mercredi 3 décembre 2025

Les Elfes de la Mer (3/3) Wavedancers (version "canonique")

Nous continuons à apprendre à connaître les Elfes marins dans Elfquest et nous arrivons enfin à la version finale et officielle des Wavedancers dans le comic book de 1996 (même si je ne vais pas couvrir la période récente depuis The Discovery pour ne pas tout divulgâcher). 

Il y eut un numéro en couleurs nommé Wavedancers et ensuite la série devint un feuilleton en N&B qui parut dans le one-shot Metamorphosis et dans le magazine d'anthologie Elfquest II (vol. 2), #1-2, 5, 21, 23-24, 27-28, 30-31 (1996-1998)

C'étaient Kathryn Bolinger au scénario et Steve Blevins aux dessins. Autant j'étais complètement hermétique au style de la 1e version, autant Steve Blevins émule très bien Wendy Pini, si ce n'est que les personnages se confondent facilement en noir & blanc. C'est dans ce genre de cas qu'on espère des dialogues peu réalistes où les personnages se rappellent périodiquement leurs prénoms... 

On peut voir les portraits en couleurs des Wavedancers sur le site d'Elfquest

Ces Wavedancers sont amphibiens (contrairement aux Elfes du jeu de rôle) mais ils sont très peu nombreux à avoir une queue de poisson (contrairement à ceux édités par Black Mermaid). Leur couleur de peau peut être plus inhumaine encore, certains ont une peau verte, bleue ou dorée. Ils sont plutôt grands, plus grands que les Humains. 

Une autre différence est dans la chronologie. La série Elfquest d'origine se passait alors que les Humains de ce Monde des Deux Lunes étaient encore au Néolithique. Dans les années 1990, la série va faire un bond en avant. Les Elfes quasi-immortels voient les milliers d'années passer. Les Humains commencent à se développer à un niveau médiéval et même renaissant avec des galères qui explorent le monde entier (il faut dire que le plus grand héros humain, Grohmul le "Djun", l'équivalent de Gilgamesh et de Gengis Khan dans ce monde, a été aidé par la technologie troll de Two Edge le trickster/forgeron demi-elfe). Le Nouveau Continent de "Junsland" à l'Ouest a été colonisé. Cela change nécessairement les interactions : les Elfes des Mers ne sont plus un peuple isolé mais un peuple en voie d'extinction qui doit se cacher pour survivre alors que les Humains peuvent les dépasser technologiquement et démographiquement. 

C'est l'ancienne Corail qui a fondé la communauté des Danseurs des Vagues à Crête. Elle fut tuée par des Humains et remplacée par son fils Surge. Surge a une apparence plus transformée et des pouvoirs de contrôle de l'eau. Il a reconnu la guérisseuse Skimmer et ils eurent comme fils Snakeskin


 

Quand sa compagne Skimmer fut à son tour tuée par des Humains, Surge quitta la tribu et laissa la place à Snakeskin


 

Quand Surge revient dans la tribu après bien des années, Snakeskin (à la peau verte) se retrouve être un chef contesté par l'autorité de son père. Snakesin a des capacités de Forme-Corail, mais Surge le forcera à accepter ses pouvoirs de guérisseur qu'il a hérités de sa mère. Peau-de-serpent aime (mais sans avoir eu de "Reconnaissance") No-Ripple, qui a déjà eu un enfant, Tumble, de son compagnon décédé Stormsong. 

No-Ripple est aussi une amante du petit-frère de ce dernier, Spine et il n'y a pas de jalousie entre Snakesin et son ami Spine. Spine est un peu le confident du chef Snakeskin, comme Skymage l'était pour Cutter. 

Longfin la Formeuse de Rocher a eu deux enfants Sandsparkle et Darshek. Darshek est un aventurier explorateur et il est partenaire de la chasseresse Krill. 

Sa demi-soeur Sandsparkle a reconnu le guérisseur à la peau dorée, le doux Skimback, malgré leurs différences.  

Malgré ses pouvoirs de guérisseur,  Skimback n'a jamais réussi à trouver le moyen de soigner le malheureux elfe "Brisé" (aussi nommé "Reef") horriblement déformé (physiquement et psychiquement) par une rencontre avec Winnowill. Je me demande si au début on maintenait ouverte la possibilité que les événements de la série de 1994 étaient toujours canoniques et que Winnowill avait ainsi métamorphosé le pauvre "Brisé" après avoir quitté la tribu de Raenafel et Hyfus. Mais l'explication officielle est que toute l'histoire de 1994 n'était qu'un rêve confus du Brisé devenu dément. 


Krill et Brill sont deux soeurs jumelles. Krill la chasseresse est la compagne de Darshek. La douce Brill, elle, ne rêve que de Reconnaissance et de maternité depuis que son compagnon Skimback a reconnu Sandsparkle. Elle est destinée à devenir la liaison entre les Monteurs de Loups et les Danseurs des Vagues et doit jouer un rôle plus important par la suite.  

L'ancienne Spray (Embrun) est la compagne du vieux Salt et la mère de Foam. Plus tard, avec l'aide du guérisseur Skimback, elle recevra une métamorphose en sirène, tout comme son compagnon Salt. 

 

Redcrest le Forme-Plante (dont la compagne Pearl est morte) est le père de Kroosh l'impétueux et de Strand. Strand et Foam (la fille de Spray) sont les parents du jeune Puffer ("Poisson-Globe"). 


Moonmirror est une jeune Elfe dont les deux parents Fairshell et Drift, furent tués par des chasseurs de baleine.  

 

Wavecatcher est un Elfe devenu errant depuis l'expédition de Zephyr (qui cherchait une île sans humains et qui avait désobéi à Surge). Il vit à terre et il a la capacité de se métamorphoser. 
 


 L'histoire suit deux intrigues principales. 

Les Wavedancers dirigés par Snakeskin se disputent parce que son père Surge dit qu'ils n'ont plus le choix et qu'ils doivent abandonner leur foyer de Crestpoint face aux avancées des humains. Mais Darshek a été capturé sur un galion humain par l'ignoble Ardan Djarum, une sorte de Captain Achab dont la Moby Dick est les Elfes. 

Pendant ce temps, Wavecatcher a quitté la tribu depuis longtemps et vit dans le Forevergreen. Avant la série Wavedancers, il avait croisé Yun, une des filles de Skywise (dans New Blood #20, août 1994, dessiné par l'atroce B. Blair) et va s'allier avec Windkin, le fils volant de Tyldak et Dewshine. Ils vont explorer la grande jungle et y retrouver une autre Elfe des Mers exilée, Wavelet. Wavecatcher est destiné à jouer un rôle important dans la survie du peuple elfique mais j'ignore si cela s'est accompli après la série The Discovery dans la Quête finale. Cette série me paraît meilleure que la précédente par ses dessins mais l'intérêt des personnages réside notamment dans le fait qu'ils jouent un rôle ensuite dans l'intrigue principale de la fin de la série principale. 

mardi 2 décembre 2025

Les Elfes de la Mer (2/3) Wavedancers (1e version, non-canonique)

8 ans après le supplément de jeu de rôle, en 1993-1994, les studios WaRP publièrent la mini-série en six numéros Wavedancers écrite par Julie Ditrich & Bruce Love, et dessiné par Jozef Szekeres des studios australiens Black Mermaid. Mais cette série n'eut pas de suite et fut rendue non-officielle. Comme l'histoire utilisait à la fois des personnages originaux de Julie Ditrich et un personnage central d'Elfquest, ni les Pinis ni les créateurs de Black Mermaid ne peuvent plus l'utiliser. La seconde version de Wavedancers par Kathryn Bolinger & Steve Blevins sort à partir de 1996 avec des personnages complètement différents, et elle est restée canonique en convergeant avec la série principale. 

Contrairement aux Sea Elves du jeu de rôle, ces Danseurs des Vagues désignent les Elfes et plus les dauphins - Richard Pini dit qu'il trouvait que le nom était trop chouette pour être laissé aux cétacés. Ils ont des mains palmées et certains ont été profondément altérés par la magie, avec des queues de poisson (plus une mutante pieuvre). 

Les dessins de Szekeres me semblaient aggraver certains aspects disney qui existent déjà chez Wendy Pini et ils exagéraient de manière hyper-maniériste une silhouette étirée et trop amincie. Ce côté cartoony détonne un peu avec un contenu "adulte" (tout comme le style si scabreux et glauque de Barry Blair qui collaborait avec les titres de WaRP à l'époque). 

