d'origine du Marsupilami. A cette époque, les éditions Dupuis n'ont plus le droit d'utiliser le Marsupilami depuis sa dernière apparition en 1969-1970 dans l'album n°20 Le faiseur d'or et ils ne rachèteront les droits que 27 ans plus tard, en 2013 (voir l'album n°55 La colère du Marsupilami, 2016 qui explique l'absence de toute référence à l'animal par une manipulation de la mémoire de Spirou et Fantasio). Lewis Trondheim et Alexis Nesme viennent de publier chez Dupuis l'album El Diablo, 2024, où on rencontre un Marsupilami de cette période de la colonisation au XVIe siècle.

Aurélien est accompagné d'une créature manipulée génétiquement nommé Timothée le Snouffelaire (qui ressemble à un mélange d'ornithorynque ou d'oryctérope et de trompe d'aspirateur). Il dévore n'importe quoi et l'expulse ensuite dans des bulles de savon. Je ne sais pas s'il était censé jouer le rôle du Marsupilami. 

Suite à une erreur de navigation, l'équipe d'Aurélien et Spirou se retrouve en Palombie mais dans le passé, en l'an 1531 (donc 6 passages de la Comète avant) à l'époque du début de la colonisation portugaise (sous le règne de João III, juste après le traité de Saragosse qui divise les zones espagnoles et portugaises). Aurélien et ses amis sont capturés et pris pour des agents de François Ier. Ils sont sauvés par un vrai agent du Roi français mais surtout par des agents de la "Commission Temporelle de Contrôle" envoyés non pour arrêter mais pour sauver "Mathusalem" (le Premier Voyageur Temporel). Ils doivent se presser car s'ils ne repartent pas avant le fin du passage de la Comète, ils seraient bloqués en l'an 1530 (ou en attendant jusqu'en 1606). 

Quand ils reviennent dans le présent, Spirou et Fantasio croient avoir rêvé. Le petit Aurélien enfant reçoit une horloge sur la tête en essayant d'attraper Spip, ce qui déclenchera son intérêt pour le voyage dans le temps (même s'il lui faudra attendre 2061). 

La seconde histoire, Le Réveil du Z, est cette fois un voyage vers le futur (Spirou 2487-2508). Aurélien de Champignac a été capturé et envoie Timothée le Snouffelaire pour sauver la Terre de l'année 2062 (sa machine ne doit donc plus dépendre de la Comète de Halley, ce qui paraît un peu dommage mais était certes très limitant). Au lieu de voyager dans une machine, c'est toute la maison de Spirou et Fantasio qui est transportée vers un Musée du futur. 

Dans le voyage dans le futur du Journal de Spirou en 1945, on disait à Spirou qu'il y aurait une grande catastrophe en 1950 et là un robot-guide du Musée mentionne "la grande vitrification de 1987" (mais cela pourrait aussi être une allusion plus ou moins consciente au grand désastre de 1986 dans La cité des eaux mouvantes de Valérian & Laureline - la Comète de Halley de 1986 a aussi déclenché l'apocalypse dans le jeu de rôle Bitume).

Un descendant de Zorglub, Zorglub Junior (qui a exactement la même tête mais est de très petite taille et semble encore plus malveillant), a volé la machine d'Aurélien et il en a fait un usage totalitaire qui frise l'omnipotence : il a détruit tous les instruments de mesure du temps et détient maintenant un monopole sur la ressource du temps, dans une sorte de métaphore étrange sur le capitalisme comme marchandisation du temps ou bien au contraire sur l'Etat comme "Maître des Horloges". Zorglub Jr est maître du Temps de tous les habitants au point de décider avec ses "skonss" le moment de chaque action des habitants. La seule résistance vient des Suisses (fabriquant de coucous) et des Chinois (allusion aux montres chinoises - l'assistant d'Aurélien, So-Jah, est censé être chinois). Aurélien utilise une autre de ses inventions, la Manimol, qui produit une main géante et l'équipe arrive à déjouer le plan du second Z. 

A leur retour, Spirou & Fantasio ont à nouveau (comme à la fin du volume précédent) quelques doutes sur la réalité de leur aventure dans le temps mais des indices les confirment aisément. Ils retrouvent le Zorglub du présent (devenu plus amical depuis au moins Panade à Champignac) et ils se disent que la naissance du Zorglub Junior est inévitable dans l'avenir. 

La récente série Zorglub (3 volumes depuis 2017) de Jose Luis Munuera montre un Zorglub qui s'est fabriqué une fille, Zandra, et qui s'est même cloné en plusieurs versions. Le "mini-me" du Zorglub Junior est donc plus probablement un clone imparfait qu'un enfant (même si la question de la vie sentimentale de Zorglub va occuper les albums récents). 

(à suivre...)

mardi 18 février 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (2)

Il ne faut pas chercher une cohérence dans l'univers de Spirou sur ses bientôt 88 ans. En avril 1938, quand Rob-Vel le crée, c'est une histoire complètement nonsense et presque post-moderne par anticipation où il est un personnage de bd devenu réel quand Rob-Vel jette de "l'eau de vie" sur le dessin. Ses premières histoires sont des gags d'une page de Rob-Vel où l'espiègle Spirou est vraiment un groom dans l'hôtel Moustique et ensuite le personnage est repris par le Belge Jijé (Joseph Gillain 1914-1980) qui faisait déjà des histoires plus réalistes avec le personnage d'enquêteur Jean Valhardi. Mais on remarque que dès le début, Spirou peut avoir une conscience qu'il est un personnage de BD et que c'est ainsi qu'il va devenir par la suite un rédacteur du périodique qui porte son nom, via Fantasio.

A partir du retour de Spirou à la Libération en 1944, Jijé relance une histoire plus fantastique où il introduit en effet dans la bd Fantasio en vieux camarade de Spirou. Fantasio est un personnage qui était auparavant uniquement un des rédacteurs imaginaires de l'hebdomadaire, un nom de plume pour le rédacteur en chef Jean Doisy (alias "le Fureteur", parfois représenté en furet) mais aussi une marionnette qui répondait à Spirou dans une adaptation théâtrale. Fantasio prend alors l'apparence du personnage de comic américain Dagwood Bumstead (dans Blondie) mais il jure alors comme Captain Hadock (créé en 1941). Hadock rendait Tintin plus humain et lui vole la vedette et il arrive un peu le même destin au faire-valoir comique qu'est Fantasio. Au début, Fantasio est bien plus grand et semble plus âgé ou plus bourgeois que le très jeune Spirou. Cette différence disparaîtra plus tard mais Fantasio restera toujours plus irascible et nerveux que Spirou.

Le voisin d'immeuble de Fantasio, le professeur Aristide Cosinus (Tryphon Tournesol ?) leur propose alors d'essayer son invention qui "capte des ondes du passé" et leur permet d'interagir avec des émanations complètement réalistes en 3D. Ce n'est donc pas censé être strictement une machine à voyager dans le passé mais cela revient à peu près au même puisque ces réalités peuvent même toucher ou saisir Spirou, Fantasio et Spip. 


Ils vont aller visiter successivement des aurochs préhistoriques, les Gaulois (ou plus exactement des Belges nerviens), Napoléon, Jules César, le Moyen-Âge, avant que Cosinus réussisse enfin à les ramener. 

