dimanche 9 mars 2008

La Commune fractionnelle du XXe



Même pour moi qui suis plutôt politisé, il est en fait assez difficile de suivre les secrets de la politique municipale de mon arrondissement, le XXe (arrondissement qui comprend la Butte de Belleville, le Village de Ménilmontant, le quartier de Saint-Fargeau et le Cimetière du Père Lachaise). Peut-être devrais-je lire un quotidien plus local, comme le Parisien ?

Il y a eu assez de rebondissements pour que je me permette de vous ennuyer avec la politique locale. Le drame ne vaut certes pas Neuilly, mais c'est quand même assez rocambolesque. On peut distinguer au moins Trois Actes, de l'ancien maire Didier Bariani au maire sortant Michel Charzat puis l'arrivée des femmes avec George Paul-Langevin, Sophia Chikirou et Frédérique Calendra.

  • Acte I Bariani contre Charzat

    Didier Bariani (né en 1943), membre du Parti radical valoisien (et donc franc-maçon) et de l'UDF, est maire du XXe pendant 12 ans, de 1983 à 1995, à l'époque où tous les arrondissements de Paris sont tous à droite et où le XXe est le seul où la gauche a une chance de gagner. Bariani est donc le plus centriste de tous les maires parisiens à l'époque, mais il est aussi un ami de Jacques Chirac et est Secrétaire d'État auprès du Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Chirac de 1986-1988.

    Son opposant principal au Conseil municipal, le député de la circonscription Michel Charzat (né en 1942) est un économiste proche de Jean-Pierre Chevénement, qui rejoindra ensuite l'écurie de Laurent Fabius. Charzat finit par gagner la mairie du XXe en 1995 en même temps qu'un siège au Sénat.

  • Acte II Pau-Langevin contre Chikirou

    En 1998-2000, le gouvernement Jospin fait passer la loi sur la parité. Le PS décide que la circonscription du XXe, qui est devenue son fief le plus sûr à Paris, doit désormais être réservée à une femme. Charzat refuse de laisser son mandat et est réélu député en 1999, maire en 2001. Cette fois, le PS gagne les munipales à Paris et Bertrand Delanoë devient maire de la ville.

    En 2006, le PS de François Hollande annonce que cette fois la circonscription sera réservée à une femme. Charzat présente alors son assistante parlementaire, la jeune Sophia Chikirou (née en 1979), d'origine kabyle mais qui a publié un ouvrage contre la discrimination positive, Ma France laïque : Pour en finir avec le communautarisme, 2007.

    Bertrand Delanoë propose alors contre Chikirou une avocate du MRAP George Paul-Langevin (née en 1948 en Guadeloupe). Delanoë suggère qu'une élue d'origine antillaise serait plus profitable que la jeune fabiusienne d'origine berbère et qu'il faut plus d'élus d'Outre-Mer à Paris.

    Le camp de Charzat-Chikirou demande alors un vote des militants du XXe mais le PS investit Pau-Langevin comme sa candidate officielle sans vote. Ce sont alors les Primaires des Présidentielles. Chikirou devient une porte-parole de Laurent Fabius et le sénateur ségoliste David Assouline soutient Pau-Langevin.

    Quand Ségolène Royal annonce pendant les Présidentielles qu'elle est prête à l'alliance avec le Mouvement démocrate de François Bayrou, Charzat s'insurge. En effet, Didier Bariani n'a pas rejoint l'UMP et est resté fidèle à l'UDF-MoDeM de Bayrou. Une alliance PS-MoDem impliquerait donc que le PS du XXe devrait s'allier à l'ancien maire concurrent de Charzat ! Charzat envoye un communiqué dénonçant Royal et le retour de Bariani.

    Charzat évince alors son assitante parlementaire Chikirou (qui, il est vrai, avait dit qu'elle était contre la parité et la discrimination positive), en se présentant aux législatives de 2007 comme dissident, et en prenant Chikirou comme sa suppléante. George Pau-Langevin est élue députée.



  • Acte III Le N'importe quoi généralisé

    Charzat a désormais des problèmes avec Delanoë, qui présente comme candidate officielle pour les munipales sa porte-parole Frédérique Calendra, une strauss-kahnienne. Calendra se dispute avec le sénateur ségoliste David Assouline (qui voulait se présenter contre Charzat) et refuse de le prendre sur sa liste. Le Parti va l'imposer comme numéro 2.

