vendredi 30 août 2024

Probabilités dans Donjons & Chatons


Dans le système du nouveau jeu de rôle Donjons & Chatons, on lance 3 dés (à six faces) et on doit faire moins qu'un score X pour avoir un succès (on compte alors le nombre de succès). Si on est "en désavantage", on lance 2 dés au lieu de 3 et si on a un avantage (une compétence par exemple), on lance 4 dés. Le système est un peu compliqué par le fait que si on obtient un triple (3 fois le même nombre), l'effet sera positif, et qu'on peut aussi avoir des relances. Mais je vais négliger cette complication. 

Je ne suis pas sûr que les jeunes joueurs se rendent toujours bien compte des probabilités avec un tel système. Dans le cas standard, avec 3 dés, on a (si je ne me suis pas complètement trompé) le tableau suivant, avec en colonne le score et en lignes le nombre de succès obtenus. Le pourcentage en rouge se lit "1 succès AU MOINS" et non pas "exactement UN succès". On remarque les chances assez élevées de réussite : un personnage avec un score faible (2) a quand même 70% de chance d'avoir au moins un succès. Un personnage avec un score de 5 a presque 60% de chance d'avoir trois succès. 


2345
0 succès29,612.53,70,5
1 succès44,4
(70,4%)
37.5
(87.5%)
22,2
(96,3%)
6,9
(99,5%)
2 succès22,2
(26%)
37.5
(50%)
44,4
(73,1%)
34,7
(92,6)
3 succès3,712.529,657,9

Voici le même tableau mais en situation de "désavantage" avec seulement 2 dés à six faces. Même un personnage faible en désavantage garde donc environ une chance sur deux de réussir (en tout cas, d'avoir au moins une réussite). 

2345
0 succès44,42511,12,8
1 succès44,4
(55,6%)
50
(75%)
44,4
(88,9%)
27,8
(97,2)
2 succès 11,1 25 44,4 69,4

Enfin, voici le même tableau, mais avec "Avantage" (+1 dé). 
2345
0 succès19,76,21,20,1
1 succès39,5
(80,3%)
25
(93,8%)
9,9
(98,8%)
1,5
(99,9%)
2 succès29,6
(50,7%)
37.5
(68,8%)
29,6
(88,9%)
11,6
(98,4%)
3 succès9,9
(11,1%)
25
(31,2%)
39,5
(59,2%)
38,6
(86,8%)
4 succès1,26,219,748,2

Les échecs sont donc rares dans D&C.

jeudi 29 août 2024

CM9 Legacy of Blood (1987)


La longue description de ce module de D&D chez Paleologos m'a donné envie de revenir dessus. L'Héritage sanglant est un des rares modules écrits par le créateur de RuneQuestSteve Perrin dans sa période où il travaillait comme free-lancer pour TSR. J'ai déjà parlé de son N5 Under Illefarn dans les Royaumes Oubliés et à la même époque il préparait aussi son supplément (plutôt réussi) sur Alfheim, la forêt elfique dans le Known World de Mystara qui parut l'année suivante. Perrin collabore ici avec l'écrivaine Katherine Kerr, l'autrice du cycle de Deverry (qui cite ici son mari Howard comme testeur des aventures) et ce scénario de 32 pages fut là son seul module pour D&D (elle collabora aussi à Savage Mountains pour Pendragon). 


La série "CM" (Companion - j'ai déjà parlé de la série M, Master) était tous des modules consacrés à des PJ de hauts niveaux (Niveaux 15-22) et l'idée de D&D est qu'à ce niveau on cherche à diriger un Domaine et non plus seulement à chercher l'aventure. Ce sont donc des cadres pour des jeux plus "politiques". 

Les 4 premiers volumes de la série CM se déroulaient tous dans une colonie de peuplement nordique, le Norwold. Ce Norwold était hélas très vide et fade avant que les publications de fans n'y ajoutent des territoires. Les Alphatiens y offraient des Fiefs aux seigneurs entreprenants - mais des PJ habitués à jouer dans le Grand Duché de Karameikos auraient peu d'intérêt à partir ainsi sans raison servir l'Empire alphatien opposé au Thyatis. Ces modules étaient : CM1 "Test of the Warlords" (1984) de Douglas Niles, CM2 "Death's Ride" (1984), CM3 "Sabre River" (1984) encore de Douglas Niles et CM4 "Earthshaker!" (1985) de David Cook. 
Puis venaient des aventures sans lien entre elles. CM5 "Mystery of the Snow Pearls" (1985) était une aventure en solo (par Anne Gray McCready) pour un Elfe de la cité elfique de "Tarylon" (où que ce soit) et le CM7 "The Tree of Life" (1986) par le grand Bruce Heard reprenait l'idée d'une quête elfique et jetait les bases de ce qui devait devenir plus tard l'histoire d'Alfheim. CM6 "Where Chaos Reigns" (1985) de l'auteur britannique Graeme Morris n'était même pas sur Mystara du tout mais une aventure mélangeant SF et fantasy avec une invasion de Cyborgs déshumanisés, les "Oards". CM8 "The Endless Stair" (1987) d'Ed Greenwood était une quête d'une relique majeure, un Trône des dieux, censée partir d'un domaine de Glantri et même Greenwood a dit par la suite qu'il regrettait que ce scénario soit trop généreux en trésors déséquilibrés. 

CM9 reprend à nouveau l'idée du Jeu sur l'exploitation d'un Fief. Mais Perrin et Kerr abandonnent encore le fade territoire glacé du Norwold pour installer le fief des PJ dans un pays qui n'était alors pas encore très décrit plus au sud-ouest : la République de Darokin, une ploutocratie qui a en son centre tout un autre pays en enclave, la grande forêt d'Alfheim - . Peut-être que ce choix du Darokin vient du CM7 the Tree of Life de Bruce Heard mais Steve Perrin écrit ensuite Alfheim en précisant bien que les événements du CM7 n'ont pas encore eu lieu. 