 (cliquer pour agrandir)

Par coïncidence, cet irréductible chef nervien de 1944 (c'est peut-être le chef Boduoguat ?) ressemble beaucoup à Asterix créé 15 ans après : braies rouges, débardeur noir aux bras nus, casque ailé (ce qui, on le sait, est plus scandinave que celtique), longues moustaches, glaive sur le côté. Il ne manque que la gourde de potion magique. Albert Uderzo avait-il un souvenir inconscient de cette aventure de Spirou s'il a pu la lire en album (il travaille à Bruxelles en 1950 et Goscinny aussi devient ami de Jijé lors du séjour américain du studio de Marcinelle de 1948-1950)  ? Une autre coïncidence est que le chef nervien fait directement une analogie entre l'invasion romaine et l'Occupation en demandant si Spirou appartient à une "Cinquième Colonne" des Romains. 


Au retour de Spirou au présent (nous sommes en 1945), il est épuisé et rêve que le Professeur Cosinus le renvoie cette fois dans un futur qui ressemble à la froideur métallique de Metropolis

Spirou montre sa carte d'identité qui dit qu'il est né en 1938 à Marcinelle. Un savant lui dit que le calendrier a repris après la grande catastrophe de 1950. Cette date de 1950, seulement 5 ans dans le futur, rappelle que dans la réalité Jijé (qui avait été arrêté brièvement à la Libération pour avoir continué de travailler pendant la Guerre mais avait été libéré grâce aux faits de Résistance de Jean Doisy) devait vraiment être très inquiet : l'exil américain venait du fait qu'il pensait à l'imminence d'une nouvelle guerre et ne voulait pas revivre ces expériences. 

Dans le futur (qui semble situé seulement deux décennies dans l'avenir), Spirou retrouve Fantasio (devenu le professeur Zio, qui a perdu sa forme longiligne), Tif et Tondu (première version, celle du dessinateur Dineur) et tout son journal, qui s'appelle maintenant "Spirspip". Il rencontre même son propre dessinateur Jijé devenu vieux. Le magazine s'est choisi une nouvelle mascotte, un second groom qui est brun et non plus roux et porte un chapeau bien plus long comme un haut-de-forme ou une toque. Le symbole du siège du magazine Spirspip fait penser au globe géant au sommet du Daily Planet de Superman mais j'imagine que c'est une coïncidence car il est peu probable que Jijé (qui adapta certes certains strips de Superman) ait vu ces dessins en 1944.

On a ici une rencontre historique entre Spirou et son homologue du futur Spirspip (le vieil homme qu'on voit à côté est Jean Doisy le Fureteur et il y a un rare gag politique quand celui-ci, connu pour représenter l'aile scout communiste du magazine, se moque de ce "bourgeois" de Fantasio). Pour un amateur de comics, cela ne peut pas ne pas faire penser aux rencontres entre personnages de l'Âge d'Or (Earth-2) et de l'Âge d'Argent (Earth-1) dans les comics DC à partir de 1961 (d'ailleurs Superman est traduit dans Spirou à cette période sous le nom de "Marc Costa, l'Hercule Moderne").  


Spirou est Spirspip sont appelés pour lutter contre un bombardement aérien des Martiens. Spirou est scandalisé que la Terre ne connaisse toujours pas la paix et on lui explique que la Terre s'est certes unie mais seulement contre l'ennemi commun des Martiens. Pendant la bataille aérienne, Spirou tombe et se réveille. Ce n'était qu'un rêve et l'histoire reprend aussitôt de manière plus "réaliste" avec un gang de kidnappeurs. 

La première partie avait été un voyage vers le passé mais la seconde est plus fantaisiste et réduite à un rêve de Spirou. En tout cas, dans le Multivers Spirou, il y a bien une Terre possible où le monde a été ravagé par la Troisième Guerre mondiale dès 1950 et on sent dans cette histoire de début 1945 (alors que le Reich n'est même pas encore tombé) que l'exubérance de la Libération n'a pas duré très longtemps. 

Ces histoires de Jijé ne sont sans doute plus "canoniques" (pour autant que ce terme a un sens dans la BD franco-belge qui n'applique pas le "principe de continuité") comme tout l'univers de Spirou eut une sorte de reboot avec l'arrivée d'André Franquin (Dupuis laisse toute la période des dix premières années Robvel-Jijé dans des archives uniquement pour collectionneurs, et même les premiers épisodes de Franquin, qui n'ont pas tous très bien vieilli, ne sont que dans des hors-série). 

Mais si Franquin aime bien mettre un peu de SF loufoque ou des dinosaures, il ne va pas réutiliser (autant que je me souvienne) le voyage dans le temps. 

(à suivre)

lundi 17 février 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (1)


Avant de parler des aventures de Spirou, il faut commencer par une autre série chez Dupuis qui était plus de la science fiction.

Yoko Tsuno par Roger Leloup est surtout connue par ses voyages dans l'espace (vers la planète Vinéa et ses colonies : tomes 1, 3, 6, 8, 10, 13, 18, 27, 30) mais il y a eu presque autant de voyages dans le temps (tomes 11, 17, 20, 22-23, 26, 29, 31). Quand on pense à voyage temporel en BD franco-belge "classique", on pense d'habitude surtout à Valerian & Laureline, Blake & Mortimer, les Naufragés du Temps, Time is Money, Bob Morane..., mais Yoko Tsuno eut aussi sa série de paradoxes temporels.


 

Dans l'album n°11 La spirale du temps (1980), Yoko est chez ses cousins japonais installés en Indonésie, à Borneo quand arrive soudain Monya, une voyageuse du XXXIXe siècle où la Terre a été détruite par une bombe à antimatière. Le véhicule temporel, le Translateur, a été construit par son défunt père et il ne peut pas être utilisé par n'importe quel passager, il faut une ceinture adaptée à sa biologie. Monya a voyagé vers le passé pour empêcher l'invention de cette arme destructrice et on apprend donc que le passé est tout à fait malléable dans le Yokoverse (on est 4 ans avant Terminator). L'inventeur de l'arme leur révèle que sa bombe hérite d'une technologie extraterrestre sur cette île indonésienne, technologie sur laquelle avait déjà travaillé l'oncle maternel de Yoko Tsuno 35 ans avant, pendant la 2e Guerre mondiale, l'officier japonais Toshio Ishida. Mona et Yoko repartent alors en 1943 et convainquent son oncle de les aider. Ils détruisent la source mystérieuse d'antimatière et changent donc le passé. Monya explique qu'elle ne peut plus revenir dans le futur car il y a déjà une "autre" Monya là-bas modifiée par le paradoxe temporel. Elle a sauvé son père rétroactivement mais ce n'est pas "son" père et elle ne pourra pas le revoir. Elle restera donc vivre en Indonésie, avec les cousins de Yoko et avec son Translateur comme une exilée temporelle. 

On retrouve Monya dans l'album n°17 Le matin du monde (1988). Monya était allée dans le passé et elle avait volé une statuette de Bali en l'an 1520 (avant une éruption volcanique qui devait détruire cet endroit) mais une jeune danseuse balinaise a été accusée du vol et doit être sacrifiée aux ptéranodons qui vivent encore dans cette région. Yoko et Monya repartent sauver la jeune fille et l'amènent à Bornéo où elle causera le bas-relief d'une danseuse que regardait Yoko dans le n°11 avant même de rencontrer Monya (ce qui prouverait alors qu'elle n'a pas changé le passé mais qu'elle l'a causé tel qu'il est, contrairement à l'album précédent). Cela commence une double tradition : (1) Yoko a tendance à voyager pour sauver (un peu arbitrairement) une femme du passé (certes, ici, elle était en danger à cause d'un voyage précédent), (2) son voyage vers le passé est souvent provoqué par une anomalie dans un document ou une oeuvre artistique au présent.