Le n°1 présente ce schéma très utile des personnages principaux de ce clan de 18 personnes (ce qui était aussi à peu près le nombre d'individus dans les Monteurs de Loups) : 

Avant le début de l'histoire : 

Un groupe de Hauts-Elfes (High Ones), Ausra, Desh, Livian et Sima fuient vers la mer. Ausra, liée à un Narwhal, était une "Forme-Chair" (Flesh-Shaper) et fut la créatrice des Elfes-sirènes : elle se donna à elle-même une queue avec nageoires, tout comme aux autres Anciens. Voir cette liste des personnages avec leur portrait. 

Les enfants d'Ausra et de Desh furent Neama, la "Deuxième Couronne", et le vieux Tentus le Forme-Corail et gardien de la mémoire. 

Neama enfanta à son tour un garçon Brom, le Troisième Chef, et son petit-frère Shardon, mais ce dernier fut enlevé par le Faiseur de Malédictions, le Voleur d'Âmes, qui est en fait Sydor (un autre Haut-Elfe rendu fou par ses tortures par les Humains). 

Les motivations de Sydor ne sont pas très claires mais il enlève les Enfants de cette tribu s'ils sont issus du processus de la Reconnaissance (Recognition) et semble obsédé par la "Pureté" des gènes des Elfes. Les Elfes ont beaucoup de problèmes pour se reproduire dans le Monde des Deux Lunes et selon les tribus, la Reconnaissance est ce qui favorise à la fois la fertilité mais aussi la transmissions des "pouvoirs" spéciaux. La Reconnaissance est un instinct qui crée une union fusionnelle, quelle que soit la volonté de l'individu mais ces Elfes marins semblent capables d'enfanter même sans Reconnaissance (contrairement aux Monteurs de Loups et aux Wavedancers officiels). Dès lors, la tribu elfique fut menacée par les kidnappings des "Enfants de la reconnaissance". La fondatrice de la tribu Ausra va disparaître pour tenter de trouver une solution et il n'y aura plus de "Forme-Chair" capables de créer de nouvelles sirènes. 

Le Chef Brom, qui avait aussi Reconnu son épouse Ailsa, engendra une fille, Raenafel, qui aurait dû devenir la "Quatrième Couronne". Sa femme mourut en couche et Brom tenta de dissimuler sa fille en l'enfermant dans une caverne pour qu'elle ne se fasse pas enlever à son tour comme son frère Shardon. Mais comme pour sa mère Ausra, sa quête pour "les Enfants de la Reconnaissance" est vaine et il est frappé par une étrange malédiction du Voleur d'âme : son visage développe une barbe, comme un humain (les Elfes peuvent avoir de la pilosité faciale chez les Monteurs de Loups mais c'est quasiment inouï chez la plupart des tribus). 

Il n'y a plus que quatre sirènes en comptant le vieil ermite Tentus (fils d'Ausra et donc grand-oncle de Raenafel) et Kirith : le couple de Hyfus et Tilaweed, qui sont séparés depuis l'enlèvement de leur fille Illora (qui est prisonnière avec l'infortuné Shardon). Korilia est à moitié pieuvre à cause d'une poche de "mauvaise magie" qui a contaminé sa naissance (et elle tente de créer un tabou alimentaire sur les pieuvres). 

Les autres familles actuelles sont : Burdekin le roux & Zadori, parents de Shorsprout ; Kadva (qui ressemble à Namor the Submariner !) & Shoseabee, parents d'Inkobottom (Sleia est fille de Lazik & Shoseabee). Paffa (compagnon de Maron, le père de Zadori) est le frère d'Irrali 

Rhialdor le tailleur et Kirith la sage-femme (qui est liée à un Dauphin et qui a perdu la vue, même si elle a des visions de l'avenir) ont deux fils sans Reconnaissance, le sérieux Jormak et le plus fantaisiste Barmek (dont on ne sait s'il a hérité d'une partie du pouvoir de Vision de sa mère). 

La mini-série de 1994 

Barmek fils de Kirith est le protagoniste de l'histoire. Il avait retrouvé par hasard Raenafel, la fille de Brom qui vivait cachée dans une grotte, et l'a "Reconnue". Le chef Brom ne pouvait plus dissimuler son existence et l'a donc éloignée en prétextant qu'elle devait retrouver le Palais originel de leurs ancêtres, là où doit se trouver "Pas d'aile" la Préservatrice. Mais Raenafel a ensuite vraiment disparu et Barmek se reproche d'avoir ainsi causé son exil. 

A la mort de Brom (sans doute tué par Sydor), le pisciforme Hyfus l'a remplacé comme chef de la tribu pendant l'absence de Raenafel. Mais après des années, Jormak annonce que Raenafel. est enfin revenue, avec le Haut-Elfe Sydor. Il s'agit en fait de la puissante et maléfique Winnowill qui se fait passer pour elle (elle a dû utiliser ses pouvoirs de Forme-Chair pour se donner des mains palmées) et qui s'est alliée au Haut-Elfe fou. Seul Barmek devine son subterfuge alors que son frère Jormak tombe fou amoureux de l'usurpatrice. 

Barmek décide donc de fuir la tribu et de partir dans les terres, à la recherche de la vraie Raenafel (avec l'aide de Sleia fille de Lasik, qui est amoureuse de lui mais lui en veut de ne penser qu'à celle qu'il a Reconnue (au point qu'elle a même failli tuer Barmek dans une scène de folie assez peu crédible). Ils trouvent la Préservatrice nommée "No-Wing" qui a enveloppé la "Quatrième Couronne" dans sa "soie" protectrice. 

Barmek ramène Raenafel au clan et chassent Winnowill, malgré son frère Jormak qui refuse de le croire. Avant de s'enfuir et d'abandonner Jormak, Winnowill vainc mentalement Sydor, qui tombe dans une crise de catatonie. 

Barmek et Raenafel consomment enfin leur "Reconnaissance". 

La suite 

Les studios Black Mermaid avaient posté sur leur site (lien via Internet Archive) un synopsis de la suite qu'ils avaient prévue. Raenafel, Enfant de la Reconnaissance, ramène pour la première fois le pouvoir de Formatrice de Chair et recrée des sirènes dans la tribu pour les Elfes volontaires. Elle aura un enfant avec son partenaire Barmek et le frère de ce dernier, Jormak, traumatisé par Winnowill, finira par retrouver le bonheur avec Sleia. On retrouvera les Enfants disparus et le Haut-Elfe fou Sydor sera guéri de sa folie grâce à Irrali. Ausra aussi, la fondatrice de toute la tribu, devait revenir. 

La série avait quelques problèmes, même en dehors des dessins. Elle joue assez peu avec la mer (à part quelques scènes de pêche et la cuisinière Korilia qui parle de la faune marine). C'est un peu bizarre d'avoir une histoire de "Danseurs des Ondes" qui se passe surtout sur le sol au sec. En dehors des mutations ou de la grotte sous-marine où était cachée Raenafel dans sa jeunesse, le thème aquatique semble donc sous-exploité. 

Les Elfes de la Mer (1/3)

La série Elfquest de Wendy & Richard Pini (publiée depuis 1978) avait d'abord décrit 5 tribus elfes : (1) les ancêtres communs, Hauts-Elfes descendus de leur Palais Volant, (2) les Monteurs de Loups sauvages de la forêt, (3) les Elfes du Soleil isolés dans une oasis, (4) les Elfes-Oiseaux ("Planeurs") de la Montagne bleue (qui ont moins muté) et (5) les "Revenus" (ou Revenants dans une autre traduction VF, les Go-Backs, une tribu issue des Monteurs de Loups devenus des Monteurs d'Elans dans les montagnes glacées). Et cela sans compte les peuples liés : les petits Préservateurs et les Trolls

La sixième tribu des Elfes marins a une généalogie compliquée avec d'abord une fanfic, un supplément de jeu de rôle et une série annulée.  

(1) En 1982, dans le fanzine d'Elfquest Yearnings n°1, une fan, Betty Cerritelli, écrit (avec Debra Vorgias) une nouvelle, "Siege of Suncliff Island", qui décrit pour la première fois une tribu d'Elfes marins

(2) Quand Steve Perrin crée le jeu de rôle Elfquest (1984, à partir du système Basic Role-Playing), il semble prévoir qu'on rejoue à nouveau des Elfes Monteurs de loups comme dans le comic book. Un des premiers suppléments par l'autrice de la nouvelle, Elizabeth Cerritelli va être The Sea Elves: A Complete Culture for Elfquest (1985, 50 pages) et c'est bien plus "rafraichissant" en offrant une option nouvelle où le fait de monter des dauphins peut paraître plus attirant que de faire un replay de la Quête originelle et de monter des Loups ou des Elans. 

