Je connais de nombreux mauvais arguments en faveur du théisme (en gros l'histoire de la majeure partie de la métaphysique ne fut que cela) mais assez peu de mauvais arguments contre. Le seul mauvais argument athée serait à la rigueur le chantage de l'adolescent demandant d'être foudroyé sur le champ pour avoir un "signe".
Mon argument favori est simplement de type "épistémique", l'Inférence vers la meilleure explication. En supposant qu'il n'existe aucun Dieu, la réalité connaissable serait exactement semblable et on pourrait aussi expliquer très bien la croyance en Dieu comme un désir normal d'animaux rationnels. Donc on peut faire l'inférence (certes non démonstrative au sens logique, mais hautement raisonnable) qu'il n'existe pas puisqu'il n'explique rien (on peut le nier) et qu'on peut au contraire expliquer l'erreur qui consiste à le postuler.
L'argument est simple et les théistes ont donc besoin de mauvais arguments pour le contrecarrer. Ils doivent soit dire qu'on ne peut même pas supposer l'hypothèse de sa non-existence (argument ontologique), ou bien s'appuyer sur des croyances en des miracles (superstition) en refusant toute explication rationnelle de ces croyances et prétendus témoignages.
Mais la plupart des théistes se tourneront alors vers des arguments pragmatiques, pour dire que la croyance en un Sujet moral omnipotent pourrait faire plus de "bien" que de "mal". Même si cela était le cas (et j'en doute fortement), cela n'impliquerait pas du tout qu'on doive y croire comme à une vérité (au contraire, les raisons pragmatiques se dénonceraient aussitôt comme les motifs d'illusion).
Les arguments moraux (ou pour parler comme Kant, "éthico-métaphysiques") contre le théisme sont plus difficiles car les théologiens ont mis au point d'innombrables tentatives sur le Libre-arbitre pour défendre la théodicée.
Mais en un sens, le vieil argument de l'Euthyphron peut déjà être adapté. Platon disait dans ce dialogue que la vraie piété ne pouvait pas être simplement suivre la volonté divine (sinon la piété serait flagornerie immorale et non pas une vertu). De même on peut dire qu'on a un dilemme simple : (1) si Dieu lui-même est soumis à l'Idée du Bien (comme le formuleront Abélard) alors il ne sert à rien, à quoi bon ce Sujet et on pourrait se contenter de "L'Idée du Bien" elle-même ; (2) si le Bien était défini par ce que veut Dieu (ce qui semble être la conclusion de Descartes ou de Kierkegaard), ce Sujet de l'omnipotence semblerait rendre toute catégorie arbitraire (comme le dira Leibniz contre Descartes).
Mais le théiste peut quand même jouer avec des attributs divins et dire que ce Sujet est identique à l'Idée du Bien (et qu'il se veut donc lui-même, qu'il veut l'Ordre divin qui lui est identique).
Cela nous renverrait alors à la critique des attributs divins et je ne veux pas m'engager là-dedans, parce que Leibniz est difficile à critiquer dans ses stratégies pour rendre compatible l'omnipotence divine, l'existence du mal et la bonté de Dieu. Sa théodicée ne fait pas changer d'avis mais elle a quand même une belle élégance pour rendre cohérente cette possibilité bizarre.
Un argument que j'aime bien est celui du Kantisme Inversé (ou l'inversion de Dostoievski). Kant nous dit qu'il faudrait se défier de celui qui croit être moral alors qu'il agirait de manière intéressée. Mais si Dieu existait et qu'il y avait un ordre divin de justice où les saints atteindraient la béatitude (ce que Kant appelle l'espérance légitime dans un Souverain Bien dans la Critique de la Raison pratique), la possibilité de la moralité désintéressée deviendrait difficile voire impossible. La Foi s'opposerait alors au fait de faire son devoir seulement parce que c'est bien de le faire. Donc pour avoir une volonté bonne, il faut au moins être convaincu subjectivement qu'il n'y a aucune garantie du Souverain Bien.
Cependant, Kant répondrait que l'agent qui fait son devoir doit le faire comme s'il ignorait si ses intentions sont authentiquement pures ou pas. L'espérance légitime du Souverain Bien selon lui ne contaminerait donc pas la "bonne volonté".
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leade...
Il y a 6 heures
6 commentaires:
D'un autre côté, Isabelle Balkany est battue à Levallois, donc ce serait un argument qu'un ordre juste du monde aurait presque pu exister.
Il me semble que la théodicée leibnizienne, quoiqu'impressionnante, a du mal à être convaincante, et qu'elle demande tout de même un peu de "wishful thinking" pour avoir de la force (sur la liberté et le déterminisme, sur la maximisation du bien dans les mondes possibles). Particulièrement, son appel à l'idée d' harmonie du tout qui est réhaussée par les contrastes entre souffrance et agrément (vu que le bien uniforme serait lassant) choque un peu sur les bords.
Une conséquence marrante de la théodicée, c'est que si l'univers est globalement bon, et que le mal est nécessaire pour qu'un bien plus grand existe, alors il est tout à fait possible que la terre et ses habitants soient précisément ce mal nécessaire pour qu'une, voire une multitude de planètes heureuses et rayonnantes existent ! (ou comment réfuter Leibniz par le space opera)
Oui, la théodicée leibnizienne est un beau roman, mais je continue à trouver la solution fascinante (justifier le mystère de la liberté et de la contingence tout en étant complètement déterministe grâce au concept de l'Infini, qui a l'air sans rapport).