Le supplément officiel sur cette ploutocratie, Gazetteer 11 The Republic of Darokin par Scott Haring ne sortira que deux ans après, en 1989, mais tient pas compte du module CM9 (et ce module de 1987 par Steve Perrin paraissait moins naïf dans son évocation de l'oligarchie que la version idéalisée de Haring, qui ne peut s'empêcher de projeter une vision des Etats-Unis sur la République). Le Grand-Chancelier Président-Directeur de la République (on pourrait peut-être l'appeler le "Doge") est Corwyn Mauntea, de la famille la plus puissante de l'oligarchie. 

L'idée du module est simple : un des PJ de niveau 15-20 hérite d'un autre seigneur la suzeraineté sur une Marche sauvage ("Borderlands") dans un marais. Le domaine de "Fenhold" se trouve en territoire darokinien entre le pays sylvestre d'Alfheim (la forêt de Canolbarth) et les Montagnes des Pics Noirs de Cruth. Le domaine a environ 700 habitants sur un hexagone de 24 km, la moitié des Humains (surtout bûcherons) et la moitié des Hin (Halflings venus des Cinq Comtés, surtout bergers). 

Dans les pré-tirés, si on choisit de les prendre, l'héritier serait le guerrier Hughes des Terres Rouges. Bien que le Darokin ne soit pas un pays féodal classique, certaines des régions ont des Magistrats locaux qui peuvent acheter et transmettre les territoires. Alfheim et Darokin ont plus de relations entre eux que Mirkwood et Laketown (Haring dit que la cité de Dolos a même une part importante de demi-elfes, quelles que soient les tensions entre elfes et bûcherons). 

Il y a eu beaucoup de discussions pour savoir où placer précisément ce domaine de Fenhold dans la carte moderne de Darokin mais la version de synthèse des fans comme le cartographe Thorf est de la déplacer un peu plus vers l'ouest de la capitale, entre Dolos et Nemiston, sur la route entre Darokin et Selenica, avec pas mal d'indications tirées du supplément sur Alfheim (dans cette carte, chaque hex fait 13 km)


Voir aussi la carte dans la version par Jason Hibdon. 

Fenhold est un domaine en crise et les PJ vont vite douter que cet héritage soit vraiment un cadeau. Le prédécesseur des PJ a échoué à drainer les Marais qui semblent même devenir plus dangereux, avec un être nommé le "Seigneur des Eaux" qui déclenche des inondations régulières. Ce n'est pas trop gâcher le suspense que de dire que les eaux du Marais ne sont pas toutes naturelles. Les règles utilisent la notion de "Niveau de Confiance" (expliqué dans D&D Companion). Si les PJ n'arrivent pas à rétablir la confiance face aux crises, ils ont perdu et risquent de voir les autorités de la République de Darokin leur retirer leur Domaine qu'ils n'ont pas su sécuriser. 

On voit qu'on n'est pas loin de zones de magie positive de la Forêt elfique (Glow Tree, Alfheim p. 20) mais aussi de zones de magie maudite (Stalkbrow, Alfheim p. 23). Même si les relations sont globalement bonnes avec Alfheim (un jardinier elfe, Plume Grise, s'est installé dans le domaine pour planter un verger d'agrumes), il y a aussi des Elfes très opposés aux bûcherons de Fenhold. 

Le module commence par une partie politique pour obtenir la charge de Magistrat auprès d'un certain Arnulf qui doit remettre l'héritage. Steve Perrin avait imaginé un schéma abstrait ingénieux des commerces de la capitale Darokin comme substitut de carte, mais on peut utiliser simplement la carte du Gazeteer. La cité de Darokin n'est pas qu'un ville de commerçants, c'est un des plus grands centres diplomatiques du Monde Connu autour du Capitole du Chancelier. 


A Fenhold, la politique doit gérer le Sénéchal Gereint, le Maire Will Duchamp, la Mairesse d'East Riding Hilda (ancienne magicienne) ou les sheriffs Halflings (comme le sheriff Feuille-de-Chêne et sa fille Plume d'Alouette). Il y a aussi plusieurs prêtres de niveau moyen mais la religion de Mystara n'était quasiment pas détaillé à cette période et "l'Eglise de Darokin" reste trop vague. Les descriptions plus récentes l'ont associée à plusieurs divinités et notamment à Asterius, dieu de la lune, des voyageurs et du commerce ou Koryis, dieu de la paix et de la prospérité. Il y a divers bandits dans les marais, des monstres aquatiques, des fantômes et même un Dragon noir, Snagglefang, qui adore dévorer le bétail des bergers halflings (et on n'est pas loin de l'Arbre aux Dragons d'Alfheim). 

Je dois reconnaître que globalement, je ne suis pas vraiment emballé par ce petit module, malgré toute mon admiration pour Steve Perrin. En dehors des relations avec les Elfes, je ne vois pas grand chose pour développer cet endroit. Autant Daggerford (le village dans son autre module Under Illefarn) était assez dense en éléments pour lancer une campagne, ici Fenhold reste un peu trop basique avec seulement un petit mystère que Perrin conseille d'ajouter sur d'éventuelles ruines d'une "Cité submergée" sous les eaux du Marais. Dans le genre d'exploration d'un marais, le vieux module U1 The Sinister Secret of Saltmarsh (1981) ou a fortiori la grosse campagne de gestion de domaine Kingmaker (2010) ont sans doute un peu plus d'atmosphère. 

mercredi 28 août 2024

Juanalberto Maître de l'Univers volume 5

 


Rappel des épisodes précédents : Juanalberto est un Canard-Artiste, fan de livres et de bd, qui est aussi devenu le Dieu démiurge d'un des Univers. Ce n'est pas toujours facile d'être Dieu quand on a décidé de donner du libre-arbitre à ses créatures et que certaines s'en servent si mal pour finir par se retourner contre le désir de créativité que Juanalberto avait voulu insuffler dans son monde. 

Le problème principal est l'Amour. Le Créateur voudrait aimer sa création sans exiger d'eux leur amour, mais ce n'est pas si évident. 

Juanalberto vit avec sa compagne bien-aimée et femme idéale, Victoria, et il est en partie amnésique sur les origines de Vi, soit qu'il l'ait créée et se soit voilé à lui-même sa création, soit qu'elle soit bien une oeuvre du créateur antérieur de Juanalberto (car Juanalberto sait bien qu'il a été lui-même un personnage de bande-dessinée avant de devenir le Créateur local). Vi et Juanalberto vivent dans un paradis, un éternel recommencement sans origine mais la tragédie de l'entropie va pourtant entrer dans ce monde et peut-être ce deuil ou ce manque était-il inévitable pour donner de la valeur à leur relation. 