Malgré quelques illustrations intérieures par Wendy Pini herself, il est bien précisé que ces Elfes marins ne sont pas "canoniques" pour le Monde des Deux Lunes. 


 

(3) A l'époque, les 20 premiers épisodes de la "Quête originelle" viennent d'arriver à leur fin en octobre 1984 et la suite, le Siège de la Montagne bleue, ne commence qu'en octobre 1987. Ce n'est que plusieurs années après, que les Pini vont enfin reprendre des Elfes marins dans une mini-série comic Wavedancers (dec. 1993-oct. 1994) mais encore une fois ils ne l'ont pas écrite et dessinée, ce qui confirme que ces Elfes ne devaient pas bien entrer dans le scénario originel. Leur apparition non-canonique en jeu de rôle a donc précédé de 8 ans cette apparition en bd. Dans le supplément, le nom "wavedancers" était d'ailleurs le nom des dauphins, pas de leurs elfes. Mais les Pini ont dû commencer à apprécier ce nom. 

(4) Cette mini-série de 1993 devait avoir des suites selon ses auteurs, mais elle va être rendue à son tour non-officielle à cause d'un conflit entre les Pini et les auteurs. Les Wavedancers "officiels" reviennent dans une seconde série (février 1996 - la série de 1993 est déclarée n'être qu'un rêve) et ils sont moins non-humanoïdes que dans la version précédente (pas d'Elfe pieuvre et pas autant de "sirènes" pisciformes). Cette seconde mini-série reste inachevée également à cause de l'implosion que connaissent les titres indépendants N&B à la fin du siècle dernier. 

(5) Les Elfes marins de la brève série de 1996 ne vont retrouver les personnages de la série principales que dix ans après, dans la mini-série publiée chez DC, The Discovery (1-5, mars-décembre 2006).  

Ils jouent un rôle significatif dans l'ultime série, The Final Quest (2013-2018) où un des fils des Monteurs de Loups épouse et devient lui-même un Elfe marin

C'est un de ces cas qui m'intéresse à cause de la rétroaction entre la fiction et le jeu de rôle : le jeu adaptait la fiction mais devait développer d'autres possibilités et le cadre de la fiction a ensuite réadapté le jeu. On a d'autres cas dans l'histoire du jeu de rôle (comme Star Wars qui avait repris dans son ancien "univers étendu" des éléments qui n'avaient jamais été explicités avant le jeu de rôle de West End Games).   

***

Commençons par le supplément du jeu de rôle de 1985 The Sea Elves par Cerritelli car je n'ai pas accès à sa nouvelle de 1982. 

 

Contrairement à des versions suivantes, ces Elfes de la Mer ne sont pas amphibies et n'ont pas même accès à un pouvoir rare de se transformer en amphibiens ou même de respirer dans l'eau. Ce sont des marins de la surface. Il forment des barques sur des coquillages de tortues géantes et chevauchent des dauphins mais ne respirent pas plus longtemps que des plongeurs ou pêcheurs de perle. Ils ont un lien avec leurs dauphins mais ils n'ont (comme les Monteurs de Loups) du sang de mammifère marin. Ils ont le pouvoir d'Emettre (ce qui est utile sous l'eau) et certains peuvent même Contrôler l'Eau ou Prévoir les Tempêtes, mais il n'y a pas d'Elfe-Poisson. 

La culture n'est pas très détaillée mais on n'a sans doute pas moins d'informations que sur les Monteurs de Loups. Une idée que j'aime bien est que lorsque la Magie fait un fumble en mer, la poche de "mauvaise magie" forme un flux, un courant et pas seulement un lieu fixe. 

Les Elfes de cette version ont à peu près la même taille que les Monteurs de Loups (5-8 contre 4-7) alors que la version officielle des Wavedancers donnera une taille un peu plus élevée (même si cela reste moins que les Planeurs). Les Planeurs sont grands mais aussi nettement plus minces, frêles et fluets qu'un humain, ce qui doit expliquer leur SIZ "moyenne" de 8-12 (la célèbre sorcière elfe Winnowill semble plus grande qu'un humain moyen mais les règles officielles lui donnent une SIZ de seulement 11). Sur Glorantha, les Elfes bruns ont une SIZ de 2d4+4 (6-12) et les Elfes verts une SIZ de 3d6. 

Je mets pour comparer les Monteurs de Loups et les Planeurs :  

Caractéristiques Wolfriders Gliders Sea Elves
STR 2d6+2 2d6+4 2d6+4
CON 2d6+6 2d6+4 2d6+6
SIZ 2d3+1 2d3+6 2d3+2
INT* 3d6 3d6 3d6
POW 2d6+6 2d6+9 2d6+6
DEX 2d6+9 2d6+6 2d6+9
APP 2d6+6 2d6+8 2d6+6**

* Les règles de RuneQuest III (1984) ayant donné 2d6+6 de base en INT à tous les humains (et donc un minimum humain de 08), il faudrait corriger l'INT, à moins que Steve Perrin veuille vraiment dire que certains Elfes régressent vers une intelligence semi-animale. 

** La 2e édition d'ElfQuest (1989), qui a intégré l'Elfquest Companion et d'autres suppléments, avait corrigé (p. 73) l'APP des Elfes des Mers en 3d6 et je ne sais pas vraiment pourquoi ils auraient une apparence plus variable que les Monteurs de Loups. 

 


Le bestiaire (p. 9-15) décrit surtout des espèces marines semblables à celle de la Terre : les Voiles noires (épaulards), les Chanteurs profonds (baleines - dans le comic book les Elfes les appelleront moins poétiquement des "Slap-Tails"), les Dos-Barques (tortues), Nageoires velues (phoques), Nombreuses-dents (requins), Nombreuses-pattes (pieuvres) et ce qui semble être un plésiosaure (Cou d'Arbre). Le livre prévoit surtout des scènes de pêche avec des tables de rencontres aléatoires. 

Il y a trois scénarios. Dans "Stormcoming Hunt" (p. 16-18), les PJ partent à la pêche avant une tempête et vont rencontrer des pirates elfes. Je n'aime pas trop l'idée de multiplier les conflits violents entre Elfes : dans Elfquest, la télépathie des Elfes rend les actes de violence intra-spécifique hyper-rares et scandaleux. La même autrice a aussi un supplément Elf-War mais la Guerre devrait être une sorte d'anomalie et je me demande s'il ne vaudrait pas mieux que les pirates soient humains (même si c'est bien sûr casse-pied que les Humains soient toujours les méchants). 

Dans "Littlesmoke Island" (p. 19-27), les PJ sont perdus et viennent explorer une île où ils vont trouver une autre tribu réfugiée là pour échapper aux pirates. 

Enfin, "Assault on Smalltower Island" (p. 28-49, donc la moitié du livret) est un "Donjon". C'est encore un pillage entre Elfes de la Mer. Les PJ peuvent jouer soit un des deux groupes rivaux d'adolescents elfes qui viennent piller l'île pendant que la majorité est partie à la pêche, soit les défenseurs de l'île.  Le scénario vaut surtout par une longue liste de PNJ ou comme exemple pour créer une communauté de ce peuple. 

Comme pour les Monteurs de Loups, les noms sont descriptifs. Voici quelques noms dans le supplément : Greensea, Greatwave, One-Arm le Pirate, Sailslasher, Dashhull, Billowsnitch, Preyfilcher, Torrent, Reef, Foamracer, Stonediver, Surfrider, Firmrudder, Snapmast, Quarryseek, Greenmist, Brine, Waveskimmer, Raingather, Seedkeeper, Harbor, Linegather, Seabreeze, Shelltrapper, Skiffshaper, Spraydancer, Sunshower, Tideflow... 

On devrait pouvoir en tirer facilement un générateur aléatoire de quelques termes pour des noms : 

Aileron Albatros Algue Ancre Anguille Arête Baie Barre Baudroie Bois Bourrasque Branchie Brise Brochet Brouillard Bruine Calfatage Carpe Cartilage Caudale Chavirer Coquillage Corail Cordage Cormoran Côte Crique Détroit Eau Ecaille Ecume Embellie Embrun Events Falaise Filet Foudre Flot Goéland Goutte Houle Lamproie Mât Marée Mer Mouette Nageoire Nageur Onde Orage Ouïes Ouragan Pêcheur Perle Pieuvre Planche Plongeur Poisson-volant Proue Queue Rafale Raie Rame Récif Reflet Rémora Rive Rostre Squale Tempête Torpille Tourbillon Trident Vague Vent Voile

lundi 1 décembre 2025

Ars et alea

Au tournant des Lumières et du Romantisme, les révolutions esthétiques sont peut-être plus au Royaume-Uni qu'en France.  