Leibniz dirait que notre planète doit quand même être singularisée à cause de l'Incarnation (sauf si Jésus va mourir et ressusciter aussi dans chaque monde, comme dans certaines autres nouvelles de sf, et comme se le demande sans aucun humour ce Jésuite).
Il y a une nouvelle provocatrice de Lester Del Rey, "For I Am a Jealous People" (1954) où l'humanité découvre avec horreur l'expérience ultime du "décentrement" : des aliens (pas particulièrement saints d'ailleurs) sont le vrai peuple élu par Dieu. Les aliens ensuite nous génocident.
Un autre problème sceptique à la Matrix contre Leibniz serait de dire que oui, Dieu a créé le meilleur des mondes mais que nous pourrions alors nous demander si nous sommes dans le monde créé ou bien seulement une série de pensées dans le calcul divin. Notre monde ne serait alors qu'une combinaison "abstraite" dans l'éternité "avant" la création.
Leibniz n'aurait aucune sympathie pour ce scepticisme idéaliste mais c'est une variante originale de l'argument du Mauvais Génie où nous ne serions pas des illusions mais plutôt de simples possibilités sub-optimales.
Préambule : Je suis athée. (et même à thé de la grande theière)
Remarque :
Tu vas un peu vite en besogne avec l'argument que Dieu est une hypothèse non nécessaire (argument de la superfluité).
Peter van Inwagen en a fourni une excellente critique (Peter van Inwagen Is God an Unnecessary Hypothesis? in God and the Ethics of Belief : New Essays in Philosophy of Religion, traduit ici : http://www.revue-klesis.org/pdf/Religion02VanInwagenRehault.pdf intéressante revue de philo analytique au passage)
La non-nécessité de l'existence d'une chose n'implique pas sa non-existence. Les athées se défendent en disant qu'elle implique qu'il soit raisonnable de croire en sa non-existence. (L'atheisme serait la position la plus raisonnable ou probable si on utilise une induction probabiliste)
Qu'il n'y ai aucune raison de croire qu'une entité existe suffit-il pour justifier que l'on croit qu'elle n'existe pas ?
Van Inwagen répond non en s'appuyant sur une belle analogie : l'existence d'extraterrestres intelligents. l'absence de preuves de l'existence d'extraterrestres intelligents ne justifie pas que l'on ne croit pas en elle. En l'absence de preuve en faveur ou en défaveur, il est le plus raisonnable de ne rien croire au sujet des intelligences extraterrestres (suspension du jugement).
L'argument de la superfluité de Dieu ne peut donc conduire qu'à l'agnosticisme (et non à l'atheisme) d'après Van Inwagen.
(En tant que theiste, il va plus loin en contestant la prémisse. Il reprend l'argument cosmologique pour affirmer que Dieu est nécessaire. Mais là je ne le suis pas).
Ensuite, donner une explication naturaliste de la croyance en Dieu ne prouve en rien que c'est une erreur.
A mon avis, c'est bien sur la question de l'indigence de la création, en particulier l'existence du mal, que les theistes sont le plus mis en difficulté. C'est une preuve positive (la seule ?) que Dieu n'existe pas.
Au passage, je t'invite à regarder l'article de Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arguments_sur_l'existence_de_Dieu
Par amusement, j'y ai beaucoup contribué ces deux derniers jours, c'est en faisant des recherches pour l'améliorer que je suis tombé sur ton blog ;)
Je reconnais que la superfluité ne suffirait pas si on n'ajoute pas un argument supplémentaire. Pour éviter l'agnosticisme je peux dire que je *sais* qu'il n'y a pas de théière sur Mars parce que cela apparaît trop peu probable.
Mais je crois vraiment que l'explication naturaliste vaut comme argument négatif avec une sorte de Rasoir d'Occam : si Dieu n'existe pas, on conçoit pourquoi on y croirait, alors qu'une entité aussi complexe et infinie que Dieu est un ajout énorme à notre ontologie.
Donc on peut défendre l'athéisme contre l'agnosticisme avec une version forte de ce genre d'argument de la simplicité (mais c'est peut-être une version trop forte sur d'autres aspects).
Il faudrait alors l'argument critique du Mal pour "renforcer" l'argument selon lequel c'est un ajout trop "complexe".
Je comprends bien ton propos. J'ai moi-même souvent utilisé l'argument de la théière (qui est aussi drôle pour un athée que provocateur pour un croyant :D).
Cependant en y réfléchissant bien, je ne sais rien sur l'existence ou non de la théière en orbite. Si quelqu'un y croyait véritablement je pourrais contrer sa croyance en lui disant qu'il n'a aucune raison d'y croire mais pas en lui prouvant qu'elle n'existe pas. La nuance est légère certes.
Il faut ajouter un autre argument (par exemple le Mal) pour passer à l’athéisme. Autre argument qui subit probablement des critiques des théistes...
Comme quoi on ne peut pas facilement à mon avis contrer la croyance en Dieu même en se plaçant sur un plan strictement rationnel.
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