Pendant ce temps, Limerius le lapin blanc bibliophile rencontre une version d'Alice, "Louise Carole" l'Oedipienne, dans une version cauchemardesque modernisée où le Wonderland est soumis au narcissisme et au court-termisme poshlost des réseaux d'Internet. Limerius dit à Louise-Carole qu'il est homosexuel et elle se dit qu'elle peut enfin avoir une relation platonique avec un Lapin. Ici, ce n'est pas Alice qui poursuit le Lapin mais le Lapin qui tente d'initier Alice à la littérature (les bd de Roosevelt utilisent souvent ce thème du Pygmalion) et au dépassement de son monde étriqué. En relisant mes notes du volume précédent, je ne suis plus du tout d'accord avec ce que j'écrivais à cette époque : les Néo-Oralistes qui ont interdit toute littérature sont clairement condamnés, même si le Livre est souvent représenté aussi comme le Fruit défendu qui va déclencher l'entropie. Roosevelt n'en est pas resté à une opposition si manichéenne entre art et destruction. 

Syprisse, l'avatar de l'Eros, est devenue hermaphrodite et a perdu ses pouvoirs de métamorphose depuis qu'elle (pardon, iel) a eu son overdose avec l'étrange drogue organique du Prygnaf. Elle s'unit à l'Ange Andrea et au chaste Ian (qui était une version de Tintin), chez l'escargot-astronome Loïk Yarbave (je dois avouer que je n'ai pas deviné ce qu'il symbolisait avec son visage d'astre, une référence alchimique ?). Je n'avais pas remarqué à ma première lecture des volumes précédents à quel point Syprisse pourrait être considérée comme le personnage le plus important de la série, comme elle est une des plus actives et change le plus de cadre. Elle est d'ailleurs la seule à apparaître dans toutes les couvertures. Son hédonisme naïf a été remis en cause dans sa relation masturbatoire avec cette drogue vivante et on voit pour la première fois aussi une part plus sombre ou auto-destructrice dans sa libido

Enfin, Krapch, le violent Inhibiteur Photonique qui apparaissait dans les volumes précédents comme le plus clair "méchant" intolérant, fanatique, ascétique et fasciste, est en pleine crise de culpabilité après avoir tué sa maîtresse Kala dans un accès sado-masochiste. Il accuse la Volonté de Puissance d'être la vraie responsable. L'intrigue "policière" sur cet assassinat a l'air de parodier plus nettement du Jodorowsky ou du Bilal (mais le passage le plus nettement hermétique jodorowskyen doit être le jeu de cartes entre Juanalberto et Victoria). 

La série est prévue pour 8 volumes au total. 

samedi 24 août 2024

Flying Circus: The High-Flying Adventure Game (2020)

On peut comparer l'univers de Skies of Fire (qui a été développé pour avoir un jeu de rôle de pilotes de dirigeables) et celui de Flying Circus


Flying Circus est un jeu de rôle utilisant une mécanique "PbtA" par Erika Chappell sur un mélange entre avions de la Première guerre mondiale, monde fantastique avec des Fées et quelques dragons mais aussi dessins animés Ghibli de Miyazaki. 

Le but de cet univers est de jouer des escadrilles comme celle du Baron Rouge mais sans les Impérialismes européens, si cela est possible. On n'est pas du tout sur Terre. Le cadre est le continent fragmenté de Himmilgard, une sorte d'Allemagne alternative rustique post-apocalyptique qui utilise des coucous volants, des biplans comme principal moyen de communication. Il faut dire que les aérostats furent découverts par l'équivalent du Saint Empire dès le Moyen-Âge et le premier avion il y a déjà près d'un siècle. On est en l'an "1619", juste après la Grande Guerre commençant en "l'an 1579" (où l'Empire Gotha était l'Autriche-Hongrie mais il n'y a plus aucun Empire centralisé aujourd'hui et même quasiment plus d'aristocratie féodale car de nombreux Junckers ont été tués par la Guerre. La date choisie de "1619" symbolise ces Etats allemands sans Empire, mais il y a eu aussi un équivalent de la Guerre de Trente Ans quatre siècles avant.

Ces populations "gothiques" sont animistes ou païennes (avec une vision plus néo-païenne syncrétique comme dans beaucoup de jeux de rôle). Elles adorent principalement la Triple Déesse Doana (Danube, la Vierge), Rhona (Rhin, la Mère) et Elba (la Vieille), qui correspondent aux Trois Grands Fleuves d'Himmilgard mais aussi aux Trois Lunes. Il y a aussi des juifs monothéistes (les Rishonim) et un peuple divers de nomades (plus inspirés par l'Inde hindoue que par les Romas), vivant dans des aéronefs bariolés, les Luftkinder, qui survolent les cieux de Himmelgard depuis des siècles. 

Il existe aussi des humains "modifiés" : des sortes d'amphibiens un peu "profonds" avec des branchies, le Fischervolk ou des humanoïdes marqués par les fées qui sont donc en gros des Furries thériomorphes avec queue de renard ou oreilles de lapin (les Wildleute). 

Les Dragons ne risquent pas de concurrencer les avions comme ce sont des monstres rares et cruels (les Humains recherchent leurs oeufs parce qu'ils sont en or) mais le supplément Horrors of the Heights ajoute de nombreuses créatures vivant dans l'atmosphère comme des feux follets, des UFO ou des Himmelwale (baleines célestes). 

Une idée qui ne me plaît pas tellement est que les régions soient toutes nommées d'après des noms de compagnies réelles d'avions de notre Terre, ce qui dépasse un peu mes propres limites d'incrédulité. L'équivalent de l'Angleterre s'appelle donc le pays des Sopwiths, la France "Hanriot" ou "Voisin", l'Italie les cités de "Macchi" et le pays gothique a des régions nommées Albatros ou Fokker. Du coup, les noms d'avions dans ce monde n'ont plus rien à voir et le jeu a un travail très impressionnant de catalogue de douzaines d'avions exotiques. Les avions sont les reliques de la Grande Guerre mais l'univers est post-apo et donc plus rural qu'industriel mais on est toujours dans un cadre "capitaliste" avec des compagnies privées qui remplacent les Etats : le but reste de gagner des Thalers pour entretenir ses avions. 