    Le maire sortant Michel Charzat est exclu du PS et se présente contre Calendra. Il se présente comme le vrai candidat de gauche (sans doute opposé à toute alliance avec le MoDem de Didier Bariani). Mais Calendra a une liste d'Union de la gauche avec le soutien du PCF et Charzat ne peut donc pas tenir ce rôle.

    Sophia Chikirou, qui était fabiusienne, décide alors de quitter le PS et de rejoindre la "Gauche moderne", le groupuscule des Traîtres sarkozystes fondé par Bockel. Elle espère alors être investie comme candidate d'ouverture par l'UMP et la majorité présidentielle. On admire le parcours de celle qui se disait contre la discrimination positive et pour la laïcité et qui finit sarkozyste...

    L'UMP décide alors de présenter dans le fief ingagnable un brillant avocat international d'origine antillaise, Jean-Claude Beaujour. Chikirou n'a pas eu son plat de lentilles et se retrouve battue de la même manière qu'elle l'avait été au PS.

    L'UMP se fractionne alors aussi, et l'ancien secrétaire de la section locale UMP, Delamare, se présente comme le candidat "Majorité présidentielle" contre Jean-Claude Beaujour (qui n'a pas caché qu'il avait demandé à Panafieu une autre circonscription plus accessible que le XXe, comme le XIe).


  • J'ai longtemps hésité entre un certain loyalisme de Parti (je n'ai rien a priori contre Calendra) et un agacement envers toutes ces pratiques. Il y avait aussi le vote pour les Verts de Denis Baupin - même si cela aurait surtout servi à protester contre Delanoë, qui s'attribue les idées des Verts quand elles sont populaires et leur rejette tout ce qui marche mal. Finalement, me disant que l'arrondissement n'est pas en danger et que je pouvais me défouler, j'ai voté pour Charzat, alors que j'étais anti-fabiusien jusqu'aux législatives de 2007 où je suis converti à l'anti-royalisme primaire. Calendra devrait gagner facilement mais elle devra peut-être tenir compte entre les deux tours du score des exclus fabiusiens ? Je suis heureux des résultats de la Parité, mais je continue à penser qu'il aurait été préférable d'user un autre moyen pour atteindre cette fin - encore qu'une simple amende n'est pas une contrainte excessive.

    EDIT :

    Les résultats officiels confirment que c'est vraiment un fief de gauche. Les deux premiers sont la candidate officielle du PS Calendra (38%) et le maire sortant dissident Charzat (16%). On aura donc un deuxième tour (avec sans doute une très forte abstention) entre PS officiel et PS dissident (le second tour n'aurait pas eu lieu du tout, comme dans le XIe, s'il n'y avait eu la division). Si on ajoute les 9,47% des Verts, la majorité "plurielle" aurait donc 63% des voix (plus 8% pour l'extrême gauche).

    Beaujour, le candidat officiel parachuté de l'UMP, n'avait aucune chance: il finit 6e avec 7,24%, derrière les Verts, le secrétaire de la section local dissident et le MoDem (l'ancien maire Bariani). La droite sarkozyste de Delamare + Beaujour ne pèse que 16,5% (je ne sais pas où placer le MoDem comme ça varie selon les latitudes).

    Il y a eu 46,02% d'abstention (57 213 votants), ce qui est élevé (mais moins que dans le XIXe ou surtout le XVIe où l'abstention a dépassé les 50%).

    Dans l'ordre, voilà les résultats :

    Mme Frédérique CALANDRA (PS) 21568 38,32%
    M. Michel CHARZAT (DVG) 9022 16,03%
    M. Denis BAUPIN (Verts) 5329 9,47%
    M. Raoul DELAMARE (DVD) 5231 9,29%
    M. Didier BARIANI (MoDem) 4114 7,31%
    M. Jean-Claude BEAUJOUR (UMP) 4076 7,24%

    Mme Pénélope DUGGAN (LCR) 2767 4,92%
    M. Tanguy DESHAYES (FN) 2033 3,61%
    Mme MARRUCHELLI (Alternatifs) 1229 2,18%
    Mme Laurence BOULINIER (LO) 486 0,86%
    M. Benny MALAPA (PT) 294 0,52%
    M. Jean-Marie BADROS (SE) 136 0,24%


    Dans le reste de Paris, il n'y a pas grand changement à part que la Majorité municipale gagne plus facilement.

    Aucun arrondissement ne semble basculer, même si le 1er et le 5e seront un peu justes pour la droite (mais j'ai l'impression que Tibéri emportera son 4e mandat de maire du Ve - il a déjà gagné dix fois la circonscription législative).

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