Tiny de Frédéric Dorne (JdR éditions) est un jeu où on interprète de petits Jouets vivants qui protègent leur "enfant", notamment contre ses cauchemars, en un mélange de Toy Story et de LaMéthode du Dr Chestel. Il y a déjà eu beaucoup de suppléments mais l'édition testée est la boîte d'initiation, qui est une version abrégée (et qui semble se présenter comme "un jeu coopératif" au lieu de dire d'emblée partout "jeu de rôle").
Dans cet univers, les jouets obéissent à une loi analogue à la Mascarade des Vampires, le "Coffre". Ils doivent veiller à cacher soigneusement aux Humains qu'ils peuvent ainsi s'animer. Même son "maître" doit ignorer la vérité, sauf dans les rêves où les jouets peuvent pénétrer.
La qualité qui frappe immédiatement est un bon rapport qualité-prix. A seulement 25 euros, on a non seulement des règles (en seulement quelques pages), un écran, six personnages pré-tirés bien choisis (il n'y pas de règles de création de personnage explicites mais elles sont aisées à extrapoler), deux scénarios, deux plans de ces scénarios, des jetons, des cartes d'équipement, tous les dés polyhédriques. On a parfois vu du temps de TSR des boîtes aussi bien remplies mais c'est assez frappant chez un petit éditeur français.
Le système repose sur une seule caractéristique, baptisée Points d'Action, qui représente à la fois l'état de fatigue / vitalité du personnage et sa capacité générale. On perd des Points d'Action en entreprenant certaines actions (comme utiliser ses pouvoirs) ou bien en étant blessé et il est assez difficile de remonter en cours de partie, même si un câlin peut donner quelques Points.
La chance de réussir son action est en gros les Points d'Action divisés par 10 et arrondi au supérieur, plus un bonus lié à une caractéristique. Donc la poupée Charlotte à la Poire avec 31 points d'actions et un bonus +1 en Mignonne, aura un score de 5 pour réussir à paraître telle.
Au lieu que les dés polyhédriques représentent les caractéristiques (comme, par exemple, dans Earthdawn ou Savage Worlds), ils représentent au contraire la difficulté et on doit obtenir moins que son score : on lance généralement un d6 mais si l'action est plus difficile, on peut lancer un d8, un d10, un d12, etc.
{CORRECTION après une partie test aux Utopiales : Mmmh, en fait, dans les vraies règles complètes, les bonus semblent modifier la valeur du dé polyhédrique, pas directement le score à atteindre. Ainsi, un +1 ferait passer la difficulté du d8 au d6. }
Le principal défaut que je vois pour l'instant est que cela me paraît parfois un peu difficile pour une vraie "boîte d'initiation". Je sous-estime peut-être les jeunes joueurs mais j'ai l'impression que le MJ aura besoin d'être un joueur expérimenté pour utiliser cette boîte de l'autre côté du paravent. La volonté de rendre les règles brèves et légères (pour ne pas trop intimider) peut les rendre au contraire un peu allusives, trop concises ou mystérieuses. Dans l'équilibre brièveté / détails, ils ont clairement choisi de ne pas en mettre trop (même s'ils ont quand même le luxe de donner quelques conseils ponctuels de masterisation).
Les autres joueurs, en dehors du MJ, peuvent être débutants (j'ai joué avec un groupe d'enfants de moins de huit ans, la boite dit "à partir de 10 ans") mais le cadre peut être très, très ouvert, ce qui doit exiger pas mal de capacité d'improvisation. Sans vouloir trop faire l'éloge des Donjons, peut-être que la première aventure au moins aurait pu être un peu plus linéaire si le but était d'introduire des MJ débutants sans les submerger.
Si on veut jouer en campagne sans acheter le vrai jeu complet et ses suppléments (extensions que la boite mentionne trop peu si on ne va pas voir toute la gamme sur Internet), il paraît nécessaire d'ajouter au matériel déjà prévu des jetons pour les Points de Peur. Le jeu complet prévoit aussi qu'on puisse éventuellement jouer des animaux de compagnie à la place d'un jouet.
Une autre qualité que je vois pour l'initiation est que les jouets sont finalement assez faibles et que cela doit normalement pousser les joueurs à chercher d'autres solutions non-violentes à bien des situations. Sur ce point, cela peut éviter certains réflexes agressifs de Donjons.
mercredi 30 octobre 2019
Tiny, boîte d'initiation
Publié par Phersv à 00:40 2 commentaires
Libellés : jdr
mardi 29 octobre 2019
Les Sorcières d'Oz / Narnia
Un des points communs entre la série d'Oz (créée par Frank Baum en 1900) et la série de Narnia (créée par l'insupportable CS Lewis en 1950) est qu'il y a un groupe de sorcières.
- L'histoire d'Oz commence notamment avec la sorcière Mombi. Elle règnait sur le pays des Gillikins (où vivent aussi des Dragons sous la Terre) mais elle fut détrônée par Locasta (qu'on appelle depuis la Bonne Sorcière du Nord) à la même époque où Glinda (la Bonne Sorcière du Sud) avait détrôné la Méchante Sorcière qui régnait sur les Quadlings. Mombi s'est alliée aux Méchantes Sorcières de l'Est, de l'Ouest et du Sud et c'est elle qui enleva (sans doute avec l'aide du Sorcier Oscar Zoroastre Diggs) la Princesse royale Ozma et la transforma en garçon pour qu'elle ignore son identité. Toute cette histoire de changement de sexe peut aussi faire supposer qu'Oz a des aspects fortement matriarcaux, même si la Reine Ozma hérite de son père (Pastoria) et qu'elle dit que les Rois s'appellent "Oz" et les Reines "Ozma". C'est Dorothy qui tua les Sorcières de l'Est et de l'Ouest et Mombi fut plus tard privée de ses pouvoirs par Glinda (une autre Magicienne bénéfique, Gloma, est mentionnée à l'Ouest).
Les ennemis chtoniens et minéraux d'Oz, les Nomes, semblent être exclusivement masculins et ont un tabou face aux Oeufs, symbole féminin de même que la Sorcière de l'Ouest avait un Geis face à l'Eau. Roquat le Roi des Nomes a vendu au Roi d'Ev la longévité en échange du sacrifice de sa femme et ses enfants.
- Narnia a eu pour adversaire principale Jadis la Sorcière Blanche (fille d'une Djinn et d'un Géant des glaces, descendante de Lilith la Mère des Démons, elle détruisit tous les habitants de sa propre dimension avant d'envahir Narnia et gagna l'immortalité en mangeant le Fruit défendu de l'Arbre de la Vie) mais ensuite on fait face à la "Dame à la Tunique Verte", puissante sorcière chtonienne, et il ne semble pas qu'elle soit (canoniquement) une réincarnation de la Sorcière Blanche (même si c'est une théorie des fans). La récente adaptation au cinéma du Prince Caspian a imaginé que Jadis tentait de revenir par un Portail du monde des morts (Caspian est tenté de se soumettre à Jadis pour renverser son oncle) mais ce n'est pas raconté ainsi dans le roman.
Il est clair à la lecture qu'Oz est bien plus steampunk que Narnia, avec de nombreuses créatures artificielles. Cet univers est aussi bien moins sexiste que Narnia comme Lewis a un côté prêcheur conservateur nettement plus prononcé que Baum (Susan est exclue de Narnia parce qu'elle ne serait pas assez prude et chaste). Certes, Baum, lui, devait être plus raciste que Lewis si on en croit un de ses articles de jeunesse au XIXe siècle où il proposait une Solution Finale de la population amérindienne.
(Une des nombreuses inversions que fait Pullman par rapport à Lewis est que les Sorcières de la Terre parallèle sont les résistantes contre la tyrannie inquisitoriale)
Publié par Phersv à 13:00 6 commentaires
Libellés : fantasy
samedi 26 octobre 2019
Salons
J'ai préféré la ComicCon au Salon du Fantastique ce week-end parce qu'il y avait Roy Thomas et que c'était mon rêve depuis mes dix ans de le rencontrer. Et la semaine prochaine, je serai (grâce à l'invitation d'un ami) aux Utopiales de Nantes.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Roy Thomas a eu une importance énorme dans l'histoire des comics.
Ce fut (pour le pire comme pour le meilleur) le premier auteur de comics à avoir commencé sa carrière comme fan de comics de l'Âge d'or avant d'avoir été auteur, ce qui lui donnait un rapport très différent des auteurs de la première génération qui étaient des auteurs frustrés qui s'étaient rabattus sur les comics par défaut. Thomas a fait des études d'Histoire et il a un rapport assez encyclopédique et érudit à la culture et au parasitage de cette culture dans les comics (c'est particulièrement clair dans sa série Young All-Stars, qui reprenaient de manière obsessionnelle diverses oeuvres obscures de pulps). Il fut, bien plus que Gardner Fox chez DC, celui qui commença à rendre un peu plus rigide le Principe de Continuité. Tout cela (manie d'ordre et érudition minutieuse sur des détails de littérature populaire) fait de lui l'Ur-Geek.
Cela avait certes des défauts. Thomas, qui avait été rédacteur en chef de Marvel, semblait parfois passer son temps à écrire des scénarios dont le vrai but était de résoudre certaines contradictions mineures entre d'autres titres. La Continuité devenait la matière et plus seulement un aspect extrinsèque de références entre les histoires. Ses derniers scénarios commencèrent à être un peu dévorés par son souci d'Historien et de cohérence et le côté régressif, nostalgique des comics a sans doute pour origine Gardner Fox (création de Terre 2) et Roy Thomas.
Thomas commença comme le remplaçant de Stan Lee. Il savait imiter son style mais il fut notamment plus célèbre en développant des personnages qu'il n'avait pas créés. Il est surtout célèbre pour Conan mais c'est aussi lui qui créa Iron Fist et surtout la Vision. J'aime beaucoup son Arak (dont j'ai déjà parlé), qui mélangeait plusieurs traditions mythiques, à la fois l'Arioste (comme Fletcher Pratt) et les Mille et Une Nuits. Il s'est même essayé à l'humour en écrivant sa version de MAD, Not Brand Ecch et c'est lui qui créa Captain Carrot.
J'étais trop timide pour lui parler longtemps (même s'il n'y avait pas trop de queue par rapport aux centaines de personnes pour des acteurs de séries TV). Je lui ai posé une question de détail qui me tournait dans la tête depuis Marvel Two-in-One #20 (1976), qui dut être un de mes premiers comics favoris (traduits dans Titans n°34, 1981). Dans ce titre, La Chose de l'univers Marvel contemporain voyage dans le temps et rencontre des superhéros Marvel oubliés de l'Âge d'or. Ben Grimm commente qu'il ne les connaît justement pas. J'ai donc demandé à Roy Thomas s'il avait caressé l'idée de créer une Terre-2 pour Marvel à l'époque mais il m'a répondu que Marvel n'en avait guère besoin, que la Terre du Squadron Supreme/Sinistre jouait très bien ce rôle et que Stan Lee n'aurait de toute manière pas été d'accord (je me demande si en 1976, Lee n'avait pas déjà pris ses distances en laissant les rênes à Thomas). Il a alors admis avoir peut-être (je cite) "joué avec l'idée" (mais après 45 ans, il était normal qu'il ne s'en souvienne pas précisément).
