A Śobhāvatī, un blanchisseur nommé Dhavala avait épousé la belle Madanasundarī. Un jour, le frère de Madanasundarī vint les voir et ils se rendirent au Temple de la Déesse Gaurī (un des aspects de Durga ou Pārvatī). Mais Dhavala se rendit compte qu'il n'avait pas d'offrandes et il se trancha donc la tête pour l'offrir à la grande Déesse, et le frère de Madanasundarī fit de même. La malheureuse jeune fille supplia la Déesse de rendre la vie à son mari et à son frère. La Déesse accepta mais Madanasundarī, dans sa précipitation, intervertit la tête du mari et du frère sur les deux corps quand elle les reforma.
L'énigme du Vetāla-Narrateur consiste à savoir qui était désormais son vrai mari, le corps de Dhavala avec la tête de son frère ou le corps de son frère avec la tête de Dhavala.
La réponse du roi Trivikramasena est que la tête contenant le siège du Soi, elle devait rester marié au corps de son frère.
Quand on lit cette histoire, on ne peut pas ne pas penser aux expériences de pensée sur l'Identité Personnelle et les transplantations de cerveaux qu'aime tant la philosophie analytique - Bernard Williams et Sidney Shoemaker seraient, je crois, plutôt d'accord avec le roi - même si Williams a un argument célèbre pour montrer que cela dépend comment on raconte l'histoire.
La Déesse est aussi associée à une autre célèbre greffe de tête dans la mythologie hindoue : celle de Gaṇeśa, à qui son père Śiva aurait tranché la tête parce qu'il l'empêchait de voir son épouse Pārvatī. Le changement de tête est ici un symbole de transformation intérieure, d'union du microcosme et du macrocosme, alors que dans ce conte il est plus littéralement la transcendance du Soi par rapport au corps.
On remarque que l'histoire se situe dans la même cité himalayenne de Śobhāvatī que dans le quatrième conte, qui était aussi une auto-immolation à la Déesse. En revanche, on a des personnages de caste bien plus modeste (blanchisseur) cette fois.
Décidément, les contes du Vetāla - qui est lui-même un esprit malin en possession d'un cadavre - portent souvent sur des mariages et des corps. Ici, c'est pour insister que le mariage n'est pas essentiellement le lien des corps.
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