dimanche 3 avril 2011

[Alphabet d'Avril] C comme Cyclops


Les comic-books ont évolué du héros enfant-sage du Surmoi (Superman) vers l'adolescence du Rebelle non-castré de la désinhibition (Wolverine). Même si on croit assez peu à toute la mythologie organique freudienne, il est difficile de ne pas voir en Cyclops un fantasme/cauchemar phallique étrange d'éjaculation précoce permanente. Cyclope doit garder les yeux fermés ou voilés ou bien il envoie en continu un regard destructeur. C'est donc plutôt une sorte de Gorgone qui voudrait demeurer responsable et ne pas semer la mort autour de lui. Le thème du superhéros a été longtemps non pas seulement la volonté de puissance mais celui de la maîtrise de soi (et peut-être la crainte de sa propre volonté de puissance) et Cyclops en est une des métaphores les plus transparentes (en dehors de ceux qui ne peuvent justement absolument pas se contrôler, comme Hulk). Il n'est pas le jovial Beast d'un ça innocent (qui va évoluer dans une direction plus angoissée par la suite) ou le playboy hédoniste et narcissique Angel, il est la personnalité "sous contrainte", l'orphelin qui s'identifie à la volonté paternelle de Charles Xavier (même si récemment, les scénaristes ont décidé de le rendre plus inquiétant, en tuant le Père et en lui succédant).


Les scénaristes ont hésité entre deux interprétations du pouvoir de Scott Summers. Roy Thomas dans Uncanny X-Men #43 ("Call Him Cyclops", 1968) dit que son rayon est une énergie solaire qui peut s'épuiser et se décharger s'il s'en sert trop.


Mais cela risquait de retirer tout ce Pathos qu'il avait de ne pas pouvoir contrôler le rayon, il lui aurait suffi de "vider ses batteries" littéralement. C'est pourquoi l'archiviste Mark Gruenwald dans l'Official Handbook of the Marvel Universe 3 (1983) invente une nouvelle théorie baroque où Cyclope n'a pas accès à une énergie qu'il ne ferait que transformer, mais ouvre de manière continue devant ses yeux une sorte de portail vers une autre dimension (d'où une création d'énergie nouvelle dans le système physique auquel il appartient). Cela aurait le défaut opposé de rendre son énergie infinie et inépuisable.

L'angoisse perpétuelle de Scott est l'émotion et la perte de contrôle de soi. Dans ses premières apparitions, il souhaite même (comme de nombreux autres héros Marvel) être délivré de cette malédiction. Tout ce côté castrateur peut donc ennuyer à présent que le goût des comics a évolué en sens inverse. C'est pourquoi les fans actuels semblent tant vouloir que Jean Grey aille avec Wolverine.


Cela rendait la célèbre scène où le Phénix ouvre les yeux de Cyclops si particulière. La scène était censée être touchante et romantique, la première véritable union entre Jean et Scott où elle pourrait voir ses pupilles sans les lunettes de quartz-rubis. Elle était en même temps lourde de menace comme elle prouvait l'étendue nouvelle de sa Télékinésie sans limite. Le rayon optique était tellement le danger de l'hubris que son interruption devenait le signe que le Phénix basculait hors de l'humanité et dans le Divin. Au lieu de voiler le Soleil ou de crever l'oeil unique du Cyclope, elle pouvait le contempler directement face à face sans aucun danger, et le Cyclope trouvait cela sublime et terrifiant.


Cyclope a aussi un pouvoir secondaire, un sens géométrique intuitif qui lui permet de contrôler complètement les angles de réfraction de son Rayon optique.


Il me semble qu'ils n'ont jamais réutilisé aussi ce gadget amusant, mais un peu inutile, décrit dans Uncanny X-Men 43, et qui lui éviterait d'avoir à triturer son viseur.


Ce pouvoir n'est peut-être pas seulement inspiré du Robot Gort du Jour où la Terre s'arrêta. Stan Lee et Jack Kirby recyclaient souvent plus ou moins inconsciemment d'autres personnages. Le viseur ressemble étrangement à un superhéros oublié de l'Âge d'or de MLJ, Comet.

1 commentaire:

616 a dit…

Trés bon.Merci