Joseph Turner (1775-1851) invente l'impressionnisme vers 1840 et atteint une certaine abstraction dans le sublime de l'indéterminé. Alexander Cozens (1717-1786) invente l'expressionnisme abstrait dans son art du paysage par sa méthode des "taches" (macula, blots) aléatoires dès 1785 dans son traité de méthode. Le hasard doit faire naître des idées par association et introduire un peu de désordre apparent pour mieux représenter la nature. On retrouve une part du jardin à l'anglaise. 


 

Certes, le poète du Ve siècle Agathon disait déjà "Τέχνη τύχην ἔστερξε καὶ τύχη τέχνην" ("l'Art aime le Hasard et le Hasard aime l'Art", via Aristote, Ethique à Nicomaque, VI, 4, 1140a). 

Ce tragédien Ἀγάθων devait être travaillé par cette pensée de la Fortune (τύχη) en esthétique. Aristote cite aussi son autre vers "καὶ μὴν τὰ μέν γε τῆς τέχνης πράσσειν, τὰ δὲ //ἡμῖν ἀνάγκῃ καὶ τύχῃ προσγίγνεται." dans la Rhétorique II, 19, 1392a : "ce qu'on ne fait pas par art, nous le faisons par la nécessité et par la fortune".  

Et Aristote cite deux fois un passage sur la vraisemblance de l'invraisemblable : "εἰκὸς γὰρ γίνεσθαι πολλὰ καὶ παρὰ τὸ εἰκός"  "il est vraisemblable que se produisent de nombreuses choses contraires à ce qui est vraisemblable" dans la Poétique 18, 1456a ou sous une forme versifiée plus longue : τάχ' ἄν τις εἰκὸς αὐτὸ τοῦτ' εἶναι λέγοι, // βροτοῖσι πολλὰ τυγχάνειν οὐκ εἰκότα. "On dit qu'il est vraisemblable qu'arrivent aux mortels de nombreuses choses qui ne sont pas vraisemblables" dans la Rhétorique II, 24, 1401b (la traduction "il est probable qu'arrivent des choses improbables" serait un anachronisme un peu trop mathématisé). 

Sextus Empiricus (Hyp. Pyrrh I, 28) et Dion Chrysostome (Orat. 63.4) attribuent au célèbre Apelle de Cos une histoire que Pline (Nat. 35, 102-104) attribue aux peintres Protogenes de Rhodes ou Nealces de Sicyone où ils réussissent à simuler de l'écume dans un tableau non par "ars" mais par "casus" (οὐ διὰ τῆς τέχνης, ἀλλὰ διὰ τῆς τύχης) en jetant une éponge humide.

On n'a hélas plus un tableau Feuilles d'automne sur la rivière Tatsuta qu'Hokusai (1760-1849) aurait réalisé en 1807 (à la cour du shōgun Tokugawa Ienari) en trempant d'abord les pattes d'un poulet dans l'encre rouge avant de le laisser marcher au hasard sur sa toile bleue pour représenter les feuilles d'érable flottant dans l'eau. Dans la version traditionnelle, il s'agissait d'une compétition avec un autre artiste et Hokusai l'aurait emporté (comme la compétition entre Apelle et son ami et rival Protogenes). Ce n'est pas son autre tableau ultérieur plus composé, illustration du Poème d'Ariwara no Narihira (vers 1835), avec les même feuilles rouges sous le Pont sur la rivière Tatsuta. 

vendredi 28 novembre 2025

Quelques illustrations à réutiliser pour des cours de philo...

Langage, nature et technique

 

Création, continuité et rupture


Scepticisme éthique



Liberté politique et État



Histoire et violence (oui, cela néglige complètement la règle des 3.5%)


 

Éducation et éthique



La conscience



La culture



La technique


L'autonomie


mercredi 19 novembre 2025

Die: Loaded #1


Le premier "arc" de Die (dont j'avais parlé là) a duré pendant 20 numéros (2018-2021). La série de l'Anglais Kieron Gillen & de la Française Stephanie Hans est le comble de la méta-geekitude, un comic sur des joueurs de jeu de rôle qui sont absorbés dans leur jeu et en même temps un jeu de rôle complet sur des joueurs qui reviennent sur leur expérience de leur jeu. La série avait commencé comme une histoire d'horreur (Jumanji pour les Goths, dit Gillen, un dark issekai) mais la conclusion avait été surprenante de réconciliation et d'évolution. Au lieu de rester figé dans une nostalgie récessive, les joueurs survivants avaient évolué, ce qui doit être le fantasme le plus ultime du jeu de rôle, que nous ne fassions pas que ressasser notre enfance ou être prisonnier de fantasmes rétrogrades. 

Mais ce nouvel "arc" (dont Stephanie Hans disait aux Utopiales de Nantes avoir déjà illustré 7 numéros en novembre 2025) a l'air de déplacer l'expérience ailleurs dans la question des rôles de genre. 

Dominic Ash (le "Dictateur", d4) assumait une identité féminine ou queer dans le monde du jeu et quand il revient dans le monde réel, il doit assumer un nouveau rôle, celui de père comme son enfant (Stuart) est né pendant la période de sa disparition (dans le monde du jeu, Ash était la mère d'Augustus). 

Dans le monde réel, Sol annonce qu'il va publier le jeu de rôle Die et Ash redoute que c'est justement ce que l'entité de cet univers désire et qui pourrait attirer d'autres âmes dans ce monde-oubliette.  

Mais dans ce premier épisode, on va approfondir le point de vue féminin. C'était représenté dans la première série par Angela la Neo, la soeur shadowrunner d'Ash, par sa fille Molly (qui devait mourir dans le monde du jeu et y devenir une "Déchue") et par Isabelle la Lieuse de Dieux

Je suppose qu'on va revoir une autre "seconde génération", Violet, la fille du défunt Chuck (qui était le Bouffon, le Casual Gamer). 

Sophie, la compagne d'Ash, reçoit le Dodécaèdre (le D12 des Lieurs de Dieux) et va s'adapter assez vite à ce nouveau monde en se liant au Dieu de la vie sauvage, l'Ours, et le totem Renard. Le chiffre 12 est associé aussi aux 12 émotions principales qu'on retrouve dans la classe du Chevalier Emo ou dans le registre du Dictateur. Les règles de Die évoquait six archétypes de dieu (Lumière, Nature sauvage, Feu, Enfer, Destinée, Indicible). 


 

Cet Ours sur la couverture évoque graphiquement chez Hans aussi les premiers épisodes du Démon-Ours par Bill Sinkiewicz quand il arriva sur New Mutants

C'est assez prodigieux de complexité et cela devient presque fractal dans les références internes au jeu de rôle Die et à l'histoire de la fantasy ou des jeux. A force de ne parler que de la dimension de méta-jeu ou de commentaire sur la fantasy littéraire (Brontë, Tolkien, Welles, Lovecraft), on pourrait oublier que l'issekai a aussi une dimension de meta-comic. 

En parlant de Sinkiewicz et de fractals, j'adore Big Numbers mais j'avais été un peu déçu par le gag un peu prévisible dans cette bd où les jeunes jouent à un jeu Real Life sur la banalité du déterminisme social, comme si Alan Moore se contentait de se moquer de la dimension d'escapisme. Le jeu est nettement plus pris au sérieux ici et c'est peut-être le fossé générationnel : Gillen a dû grandir en lisant White Dwarf et cela ne donne pas le même univers mental. 

mardi 18 novembre 2025

[Star*Drive] The Last Warhulk

1 Star*Drive Campaign Setting ; 2 Black Starfall & Red Starrise ; 3 The Lighthouse ; (4) The Alien Compendium I

The Last Warhulk (par Rich Baker, 64 pages) est à nouveau une aventure martiale (Baker avait même préparé un wargame de combat spatial en complément des règles d'Alternity, Warships, mais il ne sortit qu'en PDF avec la fin de la gamme). 

Les PJ sur Aegis reçoivent la nouvelle qu'Arès 22, un énorme Vaisseau de guerre intelligent de la corporation StarMech (dont l'équipage est soit mort soit cryogénisé) est arrivé dans la Bordure et c'est une machine de guerre qui croit que la Seconde Guerre galactique d'il y a quelques décennies n'est toujours pas finie. Arès n'a pas coupé toute communication mais refuse de croire les messages, même ceux de StarMech, qu'il prend pour des pièges, et de remettre en cause sa programmation initiale : détruire ses cibles, les Thuldiens. 