Les PJ ne sont pas des soldats dans une Guerre mais des groupes de mercenaires indépendants ayant leur Jagdstaffel (escadrille) pour accompagner des services commerciaux (mais certains escadrons sont des pirates aériens). L'univers est dénué de sexisme ou d'autres formes de discriminations racistes ou homophobes : le monde fantastique parallèle est une tentative d'avoir une mythologie "germanique" dénuée de toute récupération possible "völkisch". Le désavantage de ce retrait de l'âge des Impérialismes est qu'on risque de "dé-politiser" le jeu en voulant le "neutraliser". Je me demande si je ne préférerais pas l'utiliser en gardant une Terre alternative comme celle de Castle Falkenstein, (ou d'autres uchronies comme Le Cabinet des Murmures ou Sails full of Stars) pour avoir des noms réels de pays comme "Bavière" ou "Prusse". 

Je n'ai pas encore compris les règles de pilotage qui sont bien entendu assez détaillées mais j'aime beaucoup les règles de "carousing" où l'alcoolisme ou les relations personnelles jouent un rôle central pour évacuer le Stress des pilotes. 

Dommage que le jeu soit cher, à environ 30 euros pour un PDF, soit presque le même prix que pour la version imprimée. Il existe déjà plusieurs suppléments. 

lundi 19 août 2024

Skies of Fire

Skies of Fire (Mythworks) est à la fois une série de comics "dieselpunk" dans un monde fictif avec des combat de zeppelins (et on n'a jamais assez de zeppelins) et un jeu de plateau par le même créateur Vincenzo Ferriero et des dessins de Ray Chou



Le comic a commencé à paraître il y a 10 ans déjà en 2014 et il y a eu 8 numéros (repris en deux volumes en TPB). Vincenzo Ferriero est aussi un rôludiste et cela se voit dans la quantité impressionnante de détails pour son univers (il a aussi fait une encyclopédie sur ce monde). 


C'est un comic de guerre qui repose sur les particularités de cet univers. L'Empire Aquilan a une zone au nord-est, l'Etendue (The Expanse) où se trouve une tempête perpétuelle qui semble impénétrable sauf pour quelques pirates qui ont trouvé un moyen pour ne pas y perdre leur aéronef. L'héroïne est la Capitaine Helen Pierce qui a reçu un vaisseau civil, le Zephyr, avec un équipage composé en partie d'anciens pirates ou rebelles comme William Everett, pour pouvoir retrouver le joyau des aéronefs, le Callisto, caché par le pirate Belmonte dans l'Etendue (et c'est aussi un des scénarios possibles dans le jeu de plateau). 


J'aime beaucoup les dessins de Ray Chou et tout le travail énorme sur l'arrière-fond mais ma déception est que l'histoire ne réussit pas à me persuader que les héros gagnent par des tactiques ingénieuses alors que c'est ce qu'on attend d'une fiction "aéronavale" de ce genre. Dans les BD de Barbe Rouge de Charlier, on admirait toujours les ruses du capitaine et la bataille ne m'a pas donné cette impression. 

Quelques JdR japonais

Via RuneBlogger qui fête ses 10 ans, une de ses idées qui m'intéressent le plus en dehors de ses articles sur d100, une liste de nouveaux jeux japonais récents et il met de nombreuses illustrations. 

Le marché japonais est riche et original. Le jeu de rôle étranger le plus influent est Call of Cthulhu et non pas directement D&D, même s'il y a d'autres équivalents comme un jeu local  d'heroic fantasy Sword World (édition 2.5, 1e édition 1989 - déjà adapté dans de nombreux mangas). Un autre jeu important est Shinobigami (2009, où on joue des Ninjas dans le monde contemporain - jeu relié à d'autres jeux de fantastique contemporain comme Peekaboo). 

Une particularité du marché japonais est que les joueurs semblent très ouverts à l'idée de jouer des one-shots à chaque session et de changer ainsi souvent des PJ (peut-être parce que CoC les a habitués à des PJ "jetables"). Plusieurs jeux utilisent l'idée de jouer deux personnages par joueur ou bien d'une double vie (avec vie aventureuse et vie quotidienne plus ordinaire). 

Voici la liste de quelques concepts récents que donne RuneBlogger : 

Ayabito : On joue dans le Tokyo des années 20 mais avec un Ministère qui s'occupe des Yokais. 

Emo-Klore : Là encore, on joue les relations émotionnelles avec des créatures surnaturelles dans le monde contemporain. 

Jaeger : un jeu générique où les PJ voyagent à travers divers cadres de jeu. 

Karekore of Mixed Blood : jeu humoristique où on joue un magasin surnaturel dans un monde qui ressemblait au nôtre avant que certains humains commencent à se mélanger à des êtres surnaturels. 

Kedamono Opera : monde de conte de fées où les PJ sont des animaux mythiques qui vont se lier à un humain. 

Kizuna Bullet : Chaque joueur joue un couple, des agents reliés par un lien empathique à une créature morte réanimée par des nanomachines. 

Kyokou Shinshokou : Les PJ assistent à des transformations locales où une zone du monde réel devient semblable à une oeuvre de fiction (film ou roman par exemple). 

Last Requiem : On joue des créatures surnaturelles dans le monde contemporain. 

Mofumofu : On joue des dresseurs d'animaux magiques. Jeu pour enfants. 

Shiranui : On joue des samurai amnésiques liés à des dieux shinto dans un monde médiéval japonais imaginaires. 

Vision Connect : On joue un couple : un "personnage réel" et son avatar dans un monde virtuel. 

Il ajoute aussi les jeux les plus répandus : 

Change Action RPG Marginal Heroes : On joue les sentai traditionnels et chaque joueur doit s'attendre à des parties isolées avant que les PJ ne se rejoignent contre l'ennemi. 

