Cf. 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 (1) & (2) et 2008, 2009.
Le salon semblait avoir plus de succès encore que les années précédentes, mais surtout grâce aux jeux de plateau (ce qui permet un public plus large, moins geek et même nettement plus mixte que les autres années). Le jeu de rôle paraît stable (il y avait même des meneuses de jeu de Changeling et de Star Trek), la mode du Poker semble avoir presque disparu après l'engouement d'il y a quelques années (pas trace de Mahjong non plus).
Les jeux de figurines étaient nettement moins présents et en fait je le regrettais un peu parce que les démos sont souvent assez jolies pour un Salon de ce type. Il n'y avait pas Rackham, mais Hazgaard qui va relancer une seconde fois le jeu d'escarmouche Cadwallon (cité dans le même univers que le wargame d'escarmouche Confrontations). A part cela, je crois n'avoir vu qu'Ex Illis ou Mortebrume.
Casus Belli n°2 de la nouvelle version s'est adapté aux vagues actuelles du jeu de rôle. La première version était centrée sur Jeux Descartes avec D&D, l'Appel de Cthulu et Warhammer. La version 2 était publiée par Multisim et flirtait avec les jeux en réseau. La version 3 semble plus attirée par les jeux de rôle français indépendants mais le jeu de rôle a encore plus de diversité que par le passé. Le thème est l'exploration de la "Bête Intérieure" dans les personnages. Il y a des scénarios génériques "fantastique contemporain" ("Trinité Noire", par yno, le créateur de Patient 13), médieval-fantastique générique, du post-apocalyptique (pour WarsaW qui se déroule dans un immense No Man's Land polonais où la Première Guerre mondiale continue de durer depuis un demi-siècle entre l'URSS et l'Empire allemand) et du cyberpunk (du Shadowrun par Emmnanuel Gharbi, le créateur d'Exil).
Un autre magazine présent était le numéro 0 de di6dent avec justement un dossier sur la Presse et le jeu de rôle et quelques scénarios (dont Hellywood et Yggdrasil).
Puisqu'on parle de jeux français "indépendants", un des nouveaux jeux de John Doe en boutique est Deadline, une campagne se déroulant dans un futur proche où l'Humanité a appris la date précise de son extinction à venir (par un rayonnement qui va arriver sur Terre). Il y avait aussi une nouvelle édition de Mahamoth, jeu fantastique du prolifique Grümph où les personnages vivent dans une flotte de vaisseaux, la Horde, qui a regressé vers une civilisation plus barbare (un peu comme le premier jeu de rôle de SF, Metamorphosis Alpha mais avec un côté Galactica).
Je suis passé devant le stand de la FFJDR et un grand philosophe barbu (le rôliste est très barbu aussi d'ailleurs) disait que Philosophie Magazine préparait un dossier ou quelque chose sur le jeu de rôle. Ai réussi in extremis à vaincre mon narcissisme en ne me jetant pas sur lui pour lui supplier d'y collaborer. Me suis rappelé ensuite avec plus de Sagesse que je n'aurais probablement rien d'intéressant à y écrire (de vieux articles sur les propriétés saillantes pertinentes dans la simulation ou contre certaines systématisations de Caillois n'ont aucun intérêt).
7e Cercle, qui est devenu un des principaux fers de lance de tout le jeu de rôle français, semble un peu ralentir leur cadence depuis les sorties de l'an dernier, Devâstra, Yggdrasil, et Sables rouges, jeu de SF un peu inclassable (western med-fan martien). On m'a expliqué que la gamme Qin : Shaolin & Wudang (donc XVIIIe siècle) était un peu en attente (supplément sur la ville de Guǎngzhōu) parce que les joueurs de Qin n'avaient pas encore eu le temps de finir la première campagne au IIIe siècle avant JC. Un nouveau jeu était Z-Corps où on tue des zombies et le thème m'a immédiatement fait fuir comme j'aime les zombies encore moins que les vampires, si c'est possible.
Le GROG a remis ses trophées. Il y a eu environ 500 électeurs et les jeux reçus premiers avaient souvent seulement entre 35 et 100 voix. En gros, l'Appel de Cthulhu a presque tout raflé (et aucune version de D&D n'a rien eu, ce qui montre l'écart entre les ventes et les goûts des amateurs) : meilleur système, meilleurs scénarios, meilleure gamme et meilleur jeu de rôle de tous les temps. Patient 13, petit jeu indépendant paru chez John Doe gagne le prix de l'originalité.
Chez Matagot, la nouvelle édition de Te Deum Pour un Massacre, le jeu de rôle de Jean-Philippe Jaworski sur la Saint-Barthelemy est peut-être l'un des plus beaux jeux de rôle que j'ai jamais vus. Cette version 2 devient une sorte de Bible ou Pleiade, une oeuvre de luxe assez rare dans notre loisir. Le thème est un peu pointu (jouer seulement au milieu du XVIe siècle dans un univers historique sans ajout de magie) mais il y a déjà de nombreuses campagnes (il faut que j'écrive une recension des Deux Reines, sur Mary Stuart et Elizabeth).