Il se dirige donc vers le système Algemron pour ravager la planète Alitar (ancienne colonie thuldienne devenue indépendante) et la situation de ce système en guerre ne va donc pas s'améliorer (même si la planète ennemie d'Alitar, Galvin, est une colonie Austrin, pas StarMech). Malgré la paranoia de l'IA, le petit vaisseau des PJ a plus de chance de pouvoir s'approcher du Warhulk qu'un croiseur de combat. 


Walter Velez (1939-2018), Un équipage avec un Sesheya et un T'sa

C'est un ennemi plus original que les Bug-Eyed Monsters de l'aventure Red Starrise mais l'IA obsessionnelle d'Arès 22 n'offre pas beaucoup plus de possibilité de négociation. Il sera difficile de la hacker et il faudra donc trouver un stratagème assez brutal. Cela n'est pas inintéressant mais il faut être prêt à une aventure aussi clairement militarisée. J'aime bien le suspense des "courses contre la montre" en jeu de rôle mais l'idée de transformer ensuite un abordage en un "donjon" dans la Nef folle (longue d'au moins 265 m) n'est peut-être pas très inspirée. Si on veut plus de roleplay, il faudrait que l'IA réveille ses équipages biologiques avant et qu'on puisse espérer plus de conflits internes entre l'IA et ses humains. 

L'itinéraire du Vaisseau berserk devrait être (sauf accident ou errances) Tendril-Ignatius (26) puis Ignatius-Terivine (38) puis Terrivine-Oscar 44 (11) et ensuite McComb-Algemron (29) et je ne comprends absolument pas ce chemin qui a l'air si inutilement long. J'ai dû rater une rationalisation car les starfalls ont l'air d'indiquer que le Vaisseau aurait pu aller plus directement. 

Le plan de chaque niveau du vaisseau est complexe et il y a eu une proposition en ligne pour rendre la lecture plus aisée en les reliant dans un plan en coupe.  

lundi 17 novembre 2025

[Star*Drive] Alien Compendium I: Creatures of the Verge

1 Star*Drive Campaign Setting ; 2 Black Starfall & Red Starrise ; 3 The Lighthouse 

Cet accessoire de 128 pages (par Richard Baker & Bill Slavicsek) est assez indispensable pour une campagne dans l'univers de science fiction de Star*Drive car en plus de la faune de la Bordure, il évoque aussi certains systèmes qui n'étaient guère que nommés dans d'autres sources. 

Le prétexte de cette compilation de créatures est un voyage d'un vaisseau explorateur, Kepler, qui visitent 14 systèmes, et cette faune est listée planète par planète. Le livre décrit aussi (en plus des 5 espèces non-humaines venues de l'espace du Concordat, plus les Cykoteks, des cyborgs radicalisés anti-organiques) plusieurs espèces intelligentes, dont dix qui sont indigènes de la Bordure. Le livre propose des règles si on voulait les jouer comme PJ mais ils semblent presque tous assez peu adaptés. 

Star*Drive ne commence qu'avec 6 espèces (en comptant les humains) mais le nombre va vite monter à plusieurs douzaines, si on joue une campagne dans l'ordre des publications. C'est certes l'évolution de la plupart des univers de soft SF dès qu'on commence à multiplier les Aliens. On commence avec une petite demi-douzaine comme dans Babylon 5 et on finit avec la diversité infinie à la Star Wars

Les "sentients" indigènes de la Bordure 

Les Bedestrin (p. 82-84) ressemblent à des yétis intelligents sur la lune glaciale Hudson/Rinstoke (moyenne de -80°).  

Les Bhruu (p. 51-53) de Bhruusil/Karnath sont de grands quadrupèdes velus comme des bisons. Malgré leur technologie rudimentaire, ils sont intelligents et ont formé une confédération pour lutter contre VoidCorp. 

Les Corstar (p. 67-68) de Dione/Lucullus ressemblent à des méduses dans l'atmosphère, ils sont télépathes (du moins avec d'autres télépathes) mais ils ont une intelligence sociale collective seulement et non pas individuelle

Les Deepfallen (p. 77-79) de Bluefall/Aegis ressemblent à de longs elfes marins un peu comme dans Abyss. Ils sont télépathes et vivent cachés dans les profondeurs de Bluefall. Ils peuvent se déplacer sur le sol et survivre 24 heures hors de l'eau. 


Les Gandercat ("chat-jars", p. 43-44) de Grith/Corrivale ressemblent à un grand paresseux omnivore solitaire. Ils descendent d'une espèce qui fut très évoluée mais qui est revenu pour des raisons inconnues à un état très primitif et sans technologie. Certains dressent des "veractors" de Grith comme leurs sauriens de chasse. Les Sesheyans de Grith tentent d'entrer en contact avec eux. 

Les Ke'kekt (p. 35-36) d'Antigua/Ignatius ressemblent à des étoiles de mer à six membres, d'un diamètre de 2 m (ils ne s'élèvent qu'à un mètre de haut quand ils se déplacent sur le sol). Ils ont formé des Etats féodaux et sont hostiles aux colons. 

Les Riglia (p. 57-58) de Rivendale/Terivale sont des vers volant dans les airs élevés (la pression devient trop forte en descendant des hauteurs). Ils sont isolationnistes. 

Les Sandgrotha (p. 29) d'Alaundril/Tendril ressemblent à des smilodons (semi-)intelligents. 

Les Werewisps (Feux-follets, p. 75-76) de High Mojave/Mantebron sont des créatures d'énergie électro-magnétiques qui semblent avoir été fabriqués (comme d'autres créatures exotiques de ce monde) par le peuple ancien des "Verriers" (Glassmakers). Ils ne sont actifs que dans le grand froid de la nuit mojavienne quand la basse température est plus "conductrice". Ils se nourrissent d'énergie. Ils ne sont qu'une douzaine et s'évitent les uns les autres. 

Les Xe'reen (p. 91-92) dans les eaux froides d'Alitar/Algemron : on les appelle aussi "Dauphoques" (en anglais "Sealphins") car leur forme évoque les pinnipèdes, et aussi la fourrure des loutres marines (mustelidae), mais ils ont un sonar comme certains cétacés.  

Les Externes

On appelle Externes des espèces capables de vol spatial qui ont été rencontrées dans la Bordure mais qui viennent de "plus loin". Dans le supplément, ces espèces n'étaient pas explicitement reliées entre elles (sauf peut-être les trois dernières, Kroaths, Magus et N'sss) mais ce n'est pas trop spoiler que de dire que certains d'entre eux peuvent avoir participé à des organisation qui ne seront plus claires que par la suite, avec les romans de Star*Drive. Le fait que certaines de ces espèces seraient manipulés génétiquement et formeraient une hiérarchie spécialisée et très complexe les rend plus intéressants (un peu comme le Dominion dans DS9 était multi-spécifique). 

Un Empire (l'Imperium des Medurr) n'est révélé que dans le roman Zero Point de Rich Baker mais leurs adversaires (la théocratie de "l'Exeat") vont commencer à être plus détaillés ensuite dans les suppléments Threats from Beyond et Alien Compendium II, puis enfin dans the Externals, qui fut publié gratuitement après la fin des parutions officielles de Star*Drive. Une hypothèse serait même de les relier avec certains secrets d'autres espèces (comme certains des Grands Anciens ou comme des factions parmi les Fraals). Sur certains points, ce meta-plot peut faire penser aux évolutions dans les séries StarGate

Les Blix sont des nains bleus à quatre bras, excellents ingénieurs et très extravertis. Ils sont arrivés à Bluefall il y a 15 ans dans un vaisseau. Malgré leur affabilité, ils cachent encore des informations sur les rapports de force galactiques qu'ils connaissent (comme les Medurr). 

Les Evrem sont de grands et minces humanoïdes sans bouche et avec des ailes vestigiales transparentes. Ils font à première vue un peu double emploi avec les Fraals dans la niche "ersatz d'Elfes". Ils viennent d'apparaître à Lucullus il y a deux ans. Ils semblent vouloir seulement commercer mais ont en fait des plans contre certaines des espèces ennemies. 

Les Gardhyi sont encore plus D&D que les deux précédents. Humanoïdes pâles et osseux, leurs pouvoirs psychiques contrôlent la lumière et ils peuvent donc manipuler des forces obscures. Ils espionnent les colons de la Bordure depuis très longtemps car ils semblent en savoir beaucoup. On apprendra plus tard qu'ils ont infiltré certains réseaux criminels dans la Bordure (Lucullus/Ptolemy). 