Code Layered : On joue des Héros du passé réincarnés dans un monde post-apo pour lutter contre des IA. 

Deadline Heroes : Jeu de superhéros. 

Double Cross : On joue des adolescents ayant acquis des superpouvoirs mais qui doivent aussi lutter contre le risque de perdre leur connexion avec l'humanité (et lutter contre leurs semblables qui ont été ainsi corrompus). Ce jeu a été traduit en anglais. 

Futarisousa : On joue un couple de détectives. 

inSANe : Jeu d'horreur où tous les personnages ont une malédiction ou un secret. Un des concurrents japonais de Call of Cthulhu. Une traduction anglaise est à venir. 

Kill Death Business : On joue dans un reality show... en Enfer. 

Magica Logia : On joue des magiciens immortels qui se cachent dans le monde réel (comme dans Mage). Ils doivent lutter contre des Grimoires ou des Sorts en fuite. Zut, moi qui me croyais original dans mon idée de rendre les sorts animés dans Espadons & Esperluettes. Une traduction anglaise est à venir. 

Monotone Museum : On joue des personnages de contes de fées occidentaux qui cherchent à protéger leur conte contre une fin ratée. 

Nechronica : On joue des Poupées zombies animées par un Nécromancien qui veut les voir se battre entre elles. C'est donc un jeu "PvP". 

Peek-a-boo : On joue des adolescents qui peuvent voir des monstres surnaturels. Même univers que Shinobigami

Picaresque Roman : On joue des bandits et escrocs. 

SATASUPE : On joue dans un Osaka alternatif contrôlé par les Yakuzas dans un Japon rasé par les bombes atomiques dans les années 1960 après diverses divergences historiques. 

Steampunkers : jeu de technologie steampunk mais dans un Royaume-Uni alternatif des années 30. 

Stellar Knights of the Silver Sword : on joue un couple luttant contre des monstres mais chaque joueur joue en croisement une partie du couple d'un autre joueur.

Takujo Suspense Gekijo : Jeu d'enquête. 

Il ne mentionne jamais Blade of Arcana, qui doit donc être devenu assez démodé ? En dehors de Ryuutama, Maid, Tenra Bansho Zero, Double CrossGolden Sky StoriesMeikyuu Kingdom, un autre jeu traduit récemment (après plusieurs années d'attentes des souscripteurs) est Kamigakari

dimanche 18 août 2024

Extra Life - The Refrain


Extra Life, un des groupes de Charlie Looker qui mélange Math Rock et Musique médiévale (il a mis en ligne son nouvel album de 2024 Sacred Vowel).

 

samedi 17 août 2024

Magnus (version 2017)

Gunther Anders appelait "prometheische Scham" non pas seulement la blessure narcissique que les machines nous dépassent mais aussi un secret désir de devenir machine à notre tour, face au fossé grandissant entre nos capacités et la puissance de nos réalisations techniques. Magnus, Robot Fighter 4000 AD (créé en 1963 par Russ Manning chez l'éditeur Gold Key) est une bd de réaction à cette Humiliation Prométhéenne. La scène se passe dans deux mille ans, au XLIe siècle et l'Humanité est devenue complètement aliénée à ses robots. Magnus est le dernier militant humain à ne pas vouloir dépendre des robots et à lutter activement contre eux. Mais son secret est qu'il n'est pas aussi intolérant qu'il en l'air, il a été éduqué par un robot philanthrope, la Première IA (une sorte de R. Daneel Olivaw), qui a formé Magnus depuis son enfance par souci d'une nouvelle 4e Loi asimovienne de la Robotique, règle de ne pas laisser les Humains dans leur aliénation. [En revanche, je pense que ce n'est qu'une coïncidence s'il a le même nom que le Magnus chez DC qui est le Prométhée-Gepetto créant les androïdes Metal Men en 1962. Manning a dit s'être inspiré de Maximus, un acteur secondaire dans le comic strip réaliste Mary Perkins, On Stage. ]

Magnus est à nouveau, tout comme Superman l'avait été à sa manière, un Tarzan inversé : alors que Lord Greystoke doit sa force au retour à la nature élevé par les ancêtres naturels de l'Humain, Magnus a été élevé par les descendants artificiels de l'Humain mais il doit ses capacité à la résistance au progrès des sciences et des techniques. Russ Manning reprit d'ailleurs l'adaptation en comics de Tarzan chez Gold Key en même temps que Magnus. 

Magnus dans cette première version ne se servait au début quasiment pas de gadgets (en dehors d'un moyen de communication), pas d'autres techniques que de techniques du corps, des Arts martiaux qui lui permettait de casser du métal et qui en faisait le seul humain capable de lutter à la fois contre les robots corrompus (les effets indésirables sont des accidents puisque les IA normales respectent les Trois Lois) mais aussi les autres humains qui tentaient d'utiliser les robots pour soumettre les autres. Selon les scénaristes, Magnus pouvait être un vulgaire Luddite fanatique ou un personnage plus nuancé. 

Cette version s'arrête officiellement en 1977 mais cela faisait déjà longtemps que Manning avait arrêté les histoires. En 1991, Jim Shooter reprend la licence de plusieurs personnages de Gold Key et relance une 2e version du personnage qu'il associe à un nouvel "univers" de superhéros et de sf, l'univers Valiant. Ce Magnus commence à nouveau comme Luddite mais évolue et finit par se révolter contre les autorités humaines : il aide certains robots conscients à créer leur propre communauté autonome séparée. En 1997, Valiant fut racheté par Acclaim et Magnus devint une sorte de cyborg. 

Par la suite, Western/Gold Key avait récupéré les droits de Magnus (ce qui explique qu'il n'existe plus dans l'univers Valiant actuel) et le personnage réapparut d' abord chez Dark Horse (2010) dans des comics chez Dynamite Comics (en même temps que bien d'autres personnages Gold Key, y compris certains qui n'avaient pas été dans l'univers Valiant). 

En 2017 parurent deux versions distinctes chez Dynamite : dans Sovereigns, Magnus devient un dieu-cyborg connecté à toutes les machines et on voit à quel point les reboots américains peuvent subvertir complètement ou inverser le concept de départ (comme si on relançait Asterix en un Alix gallo-romain). 