Je lui ai parlé d'Infinity Inc et il a dit qu'il l'associait surtout à sa femme Dani avec qui il co-scénarisait cette série. Il était très affable.
Du reste du salon, je ne dirai rien car il n'y a pas beaucoup d'éléments positifs. Le paradoxe de ce genre de convention est que la part donnée aux magasins de comics (j'en ai compté seulement trois) était presque négligeable par rapport à la place donnée aux produits dérivés, séries, gadgets, jouets, merchandising. C'est plus un salon sur l'équipement pour fans qu'un salon sur les comics et ma (très courte) expérience de conventions de comics aux USA me paraissait plus équilibrée.
Publié par Phersv à 23:26 1 commentaires
Libellés : comics
L'Universelle Aragne et le Soleil
La déesse Arachné Solara de Glorantha n'est pas seulement un archétype mythologique, sans doute plus inspirée de la Grand-Mère Araignée des mythes amérindiens que du Trickster Anansi des mythes d'Afrique de l'Ouest. Mais s'il y a de nombreux mythes à associer l'araignée à un mythe cosmogonique parce que la Toile apparaît comme une métaphore du Logos, du recueil, du filet naturel, d'une ébauche de technique artificielle à l'intérieur même de la nature, on peut se demander pourquoi insister sur "Solaire", même si dans le mythe gloranthien elle engendre le Temps en dévorant le Chaos et en le soumettant à la Toile des lois de la Nature, ce qui met fin à l'Eternité divine pour que commence l'Aurore et l'Histoire des mortels. On peut imaginer que Greg Stafford ait simplement un souvenir inconscient de la solifuge, l'arachnienne appelée "Sun Spider" en anglais.
Dans les mythes sumériens, il y a aussi par coïncidence une divinité araignée nommée Uttu (déesse du Tissage, fille d'Enki qui est associé aussi bien à l'eau fertile qu'aux artisanats), dont le nom semble très similaire au dieu du soleil Utu (Shamash). Je ne sais pas si la Roue du Chariot solaire s'associe de manière quasiment nécessaire aux cercles concentriques de la Toile (même si les Egyptiens étaient capables de préférer la figure imaginaire du Bousier poussant sa boule).
Mais pour passer du mythe à la mythopoièse, les poèmes de Victor Hugo qui aiment les antithèses ("... ver de terre amoureux d'une étoile") utilisent souvent l'araignée comme signe par excellence d'une obscure absence du Bien et en même temps comme un Soleil. Dans "Magnitudo Parvi", il parle de
comme d'une sorte de constellation terrifiante qui vient trouer la Nuit. Mais ensuite, dans la conclusion des Contemplations, dans "Ce que dit la bouche d'ombre", l'araignée représente justement la restauration universelle où tout ce qui s'est le plus éloigné du Bien aura une remontée et une rédemption, où la Matière tendra vers l'Esprit : le cycle de procession et de métempsychose transforme l'Araignée (Soleil noir) en Soleil éclatant des aurores millénaristes.
Publié par Phersv à 22:42 0 commentaires
Libellés : glorantha, mythologie, poesie
Dial H For HERO
Même si on peut être parfois lassé de l'évolution récente de DC Comics au XXIe siècle, ils savent encore faire quelques comics qui ne se prennent pas trop au sérieux et qui embrassent avec ferveur la fantaisie humoristique qui leur était propre avant qu'ils ne veuillent rivaliser avec Marvel en angoisse adolescente ou qu'ils croient que la meilleure manière d'exploiter l'héritage d'Alan Moore était seulement de singer la violence sans reprendre toute sa profondeur.
Dial H For HERO, est heureusement une exception dans le paysage DC actuel et c'est un des apports de Brian Bendis d'avoir lancé cette imprint plus naïve et optimiste. C'est écrit par Sam Humphries (qui avait déjà fait dans un genre proche le cross-over Legion of Super-Heroes/Bugs Bunny) et dessiné par le talentueux Joe Quinones, qu'on avait vu sur Howard the Duck.
Dial H For HERO a été créé en 1966 et a toujours été une sorte de "méta-comic" comme le porteur du Cadran magique se transforme en un superhéros différent à chaque fois. La BD n'était donc qu'un prétexte pour jeter des concepts qui n'avaient pas besoin d'être cohérents ou maintenus en une série.
Ici, Humphries en profite pour faire du Cadran une sorte d'exploration du medium graphique lui-même qui permettrait en quelque sorte au porteur de sortir du cadre de la bande-dessinée et de jouer entre les Genres, et pas seulement dans les conventions du Genre superhéros.
Joe Quinones, avec l'aide de quelques dessinateurs invités, change de style à chaque transformation de manière parfois impressionnante, et le porteur a donc successivement visité le style caricatural des comics des années 90 (épisode 1), les manga (épisode 2), les comics Vertigo (épisode 3), le Noir frankmillerien, le baroque Moebiusien, le comic strip (épisode 4) et bien sûr l'Âge d'argent (épisode 5), voire le comic plus "indépendant" et plus réaliste des frères Hernandez.
Tout en faisant ces zigzags graphiques et cette ode à la BD, les personnages font aussi un road movie à travers le Multivers DC avec une affection assez communicative. L'histoire frise un peu le nonsense et risque donc parfois de basculer dans le n'importe quoi parodique mais c'est très distrayant, à condition d'avoir suivi DC depuis plusieurs années.
Publié par Phersv à 02:24 0 commentaires
Libellés : comics
jeudi 24 octobre 2019
Le système Taiping du jeu Wulin (2e édition)
Dans l'histoire du jeu de rôle, on peut distinguer grossièrement :
(1) une période où chaque jeu de rôle rassemblait des règles avec souvent de simples amendements à D&D ou diverses règles ad hoc pour chaque type de situation. Il y avait si peu de systématicité qu'on ne songeait même pas à ne pas changer de règles, même chez le même éditeur ou dans le même Genre (cf. les premiers jeux de FGU qui mirent longtemps à arriver à de la systématicité grâce à Bushido).
(2) très vite une seconde période avec des règles plus systématiques et qui pouvaient dès lors s'adapter à plusieurs types d'univers (Traveller, BRP, Hero Games, GURPS)
(3) un retour ensuite vers des systèmes diversifiés mais adaptés à l'atmosphère propre à chaque univers. Bushido, sur le Japon médiéval, me semble en être le modèle dès la fin des années 1970 mais il y a eu par exemple plus récemment des jeux comme Deadlands (qui utilise le poker pour insister sur l'atmosphère Western). Les jeux édités par le 7e Cercle me semblent aller dans cette direction avec un systèmen distinct pour chaque cadre historique.
J'étais très partisan des deuxièmes types comme BRP mais j'ai été convaincu notamment par des jeux français récents sur la Chine comme Qin ou le nouveau Wulin qu'il pouvait être parfois plus riche de ne pas utiliser un système générique mais de partir d'un système spécialisé à chaque fois.
Qin (qui se situait au IIIe siècle avant notre ère, à la fin des Sept Royaumes Combattants) utilisait un système avec deux d10, un blanc Yang et un noir Yin : on prenait la différence entre le plus grand et le plus petit (soit un résultat entre 0 et 9) et cela "colorait" ensuite l'action de Yin ou de Yang.
Wulin a eu la bonne idée de réinventer une autre atmosphère dans son système de résolution baptisé Taiping. Il utilise, lui, des d8 : le 4 est malchanceux parce que le nombre 四 se prononce comme le mot "mort" 死 sǐ et à l'inverse le nombre 8, 八, est de bonne augure parce qu'il se prononce bā, ce qui ressemble à "發" (fā), prospérité. Dans Wulin, on lance un certain nombre de d8 et le seuil (Tai) est un multiple de 4. Le personnage réussit l'action s'il a atteint le seuil mais il perd un point de Souffle pour chaque point qui dépasse le seuil au total. Les 4 comptent comme des zéros et les 8 comptent comme n'importe quel nombre désiré (y compris 4 si on le veut), comme un Joker. Il faut donc tenter d'atteindre le seuil mais le dépasser le moins possible, ce qui me paraît assez original. Il y avait déjà des systèmes avec Blackjack comme Pendragon où il fallait faire le plus possible mais sans dépasser un seuil mais ici, il faut au minimum faire ce seuil et l'action devient simplement plus fatigante, moins élégante quand elle est réalisée au-delà du seuil.
Ce score de Souffle est égal à la somme de deux caractéristiques (Corps + Force Intérieure) x 4, donc cela doit tourner souvent entre 16 et 24. On peut certes récupérer 4 points de Souffle en dépensant un point de Yang, avec le risque d'un déséquilibre entre son Yin et son Yang.
Il y a 5 caractéristiques, qui correspondent aussi aux 5 éléments chinois mais aussi aux 5 "styles" d'arts martiaux :
- Allure (Feu) Style Flamboyant
- Corps (Terre) Style Brutal
- Esprit (Eau) Style Sournois
- Force intérieure (Métal) Style Complexe
- Gongfu (Bois) Style Explosif
La distinction des trois dernières caractéristiques n'est pas directement intuitive mais en gros, l'Esprit est plutôt l'intelligence, la Force intérieure serait la volonté, le calme pour utiliser le Neigong intérieur (le qi) alors que le Gōngfu représente plus une maîtrise de l'action, y compris l'excellence en maîtrise externe, les techniques.
Par défaut, les personnages ont un score de 2 (donc deux d8) dans chaque et on en augmente en gros (si je n'oublie rien) deux caractéristiques d'un en individualisant le personnage débutant.
Wulin a été critiqué pour avoir beaucoup de "Jauges" dans sa première édition. Ici, il reste les Points de Souffle (Corps + Force intérieure x4), les Points de Sang (Corps + Gongfu x 4), le Neigong (Force intérieure + Esprit), les Points de Yin et les Points de Yang (et la santé se détériore si l'un des deux scores s'écarte trop de l'autre).
Publié par Phersv à 22:58 2 commentaires
Kingsbury & Jorune
Parade nuptiale
Imaginos me fait découvrir un roman de science fiction dont je n'avais jamais entendu parler, Courtship Rite (publié en 1982 dans la revue Analog et dont certaines éditions s'appellent, sans doute en référence à Dune, juste Geta) de Donald Kingsbury. Il fut nommé aux Hugo 1983 face à Heinlein, Clarke, Wolfe et Asimov (qui gagna avec Foundation's Edge). Kingsbury a peu publié mais sa carrière fut longue puisqu'il fit passer ses premières nouvelles (qui se situent déjà dans la même continuité hard science) dès les années 1950.
(Entre parenthèses, les fans de GRR Martin ne peuvent plus se plaindre : Kingsbury a évoqué un autre ouvrage dans le même univers que Geta qui serait en manuscrit chez son éditeur depuis 1970 et qu'il n'a toujours pas fini de "peaufiner" 50 ans après !)