Dans l'album n°20 L'astrologue de Bruges (1994), on quitte l'Asie pour l'Europe et même pour la Belgique (ce qui est rare dans Yoko Tsuno qui a ses aventures en Allemagne, Ecosse ou Asie). Yoko a été invitée à Bruges par un certain Jan Van Laet qui lui montre un tableau la représentant au XVIe siècle. Van Laet et son complice Torcello ont obtenu un philtre d'immortalité depuis le XVIe siècle et ils avaient déjà rencontré Yoko à cette époque  ont alors tué l'alchimiste Zacharius. Yoko repart dans le passé avec Monya, Pol et Vic. C'est la première fois qu'ils vont ramener quelqu'un et non pas seulement un objet, car Pol tombe amoureux d'une paysanne du XVIe, Mieke, qui devient sa compagne au XXe siècle.

Dans les albums n°22 La jonque céleste (1998) et n°23 La pagode des brumes (2001), on revient en Asie, en Chine. Yoko et sa fille adoptive Ziu Lu / Chén Lù ("Rosée du Matin", adoptée depuis l'album n°16) trouvent la tombe d'une très jeune princesse chinoise, Sin-Yi  gardée par une femme, le Dr Lin-Po. La jeune Sin-Yi serait morte très jeune, en 1021 à peu au même âge que celui qu'a sa fille Rosée du matin. Elle était promise comme future épouse de l'Empereur Zhenzong (968-1022), 3e Empereur de la Dynastie Song. Yoko et Monya retournent dans le passé pour sauver Sin-Yi. On découvre qu'il n'y a pas de paradoxe : le tombeau qu'elles avaient vu dans le présent était un faux fabriqué par Yoko et elle ramène Sin-Yi au XXe-XXIe siècle. Mais dans l'album suivant, Sin-Yi demande d'aller aussi sauver sa servante Mei-Ling à laquelle elle était attachée. Yoko revient à nouveau en Chine au XIe siècle et retrouve les origines d'une légende que sa grand-mère chinoise lui avait racontée sur le dragon de cette pagode (Yoko est en effet sino-japonaise). Les origines du dragon sont en fait extraterrestres et c'est un vaisseau robot (comme beaucoup d'autres véhicules vivants dans le Yokoverse). 

Dans l'album n°26, Le Maléfice de l'améthyste (2012), Yoko et sa nouvelle amie la jeune pilote Emilia MacKinley (russo-écossaise, rencontrée depuis le tome 24) vont en Ecosse où Emilia hérite des biens de son arrière grande-tante décédée, Gloria qu'elle aurait sauvée 80 ans avant. Elle rencontre le vieux Malcolm qui dit avoir voyagé dans le futur depuis 1934 pour trouver un médicament pour sauver cette même Gloria. Mais il a sauté 33 ans, est arrivé en 1977, deux ans après la mort de Gloria, et a mis ensuite à nouveau 45 ans pour reconstruire une machine à voyager dans le temps qu'il ne peut plus utiliser lui-même en raison de son grand âge. Yoko et Emilia acceptent de repartir en arrière, en 1934 et découvrent des secrets concernant la maladie de Gloria, une pierre d'améthyste et l'histoire de la Russie. Le "Malcolm" qu'elles avaient rencontré était en fait son assistant, Ralph, qui se faisait passer pour lui pour voler le trésor. Elles ramènent avec elle une nouvelle femme du passé, Bonnie (cousine d'Emilia), et plusieurs trésors qui permettent à Yoko et son cercle d'obtenir leur indépendance financière. C'est la première fois que Yoko Tsuno voyage dans le temps avec un véhicule qui n'est pas le Translateur de Monya. Cette machine de Malcolm (qui ressemble à d'énormes bobines de Tesla) est bien plus encombrante et plus dangereuse. 


 

Dans l'album n°29 Anges & Faucons (2019), Emilia reprend à nouveau la machine de Malcolm pour retourner en 1935 et sauver deux enfants, Peter et Julia, qui doivent mourir dans un accident ferroviaire cette année-là d'après une indication d'une tombe dans le cimetière local. L'idée des voyages uniquement pour sauver des enfants reste une obsession de cette série et cela a un peu gâché la cohérence : si le passé est malléable, pourquoi utiliser le voyage uniquement pour sauver une poignée d'individus choisis arbitrairement parce qu'ils ont suscité la sympathie de Yoko ? En passant, cet album illustre bien la méthode poétique d'écriture de scénario de Roger Leloup. Autant les graphismes des véhicules sont précis comme de l'ingénieurie ou de la Hard SF, autant les scénarios sont faits de libres associations métaphoriques ou thématiques (ici, entre ailes d'anges et figures de dieu Horus), plus oniriques ou elliptiques que des relations causales claires. 

Dans l'album n°31 L'Aigle des Highlands (2024), Roger Leloup noue ensemble de nombreux personnages de son univers : Monya et son translateur (plus vue depuis le n°23), la colonie celtique cachée, Vinéa et le domaine écossais. Les moines de l'abbaye locale aurait détruit un "aigle" au XIIIe et Yoko découvre, grâce à la Déesse Brigit (en fait une IA) que c'était un robot de Vinéa. Elle repart au XIIIe siècle grâce à Monya pour sauver cet "aigle". Pour une fois, elle ramène non pas une jeune fille (comme Sin-Yi, Mieke ou Bonnie) mais un petit garçon, Sébastien (la maison de Yoko commence à ressembler à un orphelinat).

Yoko n'a à ma connaissance jamais voyagé vers "le futur" (sauf pour revenir à son époque). Cela donne la chronologie suivante des voyages de Yoko (deux au XIe, un au XIIIe, deux au XVIe et trois au XXe) : 

XIe 1021 Yoko part en Chine pour sauver Sin-Yi et la ramène. 

Elle revient ensuite peu de temps après pour tenter en vain de ramener aussi Mei-Ling et rencontre un robot. 

XIIIe Yoko sauve un autre robot vinéen. 

XVIe siècle : Yoko sauve une Balinaise d'un sacrifice. Elle lutte contre un alchimiste à Bruges avec tous ses amis, elle ramène Mieke. 

XXe : 1934 Macolm invente une machine à voyager dans le temps 900 ans avant le père de Monya. Yoko et Emilia aident la famille de cette dernière. Elles ramènent Bonnie (qui a donc dû naître vers 1918 à peu près ?).

1935 Yoko et Emilia modifient des détails du passé.

1943 Yoko rencontre son vieil oncle en pleine Guerre en Indonésie et lutte contre une intelligence extraterrestre faite d'énergie.

dimanche 9 février 2025

Utiliser Inglehart-Welzel pour une cosmogonie imaginaire

Le schéma d'Inglehart & Welzel est un tableau qui interroge différents pays à travers le monde pour les positions moyennes sur deux axes : un axe vertical sur des valeurs plutôt "religieuses", tradition / point de vue plus séculier ou rationnel et un axe horizontal qui est plus sur la place de l'individu, survivre / s'épanouir ("expression de soi"). Donc en gros : Raison et Auto-réalisation.

Je ne sais pas du tout ce que cela vaut scientifiquement et il y a toujours un risque à essentialiser ou hypostasier des sociétés en un Volksgeist avec ce genre de tableau de résultats à une date donnée. Les données d'un pays changent à travers le temps mais ce qui change moins est le rapport ou le voisinage entre les pays qui sont regroupés en des "zones" de valeurs. 