Mais la même année 2017, le même scénariste Kyle Higgins essaya aussi une autre version (avec le dessinateur d'origine catalane Jorge Fornés si adapté à l'atmosphère du "Film Noir") où "Magnus" est cette fois une femme, Kerri Magnus, psychanalyste pour IA. 



Il n'y eut hélas que 5 numéros (et une VF chez Casterman) mais c'était la version la plus subtile : Magnus soignait les IA dans le Cyberespace (le Cloud-World) au lieu de simplement lutter physiquement contre des robots. Elle est à la fois une Blade Runner (Magnus: Robot Hunter) contre les IA psychopathes mais surtout une thérapeute qui se soucie aussi de ce dont "rêvent ces Androïdes" dans leur Univers virtuel qu'ils préfèrent à notre réalité biologique de wetware. Les IA conscientes ont obtenu une sorte d'indenture limitée où ils sont payés en "temps libre" et le droit à pouvoir partir un jour vers l'autonomie vers leurs communautés virtuelles.


On voit passer le Good Doctor Asimov en journaliste

La série révèle ses origines qui sont à nouveau un hommage à Tarzan : Kerri Magnus est la seule humaine qui peut si facilement demeurer en interface dans le Cyberespace sans avoir son cerveau qui frit parce qu'une IA l'a élevée à l'intérieur de ce monde avant qu'elle ne revienne dans notre monde organique. Ces deux mondes fournissent dans la bd une idée graphique amusante : la réalité est dans le style sombre habituel de Jorge Fornés alors que le Monde du Cloud est dessiné dans un style bien plus coloré et épique, presque kirbyesque

Il est dommage que l'histoire n'ait pas de suite car la fin annonçait une intrigue à venir et cette version me paraît la meilleure avatar de Magnus Robot Fighter

dimanche 11 août 2024

Perceforest

Perceforest (écrit en français vers 1340) représente le désir médiéval d'une "continuation" ou continuité entre les mondes imaginaires des chansons : relier le Roman d'Alexandre (qui s'était développé indépendamment de la réalité historique) et la Matière de Bretagne du Roi Arthur, du pseudo-grec et du pseudo-celtique. Dans cette version, après l'arrivée des Troyens comme Corineus en Bretagne (ce que racontent les versions du Brut) c'est Alexandre qui y a apporté les premières bases de la civilisation et même la première forme de Chevalerie (car le roi macédonien du IVe siècle avant JC est bien sûr devenu bien plus proche d'un roi médiéval du XIVe). C'est un univers anachronique où les idéaux chevaleresques apparaissent en pleine Antiquité hellénistique et où des Princes colons grecs sont les ancêtres des Pendragons (les Troyens exilés, Alexandre et l'Empire romain existant souvent à des périodes très proches dans ce genre de légende). 

Le Dr. Mark Shirley est un universitaire britannique (un biologiste spécialiste d'épidémiologie et de zoologie à l'Université de Newcastle) et il a déjà écrit de nombreux suppléments pour Ars Magica et pour Runequest/Mythras (Mythic Constantinople mais aussi des règles de factions). M. Shirley a eu l'idée géniale de reprendre ce long roman Perceforest devenu assez illisible pour créer un univers médiéval fictif qui ne soit ni simplement Arthurien ni complètement étranger à cet univers, un "décalage" dans la Geste habituelle, un Prequel qui offre plus de liberté. Cela mêle le Merveilleux de Pendragon avec un cadre pré-chrétien encore plus magique. Ce cadre est celui des Terres sauvages comme l'indique le nom du Roi "Perce-forêt". Il fait penser au cliché jeu-de-rôle d'un univers avec peu de "points de lumière" qui doivent lutter contre l'arrière-fond archaïque et la prolifération chaotique de la Nature (Shirley parle même de la Forêt - on pourrait dire La Selve pour faire plus archaïque - comme une sorte d'entité lovecraftienne). Les Chevaliers ne doivent pas lutter contre la "Gaste Terre" (Wasteland) chère aux interprétations ritualistes de Jessie Weston mais au contraire contre la Jungle et le retour à l'état sauvage (même s'il y a quand même un Great Waste du côté du Moray écossais). Et on a donc des origines inversées du Roi Pêcheur mais sans tout le christianisme de Joseph d'Arimathie. Il doit aussi y avoir un peu d'influence de la Lyonesse syncrétique inventée par Jack Vance et Shirley y a mis aussi certains personnages de l'oeuvre élizabethaine Faerie Queen (aux allégories pourtant bien plus chrétiennes). Là où on perd en revanche en exotisme est que de nombreux noms sont francisés puisque Perceforest est un roman dans notre langue. 



Perceforest a été traduit en français par Arasmo, Pierre Gehenne, & Arnaud Lecointre de d100. Voir l'article sur le Grog

Le Roi Perceforest de Loegria a vaincu l'enchanteur maléfique Darnant qui régnait sur la Forêt ainsi que ses frères dans le Mauvais Lignage de Darnant, notamment Dragon et Malebranche. La Fée Gloriande est la mère des enfants de Darnant mais a pris parti pour Perceforêt (c'est même elle qui lui a donné son nom). Perceforest est tombé dans une sombre mélancolie depuis la nouvelle de la mort de son suzerain le Roi Alexandre et c'est son épouse la Reine Ydorus qui tient la Régence. Sébille, la Damoiselle du Lac, est une autre Fée qui a eu un enfant avec Alexandre, Vestige de la Joye. Le roi d'Albanie, Gadifer est aussi affligé d'un mal profond depuis une étrange blessure par un sanglier dans la Forêt et la Régente est la Reine Lydoire qui est aussi une Reine-Fée. Avec ce nouveau déclin des deux Rois, leurs chevaliers (comme les douze preux des Chevaliers de la Rose Blanche, les Chevaliers Cornus de Cornubie, les douze champions du Château des Pucelles, les Chevaliers Verts, ou bien les Dames Paladines de Verulam, comme Britomart) doivent défendre la Loegria et l'Albanie contre les maléfices, les brigands et la Forêt. Bientôt va apparaître dans le futur du jeu un nouvel ordre, ancêtre de la Table Ronde, le Franc Palais