L'histoire se déroule sur cette planète, Geta, qui est un outback assez aride en dehors de quelques mers. La flore indigène ou la maigre faune locale ne sont pas comestibles pour les Humains. Même s'il y a quelques végétaux terriens importés (mais quasiment pas d'animaux terriens en dehors d'hyménoptères pour permettre la pollinisation), les Humains ont aussi des rituels de cannibalisme : ceux qui sont jugés les moins adaptés pour survivre doivent rituellement se suicider pour apporter des protéines à leurs congénères.
Les descendants des colons ont perdu presque toute leur technologie, qui a régressé à un niveau du XIXe siècle en dehors des biotechnologies qui leur ont permis de survivre. Ils adorent comme divinité l'ancien vaisseau de leurs ancêtres qui est pris comme une sorte de Lune toujours en orbite. La société s'est divisée en clans spécialisés qui sont dirigés par des clans de Prêtres.
Ce qui a l'air d'intéresser Kingsbury d'après cette interview (qui semble notamment être connu pour un militantisme libertarien assez didactique) est surtout la description ethnologique de structures polyamoureuses sans jalousie qui donnent leur titre au livre. Comme dit Imaginos, cela évoque à la fois Le Guin et Herbert, ou peut-être aussi Vance.
De même que le jeu de rôle Space Quest fut (peut-être) inspiré par l'obscur Jeffrey Carver ou des comics de Howard Chaykin, je me demande cette planète Geta n'a pas partiellement inspiré la planète Jorune du jeu de rôle homonyme par Andrew Leker.
Certes, Jorune vient surtout (comme on l'a déjà raconté) d'un autre jeu de rôle post-apocalyptique, Metamorphosis Alpha / Gamma World. Il en a gardé les espèces zoomorphes et les différences entre Humains et Mutants (les Boccords et les Muadras) ou bien l'idée selon laquelle les Humains "Purs" sont les seuls à pouvoir utiliser la technologie interdite aux Aliens et aux Mutants. Leker avait commencé sa campagne sur une Terre post-apocalyptique vers 1979 avant de déplacer finalement cela sur une autre planète, Jorune. Il faudrait donc voir si les détails communs de Jorune (première édition 1984) et Geta ne sont apparus qu'après 1982 ou si Leker les a trouvés indépendamment.
Ressemblances entre Geta et Jorune
1 Les Humains ont oublié leurs origines (mais c'est le cliché standard de la planetary romance coloniale, ce n'est pas assez spécifique)
2 Le point commun principal est que les Humains ont un énorme problème de gestion de l'alimentation car les végétaux locaux sont toxiques, ce qui conduit à la même solution, faute de terraformation, l'utilisation de biotechnologies (sur Jorune on apprend qu'en dehors de l'amer durlig, on peut avoir accès à des créatures biotech pour donner du lait).
Mais il n'y a pas d'équivalent au rituel de cannibalisme sur Jorune (certes, les Cleash dévorent leurs enfants ou les transforment en grenades mais cela n'a rien à voir).
3 La technologie a extrêmement régressé (même si Geta, plus steampunk, est bien plus avancée que Jorune, qui est quasiment médiévale en dehors de la technologie avancée retrouvée par le gouvernement).
4 Il n'y a pas d'animaux terriens et donc pas de montures comme des chevaux. Mais Jorune a du moins des montures aliens pour le transport alors que Geta n'a aucune "macrofaune", seulement des "insectes".
5 La société de Geta est fondée sur des Clans liés à une fonction ou compétence. La société de Jorune est fondée sur des "Klades" liés à une fonction ou compétence.
Mais une grosse différence est que la religion ne semble pas avoir beaucoup d'importance sur Jorune (il y a certes eu quelques descriptions de mouvements religieux) alors que les clans de "Prêtres" sont dominants sur Geta.
6 En exagérant un peu, on pourrait dire que la religion de Geta est fondée sur sa seconde "lune" artificielle (le Vaisseau mère - la vraie lune a l'originalité de ne pas pouvoir être vue sur toute la surface) alors que toute la Magie de l'Isho sur Jorune est fondée sur 7 Lunes.
Mais dans le premier cas, ce n'est qu'une interprétation superstitieuse alors que dans le second, les 7 Lunes ont réellement un effet.
Autres oppositions en plus de celles déjà notées
1 Geta est de la hard science, Jorune est encore nettement de la fantasy centrée sur un système magique original. On voit cette différence dans les aéronefs : ceux de Geta sont des véhicules technologiques alors que ceux de Jorune dépendent des cristaux anti-gravité.
2 Geta n'a que des Humains en espèce intelligente, c'est une colonie de peuplement sans autochtones. Jorune a des douzaines d'espèces différentes, dont des Mutants, des animaux Provolués et des Non-Humains (dont surtout une espèce indigène essentielle dans l'atmosphère de ce monde).
3 Geta est aride (même si Kingsbury a insisté sur le fait qu'il ne voulait pas d'une planète avec un seul milieu). Jorune ne l'est pas particulièrement.
4 La société humaine de Jorune dans le royaume de Burdoth (contrairement à celle de Tsolyanu) n'a pas du tout repris le thème de la polygamie généralisée (même si l'éducation collective des enfants dans certains Klades doit faire penser à des formes de collectivisation de la famille).
Voir aussi la comparaison entre Jorune et Shaan. Et rappelons dans le sens inverse que Tékumel a directement inspiré les romans de Feist.
Publié par Phersv à 22:44 1 commentaires
Développement et système phonétique
Raïnë, qui a 22 mois, vient de changer depuis plusieurs jours son système de prononciation, quasiment du jour au lendemain. Tous les [ʁ] en position finale sont devenus des [k], ce qui fait qu'elle dit "Veux pa'tik", "veux so'tik", "Bébé pleuk", "Veux lik", "Pa'tek" (par terre) ou bien même "Encok !", mais les autres "R" ne semblent pas concernés (même si elle a tendance à les avaler en ce qui ressemble peut-être à une consonne spirante palatale voisée [j]).
Ce qui m'étonne est le caractère soudain (à moins qu'on n'ait pas aperçu un changement graduel ?) et systématique sur la position finale de cette seule consonne fricative uvulaire voisée [ʁ] en consonne occlusive vélaire sourde [k].
Il se pourrait que j'entende mal et qu'il s'agisse en fait d'un passage par la consonne fricative uvulaire sourde [χ] qui est relativement proche du R français ? Non, dans ce cas, cela ne serait pas aussi audible et on le remarquerait moins. Peut-être qu'elle n'a jamais eu notre R et qu'elle utilisait en fait un [x], la consonne fricative vélaire sourde. Peut-être même que c'est vraiment le son qu'on utilise devant elle sur ces R de fin ? Mystèk.
Publié par Phersv à 11:21 1 commentaires
Libellés : mellon
mercredi 23 octobre 2019
Douceur et rigueur
L'exercice de l'exégèse philosophique a quelque chose de fascinant et vain à la fois. Il y a des commentateurs français d'histoire de la philosophie qui témoignent d'une intelligence rusée parfois simplement par esprit de contradiction pour redresser une interprétation traditionnelle massive qui reste globalement exacte. Toute une partie de l'industrie de la Déconstruction est née de cette intelligence pour déceler des "tensions internes" mais même avant elle dans l'histoire de la philosophie française l'entraînement consistait à travailler ces zones d'écart avec la doxa doxographique. Pierre Aubenque sait bien qu'Aristote gardera une image rétrospective de "formaliste" intellectualiste voire scolastique avant la lettre, mais il réussit à stimuler des relectures pour "dé-thomiser" le Stagirite et montrer une sorte d'inquiétude existentialiste (c'est tout son "tragique" dans le Problème de l'être chez Aristote, 1962).
Pierre Hadot, dans son vieux livre Plotin ou la simplicité du regard (1963), a tenté de sauver le néo-Platonicien de l'accusation d'ascétisme. Sans faire d'anachronisme ou de violence dans la modernisation, l'histoire des idées veut nous sauver des préjugés sédimentés dans nos lectures. Or cela apparaît impossible ici puisque les disciples de Plotin le décrivaient il y a 2000 ans comme un des plus extrêmes modèles de rigueur ascétique, détestant son corps au point de mal le soigner, voire de ne pas le laver. Nietzsche pense d'ailleurs peut-être en partie à ce portrait par Porphyre dans son procès contre la dévalorisation de ce qui est sain dans toute la tradition métaphysique du platonisme.
Un des chapitres de Hadot s'appelle "Douceur" et traduit ainsi par "douceur" (ce qui pourrait sonner mièvre) plusieurs termes, notamment πρᾷος quand Plotin dit qu'il faut prendre son corps et le sensible non avec dégoût mais sans l'adorer, supporter son corps et ses tracas avec "douceur" (traduction qui a une connotation plus tendre que simplement "avec modération"). Cette douceur "apollinienne" serait un rapport assez soucieux de nos singularités empiriques pour ne pas accuser trop le (néo)platonisme d'abstraction totalitaire. Cf. Enneades II, 2, 5 ; II, 9, 13, 5
Comme des théologiens de son époque qui réagissaient parfois entre deux hérésies opposées (par exemple entre le pélagianisme et la prédestination fataliste), Plotin est dans une position de dispute. Il est un ascète (au minimum au sens d'austérité et d'exercices spirituels) mais il est aussi vrai qu'il attaque des versions de l'Idéal ascétique de certains Gnostiques parce qu'il craint la récupération unilatérale du platonisme par des chrétiens et manichéens qui mortifient la matière et les corps.
D'où des passages où Plotin attaque le sensible et la matière avec une véhémence ou une fièvre "cathare", où il faut flétrir la chair comme le tombeau ou la prison de l'âme, et d'autres où il prend une position plus "tiède" où la matière n'est pas en soi mauvaise mais simplement un dépôt de potentialité ou la retombée la plus éloignée de l'Un ou du Bien. Ce monde est une dégénérescence du Ciel intelligible (qui est lui-même une sortie hors de la pureté de l'Un) mais il n'est pas créé par un Mauvais Démon (le démiurge comme instrument des Idées de Platon est donc opposé au démiurge diabolique des Gnostiques).
Ce n'est pas clair sur les tréfonds psychologiques de l'ascétisme mais sur le statut ontologique de ce sous-monde terrestre, il est clair que ce réceptacle sensible est relativement "bon" en tant qu'il est une ombre du bien, une approximation par le Démiurge ou par l'Âme du Monde, ou une confusion de ce bien. L'amour tend vers le bien, forme de conformité à toute forme parfaite, et la douceur tente de ne pas trop prendre au sérieux l'imperfection des reflets de ces formes.
(De même mutatis mutandis qu'il devient clair dans les textes de Rousseau qu'il ne dit pas que l'état social serait mauvais, simplement un écart qui peut aussi aussi devenir pire mais éventuellement meilleur que l'état de nature moralement neutre).