Les Kroaths sont des êtres agressifs en armure issue d'une biotechnologie avancée (qui ressemblent un peu à Predator). Les contacts ont toujours été hostiles (et ils feraient peut-être des ennemis un peu plus intéressants que les Klicks vus sur Hammer's Star). On apprend par la suite qu'ils seraient une forme "zombifiée" de soldats pour une autre espèce (et que les Klicks aussi auraient un lien avec eux - c'est donc Xénomorphes + Predators). 

Les Magus, reliés aux armes des Kroaths, sont encore moins humanoïdes. Ils sont venus assassiner des ambassadeurs du Concordat sur Nova Station. Un de leurs objectifs est sans doute d'éliminer les messagers des Evrem. 

Les N'sss sont des créatures enfermées dans de grands cocons-armures. Ils sont aussi mystérieux que les Kroaths et le Magus.  

Niveaux technologiques

Les jeux de rôle de science fiction utilisent souvent une échelle pour représenter de manière synthétique la technologie et comparer plus vite les différents mondes (même si un chiffre unique est simplificateur). Je n'ai jamais réussi à retenir de tête que celui d'Empire galactique qui va de 1 à 6 (et insiste beaucoup sur les technologies de transport). 

Voici une petite conversion pour comparer entre le Tech Level de Traveller (l'Imperium est normalement à TL 12-15) et le Progress Level d'Alternity (le standard du Concordat dans Star*Drive est au PL 8). 

TL Traveller PL Alternity NT Empire galactique Exemple (Traveller)
0 0 0/1 Préhistorique Néolithique
1 1 1 Bronze/fer
2 2/3 2 Pré-industriel Médiéval/Renaissance
3 4 3 Industriel Industriel : Vapeur
4 4 3 Electricité
5 4 3 Radio
6 5 (Information) 3 Fission atomique
7 5 4 Interplanétaire Conquête spatiale
8 6 (Fusion) 4 Réseaux et télécoms
9 7 (Gravité) 5 Interstellaire Gravité et Saut-1
A 6/7 5 Fusion
B 7 6 Intergalactique Saut-2 IA
C 8 6 Saut-3
D 8 6 Saut-4
E 8 6 Saut-5
F 8 6 Saut-6
16+ 9/10 6 Post-rareté, "Bond-10"

Le présent est TL 8 / PL 6. La comparaison a des limites dès qu'on parle de l'avenir : Alternity était "optimiste" (si on veut) et mettait la Fusion dès le PL 6 (présent/futur proche) alors que Traveller appelle époque de la Fusion seulement le TL 10 (début de l'expansion interstellaire). Les éditions récentes de Traveller ou de GURPS ont plus détaillé les Niveaux au-delà de 15 pour leurs listes d'équipement.

dimanche 16 novembre 2025

[Star*Drive] The Lighthouse

C'est un cri répété par mille sentinelles, 
C'est un phare allumé sur mille citadelles



Le Phare est une grande "station" spatiale d'un kilomètre et demi de long et avec un diamètre au sommet de 400 m, et elle est itinérante. Le terme de "station" n'est donc peut-être pas très approprié et on est donc entre l'Enterprise et Deep Space 9. Elle a une capacité de "starfall" énorme de 50 années-lumière, comme un vaisseau-citadelle, ce qui pourrait l'envoyer facilement à n'importe quel endroit de la Bordure en deux starfalls maximum (et même en une seule semaine depuis Aegis). Le Phare n'a donc pas une position fixe et fait un long tour annuel des systèmes de la Bordure. 

Il y a même des vaisseaux qui jugent plus rentable de s'accrocher à elle pour voyager plus vite : les docks ont plusieurs douzaines de vaisseaux et la station est en plus accompagnée de 12 chasseurs, 4 vaisseaux d'escorte 2 destroyers ou 3 croiseurs de la Star Force du Concordat. C'est donc tout un essaim de vaisseaux dans son sillage. 

Le Phare avait d'abord été décrit dans le Star*Drive Campaign Setting p. 92-93. Il est ensuite développé dans un supplément The Lighthouse (64 pages) par David Eckelberry (le co-créateur de Star*Drive, qui partit ensuite travailler pour LucasArts sur la licence Star Wars). 

La silhouette ci-dessous n'a pas été reprise dans le supplément qui préfère montrer des cartes 3D de quelques niveaux représentatifs. 

 

La Station-Vaisseau appartenait d'abord à l'Eglise Orlamiste (qui a donc gardé une présence importante avec une cathédrale tout en "haut") mais après avoir été endommagée pendant la Seconde Guerre Galactique, elle fut finalement confiée au Concordat qui l'envoya dans la Bordure pour la première fois en 2499 (dont après l'expédition du Monitor). 

C'est devenu le siège de l'Agence d'Exploration du Concordat (Concord Survey Service), qui est un peu plus décrit dans Outbound: An Explorer's Guide) et c'est aussi une station de relai de communication dans le drivespace, ce qui permet à tout système stellaire dans lequel elle est d'accéder (contre payement) au Réseau (Grid). C'est à la fois un centre diplomatique, commercial (avec la compagnie Redman-Smith d'Alaundril qui a transféré son siège sur le Phare ou l'Autorité Commerciale du Concordat), financier (siège de la Bourse de la Bordure, The Lighthouse Exchange LIEX) et médiatique (siège de TransVergeNews). 

C'est un phare dans la Nuit de la Bordure et un des plus importants facteurs d'intégration entre les systèmes lointains. Mais les "Borduriens" anti-Concordat la voient aussi comme une menace et une invasion (il y aurait des cellules terroristes et indépendantistes à bord). 

Le supplément évoque rapidement plusieurs PNJ, ambassadeurs des nations des "Arrivants" ou des colonies de la Bordure (Bluefall/Aegis), marchands, personnels, agents secrets. C'est très humano-centrique. Une rare exception est Xi, le dirigeant de l'Autorité commerciale, qui est un mechalus. La station a son IA, MINA, qui utilise une personnalité féminine et qui a gardé certains traumatismes de la période où la station avait été abandonnée à la fin de la Seconde Guerre galactique (elle refuse toute déconnexion pendant les Starfalls). 

Kyle Wakefield est l'administrateur de la station mais le pouvoir politique doit être partagé avec Michael Thayne, le Consul du Concordat qui est aussi un leader de la faction qui défend un engagement prioritaire dans la Bordure. Kevin Ochoa est l'Ingénieur en chef et le Capitaine Adam Wisztec est le chef de la section de la Force stellaire. 

Le comité d'Intégration de la Bordure est en ce moment dirigé par une déléguée VoidCorp (qui ne s'entend pas du tout avec l'ambassadeur de VoidCorp dans la station), une Rigunmor connue pour sa corruption, une philosophe spécialiste d'éthique de Borealis et un sénateur ambitieux de la Ligue d'Orion. La station est pleine d'ambassadeurs (et espions) de toutes les forces possible. L'évêque Tassina est la chef de l'Eglise orlamiste qui dirige le quartier du Temple. 

Le Phare a 4 parties principales (en allant de haut en bas) : la Cité du Temple orlamiste (les "Ponts 195 à 200", 300 m), les docks (200 m), "l'épine dorsale" (650 m) et la salle des machines (240 m). La Cité a sa propre université (borealis) et d'autres institutions (4 hôtels, un stade...) qui rappelle que c'est une véritable ville, pas seulement un vaisseau. La population totale est autour de 50 000 personnes (avec des variations de tous les voyageurs en transit, p. 9-10). 

Le supplément Lighthouse se termine par trois petites aventures reliées en 2501, Opening OffersFirst Run et No Peace among Men. Bizarrement, ce ne sont pas vraiment des aventures sur le Phare mais qui utilise le Phare comme arrière-fond. 

Le Phare vient visiter le système Mikoa, pas très loin du centre de la Bordure à Aegis. Bien que placé si proche du centre (et je ne comprends pas bien pourquoi placer un système mystérieux dans cette localisation), Mikoa n'a pas paru très intéressante en dehors de quelques minerai. Mais en visitant la petite colonie de Mikoa A, les PJ vont être envoyés pour explorer l'étoile Mikoa B. 

Je ne veux pas gâcher le scénario mais il y a quelques surprises que je trouve assez amusantes (à condition, bien sûr, d'accepter le côté soft science et Star Trek, qui est la donnée initiale dès qu'on admet des pouvoirs Psi). Une bonne idée est de créer quelques dilemmes pour les explorateurs ou des marchands. Le jeu de rôle est un jeu sur les choix et le dilemme est donc un élément central de toute bonne aventure. 