La population de Bretagne suit une version un peu générique (à la reconstruction wiccane) de religion quasi-celtique avec 7 Divinités, qui correspondent aussi à 7 jours de la semaine. Il y a la Triple Déesse (la Vierge aux Fleurs, la Mère de l'Eté, la Vieille de l'Hiver) et quatre dieux : le "Roi des Cieux", "Le Dieu Cornu" (ou Roi-Chêne de l'Automne, tué face au Roi-Houx), le Frère-des-épées (le guerrier, souillé par l'aspect chthonien de la Forêt) et enfin le Seigneur (dieu des Cités). Cela ne m'apparaîtrait pas hors sujet d'y mettre aussi un peu de dieux classiques comme Apollon si on veut : même les Médiévaux en avaient encore entendu parler. C'est le Frère des épées qui a donné l'Espée Perrine, qui tua le Roi Lambor de la Gaste Terre Sauvage et l'épée est aujourd'hui gardée par sa veuve, la Reine Morgaude. 

L'univers de Perceforest a une autre différence avec Pendragon : on peut jouer des Bêtes anthropomorphes (souvent issus d'Humains marqués par la Forêt). Il est aussi possible de jouer des roturiers (même si cela paraît peut épique). Les règles comprennent un système pour jouer le Domaine (le "Vill"), qui est aussi influencé par les règles d'Ars Magica pour créer son Alliance (Covenant). 

A la place des Passions de Pendragon, les PJ se donnent un des 7 Sentiers et des "Voeux" de chevaliers : Franchise (qu'on peut traduire plus comme "générosité" ou noblesse, l'Homme Cornu), la Gloire (le Frère des épées), la Justice (le Seigneur), l'Amour (la Vierge aux Fleurs), la Majesté (le Roi des Cieux), la Compassion et la prudence (la Mère de l'été) et la Sagesse et la discrétion (Vieille de l'Hiver). 

Je suis très intrigué : cela capte l'atmosphère si merveilleuse des légendes arthuriennes et en même temps c'est dépaysant. Je dois reconnaître que l'absence de tout Christianisme peut être attirante si on en a assez du mélange de la lettre chrétienne et de légendes païennes que Stafford a essayé d'équilibrer. 

samedi 3 août 2024

[Das Schwarze Auge] Les Chevaliers du Théâtre

Une des campagnes les plus récentes pour l'Oeil Noir en 2023-2024 s'appelle La Garde de l'Hiver et son nom sonne suspicieusement westerosien. Elle se passe dans le pays de Bornland (dans la traduction officielle "Sourcelande") et est une suite de la campagne des Chevaliers du Théâtre (2016, se déroulant en l'an 1039-1040 après la chute de Bosparan). Dany40 sur le Fix a déjà écrit une description plus étendue de cette campagne dans la version anglaise et il critique notamment le fait que l'énorme campagne n'est pas toujours facile à intégrer pour les joueurs. 

Blason de la République de Sourcelande

Si le nord-ouest de l'Aventurie (Thorval) est la Scandinavie (mais une Scandinavie qui adore une Baleine géante, ce qui en fait des Vikings pro-Greenpeace), le Bornland est la terre du nord-est, qui ferait plus penser à un mélange plus slave/finnois de Pologne/Pays Baltes/Russie mais aussi Finlande (avec les Gobelins en Sami/Lapons). La population est en effet un mélange de diverses populations nordiques et d'un ordre de Chevalerie venue du sud (comme les Chevaliers Porte-Glaive et Teutoniques en Courlande). Un détail polonais que j'aime bien est que certains des Hussards ailés ont vraiment des ailes de dragons et pas seulement des ornements. 

Les Gobelins ont une très mauvaise réputation comme tricksters féériques mais certaines tribus vivaient en bonne intelligence avec la population Norbarde (nomades monteurs d'élans avec des caravanes glissant sur la neige) avant la colonisation. Les Gobelins ont même acquis des droits autour de la plus grande cité Festum, (voir la jolie petite aventure à Festum, Un Gobelin de plus ou de moins où les PJ doivent enquêter sur un tueur en série de gobelins - le fan francophone Calenloth a aussi écrit une saga "vernienne" qui passe à la fin vers Festum). Voir cette jolie carte de Bornland

L'Ancien Théâtre est le plus vieux monument de la cité antique d'Arivor dans la région de l'Imperium Horasien et ce fut là que fut fondé juste après la Chute de Bosparan cet Ordre des Chevaliers dits du Théâtre adorant la Déesse de la Guerre Rondra. Cet Ordre chevaleresque fondé au sud-ouest dans les régions horasiennes conquit quelques années après le Bornland dans une "guerre sainte" contre les Gobelins. République aristocratique, le Bornland a une noblesse, les Bronnjar (terme qui rappelle les boyar slaves mais l'idée ressemble à la szlachta de la République des Deux Nations) et cette noblesse descend de ces Chevaliers et élit pour un mandat de 5 ans le Grand Maréchal (Adelsmarschall). Cf. Almanach aventurien p. 50-52. L'Ordre dédié à Rondra n'avait jamais été bien vu par le Nouveau Reich midlandais (on l'accusait de sédition) et il fut écrasé par l'Eglise de Praios au IVe siècle sous les Empereurs-Prêtres, quand Praios faillit évoluer sous une forme monothéiste intolérante (il y a 700 ans). Cette extermination rappelle donc plus ici les Templiers que les Teutoniques et toute la campagne repose sur des secrets concernant l'histoire de l'Ordre qui avait des factions très différentes, certaines authentiquement "chevaleresques" et d'autres bien plus violentes et aveuglées par la haine fanatique. 

La campagne est faite de six aventures d'environ 50-70 pages plus un supplément d'ensemble (L'héritage des Chevaliers du Théâtre), plus quelques mini-aventures plus ou moins liées au contexte et cela s'étale sur plusieurs saisons : 

(0) Mini-aventure Le Tambour Thorvalien : Les Bornlandais ont jadis vaincu des raiders du nord et ont tanné la peau d'un chef pirate en un tambour qui aurait des enchantements maudits. On dit que le chamanisme gobelin utiliserait aussi des Tambours ensorcelés. 