Mais c'est fondamentalement tout le problème de l'image dans le platonisme et donc peut-être dans toute notre "métaphysique" pour parler en grands récits mythiques nietzschéo-heideggeriano-derridéens. Quand on définit tout ce qui est vu comme une "image" qui renvoie à une forme (l'Idée) qu'on ne voit pas directement, l'image est à la fois la présence distante de cette forme visée (l'icône du modèle idéal, qui vaut à son tour comme "modèle" au sens d'exemple, pour remonter vers l'Idée en soi) et en même temps l'absence, la privation ou le voile extérieur de cette forme qui se dérobe (l'idole, le simulacre, le spectre). Ou comme le diraient les déconstructionnistes, le signe est à la fois l'incarnation du sens et son sépulcre.
Remarque hors-sujet sur les jeux de rôle :
C'est une coïncidence amusante que les auteurs du jeu allemand L'Oeil Noir aient appelé dans leur mythologie leur équivalent de Ra (qui a une forme d'Aigle), "Praios", ce qui veut donc dire "Le Doux" alors qu'il y représente au contraire un dieu inflexible attaché à la Justice mais aussi à des formes d'Inquisition, puisque le chef du panthéon du jeu joue à peu près le rôle d'une Eglise médiévale monothéiste dans la réalité.
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Libellés : Das Schwarze Auge, philosophie
Empennée
Borges reprend plusieurs fois un thème d'une symbolique des oiseaux comme un mystère et l'unité du multiple sous la pluralité du plumage.
Il compare dans le dernier chapitre de ses Neuf Essais sur Dante (1982) l'Aigle impérial de justice (dans Dante, Paradis, Chant XX) et le Simurgh (dans Farīd ud-Dīn ʿAṭṭār, Manṭiq-uṭ-Ṭayr, une oeuvre dont il aime souvent parler, par exemple aussi dans l'Approche d'Almotassim).
Dans le premier, l'Aigle est le symbole de la Justice divine qui peut si bien dépasser la division qu'elle comprend même les Justes qui n'avaient pu connaître le Salut avant la Grâce (l'exemple du scandale de Riphée, le plus Juste des Troyens que les Dieux n'avaient pourtant pas sauvé dans l'Enéide). Le corps de l'Aigle intègre les différents Justes de l'Histoire qui ont pu être sauvés par leurs actes et qui ont été arrachés à la contingence de l'Histoire avant la diffusion de la Rédemption (Dante est plus préoccupé de la Doctrine de Grâce prévenante & implicite que bien des théologiens).
Le Simurgh, lui, le Phénix Royal de la mythologie perse, est un symbole mystique du soufisme. Il dépasse dans son unité transcendante la pluralité des voies vers l'absolu. Contrairement à l'Aigle d'équité qui emporte Dante, l'oiseau persan n'a même plus à faire coexister cette multiplicité dans ses plumes bigarrées. Il est l'Un au-delà du Multiple et non plus seulement l'Un du Multiple.
Mais on peut rapprocher aussi cette première analogie savante d'une autre plaisanterie de Borges sur les oiseaux, même s'il n'y parle pas explicitement d'Aigles ou de Phénix, ce qu'il appelle l'Argumentum ornithologicum (dans l'Auteur, cf. aussi Borges et la Métaphysique p. 101).
Ce prétendu "Argument ornithologique" est un sophisme idéaliste qui parodie des arguments théologiques (l'Argument ontologique). Et là encore, comme dans l'Essai sur Dante, l'oiseau symbolise le lien entre l'Un et le Multiple.
L'argument est en fait sur le Vague (sujet auquel il fait aussi allusion dans sa nouvelle Tlön, Uqbar, Orbis Tertius, quand il évoque l'idéalisme si je me souviens bien).
Supposons que j'aie une vision d'un vol d'oiseau et que selon la technique romaine des Augures, je m'interroge sur le nombre précis de ces oiseaux dans cette nuée en vol. Or je n'ai pas pu compter ce nombre précis qui reste indéterminé dans ma vision. Si Dieu n'existe pas, il n'y a aucune réponse à cette question car ce nombre des oiseaux est vague. Mais il doit pourtant y avoir une réponse car ce nombre ne peut pas être absolument indéterminé, il ne peut pas être à la fois pair et impair, "donc Dieu existe."
Borges s'amuse à passer du caractère déterminé du réel objectif à l'existence d'un sujet omniscient, dans un tour de passe-passe que la métaphysique a réellement pu utiliser (comme l'Argument par l'idée de Parfait et d'Infini chez Descartes, remplacé ici par l'imperfection de cette nuée d'oiseaux multiples mais en nombre fini).
Cela ressemble aux arguments de Dummett pour qui le réalisme métaphysique (il existe une réalité indépendante de notre pensée) cache en fait une présupposition d'un réalisme sémantique (il existe une valeur de vérité des faits indépendante de nos moyens de les vérifier). De même, Borges joue à faire comme s'il n'y avait qu'un pas du réalisme au théisme, de la "Chose en soi" au-delà des phénomènes empiriques à l'Ens summum comme inconditionné au-delà du monde.
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Libellés : philosophie
mardi 22 octobre 2019
Lost Lands
Frog God Games (la compagnie de Bill Webb, héritière depuis 2012 de Necromancer Games) a produit de très nombreux scénarios D&D OSR et depuis une vingtaine d'années a décidé d'unifier tous les cadres de ces scénarios divers (environ 150 suppléments au total !) dans un monde appelé les Lost Lands (avec un Kickstarter pour un énorme supplément).
Ce nom de Lost Lands fait sans doute référence (en plus de l'allusion aux Forgotten Realms, au nom tout aussi obscur) à plusieurs suppléments comme Lost City of Barakus. Ces Terres Perdues sont pourtant plus civilisées qu'on aurait pu le penser dans ce nom qui laisse imaginer une sauvagerie à explorer. Une explication interne au monde est que c'est la traduction de Lloegyr, nom que les Daanites (Pseudoceltes) ont donné à cette région (dans la réalité, on ignore le sens étymologique de ce terme gallois qu'on retrouve dans la geste arthurienne pour désigner les Terres perdues prises par les Saxons).
Il est clair que les Terres Perdues ressemblent parfois tant à Greyhawk que ce n'est pas qu'une coïncidence mais bien un hommage (si ce n'est que les Terres Perdues sont encore plus humanocentriques et que l'ennemi récurrent de plusieurs campagnes est toujours le même démon, Orcus).
La Rhapsodie des Terres Perdues
On aura reconnu dans cette procédure de synthèse ou de rhapsodie ce qu'un jargon franglais appellerait peut-être du "bottom-up" (partir des scénarios pour aller vers le monde). C'est en gros la manière dont furent constitués The Known World of Mystara (encore que Tom Moldvay lança très vite dans D&D Expert le cadre unifié qui ne fut pas si inductif qu'on pourrait le penser), Titan (où Marc Gascoigne tenta en 1986 un peu vainement rétroactivement de donner de la cohérence aux tonnes des Livres dont vous êtes le héros Fighting Fantasy) ou plus récemment les Known Realms of Aereth (le monde des modules de DCC).
Cette manière de faire peut avoir (1) une qualité, une impression de diversité, voire un certain réalisme par une mosaïque fragmentée, riche et chaotique, mais (2) reconnaissons le risque opposé, d'avoir un manque de vision d'ensemble, de cohérence, voire au contraire des redondances entre différents aspects du monde créés par des auteurs qui ne se concertaient pas. J'aime bien Mystara mais il faut reconnaître que c'est une Terre parallèle qui mit pas mal de temps à sortir de sa base hétéroclite de références terriennes mélangées (jusqu'à ce que Bruce Heard crée des suppléments fabuleux comme les Principautés de Glantri qui peuvent suffire à justifier toute cette macédoine).
Je ne connais pour l'instant pas du tout les futurs Lost Lands dans leur intégralité (le continent d'Akados) mais seulement une partie sur la côte est, les Borderlands autour desquels se trouvent plusieurs campagnes comme
(1) au nord, la cité de Bard's Gate (qui fut créée avec le mégadonjon de la cité perdue de Barakus et la campagne Stoneheart Valley qui date des débuts de D&D3, ou la campagne Slumbering Tsar) ;
(2) le mégadonjon de Rappan Athuk, le Donjon des Tombes et plus récemment
(3) à l'est, le plus récent Cults of the Sundered Kingdoms (qui réunit trois aventures qui avaient à l'origine été conçues séparément et fut l'un des premiers à systématiser et organiser les trois précédents en 2015).
Les matériaux sont très nombreux, Necromancer Games (puis Frog God) a été très prolifique avec des suppléments qui totalisent plusieurs milliers de pages, et ils ont déjà connu plusieurs éditions (la cité de Bard's Gate par exemple existe au moins dans une première version D&D3, une version Sword & Wizardry, une version Pathfinder et une version D&D5).
A nouveau, une histoire sans trop de mythologie
Cela devient un leitmotiv assez récurrent dès qu'on ne parle pas d'un monde comme Glorantha ou comme Artesia, les Terres Perdues ont une histoire très détaillée mais une mythologie rudimentaire et pas très attirante. On retrouve des panthéons assez génériques et inspirées de la Terre.
La sword & sorcery depuis Conan de Howard ou Leiber est assez nietzschéenne ou lovecraftienne, les dieux sont tout au plus des fétiches de pouvoir ou des êtres incompréhensibles, plus que dignes de dévotion. L'heroic fantasy, contrairement à ce que son nom fait penser, est plus picaresque qu'épique, c'est un roman de conquête humanocentré, pas un mythe. Le dieu n'y est pas fait pour du sublime mais tout au plus pour de l'inquiétante étrangeté.
Le panthéon le plus imité est souvent (comme dans les Wilderlands, dans Blackmoor ou d'autres cadres Old School) les dieux germaniques ou nordiques (ici il y a Freya, "Thyr" - qui semble très "odinisé", et sa soeur Muir ou "Eostre", qui a l'air d'évoquer plus une Morrigan celtique dans sa description) plus quelques dieux plus romanisés (Ceres en Terre-Mère, Hecate, Cybèle, Tyché, Dionysos, Pan, Luna et Sol(anus) et Mitra (qui doit sans doute plus son succès dans tant de mondes de fantasy au fait de se trouver déjà dans Conan). Oghma (dieu celtique qu'on croit peut-être relié à l'écriture) est ici le dieu des Bardes et donc le dieu protecteur de Bard's Gate, Cité de la Lyre. Ce sont Thyr, seigneur des dieux nordiques, et sa soeur Eostre / Muir, qui ont banni naguère le démon nécromancien Orcus dans les Abysses.
Pour ce qui est de l'Histoire, les mondes assez génériques de jeu de rôle ont généralement au moins ces six éléments :
(1) un empire pseudo-égyptien ou parfois pseudo-mésopotamien pour justifier des ruines de pyramides (ici, Khemit dans une autre région),
(2) un empire pseudo-romain pour justifier un fond linguistique commun (ici, les Hyperboréens plus grecs ou atlantes que romains et dont la chute donne le début du calendrier),
(3) un ancien empire magiocratique ou un méchant Sorcier pour justifier des objets magiques en circulation (ici, les adorateurs d'Orcus) ;
(4) un empire plus récent généralement en déclin (ici, c'est Foere, qui serait donc un Saint empire carolingien par rapport à l'antique Empire hyperboréen) ;
(5) des pseudo-Vikings (ici, les Heldrings qui adorent Thyr et Freyja) ; (6) un royaume plus pseudo-anglais pour que les joueurs anglophones puissent plus facilement s'identifier (ici, le Royaume de Suilley).