Par exemple, au-delà de l'apparente homogénéité, les USA sont parfois plus proches dans ces résultats d'Etats très conservateurs comme la Pologne, l'Inde à forte majorité hindoue (ou le Myanmar bouddhiste) est assez proche de la plupart des pays à majorité musulmane dans la dernière carte (alors qu'elle était plus proche de pays méditerranéens comme l'Italie ou la Grèce dix ans avant) et les pays d'Europe de l'Est sont regroupé en zone orthodoxe très peu attachés à l'autonomie individuelle mais plus séculiers. 

Par exemple, la première carte a des résultats de 2014, la seconde de 2023, dix ans après et les changements sont parfois étranges. J'ai de gros doutes sur la seconde carte où le Royaume-Uni serait moins traditionaliste que la France.


 

Et l'animation sur 30 ans : 



Mais quoi qu'on pense de ce genre de cartes des cultures pour le monde réel, cela pourrait donner des idées de cartes de mondes imaginaires avec de nouvelles idées de pseudo-cohérence.

mercredi 5 février 2025

La discipline informationnelle

Steve Bannon, l'un des ex-conseillers fascistes de Trump, avait appelé la stratégie suivie "muzzle speed" (littéralement "vitesse à la bouche du canon", stratégie mitraillette ?) : lancer un déluge d'initiatives et de provocations pour paralyser les opposants dans le choc & la terreur, l'indignation vaine et la colère improductive, en un sentiment d'impuissance apprise

Trump (auquel on ne peut retirer une certaine capacité à savoir "bluffer") n'a même pas besoin de réussir son coup d'Etat si les opposants réagissent avec désespoir et croient qu'il est déjà trop tard et que le coup d'Etat a réussi. Comme le dit Ezra Klein, certains opposants au Président le prennent déjà pour ce qu'il feint d'être, un Roi, mais il joue au Despote avec ses Oukases Exécutifs parce qu'il sait qu'il serait trop faible pour faire un vrai Président qui négocierait avec le législatif. 

Il y a encore une opposition et une presse, pas encore de répression directe sauf sur des groupes de boucs-émissaires. On peut encore classer la démocratie comme "déficiente", pas encore "régime hybride". On s'attend plus à un déclin vers la corruption généralisée avec une cruauté sans nom contre les immigrés ou d'autres minorités, pas à des disparitions d'opposants.

Le Coup et la stratégie du bruit permanent doit donc impliquer un changement de discipline qui n'est hélas complètement étranger. Je suis très peu sérieux et attentif et je soigne mes angoisses par la drogue escapiste en me plongeant dans des chronologies de mondes imaginaires au lieu d'écrire des lettres d'insultes au Monde ou de faire un blog de politique. Je m'adonne au "doom-scrolling" stérile depuis à peu près l'élection de Bush, il y a une génération. Cela ne va pas être aisé de décrocher de cette addiction de 25 ans, de mon Brain Rot et du trouble de l'attention qui va avec.  

Il y a une controverse en psychologie en ce moment pour savoir s'il y a vraiment ce qu'on appelle "épuisement du moi", c'est-à-dire si la "volonté" serait comme une ressource qui se viderait quand on l'exerce (les expériences sur le sujet de la volonté entrent dans la crise actuelle de la duplication). 

Mais nous connaissons la solution. Il va falloir apprendre à hiérarchiser les maux réels à court terme pour ne pas dilapider la "ressource" d'une indignation qui va être renouvelée chaque jour. 

Par exemple, nous Européens paniquons sur le Canada ou le Groenland mais je crains qu'il soit beaucoup plus sérieux sur Panama et même sur le nettoyage ethnique et l'annexion de Gaza. De même, le coup du DOGE est spectaculaire et terrifiant mais à court terme, les Purges au FBI sont bien plus directement un danger pour la démocratie. Se retirer des accords de Paris ou de la Commission des droits humains est symboliquement un signal monstrueux, mais c'est moins grave peut-être que les centaines ou milliers de personnes qui vont mourir dans peu de temps à cause de la suspension d'USAID. 

Notre défaut actuel est que nous nous contentons plus de Schadenfreude devant quelques échecs ou gaffes que de vraies stratégies. Le premier régime de Trump avait été de la kleptocratie tempérée par l'incompétence et le second régime est hélas plus efficace, de l'Orbanisme certes tempéré par une folie hubristique. Il n'y a que Trump II qui puisse être pire que Trump I. Mais notre nouvelle récompense quotidienne en Schadenfreude est une compensation bien illusoire.

Certes, avoir choisi la stratégie du chaos se retourne aussi contre eux. Comme le disait Olúfẹ́mi O. Táíwò, vouloir en même temps avec les techbroligarques réduire fortement les revenus et capacités de l'Etat, s'isoler de tous ses alliés tout en voulant lancer une politique d'expansion impérialiste sans précédent depuis le XIXe siècle est bien sûr se tirer une balle dans le pied. 

Le sommet de l'irresponsabilité est de vouloir tout transférer à des machines irresponsables et croire que les prétendues IA vont être suffisantes pour suppléer. "Les IA font de bons serfs mais de terribles maîtres", comme disait Francis Bacon. 

mardi 4 février 2025

Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous

(Récit de cauchemar)

J'ai un long clou (ou une longue vis ?) qui est enfoncé profondément dans l'arrière du crâne au niveau de l'occiput, avec la tête du clou qui dépasse encore hors de ma tête.

Ce n'est pas douloureux et je m'y suis déjà habitué, même si c'est gênant comme le sentiment d'une écharde. Je me dis que j'ai eu de la chance que cette percée dans ma tête n'ait pas affecté ma pensée et qu'il faut que je fasse attention de ne pas le toucher ou le bouger ou bien les mouvements du clou à l'intérieur du cerveau vont commencer à l'endommager de manière irréversible. 

Mais je ne résiste pas à triturer machinalement la tête du clou et le bouge un peu. Paniqué, je me demande si cela a dû détruire des millions de neurones déjà. 

Je décide de l'enlever d'un coup sec (je ne ressens aucune douleur) mais je crains alors que le retirer déclenche une hémorragie. Un sang de cartoon jaillit avec un bruit humoristique. 

*

Je me dis alors (toujours dans le rêve) qu'heureusement ce n'était qu'un rêve ou bien mon geste aurait été dangereux, mais que comme dans la réalité, j'ai en fait toujours ce clou depuis longtemps dans le cerveau, le rêve n'a pas pu le retirer. Je vais donc me retrouver toujours avec le même clou, comme avant.

Je me réveille (réellement cette fois) avec quelques instants d'hésitation sur la réalité de cette dernière phase et presque l'envie de vérifier avec ma main s'il y a quelque chose qui sortirait de mon crâne. 


Cela fait très longtemps que je n'ai plus fait cours sur Phineas Gage

On devine aussi l'interprétation freudienne directe sur la castration symbolique.

dimanche 2 février 2025

Fragmentation politique

Selon l'historien du capitalisme récent Quinn Slobodian, une des obsessions des grands idéologues libertaréactionnaires actuels est l'idée de fragmentation

L'ordre étatique ou des accords inter-étatiques du droit international sont vus comme des obstacles pour les capitalistes. Il ne faut pas seulement noyer les Etats mais multiplier une concurrence de nouveaux quasi-Etats ou pseudo-Etats pour contenter le prétendu "anarcho-capitalisme" (qui est aussi dans le cas de certains un "narco-capitalisme"). Les zones spéciales ou enclaves permettraient alors un Etat d'exception permanent, en exceptions contre les Etats. 