(1) Le Lac blanc : les PJ commencent à connaître plus en détail un clan de Norbards (le clan Jantareff, qui va devenir un exercice d'anthropologie assez intéressant) et à entendre parler de l'histoire des anciens Chevaliers du Théâtre. Avec une histoire d'amour d'un couple tragique de deux gobelins. 

(2) Le Livre bleu : les PJ doivent transporter ce Livre bleu, un ancien document racontant l'histoire secrète de l'Ordre et en le protégeant ils vont peu à peu découvrir plusieurs factions qui déchirent le Bornland moderne. Ce Livre bleu va continuer à accompagner toute la campagne comme une source de révélations à déchiffrer. 

La mini-aventure Récolte des navets (qui a été traduit et se passe à Nouvelle-Wulzen au sud de Festum) peut s'insérer à peu près à ce moment comme "quête secondaire". Une autre mini-aventure, La Neige aux trois couleurs, est une enquête policière pendant un mariage dans un château d'un bronnjar bornlandais. 

(3) La Forêt noire : les PJ aident un marchand norbard du clan Jantareff dans une compétition à Firunen, communauté de bûcherons du nord dans la forêt sur la Born. 

(4) La Verte Compagnie (oui, "Zug" signifie plutôt en allemand "Section", "Détachement" ou "Peloton" de 30-40 que Compagnie mais je trouve cela plus joli et moins moderne que Peloton Vert) : Les Chevaliers de Rondra ont récemment recréé (en 1010) dans la ville d'Ask un autre Ordre, les Chevaliers de la Chasse (et la PJ d'Ulrich Kiesow, l'ancienne Grande Maréchal de Bornlande Thesia von Ilmenstein se battit aussi aux côtés de cet Ordre de la Chasse). C'est un épisode très militaire où les PJ doivent faire connaissance avec la Grande Maréchale de Bornlande nouvellement élue, Nadjescha de Leufurten (Leufurten : Gué-du-Lion ?) et sa Verte Compagnie de Bronnjar. Je redoute un peu que ce genre d'épisode très militaire retire un peu d'initiative aux PJ. Le McGuffin de l'épisode est aussi nettement moins original que le Livre Bleu

(5) La Garde d'Argent : Avec l'aide d'un autre Ordre séculier de chevaliers, l'Ordre du Bélier, les PJ vont entrer dans un épisode plus magique et moins militaire et en apprendre plus sur une autre faction des anciens Chevaliers du Théâtre. 

(6) Le Choeur Rouge : le grand final, avec les élections du Maréchal à la Diète de Bornlande. 

Le Bornland a reçu plusieurs suppléments dans l'histoire de DSA Das Bornland (1989, 40 pages + 12 pages de Secrets, décrit jusqu'en l'an 1011 pour DSA 2e ed.) qui passe à 160 pages dans la boite Rauhes Land im hohen Norden (1998, décrit jusqu'en 1021 pour la 3e ed.) puis en 2008 Land of the Schwarzen Bären (2008, décrit jusqu'en 1030 pour la 4e éd.). L'Héritage des Chevaliers du Théâtre est plus bref et va jusqu'en 1039-1040. La campagne actuelle Die Winterwacht (2023, décrit l'an 1046 pour la 5e édition) comprend donc les conséquences de la campagne précédente et l'éveil féérique de la nature bornlandaise. 

Jeu de rôle Magazine n°64

Voir le n°63 (Hiver 2024). 114 pages

Notules ludiques (p. 5-15)

Le magazine fait un peu de pub pour l'ancien fondateur du magazine, Guillaume Besançon, parti en 2009 et qui a aussi été l'organisateur du Salon Fantastique et plus récemment une nouvelle salle entre l'escape game classique et le Donjon "Semi-Réel" (comme on disait à la place de LARP) avec des classes de PJ, l'Aventure Fantastique, à Paris 20e. Personnellement, l'idée du temps limité me bloque un peu (je n'aime pas jouer avec un sablier) mais cela a l'air différent des autres escape games et pas trop cher (25 euros par personne). 

Le projet de réédition des anciens Miroirs des Terres médianes réapparaît (avec des illustrations nouvelles par Florence Magnin et Rolland Barthelemy). 

La campagne de jdr Pax Elfica sort non seulement en roman mais aussi en bd. J'ai un peu peur que de nombreux joueurs soient spoilés des secrets avec tous ces médias. J'ai parlé des elfes pas si génériques de ce cadre. 

Deux jeux de rôle français vont sortir avec MJ optionnel : Terres Dragons (où les PJ politiciens dans un univers dirigé par les Dragons reçoivent les scénarios en combinant un jeu de cartes) et Shaan Chrysalis (qui lorgne encore plus vers le jeu de plateau narratif, j'ai l'impression). 

Les Chroniques de Vaelran (chez Odonata) est un jeu qui mélange medfan habituel et Révolution des Lumières (les PJ sont tous des publicistes militants). 

Dossier (p. 16-29) : Un long retour illustré sur le colloque de Metz sur les 50 ans du JdR. 

Recensions plus longues (30-69) : Against the Darkmaster (une version légèrement "dé-tolkiénisée" de l'ancien MERP pour jouer l'atmosphère sans la Licence - j'aime bien l'idée qu'on commence par créer son "Rivendell", son petit village qui résiste encore et toujours au Seigneur du Mal), Maléfices (4e édition), Tylestel (j'ai parlé des dieux de Tylestel), Nothingness (j'avais décrit une édition antérieure il y a une douzaine d'années), Blade Runner RPG, City of Mist

Scénarios

 Medium Aevum : Un voyage vers la Terre Sainte. Cela semble donc être plus une introduction pour aller ensuite y jouer. 

 Hawkmoon : Un scénario de 20 pages sur des Résistants dans les Montagnes. 

 D&D : Un court donjon "De Larmes et de Rouille" sur une intrigue dans une mine. 

Inspi : Utiliser le manga sur le Japon médiéval Hell's Paradise Jigokuraku de Yuji Kaku. 

Aspirine : Florent Martin analyse en quoi les prétendus "RPG" vidéos peuvent finir par se rapprocher des jeux-de-rôle-avec-plusieurs-humains-autour-d'une table.