Chronologie
Il y a 1000 ans : Les Légions hyperboréennes, qui avaient vaincu les Elfes et les Nains, se retirent de leurs Provinces d'Akados après un cataclysme. La civilisation s'écroule.
Il y a 800 ans : Un nouvel empire occidental, Foere (nom des habitants : les Foerdewaith), réunifie l'Akados et fonde les Provinces des Frontières orientales (Borderlands).
Il y a 700 ans : Après les guerres contre les barbares heldrings, qui adorent Thyr, le Foere commence à se convertir au culte de Mitra (ou "Mithras") qui remplace Solanus comme divinité principale. Mais la religion heldring s'implante durablement dans la région.
Il y a 500 ans : Guerre sainte, le Foere bat les barbares Huuns et fonde la Cité de Bard's Gate sur le fleuve Coeur-de-Pierre (au nord des Frontières).
Il y a 300 ans : Guerre sainte, une armée conduite par les prêtres de Thyr et le Roi de Foere détruit la cité de Tsar qui adorait Orcus, Démon des Morts-Vivants, mais toute une partie des armées dirigée par le Mage Zelkor, qui poursuivait les derniers adorateurs, disparaît. Les cultistes d'Orcus vont fuir les ruines de Tsar-la-Dormante pour les Sépulcres cachés de Rappan Athuk dans la Forêt de l'Espérance.
L'Empire foerdewaith commence son déclin. Le Royaume de Suilley déclare son indépendance dans l'ancienne Province des Frontières orientales (Borderlands).
Il y a 200 ans : Le Foere reprend pour peu de temps les Sunderlands à l'est de Suilley contre les Océaniens.
Aujourd'hui, il reste encore dans les Frontières cinq domaines fidèles, les Provinces d'Eastreach, du Rempart et d'Aachen*, au nord de Suilley, Vourdon, à l'ouest de Suilley, ou Exeter, isolée au sud de Suilley, qui soient encore fidèles à l'Empire foerdewaith. Keston et le Comté de Tuillen ont juré vassalité au Roi de Suilley.
Il y a cent ans : Les Pluies démoniaques diluviennes transforment toute une partie des Frontières dans le Bourbier Rampant en Keston. L'ancien temple de Mitra, Morninghaven, qui était un sanctuaire pour les malades devient une prison hantée (The Mires of Mourning).
Il y a 20 ans : Abysthor, Grand Prêtre de Thyr de la Vallée de Coeur de Pierre disparaît après avoir tenté d'explorer les anciennes cryptes de son culte (Stoneheart Valley).
Il y a dix ans : Le Roi de Suilley vainc les barbares Vanigoths et les renvoie dans les Hautes-Terres, collines à l'est du Bourbier (Adventures in the Borderland Provinces, "The Two Crucibles").
L'année dernière : Ovar, le Roi de Foere et une coalition battent les barbares Huuns devant Bard's Gate mais ils disparaissent en les poursuivant à travers le Désert de la Dévastation de Tsar. Bard's Gate est une Cité franche mais liée au Grand Duché de Reme (Province de Waymarch).
* Aachen est un des noms réels (il y a aussi Troyes, Aix pas très loin) et il évoque aussitôt Charlemagne. De manière amusante, on retrouve exactement le même nom de Royaume dans le Monde d'Erde/Airdhe chez Troll Lords Game (qui utilise encore plus de noms réels comme Avignon). Il est clair que le modèle principal est l'univers de Greyhawk, où le Reich d'Aerdy a un déclin assez similaire et où la plupart des royaumes sont des anciennes provinces rebelles.
Quantité et Qualité
Les Lost Lands ont tellement de scénarios publiés que la quantité d'informations géographiques du Canon est vite devenue énorme. En vingt ans, on a sans doute de quoi faire des campagnes dans de nombreux hexagones de la carte.
Il y a quelques idées amusantes à voler tout de même dans cet univers qui semble à première vue assez traditionnel.
Par exemple, cette petite ville (dans le Duché du Rempart) qui est en fait à cheval avec des Fées chaotiques qui déclenchent des catastrophes plus par leur nature désordonnée et fantasque que par mauvaise intention. Les autorités mortelles doivent négocier aussi avec la Reine des Fées qui vit en parallèle de leur autorité. (Le scénario "Illusion & Illumination" dans Adventures in the Borderlands utilise cela pour un scénario proche de Songe d'une Nuit d'été).
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Libellés : jdr
Liste chronologique de Mortels Déifiés dans la mythologie chinoise
Cette entrée Wikipedia sur les Chinois qui ont été ensuite "déifiés" a le défaut de ne pas être chronologique et comme je ne sais pas faire de liste automatiquement, je l'ai refaite rapidement à la main. Si on avait par exemple envie de trouver des PNJ pour le jeu Wulin (qui se situe en fin de XIIe siècle), cela peut être utile de retrouver à partir de quand commencent ces divers "Immortels".
La chronologie n'est pas toujours très claire comme pour l'Immortel taoïste Tiěguai Lǐ qui est censé vivre au XIVe siècle mais aurait déjà étudié sous Laozi environ dix-huit siècles avant.
Je n'ai pas mis tous les personnages mythologiques non-historiques des "premières" dynasties pré-historiques ou alors cela aurait compris presque tous les dieux chinois.
On voit qu'il y a surtout des Généraux (qui deviennent parfois des dieux gardiens des Portes de temples) et des Moines taoïstes ou des Lettrés. Il y a quelques périodes de crise plus propices à des dieux, les fins de dynasties comme Qin (IIIe siècle avant JC) ou les héros des Trois Royaumes (IIIe siècle).
Cela manque pas mal de femmes en dehors de He Xiangu, "Mazu" ou Qin Liangyu : Liang Hongyu (1102-1135), la "Dame au Jade Rouge" est parfaite comme PNJ pour Wulin. Les deux militaires Mu Guying (XIe) et Qin Liangyu (XVIIe) sont deux Guerrières qui ont eu aussi droit de devenir des déesses protectrices des portes.
Vers 2000 avant JC
L'Empereur Yu et ses Shuǐxiān Zūnwáng (Rois des Immortels des Eaux)
Fin dynastie Shang (Vers 1000 avant JC)
Bi Gan (= Cai Shen, Dieu de la Fortune)
Le Duc Zhōu Gōng (auteur du Yi King)
Roi Wen de Zhou
Jiang Ziya
Jizi
VIIe avant JC
Bo Le le Dompteur de Chevaux
Jie Zhitui
VIe-Ve avant JC
Laozi
Kǒngzǐ (Confucius)
L'ingénieur Lu Ban
Général Wu Zixu, Ancêtre des Wu
IVe avant JC
Le Confucéen Mengzi (Mencius)
Le Taoïste Zhuangzi (Zhuang Zhou)
Général Pang Juan
Général Sun Bin
Médecin Bian Que
Lettré Qu Yuan
IIIe avant JC
Généraux Bai Qi et Li Mu
Wei Wuji, Seigneur de Xinling
Chen Sheng
Fusu
L'ingénieur Li Bing
L'ingénieur Zheng Guo
Les Généraux Han Xin, Zhang Liang, Meng Tian, Peng Yue et Xiao He.
Empereur Yi de Chu & Empereur Ziying de Qin
Wu Guang, rebelle
IIe avant JC
Fan Kuai
Le rebelle Ying Bu
I
Général Ma Yuan
Général Ma Wu
I-IIe ?
Jiang Ziwen
Général Ma Chao
IIe-III
Général Ma Dai
Zhongli Quan (un des 8 Immortels Taoïstes)
Les médecins Hua Tuo, Zhang Zhongjing et Dong Feng
Généraux Gan Ning, Guan Ping et surtout Guan Yu
Général Sima Yi
Général Zhang Fei
Général Zhao Yun
Général Zhou Chu
Roi Liu Bei
Fonctionnaire Zhuge Liang
IV
Fú Jiān
Wong Tai Sin, Immortel Taoïste
VI
Chen Qingzhi
Wǔ, l'Empereur-Boddhisattva
Dame Xian de Qiao Guo
VII
Général Li Shiji
Généraux Qin Shubao & Yuchi Gong
Général Xuē Rénguì
Général rebelle Yang Xuangan
Le poète Luò Bīnwáng
Lettré Wei Zheng
VII-VIII
He Xiangu (une des 8 Immortels Taoïstes)
Lan Caihe (un(e) des 8 Immortels Taoïstes)
Zhang Guolao (un des 8 Immortels Taoïstes)
Huang Daozhou
VIIIe
Lü Dongbin (un des 8 Immortels Taoïstes)
Ye Fashan, le Taoïste
Général Zhang Xun
IXe
Han Xiangzi (un des 8 Immortels Taoïstes)
Yang Yunsong, taoïste auteur du Classique de la Sacoche Verte (sur le fēngshuǐ)
Seigneurs de la Guerre Wang Shenzhi et son frère Wang Chao (après la chute des Tangs)
Xe
Bùdài, le Buddha Rieur
Liu Haichan, Taoïste
Chen Hongjin
Chen Tuan
Lin Mo, dite Mazu (adorée sur Taiwan)
Empereur Xu Wen ou "Yizu" (de Wu, avant l'arrivée des Song)
Empereur Taizu, fondateur de la Dynastie Song
XIe
La guerrière Mu Guying
Cao Guojiu (un des 8 Immortels Taoïstes)
Juge Bāo Gōng
Moine Qingshui
Roi Yuxiong
XII-XIII
Général Chēgōng
Chen Wenlong
Moine bouddhiste Ji Gong
Général et Lettré Yue Fei
Liang Hongyu (le Jade Rouge)
Pan Jinlian l'Adultère
XIVe
Lǐ Tiěguai "à la canne de fer" (un des 8 Immortels Taoïstes)
Chen Wenlong
XVIe
Poète Yang Shen
Le Ministre Yu Qian
XVII
Huang Daozhou
Qin Liangyu, guerrière
Gouverneur Zhou Youde
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Libellés : l'orient compliqué
jeudi 17 octobre 2019
La Raison et l'Antéchrist
Je crois que la plupart des Trumpiens sont rationnels. C'est ce qu'on pourrait appeler le premier type. Ce sont des gens de droite qui ont une vision cynique ou alors au moins très "machiavellienne". Ils pensent que tout le monde est intéressé, immoral et égoïste et donc que le fait que l'Agent Orange soit un escroc n'est pas très important car il ne ferait que manifester de manière plus flagrante ce que tout le monde désirerait faire. Pour parler en termes platoniciens, ce serait juste "Gygès qui ne voit pas qu'il a perdu son Anneau d'Invisibilité", le Bandit qui au moins a le mérite de faire à la vue de tous ce que d'autres dissimulent.
Ils sont tout à fait prêts à reconnaître de nombreuses tares du Tyran de Twitter mais ils les minorent ensuite en raison d'un calcul.
