mercredi 1 octobre 2008

Encyclopalin



(Tout cela n'a aucun intérêt politique, je le sais)



On se souvient que Bush ne lisait pas les journaux, ce qui pourrait être a contrario un argument pour faire croire que la presse peut ouvrir les esprits (il craignait d'être contaminé par des critiques ou des opinions divergentes, ce qui aurait risqué de le faire "cligner les paupières").

Mais Palin est bien plus forte, car elle, elle lit tous les journaux (et elle met à nouveau en doute le sens de l'adverbe "spécifiquement").

Cet appétit universel de lecture explique pourquoi elle semble abonnée à un bulletin de la John Birch Society, le groupe radical ultraconservateur qui craint que l'ONU ne prenne le contrôle des USA. Elle est simplement exhaustive et doit aussi lire tous les jours le Daily Worker.

Comment peut-elle tout lire ?

Peut-être veut-elle dire que lorsqu'elle lit les 26 lettres de l'alphabet, elle accède en puissance à la Totalité Indénombrable de toutes les phrases imprimables possibles ? Un peu comme dans cette plaisanterie leibnizienne qui dit qu'un Livre de tous les Livres Possibles serait aisé et qu'il n'aurait besoin que d'avoir deux signes inscrits : 0 et 1 (au lecteur de recomposer le reste).

Certes, elle voulait peut-être seulement dire qu'elle lit "n'importe quelle" source "qui lui tombe sous les yeux" mais elle a été incapable d'en citer même une seule, même le Wall Street Journal ou l'Anchorage Daily News. Ce devait être la crainte de froisser un fanzine quelque part dans l'Ohio.

Palin semble en fait encore moins perspicace ou curieuse que Dan Quayle (dont j'ai toujours espéré que la phrase où il demande si on parle le Latin en Amérique latine était soit apocryphe, soit un mot d'esprit volontaire). On pourrait argumenter que Bush ne semblait pas vraiment plus brillant dans les interviews - alors que le Grand Communicateur Reagan était un inculte très malin.

Certains sont impressionnés par les origines modestes de Palin, qui n'ont en un sens rien à envier à Obama ou Clinton. Elle n'est pas une héritière comme Bush, Quayle ou McCain, mais elle est peut-être un cas d'ascension fulgurante sans mérite. Elle a indéniablement une intelligence politique, suffisante pour gagner des municipales en instrumentalisant les valeurs religieuses puis en sachant se connecter avec l'establishment alaskien pour devenir Gouverneur. Il ne faudrait pas la sousestimer dans un débat ou elle sera peut-être en meilleure position que dans une interview, mais il lui manque aussi de nombreuses dimensions d'une intelligence capable de dépasser un cadre "paroissial".

Comme le dit Ezra Klein, le problème n'est pas qu'elle soit peu expérimentée mais plutôt qu'elle ne semble pas disposée à le devenir de manière fiable. Obama, qui a un mérite scolaire bien supérieur, est peu expérimenté, ses ennemis ont raison sur ce point. Mais personne ne met en doute qu'il s'intéresse vraiment aux questions dont il parle et qu'il pourrait acquérir rapidement l'expérience nécessaire - alors qu'à l'inverse McCain est bien une longue expérience, mais rien ne prouve qu'il montre vraiment du jugement attentif ou nuancé dans les dossiers qu'il est censé bien connaître.

Le problème de Palin n'est pas son inexpérience relative actuelle mais qu'on n'ait pas de preuve qu'elle ait les capacités aussi bien de caractère qu'intellectuelles pour exploiter et développer ce qu'elle pourrait apprendre. Le fait qu'elle semble encore moins cohérente et pertinente depuis qu'elle "potasse" et est "entraînée" n'est pas un signe favorable. Il est risible d'entendre Karl Rove dire qu'elle a été faible devant la courtoise Katie Couric parce qu'elle était "trop préparée" (over-prepped) par des conseillers qui la font bachoter, ce qui lui enlevait son "naturel" avec les "vrais gens". Si elle était "trop" préparée, c'est qu'elle n'est pas "prête" à être "préparée".




Palin dit à la fin de l'interview (en inversant à son insu l'ancien jargon de Raymond Barre qui réservait "microcosme" pour la capitale) "Croyez-moi, l'Alaska est comme un microcosme de l'Amérique". Elle a raison contre Raymond Barre et signifie qu'elle est à la Marge loin du Centre élitiste, tout en "exprimant" et représentant adéquatement ce Centre, avec des compétences et responsabilités au moins "analogues". On ne peut s'empêcher de penser qu'il y a quand même dans son cas un problème d'échelle. Il y a des Sénateurs tout aussi stupides à Washington D.C. (sans même parler des Représentants, qui en tiennent parfois vraiment une couche) mais ils ne pourraient pas (du moins pour l'instant) franchir les Primaires présidentielles.

2 commentaires:

Fr. a dit…

McCain a quand même bien loupé son coup avec Palin. Il pensait qu'il y allait y avoir une fenêtre thématique pour le value-apple-pie-voting dans la campagne, vlan! crise financière, état de l'économie, W partout.

À mon avis surtout, et c'est pour ça que le choix du VP n'a aucun effet statistique sur le vote, l'effet Palin était un joker (sic) de courte durée, les blagues électorales les plus courtes étant les moins longues (elle est quand même plus fun que Stephen Harper, quoique).

Phersv a dit…

Il n'avait pas vraiment tant de choix que cela, peut-être. Mais je me demande si Huckabee n'aurait pas été un meilleur choix s'il voulait un évangéliste taré.

Ou bien Condoleeza Rice ? Mais cela aurait empêché de jouer sur la nouvelle prise de distance contre Bush.