Mikoa n'apparaît pas dans la liste officielle des distances (Star Compendium p. 12-13) mais dans la carte (p. 14). Les autres systèmes ont bien reçu leurs coordonnées dans ce Star Compendium mais pas Mikoa. A vue de nez (j'ai la flemme de mesurer plus précisément), d'après la carte, Mikoa doit être à peu près (+6/7, +4, +1) - il n'y a que l'axe des z qui soit vraiment indiqué - soit à peu près 8 années-lumière d'Aegis (qui sert de point origine de la Bordure 0,0,0). 

Globalement, c'est un bon supplément, notamment l'impression de complexité de ce milieu urbain sur un kilomètre de haut. En revanche, je trouve dommage qu'il n'y ait pas beaucoup de PNJ "avec des secrets" (à part 2-3 espions ou personnels corrompus). Les noms des PNJ sont aussi restés très américano-centriques. 

L'absence quasi-totale d'Aliens à part un mechalus (dont le secret est qu'il est... complètement intègre et sympa) me fait me demander si David Eckelberry ne voulait pas un cadre de jeu assez humano-centrique - ce qui serait curieux s'il a ensuite travaillé pour Star Wars

De ce point de vue des intrigues politiques entre humains, j'ai l'impression que The Lighthouse penche plus vers Outland (ou, pour utiliser une source plus récente, The Expanse) que vers Babylon 5. Cela peut donner une tension avec un supplément comme Alien Compendium où on a l'impression qu'une quantité importante des systèmes explorés cache une espèce intelligente exotique. 

mardi 11 novembre 2025

[Star*Drive] Black Starfall & Red Starrise

Black Starfall (1998, 20 pages), par Rich Baker fut l'une des premières aventures publiées pour l'univers de Star*Drive et c'est clairement un petit scénario d'introduction qui n'a pas besoin de beaucoup de connaissances sur le cadre du jeu. On est en 2496, juste avant le "présent" annoncé dans le supplément et on est pour une fois non pas encore dans la zone de la Bordure (The Verge), qui n'est pas encore rouverte, mais dans "l'Anneau Stellaire" du "Vieil Espace", dans la zone du Concordat (Taurus). Si on veut garder ce nom de la constellation "Taurus" (Star*Drive n'a pas la carte réaliste d'Universe ou de 2300AD), on pourrait décider qu'on est dans la direction de "Tiānguān" (天關, "Porte du Ciel" en chinois), autre nom chinois de Zeta Tauri à 440 a.l. de la Terre (même si on parle d'une distance encore plus lointaine, dans les 700 a.l. par rapport à Sol - même les vaisseaux les plus rapides mettraient plus de 3 mois de voyage, Betelgeuse d'Orion était estimée à cette distance mais les calculs plus récents la placent à moins de 500 a.l.). 

Pour être plus précis, on est dans le système de "Kendai 兼題 ", sur la station relai de "stardrive comm" (communication hyperspatiale) dans un Lagrangien de la planète Gobi 戈壁. La station est une sphère de 40 mètres de diamètres et elle fait 6 étages. Elle va enfin être reconstruite et réactivée pour reprendre le contact avec la Bordure, un siècle après avoir été endommagée dans les Guerres entre les nations galactiques. Le Concordat est impatient de finir ces réparations et il est sans doute mieux que les PJ travaillent pour le Concordat plutôt que pour l'une des Megacorporations (même si cela peut être aussi drôle qu'un des PJ soit liée à une des entités politiques qui pourraient se faire accuser dans cette affaire). Sans divulgâcher, vous devinez que les PJ vont devoir découvrir qui pourrait avoir intérêt à saboter ce moyen de communication si historique qui va rouvrir la voie vers les Humains exilés à 300 années-lumière. 

Ce scénario est conçu comme stressant : les PJ commencent dans la station in medias res, alors qu'ils flottent dans la microgravité et dans l'obscurité et que commence une course contre la montre pour la sauver d'un sabotage informatique. Il me paraît assez important d'avoir (en plus des habituels militaires ou à la rigueur des espions) au moins un PJ qui soit un bon ingénieur et/ou informaticien pour analyser la situation. En revanche, je ne vois pas trop ce que peuvent faire des PJ pilotes (tout se passe dans la station), marchands ou diplomates comme il n'y aura pas tellement de négociations. Si on veut que tous les PJ s'amusent, il faudrait donc soit les créer dans ce but, soit réécrire les scènes pour donner une place aux autres compétences. Je suppose que les pouvoirs Psi changeraient aussi des choses.  

S'ils réussissent, ils se sont fait des ennemis d'une Megacorporation mais assistent à une date fondamentale, le début du grand retour vers la Bordure. C'est donc un cas exemplaire de début de campagne : les PJ ouvrent littéralement la porte vers le monde de l'aventure et vont redécouvrir comment la Bordure a pu changer en 125 ans. Il y a une station équivalente de l'autre côté, Nova Station dans le système Tendril et il y a aussi des forces internes à la Bordure qui peuvent tenter de détruire l'homologue de la station de Kendai (voir Threats from Beyond, chapitre 1). 

L'aventure peut évoquer un peu Action on Akaisha Outstation (1985), une des premières aventures pour SpaceMaster qui se passait aussi sur une station (mais hors de tout système stellaire). Les stations jouent souvent le rôle des villes ou des donjons dans les jeux de rôle de science-fiction.  

Une note sur le titre : "Starfall" (chute stellaire) veut dire "saut dans le drivespace" dans le jargon de Star*Drive, et il n'y a aucun saut dans le noir puisque c'est la station spatiale qui tombe dans le noir. Un vaisseau de taille normale fait des sauts de 10 a.l. en 5 jours (+ 5 jours de pause). Un "Starrise" est donc une sortie hors du drivespace. On "tombe" des étoiles ou on "remonte vers les étoiles". 

 

Red Starrise (20 pages) du même Rich Baker est indiquée comme une suite de l'aventure précédente, vers 2497, mais c'est si loin dans la Bordure qu'il me semblerait un peu curieux de passer directement de l'aventure précédente à celle-ci sans au moins une aventure intermédiaire sur Bluefall/Aegis et d'autres mondes. 

Le déclencheur est que la station a reçu un vieil appel à l'aide (lancé en 2489 !), qui vient de la colonie de Silver Bell sur Spes/Hammer's Star. Spes était une colonie de la République Borealis (les intellectuels utopistes) et son message est donc adressé en priorité à cette République ou à ses alliés (Insight, Orion, Orlamu). Le Concordat vient d'envoyer un grand vaisseau, le Monitor (qui fait des starfalls de 50 a.l.) pour étudier la Bordure. Après avoir visité six systèmes (Tendril, Corrivale, Lucullus, Aegis, Oberon et les mondes en guerre d'Algemron), le Monitor n'est pas allé directement vers Spes mais s'est arrêté dans le système inoccupé de Meriden (à 9,8 a.l. de Hammer's Fall). Le  Monitor envoie un plus petit vaisseau, le Concord StarShip Shrike ("pie-grièche"), de classe Moineau qui fait des starfalls de 10 a.l. Le Shrike est un vaisseau éclaireur qui n'a besoin que d'un équipage de 4-5 personnes (on peut décider qu'il n'y a que des PJ, mais le scénario propose de mettre un ambassadeur borealin) et le Monitor attendra le rapport à Meriden avant de sauter à son tour vers Hammer's Star. 

Les PJ devraient recevoir la carte du supplément Star*Drive Campaign Setting p. 88 et pas encore la version plus détaillée dans le Star Compendium. Hammer's Star est à 88 a.l. en ligne droite depuis Tendril. Si on veut s'arrêter dans des mondes développés, le chemin le plus rapide et sans trop de longs sauts doit être Tendril-Ignatius (26 a.l.) - Ignatius-Lucullus (24,5) - Lucullus-Hammer's Star (32). Aegis est à 20 a.l. de Lucullus et à 43 a.l. de Hammer's Star. Le système habité le plus proche de Hammer's Star est Argos (31 a.l.). 


 

Spes n'est plus habitée depuis le massacre de 2489 mais les PJ pourront trouver un pillard venu d'Oberon qui dépouille les ruines et avec qui on peut avoir un peu de roleplay. L'aventure a une atmosphère de mystère qui peut être intrigante. 

Hélas, la révélation finale sur l'ennemi qui a détruit la colonie ne me paraît pas très amusante et ce serait sans doute un point important à modifier si on ne veut pas à nouveau de simples combats contre un Xénomorphe agressif avec lequel il n'y a aucune interaction possible autre que l'extermination. Cela me fait préférer le suspense de Black Starfall à celui de Red Starrise une fois que l'ennemi est révélé. 