Pour ces soutiens calculateurs, ce qui compte est que le pouvoir (1) fasse des lois avantageant les riches (position du Parti républicain et de ses riches donateurs), (2) nomme des juges de droite qui continuent à consolider des précédents libertariens sur les armes mais théocratiques sur les IVG (pour la base militante), (3) mène une politique plus violente d'intimidation, d'humiliation sadique et de discrimination contre les minorités et notamment contre les Hispaniques (une partie importante de la base raciste).
Avec ces trois buts, Trump est aujourd'hui toujours majoritaire chez les Blancs et majoritaire chez les hommes américains même en incluant les minorités.
Si vous désirez ces choses et que l'enrichissement personnel de Trump ne vous dérange pas, alors c'est "rationnel en valeur" de voter pour lui.
Ceux-là se prétendent parfois choqués par ce que fait Trump (les prétendus "Nevertrumpers" qui trouveront toujours que même Biden est trop à gauche) mais c'est de la mauvaise foi car ils continueront à voter pour lui au finale "en se pinçant le nez". Ils ne sont pas dupes mais ils peuvent rationaliser que les gains justifient le pillage kleptocratique ou l'incompétence.
Il y a même des Evangélistes qui admettent que Trump n'est pas des leurs (ce qui devrait sauter aux yeux et ne même pas être sujet à débat) mais qui ont une sorte de théodicée pour dire que ce Roué libertin a reçu tel Saint Dismas une sorte de Grâce pour devenir l'instrument un peu malgré lui des vrais desseins du Créateur (qui se réduit globalement à un seul enjeu, l'interdiction de l'Avortement, avec à présent peut-être quelques innovations comme un peu plus de persécutions de transsexuels).
Mais les électeurs de Trump que j'avoue ne pas comprendre est le second type.
Ce sont ceux qui croient sincèrement au premier degré que
(1) Trump est honnête, qu'il va "drainer le Marais" de la Corruption
(2) qu'il est intelligent, compétent, voire (si, cela existe) un Génie stable comme il le dit,
(3) qu'il se soucie vraiment du Peuple et du Bien de l'Amérique voire
(4, pour certains Evangélistes) qu'il est une personne pieuse, dévote et tout à fait conforme aux désirs de la base théocratique.
Là, on est dans un échec de la diffusion de l'information ou de la rationalité des croyances qui laisse abasourdi.
Dans la parabole du Grand Inquisiteur de Dostoievski, l'Inquisiteur fait l'éloge de l'hypocrisie pour des raisons hobbesiennes : il faut la tyrannie du pouvoir "positif" et non l'idéalisme abstrait du message évangélique. La majorité de l'Humanité a besoin de tyrans car elle ne sera jamais prête au fardeau de la liberté. Le Grand Inquisiteur serait du premier type d'électeurs.
Mais les Evangélistes qui se montrent enthousiastes et dévoués à la personne même de l'oligarque hédoniste et pécheur sont tout à fait prêt à soutenir l'Antéchrist directement sans qu'il ait même besoin d'en faire trop pour se présenter en vrai défenseur de la Foi. C'est un hérétique de l'Antinomianisme car ils semblent croire qu'il doit être d'autant plus authentiquement saint paradoxal par son dépassement de toute moralité commune. Notre Cité est tellement déchue qu'il faut suivre la voie du plus criminel pour "drainer le Marais".
Et là, j'ai du mal à comprendre comment les Chambres d'écho d'information peuvent permettre ce second type d'exister. J'ai vu une vieille dame expliquer qu'elle n'écoutait plus aucun média, car ils étaient tous de la propagande contre le Vrai Prophète, et ne plus se fier qu'à une seule source d'information : les rallyes de Twitler et son twitter. Big Brother is tweeting to you et son murmure raciste te consolera de toute la dégénérescence de la modernité.
L'Evangélisme protestant conservateur est obsédé par le discours apocalyptique et j'ai l'impression que l'Armageddon joue un rôle beaucoup plus central que pour les Catholiques (voir tout le discours sur la "Rapture" des Vrais Elus dont il n'existe pas d'équivalent même chez les intégristes catholiques). Ils ne cessent de dénoncer des Antechrists partout : Rome est la Prostituée de Babylone, le Pape est la Bête, Obama est l'Antéchrist.
Mais bien entendu, quand un voleur stipendié et amoral, qui trompe ses diverses épouses en violant ou en payant des prostituées, qui ne cache même pas qu'en lui, Mammon, tout est à vendre, quand un tel exemple d'élite new yorkaise ou hollywoodienne leur demande leurs suffrages, ils voient en lui l'Elu paradoxal et le Héraut du Christ-Roi. Certes, des doctrines aussi absurdes que la Théologie de la Prospérité (la richesse est un signe de Grâce) n'a pu que préparer la voie à cette abomination.
L'Evangélisme est donc une croyance particulièrement contre-productive, comme bien des Fondamentalistes et Fidéismes, à la fois la mythologie la plus préoccupée par l'Antéchrist et la plus susceptible de le suivre avec enthousiasme si jamais il venait à exister, la plus moralisatrice formellement et la plus prête à justifier l'immoralité dans les actes parce que la foi intérieure peut tout sauver.
Publié par Phersv à 10:37 4 commentaires
Libellés : Trumpistan
Spasmes de spam
Publié par Phersv à 09:46 2 commentaires
Libellés : intertubes
mardi 15 octobre 2019
Cadmus
Kirby est un roi du recyclage : il avait déjà utilisé l'expression Projet Cadmus en un sens proche de ce qu'il fera chez DC (une production artificielle d'êtres vivants) mais quinze ans avant chez Harvey !
Publié par Phersv à 11:27 2 commentaires
Libellés : comics
Le Lorax et la Kakistocratie
John Bolton, que nous appelerons donc le Lorax parce que c'est un Morse-Garou, était l'un des pires membres de l'Administration Bush, belliciste néo-impérialiste, unilatéraliste et amoral. Quand il était ambassadeur à l'ONU, il avait regretté qu'un terroriste ne détruise pas l'organisation à New York parce qu'elle abritait trop d'ennemis des USA. Tout le monde pensait qu'il déclencherait au moins un génocide entre le Croissant Fertile et la Perse pendant le mandat de l'Escroc immobilier de reality tv. Quand je cherchais un peu vainement une seule chose bien qu'aurait pu faire accidentellement l'Agent Orange en trois ans, je ne voyais guère que le renvoi du Lorax.
Et là, il vient de révéler qu'il a dénoncé les crimes que commettait l'Administration Trump et il a même comparé cela à quelque "marché de trafiquant de drogues". Je suis dans une crise de fou rire depuis le réveil.
Quand Yosemite Sam, un fascistoïde radioactif qui doit manger trois crimes de guerre à chaque petit déjeuner, s'inquiète d'une dérive, c'est qu'on a franchi un seuil dans la Kakistocratie.
Publié par Phersv à 11:07 2 commentaires
Libellés : outlet for sentiments of hope and indignation, Trumpistan
lundi 14 octobre 2019
Narcisse & Néron
Il paraît clair que Donald Twitler est un "psychopathe narcissique" dénué d'empathie mais une thérapeute d'origine polonaise ("dabrowskienne"), Elizabeth Mika, a développé la même analyse sur son extrême narcissisme. Elle reprend un modèle plus général développé par les psychiatres Andrzej Łobaczewski et Kazimierz Dąbrowski, le risque que toute politique dérive en "pathocraties", dans le Charisme de psychopathes narcissiques où une minorité pathologique dirige une masse de personnes plus "normales" (en plus d'une "kakistocraties" où le pire sélectionne le pire entourage, ou "kleptocraties" où le pouvoir passe au pillage économique direct).
Il a l'air de croire qu'il suffirait que les "Normaux" aient une connaissance rationnelle du diagnostic sur les psychopathes pour ne plus succomber à leur charisme ou à leur manipulation. Mais cela n'explique pas comment 40% des Américains peuvent rester un socle si stable où le Mal moral de Donald Fuckface Von Clownstick semble devenir une nouvelle contre-norme, "normalisé".
Cette théorie politique des psychiatres me paraît courir le risque de naturaliser énormément les différentes formes de dérives politiques comme une simple épidémie de psychopathie.
Il faudrait alors s'interroger pourquoi les "Normaux" deviennent de plus en plus fascinés pour les psychopathes - ce qui est d'actualité quand on voit le contre-sens que font certains (comme l'étrangement caricatural Juan Branco) sur le film récent sur le Joker en croyant y voir une Révolte émancipatrice alors qu'il s'agit sans doute avant tout d'un Psychopathe sadique qui utilise une Révolte fasciste ou nihiliste. Le Joker n'est pas une réaction ou un mécanisme de défense mais un symptôme.
Publié par Phersv à 23:44 0 commentaires
Libellés : Trumpistan
Re. Elizabeth née Herring
Un argument qui réfute certains de ceux que j'avais utilisés sur Warren est que :
(1) Sanders était indépendant et non membre du Parti démocrate. Warren, malgré tout son passé d'ancienne Républicaine jusqu'à la fin du XXe siècle, a depuis incarné l'aile gauche du Parti démocrate, à l'intérieur du Parti, alors que Sanders était l'agent extérieur cherchant à le changer.
(2) Mais il y avait failli y avoir une candidature de Warren en 2016 (Warren ne s'entendait pas bien avec H. Clinton) et à l'époque on avait considéré que Sanders avait récupéré cette structure de Warren quand elle avait décidé de renoncer à faire campagne. En un sens, Sanders a pu reprendre cette position dans le Parti démocrate parce qu'elle n'avait pas osé l'incarner.
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dimanche 13 octobre 2019
In Memoriam
Cela fait un an que Greg Stafford est mort et (via Imaginos) Chaosium a eu la bonne idée de proposer plusieurs scénarios gratuits qui lui sont dédiés. L'une des aventures, La Quête de la Lame Rouge, pour le jeu Pendragon, est même écrite par Greg Stafford lui-même (et où il s'est inséré comme PNJ, avec un autoportrait). La Quête du McGuffin se transforme en un dilemme moral.
Parmi les autres, il y en a un par Ian Cooper pour HeroQuest, un autre pour RuneQuest , un pour l'inévitable Call of Cthulhu, et un pour... 7th Sea par son auteur John Wick (qui vient de rejoindre Chaosium).
Mais une des choses qui m'avaient le plus ému l'an dernier était la formulation des voeux par la famille :
To honor Greg’s memory the family requests,
in lieu of flowers,
that you strike up a conversation
with someone you don’t know,
go somewhere you haven’t been,
face a personal challenge head on,
read about something and enjoy life.
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Libellés : jdr
Data Mossoul
Data Mossoul est une pièce ambitieuse par l'actrice et autrice Joséphine Serre qui est à la fois une réécriture de l'Epopée de Gilgamesh, une réflexion sur la Mémoire et l'Oubli, sur l'Archivage et le Contrôle de l'Information, la Propriété de l'Histoire, le Pouvoir de l'écriture, l'Immortalité, le passage de notre civilisation vers de nouvelles inégalités digitales et même le dérèglement climatique (comparé ici au Déluge dans l'Epopée, mais le Déluge est aussi comparé au Flooding d'informations en "zettaoctets" quantiques). Je regrette parfois la quantité de thèmes distincts mais l'autrice arrive à les faire entrer en résonance de manière très belle.