Le droit international est l'extension du droit maritime, de la question de la souveraineté et des eaux territoriales. Peter Thiel veut financer des "utopies" randiennes off-shore. avec des "pieds-à-mer" et zones extra-territoriales. Tout ne serait plus qu'archipels, en oubliant toute terre. Le thermo-capitalisme contribue par ailleurs à acidifier et désertifier cette Mer artificialisée. Cette Mer Gaste devient le lieu rêvé de ces piratrolls anti-taxe. La techno-féodalité rêve de stations spatiales, de châteaux-îles et de colonies sans sol. Ces prétendues "arcologies" pseudo-autarciques sont des zones de séparation pour supprimer toute autonomie politique effectives.

Les cryptos servent le même but, non pas seulement la désintermédiation des banques mais aussi une idéologie de destruction d'un ordre étatique par la fin des devises fiduciaires (la devise virtuelle a ainsi remplacé l'ancien fétichisme de la droite pour un retour à une source naturelle métallique). La confiance en des structures communes sera ainsi remplacée par une méfiance généralisée, un état de nature hobbesien ; un monde de personnes morales en contrats privés sans aucun contrat social.

La destruction de l'ordre international à laquelle nous assistons fait donc partie d'un moment de ce processus. Il y a certes eu un conflit parmi tous ces réactionnaires entre les nationalistes (et xénophobes qui veulent étendre leur Etat-Nation) et l'aile minarchiste (démophobes, qui veulent détruire les Etats-Nations au profit d'un Marché dé-nationalisé et dés-étatisé), mais  Slobodan Quinn rétorque que les deux bords se réclamaient en fait de différentes parties de Hayek. Bannon ou Douthat (qui prétendent jouer en ce moment la carte pseudo-tribunitienne de la plèbe contre l'oligarchie) n'auront pas plus de succès que les SA dans leur compétition interne contre les techno-féodaux comme Musk et Thiel.

La coalition de Trump réunit (comme le fait remarquer Heather Cox Richardson) à la fois une aile théocratique (paléo-conservatrice dans certaines priorités du projet 2025), une référence ethno-nationaliste qui est le seul élément "populiste" et le soutien des techno-féodaux devenus leaders ploutocrates de tous les libertarés.

Il est difficile de faire la part chez Trump de ce qui relève de simples bluffs de trolls et d'intentions légèrement réalisables. La Realpolitik doit aussi laisser une place à une indétermination psychiatrique. J'avais d'abord cru que les propos d'annexion sur le Groenland n'étaient que des plaisanteries répétitives visant plus la base nationale (la rhétorique de Trump est un rituel de mantra qui n'a plus d'autre but qu'elle-même, comme lorsqu'il faisait l'éloge du cannibalisme à chaque rassemblement pendant la campagne : ses partisans trouvaient cela drôle comme des rimes sans raison). Il y avait aussi le but de détruire l'Atlantisme et les alliances, pour plaire aux clients dictateurs. Mais une fonction de ces formules violentes est aussi plus profondément d'installer un nouvel état de crainte où les puissants peuvent tout se permettre en l'affichant au grand jour. Au lieu de feindre le consensus, on récompense la brutalité unilatérale. L'idéalisme formaliste du droit international est piétiné comme une fiction qui n'a plus d'utilité face à la cupidité rapace des milliardaires.

La révolution reaganienne paraît rétroactivement un entraînement presque timide. Reagan disait que l'Etat était un "problème". Musk a dit que les fonctionnaires sont l'ennemi. Pour une fois, l'alternance n'est pas faite pour prendre possession du gouvernement pour infléchir dans telle direction sa politique. Pour le techno-bro, c'est une OPA hostile et le but est de démanteler, dépecer la concurrence qui prétendait les réguler, pas de l'optimiser.

samedi 1 février 2025

La politique dans Blue Rose


Blue Rose
a l'originalité d'avoir un cadre "utopique" alors que presque tous les jeux de rôle conseillent toujours des cadres de jeu "brisés" (où il faut tenter de résister à des institutions tyranniques, d'arrêter la destruction ou revenir vers un état antérieur). Les critiques se plaignaient aussi que le jeu représentait un fantasme de joueurs "progressistes" projetant leurs idéaux sur le monde fictif mais je ne trouve pas que ce soit une objection si forte car un cadre de jeu rompant avec notre vision du passé historique n'est pas si contraire à la suspension de l'incrédulité que l'existence des dieux ou de la magie. C'est même assez rafraichissant à une époque où les utopies ont déçu, nous ennuient et paraissent peu crédibles que d'oser encore faire un monde utopique. Je reconnais qu'il y a des aspects qui peuvent paraître parfois presque "anachroniques" dans la projection des préoccupations contemporaines de Liberals américains : le Royaume d'Aldis a le pluralisme religieux, une sécurité sociale, un droit d'asile pour les réfugiés persécutés, une reconnaissance de droits LGBT, les relations polyamoureuses (baptisées "mariage en étoiles") sont courantes et semblent fonctionner, etc. 

Mon reproche principal (en dehors du rôle relativement moins important de la mythologie) était la petitesse du monde. 5 pays au total (en comptant Aldis), cela fait trop peu. Dans un jeu où on joue des agents d'un Royaume utopique, il faudrait plus de rivaux et ennemis. 

Rappelons les éléments principaux. 


 

I Aldis 

Aldis avait été occupé jadis par un Etat de Rois-Sorciers qu'on appelle depuis l'Empire des Epines. Les Nocturnes (Night People, équivalents des "orcs") étaient les troupes de cet Empire mais certains rejoignirent au contraire la résistance, luttèrent héroïquement contre les Epines et devinrent les ancêtres des Nocturnes qui sont plus tolérés dans l'Aldis. Il y a aussi des elfes (les Vatas) et des hommes amphibiens (le Peuple de la mer).

Mais l'espèce emblématique est les Rhydans. Les Rhydans sont une minorité de bêtes qui sont non-anthropomorphes (belettes, blaireaux, chats, chevaux, faucons, hiboux, licornes, ours, renards, sangliers...) mais qui acquièrent une intelligence supérieure et des pouvoirs mentaux (qui les relient souvent avec un ou une partenaire humain dans le "Rhy-Lien"). Les Rhydans ont l'air si empathiques qu'ils seraient bien moins corruptibles que les Humains. Ce seraient eux qui ont créé une partie de l'utopie d'Aldis avec le Sceptre de la Rose Bleue et le Cerf d'Or, les deux épreuves de pureté morale que doit passer le nouveau Souverain dans la Monarchie "méritocratique" non-héréditaire (et les critiques grincheux du jeu espéraient subvertir l'idée en se demandant si le secret du monde était qu'Aldis était une dictature invisible de la minorité des Rhydans sur les humains mais ce n'est clairement pas l'esprit).

Dans le "présent" du jeu, cela fait 300 ans que le Royaume de la Rose bleue existe et la souveraine choisie par le Cerf d'Or est la jeune Reine Jaellin, 14e monarque d'Aldis (il n'y eut que le 6e Roi qui fut déchu par le Cerf d'or après son couronnement et après avoir été corrompu par un démon). La Noblesse est censée être méritocratique et non-héréditaire aussi. Les Chevaliers de la Rose Bleue ont souvent des "Rhy-Liens" avec leurs chevaux (comme les "Hérauts de Valdemar" avec leurs "Compagnons" dans les romans de Mercedes Lackey, qui est clairement l'inspiration principale de Blue Rose). 