Du côté des jeux de société, j'ai été très attiré par Cyclades toujours chez Matagot (ci-contre), jeu de conquêtes d'îles grecques avec de superbes pions de trirèmes ou de Monstres mythologiques dignes des plus beaux jeux de FFG. Heureusement, ils étaient en rupture de stock ou j'aurais craqué tout en sachant que je n'y aurais joué qu'une seule fois comme d'habitude.
Parmi les jeux plus récents, la nouvelle édition française du A la carte, le jeu culinaire où des chefs rivalisent pour réaliser des recettes avant les autres, m'a paru très jolie avec ses faux ingrédients ou fausses plaques de cuisine qui fait presque penser à une vraie dinette.
Comme d'habitude, il y avait de nombreux costumes de Grandeurs-Nature et j'ai retrouvé par hasard sous un heaume en bassinet du XIVe-XVe siècle un de mes anciens camarades et joueurs (maintenant professeur d'algorithmique - pour les happy few, il s'agit de Kostang le Troll dans notre campagne de Runequest à Refuge en Kethaela).
On le voit ci-dessous à droite tenant une épée sans bouclier alors qu'il se bat dans une reconstitution d'escrime médiévale en armes réelles. Il m'a expliqué que le poids de l'armure était tel qu'il jugeait maintenant que l'Armure lourde devrait être une Compétence à part dans les jeux médiévaux (c'est en partie le cas dans Rolemaster dans mon souvenir). Ici, le duel était censé se dérouler dans l'univers des Ombres d'Esteren mais je ne crois pas que le public ait pu saisir les allusions.
9 commentaires:
Presque rien à voir mais vous ne vous êtes jamais intéressé aux jdr dits "indépendants" (je pense à Spione ou lacuna, dogs in the vineyard etc...) ?
Ils proposent des types alternatifs de narration ludique... on sort du caractère génératif des jdr tradi basés sur le couple feuiile de perso interfacé avec l'univers via le système...
Non, je suis très en retard sur les jeux indépendants en dehors de quelques jeux comme The Extraordinary Adventures of Baron Munchhausen (critiqué il y a 2 ans, Wilderness of Mirrors (espionnage) de John Wick ou Breaking the Ice (comédie romantique) d'Emily Care Boss.
Je n'ai pas suivi tous ces mouvements parce que la plupart des thèmes ne m'attiraient pas (DiV par exemple me répugne vraiment mais je m'en fais peut-être une idée assez absurde parce que je n'aime ni les Westerns ni les Mormons et encore moins l'idée de jouer un Mormon dans un Western).
En revanche, il va vraiment falloir que j'essaye le Spione de Ron Edwards, c'est quasiment le seul thème "réaliste" qui m'intéresse en jeu de rôle. Après Wilderness of Mirrors, j'avais même pensé à un jeu de ce type, que j'appelais Sub Rosa ou Agent-Double, où les joueurs ignorent eux-mêmes si leurs personnages peuvent en fait avoir basculé dans l'Autre Côté en gagnant trop de points de Duplicité.
J'ai Spione sans l'avoir fait jouer. Un des problèmes qu'il me pose, comme peut-être la plupart des jeux de Ron Edwards, c'est le nécessaire recours à des éléments intimes propres aux joueurs: dans ce cas, un souvenir honteux (mensonge, vol de bonbons ou autres mesquineries) que l'on écrira sur un papier anonyme ensuite placé dans un récipient, pour être tiré au hasard en cours de jeu afin d'influer la conduite ultérieure des personnages fictifs.
Edwards insiste sur l'impératif de l'expérience commune vue comme catharsis produisant du sens. C'est un peu trop quaker pour moi.
Reste l'intéressante mécanique des cartes à jouer supportant la gestion des "droits auteuriaux" des joueurs, d'une part et conditionnant la nature et le moment du climax.
Il reprend donc un peu les idées de psychodrame de son Sorcerer, c'est ça ? Ici, un mécanisme à la Truth or Dare en quelque sorte pour que les joueurs aient vraiment peur sur ces Secrets.
Je ne sais pas si je veux aller aussi loin dans l'expérience cathartique ou psychanalytique en effet (j'ai le même problème avec le fabuleux Wraith - où chaque joueur joue aussi le Ca du personnage d'un autre joueur - ou avec le provocateur Kult, même si on y joue avec les névroses des personnages et non pas directement avec celles des joueurs).
Un des apports principaux en jeu de rôle depuis au moins les jeux sans dés (Amber) puis les jeux de "troupe" avec MJ en rotation vient des jeux de la Forge avec la remise en cause des relations traditionnelles MJ-joueurs, voire l'abolition complète de la position du Narrateur. Mais je me demande toujours à quel moment on n'est plus dans le jeu de rôle mais dans un mécanisme de collaboration sociale pour raconter une histoire (par exemple dans le jeu de superhéros With Great Power, chaque joueur est plus co-scénariste ou co-narrateur que seulement interprète du personnage).