Izdubar Transhumain
On a plusieurs intrigues superposées et synchrones entre le Passé ancien - la Chute de Ninive (le Roi Sîn-šarru-iškun, fils d'Aššur-bāni-apli / "Sardanapale"), le Passé récent - l'Occupation de Mossoul par le Califat en 2014-2016, le Futur proche (peut-être d'ailleurs un peu trop proche du point de vue crédible) - quand GOOGLE commence de manière dystopique à sélectionner et effacer des pages d'Internet tout en assurant aussi un contrôle collectif des populations auxquelles on promet l'immortalité virtuelle (le Projet ENKIDU). Comme dans un épisode de Black Mirror, on révèle de sombres complots où en quelques années on aurait réussi à modifier toute la Mémoire collective de l'Humanité en contrôlant ce qui est écrit dans le cyberespace.
L'héroïne, "Mila Shegg", anagramme de Gilgamesh, qui travaille comme Data Scientist pour "GEOLOG", doit à la fois servir de cobaye pour la digitalisation de sa mémoire et elle a perdu tous ses souvenirs de ce qui lui est arrivé pendant l'Occupation de Mossoul quand elle travaillait pour l'Armée américaine. Elle semble donc être en quête de son identité mais en fait, elle découvre que ce n'est pas seulement sa mémoire qui a été modifiée mais une mémoire collective où toute la Mésopotamie a été démantelée et réorganisée par les Puissances régionales ou internationales - on n'en saura guère plus sur ce conspirationnisme géopolitique auquel a collaboré GEOLOG mais il est clair que les êtres humains du Futur proche ont des Implants qui ont fini par les aliéner complètement à de nouveaux Cyber-Dieux). C'est en lisant les carnets manuscrits non-digitalisés d'une archéologue irakienne de Mossoul, qui est en partie son double comme Enkidu est présenté en double de Gilgamesh, qu'elle va retrouver une partie de cette Mémoire.
(A ma connaissance, l'autrice brode, car je ne me souviens pas qu'Enkidu, ami/amant de Gilgamesh, ait été décrit comme son "double". Il est certes artificiel et conçu pour être son ennemi mais il est plus décrit comme l'Homme de la Forêt alors que Gilgamesh serait le Seigneur de la Ville)
Mila Shegg est une si brillante informaticienne quantique qu'elle va devenir une héroïne d'une cyberrésistance dirigée par un certain "George Smith", héros typique cyberpunk qui croit pouvoir déclencher une Révolution rien qu'en collectionnant des documents non-numérisés. En passant, une chose oubliée est que lorsque le vrai George Smith traduisit l'Epopée de Gilgamesh la première fois, il interpréta les cunéiformes de son nom comme "Izdubar" et donc même en ce cas l'identité fut au départ brouillée dans l'écriture.
Les Jardins Suspendus Virtuels de Ninive
Le choix de Ninive a plusieurs fonctions. La Bibliothèque de tablettes cunéiformes d'Assurbanipal est la première Bibliothèque de l'Histoire au VIIe siècle avant JC et elle relie déjà la question de l'Ecriture et celle du Pouvoir dès les origines des premiers Etats et Empires administratifs. Il est intéressant de revoir Mossoul en ce moment où les Kurdes de Syrie se font à nouveau massacrer par les Turcs car Mossoul, au nord de l'Irak signifie aussi "Lien" et la pièce joue sur l'idée qu'elle n'est pas qu'une ville mais le Lien entre les Morts et les Vivants, entre les Ruines, les traces et la Présence.
J'étais sceptique sur un thème botanique qui apparaît soudain quand des Hackers décident de sauvegarder les fichiers effacés par GOOGLE en les mettant dans l'ADN de végétaux. Je trouvais que cela brouillait un peu l'argument puisque l'artificialisation de l'ADN ne me paraissait pas vraiment une bonne idée de SF pour transformer les mutations biologiques en archivages (et le thème poétique de la "Timidité des Cimes" me paraissait projeté de manière un peu gratuite). Mais on sait que les Jardins Suspendus de la Reine Sémiramis n'ont jamais été retrouvés à Babylone, ce qui a fait penser que la liste grecque des Merveilles avait peut-être confondu la Ninive de Sennachérib (qui semble en avoir eu d'après certaines représentations) et Babylone.
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Libellés : theâtre
jeudi 10 octobre 2019
Nozick
Il est vraiment dommage que Robert Nozick (1938-2002) soit arrivé à des positions aussi libertariennes car j'ai rarement lu de philosophes contemporains qui eussent un tel sens des problèmes. Les philosophes analytiques sont impressionnants dans leurs résolutions de problèmes récents de la littérature "scolastique" actuelle mais ils sont souvent plus décevants dans la profondeur historique d'un problème ou dans les problèmes plus "cosmiques", en dehors de Bernard Williams (qui fut un Nietzschéen ou Sartrien analytique), Richard Rorty parfois (mais il dériva sans doute vers le n'importe quoi dans son mariage du pragmatisme et de la déconstruction) et peut-être vers la fin Hillary Putnam (qui tenta d'intégrer ce qu'il avait pu lire de la tradition critique de Francfort et même Lévinas (!)) ou Derek Parfit (qui fusionna sa métaphysique humeano-bouddhiste du Non-Sujet avec une conciliation de l'Utilitarisme et du Kantisme).
Nozick a une culture philosophique digne d'un Continental avec les ressources d'un Analytique et si on écarte sa philosophie politique délirante (ce qui est certes son apport le plus célèbre), il a construit parfois des solutions intéressantes et son opposition éthique entre ce qu'il appelle le problème de l'équilibre entre l'Offre Morale (les mobiles de la Raison pratique, ce que je voudrais exiger de moi-même) et la Demande Morale (ce qu'Autrui devrait exiger de moi) le conduit à une autre manière de voir la différence entre Antiquité (philosophie de l'Offre qui croit à l'harmonie entre Bonheur et vertu) et Modernité (qui ne voit plus cette harmonie).
Même son libertarianisme (qu'il a légèrement nuancé vers la fin - n'oublions pas qu'il avait été Socialiste dans sa jeunesse) a l'avantage d'être presque l'inverse d'Ayn Rand. Rand n'avait rien lu de sérieux sur Kant (qu'elle prenait pour un Relativiste) alors que Nozick est peut-être plus profondément Kantien que ne l'est Rawls. Rand veut fonder tout son minarchisme sur un égoïsme simpliste et la dénonciation de l'altruisme. Nozick fonde son libertarianisme au contraire sur des présupposés très kantiens de Respect de l'autonomie d'autrui et de refus du Paternalisme. Le méta-argument de Nozick est toujours assez drôle : la vertu du libertarianisme est qu'il pourrait intégrer le socialisme comme possibilité locale pour une communauté alors que l'inverse ne serait pas vrai.
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Libellés : philosophie
Le Mythe de Yog-Sothotherie dans le Domaine Public
Cthulhu est devenu maintenant une sorte de symbole d'un vide créatif où on l'insère n'importe où. Il est peut-être temps d'un moratoire, ne serait-ce que pour préserver le Mythe lui-même.
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Libellés : comics
mercredi 9 octobre 2019
Café théologique
Je dépose Mellon à son cours d'escrime et comme je n'avais pas Rainë à aller chercher à la crèche, je suis resté au café en face du cours en espérant en vain corriger des copies. Un écran télévisé est allumé.
Le Bistrotier : La politique cherche avant tout à diviser les gens pour qu'ils ne puissent pas s'opposer.
Un client barbu : Mais exactement, c'est pourquoi ils attaquent tous l'Islam. Parce que c'est le seul rempart et ils ne veulent pas de gens qui puissent s'opposer à eux. Ils craignent des croyants parce qu'une société de croyants, ils ne pourraient plus aussi bien la commander.
Bistrotier : Mais pourquoi tu me parles d'Islam, quel est le rapport ? Il n'y a aucun rapport.
Barbu : Mais si, regarde, quand on regarde ton BFM, là, ils disent tous que l'assassin des policiers était musulman. Ils cherchent toujours un biais pour attaquer l'Islam. Ils n'osent pas dire que cela prouve que malgré toute leur propagande, il y a de plus en plus de gens qui se convertissent et cela leur fait peur car l'Islam est la seule vraie voie pour les libérer.
Bistrotier : Mais qu'est-ce que tu me racontes ?
Barbu : Moi, cela m'a beaucoup aidé. Avant, je me mettais en état d'ébriété. Mais maintenant, j'essaye d'être moral. C'est grâce à l'Islam.
Bistrotier : Ben, non, c'est juste que tu as mûri. Et puis moi, un verre de bière, cela ne fait de mal à personne, non. Mais Dieu, ou Allah, ou Jésus ou le Taoïsme, tout ça, c'est tout le temps violence, cruauté.
Barbu : Absolument pas.
Bistrotier : Mais si, ça n'arrête pas d'appeler à la violence. Toutes les guerres, les croisades ou les guerres saintes.
Barbu : Mais pas du tout : les deux Guerres mondiales, il n'y avait rien de religieux. La Guerre de Cent ans, elle a duré cent ans et elle n'avait rien de religieux.
Bistrotier : Ouais, bon. Moi, je veux bien être croyant et prier mais pas pratiquant en tout cas. Je suis Algérien mais je préfère que tu gardes ta religion dans le privé. Pourquoi j'irais faire le Ramadan, moi ?
Barbu : C'est pas dans le privé. C'est la vérité, c'est tout. La vérité ne reste pas dans le privé.
Bistrotier : Pff... Je connaissais un religieux, il priait dix fois par jour, il ne s'habillait plus que d'une certaine manière et il avait une voisine qui crevait de faim. Elle est venue lui demander un peu d'aide. Il a refusé. Et tu vas dire que cela rend moral, la religion ? J'en connais qui boivent ou qui trafiquent et qui se croient absous quand ils vont à la Mosquée ensuite.
Barbu : Moi, ça m'a aidé. Mais tu es juste contaminé parce que tu regardes trop ton BFM. (Il sort)
Le Bistrotier me prend à témoin (peut-être parce que je suis aussi barbu) : J'ai toujours des embrouilles avec les Religieux.
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mardi 8 octobre 2019
Elizabeth née Herring
Comme je me suis largement trompé depuis plusieurs années (en disant que ce médiocre escroc de Falstaff n'aurait jamais la nomination et qu'il ne pourrait jamais gagner), je ne vais pas prétendre sonder l'éligibilité d'Elizabeth Warren. Elle est infiniment plus brillante que Trump et de toutes manières, même si elle ne l'était pas, tout serait mieux que lui.