II Les peuples voisins

En dehors d'Aldis, il y a n'y a que 4 autres Etats : à l'ouest, Rezea (steppes aux herbes géantes avec des nomades liés à leurs chevaux), au nord-est, Kern (royaume maléfique contrôlé par une Liche et depuis la 2e édition par sept lieutenants de la Liche en conflit entre eux), au sud-est, Jarzon (théocratie contrôlée par une inquisition intolérante - si Aldis est Valdemar, Jarzon serait donc proche de Karse et Rezea serait les Plaines de Dhorisha). On y ajoute loin au sud l'archipel de Lartya (société matriarcale - et même légèrement misandre ? - fondée sur des castes rigides). 

Aldis se méfie de Jarzon, est en guerre éternelle contre Kern mais a des rapports commerciaux légèrement meilleurs avec les nomades de Rezea (pour leur acheter des chevaux) et avec la matriarchie maritime de Lartya.

Ce qui nuit à la politique dans ce cadre est que la théocratie Jarzon déteste les païens d'Aldis ou de Rezea mais tout autant les sorciers de Kern et qu'il ne peut pas y avoir beaucoup de suspense sur un risque d'alliance entre les ennemis d'Aldis. 

Certes, la 2e édition a ajouté quelques entités : un méchant sorcier de plus au sud de Jarzon (les Déserts des Ombres) et la forêt de Wyss. Mais ils n'auront pas d'influence majeure.

Il faudrait donc ajouter des pays un peu plus "neutres" qui pourraient basculer entre Aldis et Jarzon, ce qui justifierait que des agents de la Rose bleue puissent intervenir. Lackey a plusieurs Etats voisins de Valdemar qui jouent ce rôle comme Hardorn ou Rethvellan (qui eux aussi avait un objet magique pour sélectionner son monarque, l'Epée qui Chante). On pourrait avoir un Etat tampon plus "ambigu" entre Aldis et Jarzon, par exemple plus "éclairé" que Jarzon mais quand même influencé par la culture jarzonienne sur certains points.

En plus de ce manque au niveau international, il n'y a pas assez de factions internes en Aldis (mais j'imagine qu'il faudrait d'abord que je lise le supplément sur la capitale pour en savoir plus). 

Le Cerf d'Or implique que la Souveraine est presque toujours juste et lucide (même si elle peut quand même ne pas faire l'unanimité dans la Noblesse ou dans le peuple). Les tendances "oligarchiques" de la Noblesse (qui devraient souhaiter créer des dynasties familiales) semblent globalement demeurer assez faibles. Je ne sais pas s'il existe un Parti plus nettement pacifique (il faut se concentrer sur le commerce avec le sud et l'ouest, avec Rezea et Lartya) et un Parti plus militaire (on doit maintenir l'offensive contre les nécromanciens du Kern - une partie de la population d'Aldis est composée d'exilés qui ont dû fuir le Kern). 

Une des rares tensions possibles serait aussi l'existence d'un peuple de nomades qui traverse Aldis, les Errants ou Aspaenari ("Roamers", qui auraient aussi des liens avec les mystérieux Vatas elfiques). Ils sont plutôt bien accueillis en Aldis mais les Jarzoni croient à tort que les Errants sont liés aux Ténèbres et il y a des organisations mystérieuses qui font tout pour discréditer les Errants. Une campagne de 2020, Envoys to the Mount, porte justement sur l'histoire des Errants et leurs liens avec les mystérieux sorciers du Désert des Ombres.

mercredi 29 janvier 2025

Marco Polo's Legacy

Acheron Games est un éditeur italien de livres et de jeux, dirigé par Masa Facchini et le scénariste Samuel Marolla. Ils ont déjà publié des jeux de rôle comme Brancalonia (jeu de "fantasy spaghetti"), Lex Arcana (sur un Empire romain d'une Terre parallèle qui utilise la magie), Inferno (sur Dante) et Apocalisse (sur Saint Jean de Patmos). 

Leur nouveau cadre de jeu (qui utilise D&D 5e comme Brancalonia) est Marco Polo's Legacy. On y joue à la fin du XIIIe siècle sur la Route de la Soie entre l'Empire céleste sous la dynastie mongol Yuan et l'Europe, dans un monde où existent toutes les créatures mythiques des différentes cultures. Les PJ y sont des membres d'une société secrète, les gardiens, qui cherchent des trésors dans cette région. Le jeu dit avoir pris soin d'utiliser des consultants chinois. Le foulancement est déjà un énorme succès à plus de 100,000 euros.

Cauchemar : Der Euler der Minerva

Je suis dans le RER et je dois aller enseigner en cours. 

Je passe alors devant la station "Euler" (cette station n'existe pas). Je me dis que j'ai justement dans mon sac le tome des Leibnizens mathematische Schriften: Briefwechsel avec sa correspondance avec Euler (cette correspondance n'existe pas non plus, Euler avait 8 ans quand Leibniz est mort). Je me dis que ce serait dommage de ne pas laisser le volume de correspondance à la station qui porte le nom d'Euler. Je descends du RER et cherche un endroit où exposer bien en évidence la correspondance puis je repars, très heureux de ce que j'ai fait. 

Puis, j'arrive dans mon lieu de travail (qui n'a rien à voir avec le lieu réel) et je me dis que mon acte était absurde et que je ne le comprends plus du tout. Je culpabilise beaucoup et me demande si je suis devenu fou. Je me dis qu'il faut que j'aille récupérer le volume et que je ne vais pas le retrouver car personne ne laisserait ainsi un volume des Leibnizens mathematische Schriften: Briefwechsel sans vouloir le prendre. Je me dis que je risque de ne jamais le retrouver, même d'occasion car il est très rare. Mais je ne peux pas revenir en arrière tout de suite car je dois faire cours. [Je n'ai pas le temps de faire l'Euler-retour.]

La journée passe en une ellipse et je repars à la station "Euler". Il n'y a plus aucune trace du livre et je suis si horrifié que je me réveille avec un sentiment de honte ou de culpabilité.

lundi 27 janvier 2025

La religion dans Blue Rose

Blue Rose (2005, 2e édition 2017) est un jeu de rôle fantastique qui commentait clairement l'évolution théologico-politique / théocratique des USA en amenuisant le rôle de la religion et en insistant sur la possibilité de non-conformité dans le rôle des genres. Cela m'avait fait croire à tort que le jeu rejetait toute mythologie au profit du seul "Cerf d'Or" (la créature féérique qui sélectionne le souverain du pays d'Aldea et rend possible l'Utopie du principal pays d'Aldea). Le pays voisin d'Aldea, la théocratie de Jarzon, était décrit comme intolérant et contrôlé par une église fanatique de la Lumière. 

Mais Aldea a aussi des cultes religieux, même s'ils sont relativement peu "intrusifs" et tolérants. Un aspect important est le choix des associations parfois assez originales dans les "portefolios" des divinités (par exemple, Gaelenir, la divinité de la Connaissance, est aussi celle de la Navigation : le savoir est un océan à explorer, et il est aussi compagnon de Selene, déesse de la Lune, de l'Air, des Ténèbres et de la Mort). 

