Le jeu de rôle a été très marqué par le fantastique, quel que soit le genre simulé. La raison en est simplement l'escapisme ou la "power fantasy" : on ne joue pas seulement "pour raconter une histoire" ou pour "interpréter un autre cadre" mais pour faire comme si on avait des capacités imaginaires. Il y a donc assez peu de jeux réalistes ou historiques purs (même le pointilleux Pavillon Noir, pourtant très démystificateur, a ajouté une option pour de la magie vaudou des Caraïbes).
L'habitude de ces conventions fantastiques est telle que j'avoue me sentir parfois très limité dès que je joue à un jeu "réaliste" (historique ou de hard science fiction) où on doit raisonner sans ces capacités surnaturelles qui sont adaptées au jeu.
Les comics sont fondés sur le Principe de Continuité (tous les récits forment un seul grand récit) mais Morrison insiste ici sur un autre corollaire propre au Multivers DC qu'on pourrait appeler le Principe de Métafiction : Tout récit contradictoire est en fait une fiction relativement à un des Mondes Possibles et un récit véridique dans un autre Monde Possible. Le statut fictif est une question indexicale dans ce type de fiction. Ce Principe est utilisé depuis le début des comics DC : Wildcat (publié en 1942) décida de devenir un superhéros dans sa bd en lisant une autre bd décrivant les aventures de Green Lantern. Autrement dit, il y a souvent une mise en abyme où les personnages de bd (même quand ils ne brisent pas le Quatrième Mur et ne sont pas conscients de leur propre statut fictif) ont accès à des bd décrivant des récits sur d'autres mondes, ce qui fait que chaque bd DC peut avoir un effet dans la bd.
Toute littérature, même celle qui se veut "réaliste", traite plus ou moins du statut des "mondes" fictifs et la "fiction spéculative" comme la SF en est encore plus consciente mais ce thème "spéculaire" devient le centre dans les comics américains (pour des raisons qui ne furent à l'origine que socio-économiques et juridiques, liées à la structure de la propriété intellectuelle et au primat des éditeurs sur les auteurs).
Ici, Multiversity va jouer sur l'auto-référentialité puisque chaque personnage des diverses Terres sera informé de ce qui arrive dans les autres par les bd publiées dans leur propre monde, avec une autre intrigue qui sera une bd circulant à travers les mondes et modifiant les événements par son existence même. Ici, ce sera une bd maudite qui tue ses lecteurs, ce qui paraît curieux quand on sait les idées très superstitieuses de Morrison sur la création (il disait que son propre état réel était profondément affecté par les aventures de ses personnages).
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