D'un côté, elle a moins d'habitude de Washington que Sanders. Sanders (78 ans) est élu du Vermont depuis environ 30 ans (Sénateur depuis 13 ans). Warren (70 ans) n'est élue que depuis 6 ans. On pourrait dire que cela va à l'avantage de Sanders, qui a une vraie cohérence de social-démocrate depuis des décennies, sur toute sa vie. Mais Sanders a toujours été un parlementaire marginal qui a eu peu d'influence dans la législation. Warren a eu une influence bien plus grande comme militante (sur le sujet de la Banqueroute personnel, problème typique de la société américaine et de son système inégalitaire monstrueux de santé), et s'est donc fait beaucoup plus d'ennemis mais elle n'a pas du tout la même cohérence : elle a été Républicaine encore jusqu'au tendre âge de 47 ans ! Il a fallu qu'elle attende le mandat de Clinton et Bush fils pour que cette juriste commence à s'impliquer sur des questions de limitations des avantages des banques.
Les programmes de Warrent & Sanders sont très similaires, bien plus à gauche que ceux d'Obama et Clinton, et une des vertus de Warren est qu'il est clair qu'elle est une politicienne qui aime se plonger dans les détails techniques de contenu et pas seulement sur les grandes lignes de communication. Les deux sont faiblement soutenus par la communauté noire (qui soutenait surtout Biden parce qu'il était censé être l'héritier d'Obama).
Un des arguments qu'on entend le plus contre elle est que la Misogynie a brisé la campagne de Clinton, qui était pourtant plus consensuelle que Warren. Mais après 4 ans de mandat d'un harceleur, cela ne fait peut-être que donner plus d'importance à sa candidature.
Trump aime la décrédibiliser en l'appelant "Pocahontas" (parce qu'elle a déclaré être d'origine lointaine amérindienne mais sans avoir pu donner de preuves généalogiques en dehors d'un test ADN qui ne fit qu'ajouter une controverse) mais toutes ces attaques misogynes et racistes ne se cristalliseront peut-être pas aussi bien qu'en 2016. Le fait qu'il l'attaque par ce biais rappelle qu'il craint aussi que son propre prétendu "Populisme" d'oligarque démagogue soit assez ridicule face à celui de la Démocrate.
Publié par Phersv à 23:43 4 commentaires
Libellés : spirit of '76
lundi 7 octobre 2019
Ubu Troll
C'est l'ancienne stagiaire de la Maison blanche Monica Lewinsky qui a le mieux résumé toute la Présidence de Trump en disant dès son élection que c'était la victoire des Trolls.
Trump n'a pas de cohérence idéologique ou politique, il n'est pas fondamentalement fasciste même si depuis quelques années c'est bien du fascisme et du racisme qu'il répète sans cesse. Bien avant sa croisade ridicule pour démontrer qu'Obama n'était pas né sur le territoire américain, il avait payé cette page dans les journaux pour faire accuser des Noirs innocents. Mais ce qu'il est, en plus d'un Pervers narcissique est avant tout un Troll.
Cela conduit certes souvent vers le fascisme parce que le Troll tire une satisfaction sadique et que son manque d'empathie le rend plus compatible avec l'Ur-fascisme. Il n'a pas de théorie sur l'utilité de la discrimination ou de l'injustice mais sa motivation est seulement que l'injustice le fait jubiler parce qu'il sait qu'elle nuira à ceux qu'il perçoit comme ses cibles à humilier. On pourrait même imaginer des contextes où il pourrait ne pas être fascisant par esprit de contradiction si cela lui permettait de troller davantage (comme à l'époque où il prétendait être un Démocrate new yorkais atypique il y a une trentaine d'années).
Par exemple, Trump n'est pas anti-sémite contre son gendre (il a tout au plus une rivalité avec son double plus jeune) mais il est capable de basculer dans l'anti-sémitisme le plus virulent (contre les Juifs qui votent "mal" contre "les intérêts d'Israel" si jamais ils osaient le critiquer) si cela lui semble procurer le maximum de "lulz". Le fascisme n'est pas son but caché, ce n'est qu'un exutoire à sa personnalité de sociopathe. Il n'a pas une personnalité autoritaire parce qu'il saurait ce qu'il veut imposer, il se sert de l'autoritarisme pour mieux se défouler dans ses caprices infantiles.
Même son racisme récurrent contre les Noirs ou les Hispaniques exprime sans doute plus d'égocentrisme mégalomane ("I have good genes") qu'une vision du monde générale sur la biologie. Il n'y a d'ailleurs aucune vision du monde quelle qu'elle soit au-delà de son nombril. Le fait même qu'il soit devenu si obsédé par Twitter est que cela s'adapte bien à sa forme de narcissisme lapidaire, réactif, hostile et plein de ressentiment.
Quand on lit la liste des 9 critères du DSM sur le pervers narcissique, on a l'impression que la liste n'est pas générale et n'a été écrite après coup que pour décrire Trump lui-même.
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Libellés : spirit of '76, stupidité, Trumpistan
dimanche 6 octobre 2019
wǔxiá & xiānxiá
Le Dénicheur d'Aigles
A cause de l'excellent jeu de rôle français Wulin, je viens de retomber dans le wǔxiá, la fiction d'arts martiaux avec sabres & chevaliers. Il y a plusieurs séries sous-titrées sur Internet, dont Shè Diāo Yīng Xióng Zhuàn (la Légende du Héros Chasseur d'Aigles, traduit généralement en anglais Legend of the Condor Heroes, alors que le condor est un oiseau du continent américain qui n'existe pas en Chine ou en Mongolie ??), par le célèbre Jīn Yōng (1924-2018). Il y a de très nombreuses adaptations, en films, séries-fleuves ou BD. Cela a l'air d'être presque les Trois Mousquetaires en Chine pour ce qui est de la notoriété, si ce n'est que cela ne date que des années 1950-60. Je regarde la série de 2017, facile à trouver sur YouTube, et la traduction a parfois même des notes de contexte utiles.
L'histoire se déroule pendant le déclin de la Dynastie Song vers 1200. D'ailleurs, la série ne dit jamais "Chine" ou "Hans" mais toujours "Empire Song". Comme toutes les fictions chinoises, il y a un aspect nationaliste sur la lutte entre les Song et le Royaume de Jin (qui sont les "ancêtres" lointains des Mandchous qui feront tomber les Ming avec la dernière dynastie Qing quatre siècles plus tard). Ironiquement, les Mongols de Gengis Khan sont plutôt considérés comme des alliés potentiels contre les Jin alors que ce sont eux finalement qui feront tomber les Song quelques décennies plus tard (dynastie Yuan). En passant, le jeu de rôle Wulin a choisi le même cadre temporel, entre cette série et Au bord de l'eau quelques années avant.
L'histoire est celle d'une amitié contariée. Le héros Guō Jìng était destiné par ses parents et amis avant sa naissance à devenir le Frère de Sang de Yang Kang (leurs deux prénoms Jing et Kang avaient même été choisis pour que "Jìngkāng" rappelle l'humiliation de l'an 1127 où les Empereurs Song avaient été vaincus et capturés par les Jin). Mais le Destin va perturber cette prédiction : leurs parents se feront tuer ou enlever, Guo Jing sera élevé dans la connaissance de son héritage en Mongolie et va devenir un héros droit, bien qu'un peu naïf, mais Yang Kang sera élevé à la Cour des Jins et sera corrompu par des rites & techniques maléfiques, à cause de son arrogance et de son désir de puissance. L'histoire suit leur destin parallèle, alors même que Guo Jing croit parfois possible de se réconcilier avec son Frère de Sang malgré toutes leurs divergences.
Un aspect que j'aime bien dans l'histoire est que Guō Jìng n'a rien d'un talent naturel. Il est décrit comme lent et peu doué mais persévérant, et c'est seulement par obstination qu'il finit par exceller alors que ses maîtres désespèrent toujours de ses capacités à apprendre. Il est au départ nettement moins doué que Yang Kang mais aura le mérite (avec certes une chance anormale) de le dépasser sans suivre le Côté Obscur. On dit souvent que la littérature épique occidentale a trop tendance à partir de Héros d'essence noble alors que les Orientaux peuvent être plus ouverts à l'idée de formation et de l'acquis par l'action. Ce n'est même pas un thème "socialiste" mais bien confucéen. Le Héros d'origine modeste (Guō Jìng est fils de paysan mais certes descendant du bandit Guo Sheng, un des héros d'Au bord de l'Eau) excelle par sa vertu et non par sa naissance ou son sang, même si le thème de la fidélité filiale et familiale est répétée sans cesse.
En revanche, la compagne de Jing, Huáng Róng, a peut-être le défaut d'être un peu trop parfaite en toutes choses, simplement du fait qu'elle est la fille d'un des plus célèbres maîtres et a pu obtenir ses secrets, qui vont des arts martiaux à la médecine.
Un autre thème récurrent des romans de Jin Yong est l'importance disproportionnée des Livres, ce qui fait penser à des reliques de jeu de rôle. Les Royaumes entiers peuvent s'entretuer pour obtenir un simple Manuel sur les arts martiaux (comme le Manuel des Neuf Yin, qui a corrompu Yang Kang mais que Guo Jing arrivera à lire sans y succomber).
Xiānxiá
Le xiānxiá est un autre genre très proche du wǔxiá. Mais alors que ce dernier a des héros qui grâce aux arts martiaux deviennent des chevaliers errants qui affrontent des fonctionnaires corrompus dans le monde du Jiānghú (Les Rivières et les Lacs) et du Wulin (la Forêt des Guerriers), le xiānxiá pousse l'hyperbole plus loin et a des héros qui deviennent des Immortels et affrontent des Dieux. La magie taoïste et la présence de super-Immortels est déjà présente dans les romans classiques de wuxia mais ici cela devient central et on n'est plus dans les mêmes enjeux humains. Les jeunes Chinois semblent apprécier particulièrement des Romans interminables de xianxia publiés sur le Web.
J'ai à peine commencé une autre série classée en xianxia, produite juste avant l'adaptation du Heros chasseur d'aigles, qui s'appelle Qīng Yún Zhì, en anglais soit Legend of Chusen soit Noble Aspirations, d'après un scénario populaire d'un auteur contemporain (et qui a déjà été adapté dans des jeux vidéos célèbres, Jade Dynasty).
Le héros Zhang Xiaofan a été recueilli par la secte Qing Yun des Nobles Aspirations, dont l'école est dans les Nuages au-dessus d'une montagne. Il est peu doué au départ mais en partie aussi parce qu'il cache certains secrets et il va devenir un des Immortels qui pourra assez cultiver son Qi pour partir en guerre contre les Démons qui luttent contre son école.
Je n'ai pas trouvé cela très subtile du tout, comparé à la série précédente. C'est assez curieux parce que dans la littérature occidentale, je préfère le fantastique assez outrancier, voire des héros épiques à une fiction historique "réaliste" mais ici, je préfère le contexte un peu plus solide du wuxia pseudo-historique à cette histoire de superhéros si détachée de la Terre. La surenchère dans la puissance divine finit par paraître un peu kitsch.
Mais il faut quand même signaler qu'il y a un Dragon en 3D dans cette série, le gardien de l'école des Nobles Aspirations. Il n'est pas très bien fait comparé aux dragons occidentaux de Game of Thrones mais je suis très bon public dès qu'il y a un dragon dans une histoire. Surtout que le paradoxe du wuxia est qu'on parle de Dragons tout le temps sans en montrer jamais.
Publié par Phersv à 22:37 5 commentaires
Libellés : wuxia