Breaking the Ice se joue à deux et chacun est par alternance le MJ de l'autre pour jouer les rencontres entre les deux personnages, mais là aussi je me demande si la relation réelle entre les deux joueurs ne va pas finir par revenir à la surface avec tous les griefs refoulés...
L'idée de narration partagée demande à être essayée mais c'est la remise en question de la zone de confort qui m'ennuie. Edwards semble refuser l'idée d'escapism comme principe majeur du jeu.
Spione n'était même pas un jdr selon lui, qui considérait que le public rôliste ne pouvait avoir les attentes requises à l'exercice de son jeu.
J'avais acheté également WofMirrors plus Mission Impossible, ainsi que Cold City qui introduit un système obligé de confiance/trahison entre les persos/différentes nations chargées d'occuper le Berlin d'après-guerre. Ces deux-là conservent le GM.
J'apprécie surtout l'idée que l'incertitude motrice du mythe et du fait de la Guerre Froide soit transposée dans les mécanismes du jeu. Pour le coup le "système importe" intelligement.
Lacuna créé l'idée de "parasite" comme donnée numérique de complication de l'intrigue par exemple.
Le grand "philosophe" barbu et surtout rôliste, c'est moi !
C'est fou, je suis lecteur et admirateur de votre blog depuis si longtemps et j'arrive tout de même à vous manquer alors que vous passez juste à côté de moi au Monde du Jeu ! Si j'avais su !
Pour Philosophie Magazine, il ne s'agit pas d'un dossier sur le jdr (même si j'en rêverais) : nous allons essayer de leur présenter "Sens Hexalogie" de Romaric Briand (sens.hexalogie.free.fr) et "Monostatos" dont je suis l'auteur (monostatos.canalblog.com). Ces deux jeux ont la volonté de faire du jdr à partir de la philosophie (bien que ce soit de deux manières très différentes). Pour l'instant, cette présentation n'est qu'à l'état de projet.
Puisqu'on en parle et que je suis en plein dedans, je me permets d'intervenir. La définition d'un jdr indépendant (selon The Forge et en référence au rock indépendant) est "un jdr dont l'auteur possède et contrôle la totalité du circuit de distribution et l'ensemble des droits d'auteurs". Ce qui implique donc qu'il ne peut y avoir d'éditeur, ni de distribution en boutique. Pour le joueur, ça a deux conséquences : d'abord les jeux indépendants sont nettement moins chers (pas d'intermédiaires) et ensuite ce sont des jeux d'auteur, proposant une expérience de jeu innovante et riche.
Par extension, on associe au jdr indépendant tous les jdr qui se revendiquent des théories de The Forge, appelées le Big Model (pour en savoir plus : http://cellulis.blogspot.com/2010/08/podcast-hs-le-big-model.html ) que vous connaissez apparemment déjà.
Sens et Monostatos sont tous les deux des jdr indépendants (à la fois dans la définition stricte et la définition étendue). Si des jeux de ce type vous intéressent, je vous recommande également en francophone Prosopopée de Frédéric Sintès (http://froudounich.free.fr/?cat=15) et Innommable de Christophe Boeckle (http://www.silentdrift.net/innommable/).
Nous sommes tous en orbite autour du forum Silentdrift (www.silentdrift.net/forum), un lieu de travail et de réflexion qui regroupe de nombreux auteurs indépendants francophones, à la manière de The Forge. Comme auteur de jdr, ce forum m'a permis de comprendre de nombreux mécanismes de dynamique humaine et m'est d'une très grande aide pour développer mon jeu. N'hésitez pas à venir participer ! Vos réflexions faisant le pont entre jdr et philo y seront pleinement appréciées !
A bientôt,
Fabien
Hello
Fabien m'a donné l'adresse de ce blog que je découvre avec joie! J'ai tout de suite été attiré par la remarque sur la systématisation de Caillois (dont certains points me laissent perplexes), si jamais ça devait faire l'objet d'un article de blog je suis super intéressé!
À bientôt
Christoph
[Après vérification, cette définition du jdr indépendant est un peu extrême pour la distribution. Il n'y a pas besoin de contrôler la totalité du circuit de distribution, ce qui est important c'est d'être maître de la commercialisation de son jeu (ce qui peut passer par de la sous-traitance et des boutiques si on estime que c'est un bon plan). ]
Merci beaucoup, notamment pour les liens pour Silentdrift, que je ne connaissais pas du tout (et pourtant, j'essaye de hanter les forums de jdr quand j'en trouve).
Comme sur TheForge, la rubrique Théories est plus dans les archives mais qu'elle doit se trouver aussi dans les discussions sur le GameDesign.
En effet, j'abusais plus haut (commentaire #2) du terme d'indépendant quand j'évoquais Munchhausen de Hogshead Games (qui est donc plutôt un jeu commercial mais atypique ou marginal - d'ailleurs sans le critiquer, on peut se demander si c'est encore vraiment un jeu de rôle).
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