Je rappelle les listes de panthéons qu'on a déjà vues sur ce blog :  Arcanis (où Larissa fusionne Apollon et Aphrodite), Aventurie (où Athéna a été dissociée en Rondra, guerre, et Hesinde, sagesse), Hellas (où les Olympiens sont systématisés par couples : Apollon est marié avec Athenia et Hephaeston marié avec Hermia), Korantia (où Lasca Veltis fusionne Apollon et Athéna), Kulthea (où Apollon de l'extase musicale est le frère jumeau du Dionysos de l'illusion de la mimésis), Scarn (qui reprenait explicitement le thème grec de la Titanomachie et d'une guerre entre les deux générations des dieux), Théros (où Ephara est une Athéna de la cité dissociée d'une Athéna guerrière) et Tylestel (où Athéna est aussi fusionnée avec Hadès et où Héra est aussi Apollon). 

Aldea distingue les Quatre Primordiaux (des divinités élémentaires principales qui sont considérées comme "Neutres", et aussi associées aux quatre figures du Tarot) et les Sept Divinités de la Lumière (qui sont plus anthropomorphes que les Primordiaux et sont associés aussi à 7 Vertus morales comme courage, tempérance, prudence...). Tous ont à la fois des Aspects masculins ou féminins et sont en même temps "Pères" ou "Mères" sous des formes distinctes. 

Les Quatre Primordiaux

Selene : Air, hiver, Lune, Mort, secrets, l'Epée, la Vieille Sage, la Sorcière, le Père du Gel

Braniel : Eau, printemps, étoiles, musique, abondance, vitalité, la Coupe, le Barde, la Princesse du Printemps. 

Maurenna : Feu, été, agriculture, civilisation, le Bâton, la Reine de l'été, le Maître des récoltes

Anwaren : Terre, automne, montagne, conflit, souveraineté, le Pentacle, le Roi, le Chevalier rouge, Reine des vendanges. Anwaren (la Terre et la Guerre) a aussi engendré et tente de détruire les Sept Exarques des Ombres qui sont les Anti-Dieux associés aux Sept Péchés (et ces 7 Péchés inversent les 7 Vertus).

Les 7 divinités de la Lumière

Felisar : Voyage, charité, compassion. Amant(e) de Selene (Air).

Hiathas : Soleil, beauté, danse, espérance. Amant(e) de Braniel (Eau)

Leonoth : Foyer, chandelles, famille, fidélité. Epoux.se de Maurenna (Feu). Léonoth est devenu le Dieu principal hénothéiste (et seulement masculin) dans la Théocratie de Jarzon, où il dirige la hiérarchie comme paterfamilias.

Aulora : Loi, justice, raison. La Porteuse du Bouclier, le Juge. Compagnon.ne d'Anwaren (Terre). 

Goia : Artisanat, techniques, commerce, prudence. A forgé la Couronne d'Anwaren et l'Epée d'Aulora et serait le 3e élément de leur trouple. 

Gaelenir : Mer, navigation, exploration, connaissance, courage. Le Marin et l'Enseignante. Amant de Selene, Mère des secrets. 

Athne : chance, abondance, vin, tempérance. La Dame de la Vigne. Athne a eu des aventures avec tous les dix autres divinités.

Comme j'aime bien classer tout en interpretatio graeca, voici les équivalences simplifiées :

Athne : Hermès + Dionysos
Aulona : Apollon + Athéna
Felisar : Hermès + Asclepios
Gaelenir : Poseidon + Athéna (!)
Goia : Hephaïstos + Hermès
Hiathas : Apollon (Hélios) + Aphrodite
Leonoth : Hestia + Hera

Le fait que Leonoth corresponde à peu près à Hestia / Vesta (déesse assez mineure de la vie privée chez les Grecs mais déesse du maintien du feu sacré de la Cité chez les Romains) mais soit devenu une des principales divinités, voire Le Dieu Unique, est assez ironique. 

samedi 25 janvier 2025

Des Nymphes aux Elfes

Via la médiéviste paléographe Anna Dorofeeva (Göttingen), l'Abbé saxon du Wessex Adhelm de Malmesbury (639-709) avait fait dans ce manuscrit des Aenigmata cette liste de traduction ou d'équivalences des Nymphes grecques vers les "Aelfinn" anglo-saxons et cela pourrait être une origine des différents types d'Elfes auxquels nous sommes habitués dans les jeux de rôle.

Nymphae : Aelfinni (Elfes)

Oréades : Duun-aelfinni (Elfes des montagnes)

Dryades : Uudu-aelfinni (Elfes des bois)

(H)amadryades : Uaeter-aelfinni (Elfes des eaux)

Maides : Feld-aelfinni (Elfes des champs)

Nai(a)des : Sae-aelfinni (Elfes des mers)

Avait-on jamais parlé d'Elfes des mers avant ce texte ? 

L'auteur fait une erreur sur les Hamadryades qui sont liées aux bois aussi comme les Dryades. 

Les nymphes des eaux douces sont plutôt les Naiades (ce sont les Néréides ou les Haliae qui sont liées à la mer). 

D'autres nymphes des eaux douces comprennent les Crinaea (fontaines), les Eleionomai (marécages), les Hyades (pluie), les Limniades (lacs), les Potaméides (rivières), les Pegaeae ou Pégasides (sources). 

Les dryades sont liées surtout aux chênes ("drus") et il y en d'autres plus liées à d'autres essences : les Anthousai (fleurs), les Daphnaeae (lauriers), les Kissiae (lierre), les Méliades (frênes), les Epiméliades (pommiers). Les Auloniades sont des nymphes des vallées (Eurydice serait une auloniade !), donc plus liées aux Oréades.

Je n'ai pas identifié d'où viennent ces "Maides" que l'auteur relie aux "champs" (de Maia, la mère d'Hermès, lui-même père de Pan ?).  

Ce serait donc peut-être les taxinomies classiques grecques qui auraient ensuite rationalisé les différents génies germaniques. Les nymphes gréco-romaines sont des déesses mineures toujours féminines de la Nature et les elfes sont des dieux mineurs plus liés à Frey (agriculture) ou à la rigueur Freya (fécondité) et donc à la Troisième fonction indo-européenne (les dieux Vanir).

La distinction nain/elfe ne semble pas avoir été si clair. Elle viendrait surtout d'une opposition germanique "elfes noirs = nains = trolls VS elfes de lumière". Cette opposition obscurité / lumière va devenir ensuite deux aspects de la terre : minéral (métal, chtonien) / végétal (plante, Vanir, fertilité) et donc aussi une opposition artifice / nature. En termes plus duméziliens, cela peut se voir comme une division interne à la Troisième Fonction entre Artisans et Jardiniers (voire dans les varna védiques entre Shudra et Vaishya).  

Das Schwarzes Auge utilise comme variante principale des Elfes les "Auelfen" (elfes des prairies) et j'ignore si ce préfixe "au-" renvoie à un folklore germanique préexistant ou seulement à un jeu sur la sonorité. 