Une option est que le système peut être dangereux et qu'on peut tester les règles de combat spatial, contrairement à l'aventure précédente. 

L'aventure se termine en disant que l'étape suivante sera le Star*Drive Campaign Setting.  

lundi 10 novembre 2025

De quoi The Power Fantasy est-il la métaphore ?

 


The Power Fantasy (Image Comics) est un comic book par les deux créateurs britanniques Kieron Gillen et Caspaar Wijngaard. On peut le résumer comme Watchmen mais si toute l'équipe avait un niveau de pouvoirs de Dr Manhattan et si tout le monde était suspendu à l'équilibre de la terreur entre les individus qui auraient tous la capacité de causer une destruction de masse. Une différence centrale est qu'aucun n'est aussi détaché du monde et de ses passions que Dr Manhhattan, pas même l'intellectuel Etienne. 

Gillen a dit qu'il ne voyait pas cela comme du genre du superhéros puisque c'est une pièce de théâtre très dialoguée, les personnages passent leur temps à discuter de la violence qu'ils ne veulent pas entreprendre. Mais comme il aime se contredire, il a aussi reconnu qu'en un sens il y avait aussi quelque chose de typiquement et finalement très traditionnellement superhéros dans la réflexion sur la puissance et la responsabilité. Le pouvoir est un fantasme car on sait que l'omnipotence resterait un fantasme dès qu'il y aurait un monde de rapports de forces. 

Et on pourrait même faire des analogies simplement avec les X-Men comme il dit que l'histoire est sortie d'Immortal X-Men : Etienne Lux comme une sorte de Professeur Charles Xavier et Heavy comme une sorte de chef révolutionnaire Magneto (voir les évolutions politiques chez Hickman) car Etienne veut sauver l'Humanité alors que Heavy veut préserver les Atomics. La Pyramide de Magus serait plus difficile à classer, peut-être le cynisme d'Emma Frost ou de Mystique  ?

Alan Moore a parfois dit qu'il voyait les Américains comme ce peuple qui a mis a distance le monde pour mieux le bombarder et Dr Manhattan représentait en partie ce mélange de bonne conscience et de froide inhumanité, de Hiroshima au Vietnam ou à l'Irak. Gillen avait déjà fait un autre comic chez Dynamite sur Ozymandias avec le même Caspaar Wijngaard, Peter Cannon: Thunderbolt (2019), où un Peter Cannon très bodhisattva fait face à son homologue d'une autre dimension qui correspond à certains aspects de la mégalomanie d'Ozymandias de Moore. Et comme cet Ozymandias, Power Fantasy est une réflexion politique sur l'utilitarisme, sur les oeufs qu'on aurait le droit ou le devoir de casser pour faire l'omelette optimale.  

Voici la liste des Six "Atomics", le six Superpuissances. Officiellement, ils sont presque tous des sortes de mutants issus des radiations de la Bombe atomique même s'il semble bien y avoir aussi des explications plus mystiques. 

Santa Valentina : brésilienne, avatar d'une force étrange qui croit être une Ange descendue du Paradis. Elle semble être une sorte de Superwoman et est peut-être la plus proche d'une superhéroïne traditionnelle. Très mélomane comme Kieron Gillen (l'auteur de Phonogram, sur des magiciens qui fondent leur pouvoir sur la musique). 

Etienne Lux : français, télépathie, télékinésie, contrôle psychique. Il est un "omnipathe" capable de se relier aux esprits de quasiment toute l'humanité. C'est un intellectuel froid et obsédé par la réflexion éthique utilitariste qui semble se demander sincèrement comment utiliser au mieux son pouvoir. Il a prévu de nombreuses possibilités de protection, comme par exemple de déclencher automatiquement un massacre s'il est tué par surprise. Il peut être considéré à la fois comme le héros de l'histoire (parce qu'il manipule les autres pour des fins qu'il croit bonnes) et le méchant (pour les mêmes raisons). 


 

Raymond "Heavy" Harris : hippie américain, hédoniste et défoncé, contrôle de la Gravité. A fondé "la Famille", un groupe isolé du monde (et même d'Etienne) qui protège aussi son fils, qui a des pouvoirs de pyrokinèse ("Kid Ignition"). On dit souvent que Charles Manson avait représenté l'échec sanglant des idéaux hippies des années 60 et Heavy est une version nettement moins psychopathe de Charles Manson qui voudrait préserver le "Summer of Love". 

Jacky Magus, punk anarchiste britannique, magicien, créateur d'artefacts et d'un vaste culte, la Pyramide, qui fonctionne comme un schème pyramidal. Les premiers fidèles en tirent des pouvoirs croissants mais en réalité c'est la base des fidèles qui fournit ses pouvoirs à Jacky Magus. Il a fabriqué des masques pour résister à la télépathie et au contrôle d'Etienne. Il paraît être un Crowley opportuniste ou un Grant Morrison, mais croit être un vrai héros qui doit délivrer l'Humanité des manipulations d'Etienne. Son casque à la Daft Punk fait aussi penser au Woden de The Wicked + The Divine

Eliza Hellbound  : chrétienne, ancienne punk fidèle de la Pyramide de Magus. Elle serait en quelque sorte l'inverse de Valentina. Elle croit avoir tiré ses pouvoirs d'un jour où elle aurait choisi de sacrifier son âme et de devenir une "démone" pour sauver le monde. On ignore à quel point elle se trompe dans son interprétation religieuse et dans l'Enfer de son sentiment de culpabilité (qui est peut-être aussi en partie manipulé par Etienne). 

Morishita "DeconstructaMasumi : japonaise. C'est la plus jeune des Atomics et l'une des moins stable. C'est une artiste plasticienne narcissique et neuroatypique et tout le monde craint donc de la vexer car elle pourrait tout détruire dans une crise de spleen. Elle serait indirectement manipulée psychiquement par Etienne pour éviter cela. Ses oeuvres sont qualifiées de "médiocres" mais font l'objet d'un très bon accueil d'un public apeuré et hypnotisé.

Chronologie

Un autre point commun avec Watchmen est la narration non-linéaire qui joue sur un uchronie entre 1945 et 1999. Les Atomics apparaissent dans les années 1950-1960 et leur identité devient vite publique. Le monde entier sait qu'ils existent, les vénèrent en les redoutant. Cette chronologie des révélations est faite dès le n°3. 

1945 Première bombe le 16 juillet (3 semaines avant Hiroshima et Nagasaki). Naissance de Valentina, qui est aussitôt d'une intelligence adulte. 

1953 Etienne est dans le coma après l'accident mortel de ses parents.  

1957 Valentina apparaît au public quand elle affronte un criminel, "le Diable", avec l'aide d'Etienne. Elle rencontre Etienne pour la première fois. 

1962 Valentina met fin à la Crise des Missiles en détruisant les arsenaux à Cuba mais aussi en Turquie. 

1966 Etienne explique à Valentina son plan pour sauver l'Humanité. Il révèle son identité au public en même temps que Heavy. 

1967 Naissance de Masumi.  

1969 Nixon tente en vain d'assassiner Valentina avec une bombe atomique au Festival de Musique du Nouveau Mexique. Quelqu'un tente d'assassiner Heavy pendant une manifestation pacifiste. 

1971 Apparition du Major (l'Atomic du gouvernement US), qui va faire durer les massacres au Vietnam (comme Manhattan et le Comédien dans Watchmen) et de Jacky Magus, qui crée son culte, la Pyramide. 

1981 Magus découvre que le Major n'est pas un vrai SuperPouvoir majeur et qu'il peut donc être tué sans danger. Heavy tue aussitôt le Major. 

1982 Masumi déclenche un Kaiju par son pouvoir et a failli détruire Tokyo. 

1983 Heavy fonde "Haven", un refuge pour sa Famille où il s'enferme. 

1989 Second Summer of Love : une créature extra-dimensionnelle (la "Reine") commence par faire régner une sorte de béatitude collective avant de se mettre à détruire la réalité. Jacky Magus doit sacrifier quasiment tous les membres de sa Pyramide pour ralentir la destruction. Pendant le combat pour la vaincre, toute l'Europe occidentale est détruite et l'URSS s'écroule comme dans notre monde. Isabella, l'Italienne normale qui va devenir l'amante de Masumi survit parce qu'elle vivait au Japon. 

 


1999 Le Président US tente encore une fois vainement d'assassiner Heavy. Lux tue le Président pour empêcher une vengeance plus radicale du Hippie. Jacky Magus commence un plan contre Etienne avec le soutien d'Eliza Hellbound et du gouvernement américain.