Dans la première version de son Legendarium, JRR Tolkien appelait "Gnomes" les Hauts-Elfes (ce qui est devenu les "Noldor"). Il a ensuite abandonné le terme, peut-être parce que les Gnomes étaient durablement associés aux Nains (de jardin). Les Hobbits de Tolkien ne viennent pas seulement de "Rabbit" (les terriers) ou des Snergs mais aussi d'une inversion des Goblins dans The Princess and the Goblin de George MacDonald. Les Goblins de MacDonald (qui sont des mineurs plus petits et mutés, qui creusent sous la terre) ont comme caractéristique un point faible, leurs pieds trop sensibles et les Hobbits ont comme particularité principale des pieds endurcis et protégés sans avoir besoin de porter de chaussures. Tolkien a en revanche retiré un passage d'une version du Hobbit où il était dit que Bilbo Baggins aurait aussi du sang gobelin et/ou elfique.

jeudi 23 janvier 2025

Un scénario pour Géants (WFB 1e édition)

Pour continuer sur le même sujet des systèmes avec des Géants dans Warhammer, voici un scénario pour une bataille épique entre Géants et une armée de Halflings qui se trouve dans le Book of Battalions p. 7-11 pour Warhammer MCFRP (The Mass Combat Fantasy Role-Playing Game, 1983). 

L'armée de Glune le Géant est composé de 27 Géants, en trois bataillons au total à 3000 points. L'armée des Vengeurs de Baragin Hogweed compte aussi trois bataillons, environ 160 Halflings, 80 Gnomes (dont un Sorcier) et un contingent d'Ents, trois bataillons qui dépassent les 3000 points plus largement. 

Pour une plus petite bataille, on pourrait prendre à 1000 points le 3e bataillon des 20 Petits Géants contre seulement un bataillon des Vengeurs. Mais ce serait dommage de ne pas jouer le Premier Bataillon de la famille Wayfoot qui a l'air plus amusant. Pour rééquilibrer, on pourrait juste ajouter deux Treemen (130 points chacun) à un des autres Bataillons (le Bataillon des Gnomes paraît peut-être légèrement plus intéressant avec son Sorcier qui aura des Boules de feu). Le problème avec une centaine d'unités est que je doute que le système d'escarmouche de Warhammer soit si bien adapté mais je n'ai aucune expérience de ce jeu.

La Marche des Géants


 

Bataillon 1 : La famille Wayfoot : 3 Géants (1250 points)

Glune Wayfoot est un Vrai Géant, le chef de famille, particulièrement puissant mais aussi complètement alcoolique malgré son bon score en Volonté. Il porte une armure de maille (Endurance F), un très gros Club Magique qui lui permet de respirer sous l'eau, et deux Balles de Plomb pour jouer aux Quilles. Stunto Wayfoot est son petit-frère et il a bu une potion de miniaturisation qui lui donne des complexes.


MouvMêléeBallisticForceEndBlessInitAtt.QICoolVol.
Glune
74
4
*
F
10
3
*
5
6
9
Stunto
7
33
4E6
24
2
6
8


Hermann Wayfoot, leur cousin, est complètement crétin (Stupidité -1 : Sur 1d6-1 : 1 Il est immobile et perplexe ce tour, il ne se défend même pas ; 2 Il est juste confus et ne pourra pas faire de mouvements complexe). .



MouvMêléeBallisticForceEndBlessInitAtt.
Hermann

8
33*
E
10
3*

Bataillon 2 : les Rocklegs & Spindlelimbs (4 Géants, 750 points)

Crusher Rockleg dirige ce groupe. Il a aussi une cotte de maille comme Glune. Tiny, son frère, a le trait de Stupidité.  

Ils sont accompagnés de deux Géants normaux, Gripper et Pulp Spindlelimb.


MouvMêléeBallisticForceEndBlessInitAtt.QICoolVol.
Crusher
73
3
4
E
6
2
4
5
6
7
Tiny
7
32
*
E8
3
*
1
4
7


MouvMêléeBallisticForceEndBlessInitAtt.
Gripper

7
334E624
Pulp

7334E624

Bataillon 3 : Les Petits Géants des Collines et les Cyclopes (20 Petits Géants, 1000 points)

Le 3e Bataillon a un groupe de 10 Géants des collines dirigé par Pete l'Accueillant et 10 Cyclopes chaotiques dirigés par Rory Hanglightly. Leurs caractéristiques sont identiques.


MouvMêléeArcForceEndBlessInitAtt.
Collines6334D432

***

L'Armée des Vengeurs de Baragin

 


Les Vengeurs de Baragin sont une armée de Halflings alliés à des Gnomes et un groupe d'Ents (pardon, Treemen) et d'Aigles.

Bataillon 1 : Les Halflings (1060 points)

Baragin Hogweed est un Héros halfling qui veut venger la perte de son trou, Bog End, piétiné par les Géants. Il porte l'épée magique Willowbrand qui lui donne un +1 en force, +4 en Init et une Attaque magique de Sommeil (Portée 4'', 2d6 tours). Sa Volonté de 12 lui donne une Résistance à la Magie. Il a 4 en Commandement. Baragin a 4 en Leadership.


MouvMêlArcForceEndBlesInitAtt.QICoolVol.
Baragin
3
6
7
2C
3
8
3
8
9
12

Le premier bataillon est composé de 8 Régiments d'environ 20 Halflings chacun : (1) les Gardes de Halflington (ont des épées, Burdock Ginswill), (2) la Milice de Bog End (n'ont que des dagues, Gaffer Hornbright), (3) la Milice de Cider Lane (Robin Grubfellow), (4) la Milice de Mill Lane (Old Will Hayward), (5) les Jardiniers de Halflington (armés de faux, Spam Grundle), (6) les Frondeurs (Ned Thunkit), (7) les Shériffs de la Marche (Arc + épée, Cringe Whiteflag), (8) les 15 Monteurs de Poneys de Cook Land (Pas de bonus de charge, Tomas Cook). 


MouvMêléeArcForceEndBlessInitAtt.
Gardes3
34
1
A151
Milices3241A1
5
1
Shériffs3341A151
Cavaliers7341A151

Bataillon 2 : les Gnomes (1035 points)

Thor Wibble porte une armure de mailles, un bouclier et une épée magique, Brain Eater qui donne +1 en Force et +7 en Init. Il est résistant à la Magie.


MouvMêlArcForceEndBlesInitAtt.QICoolVol.
Thor
3
5
4
3
D
3
5
2
8
6
10

Il est accompagné de 10 gardes (armure et haches), 20 guerriers de Wala Crag (leader Sven), 30 hommes du clan d'Erik Bloodaxe, 20 arbalétriers de Wal Wally et un Sorcier, Knut. Après avoir recopié leurs caractéristiques, je me rends compte qu'ils sont en fait indiscernables.


MouvMêléeArcForceEndBlessInitAtt.
Guerriers3
4
3
2
B
13
1
Clans3432B1
3
1
Arbalètes343
2B
13
1

Knut Arkwright le Sorcier Gnome (niveau Acolyte) a une Maîtrise de 2 et une Constitution de 8. Il peut lancer Niveau 1 Boule de feu, (portée 24'', 2 Boules de Force 2),  Bénir épée (rend l'épée efficace contre les vampires), Niveau 2 Brouillard mystique (crée un brouillard impénétrable et permanent de 12'' de diamètre), Aura de protection (donne un jet de sauvegarde supplémentaire tant que le jet n'a pas échoué). 


MouvMêlArcForceEndBlesInitAtt.QICoolVol.
Knut
3
4
3
2
B
2
3
1
7
4
8

Le Troisième Bataillon : l'Ost Béni de Sylvecervelle (1090 points)

Sylvecervelle (Treebrain) l'Homme-Arbre est venu soutenir les Halflings avec 6 autres Treants et 4 Aigles. [Pourquoi les Aigles ont-il un score si mauvais en Mouvement ??]


MouvMêléeArcForceEndBlessInitAtt.
7 Treemen
8
8
0
5
F
6
2
4
4 Eagles
2
7
0
4
C
3
5
2