Rappar avait fait justement remarquer que Badinguet n'avait pas vraiment voulu insulter Zapatero en disant "Il n'est peut-être "pas intelligent" mais lui au moins il gagne les élections". L'expression était une reprise de l'interlocuteur (c'est d'ailleurs un peu vrai aussi pour le célèbre passage sur la racaille, si je me souviens bien).
C'est donc ironique que les sbires de Badinguet feignent maintenant de s'indigner quand François Hollande dit "Badinguet va dire au Français "Je suis peut-être "un sale mec" mais moi au moins je peux vous protéger"".
Une des règles principales de notre communication si apauvrie est qu'un homme politique doit éviter tout style indirect où une proposition reprend un énoncé d'un autre. Une autre règle doit être d'éviter tout conditionnel irréel ("Quand bien même j'avais vraiment dit cela...") où on risque de croire que vous affirmez l'hypothèse.
On n'est certes pas encore au niveau de malhonnêteté de la publicité négative de Mitt Romney où ils attribuaient à Obama une phrase qu'Obama avait prononcée au style indirect en 2008. Dans le contexte d'origine, Obama feignait de faire parler John McCain en disant : "Si nous continuons à parler d'économie, nous allons perdre".
Dans les propos les plus insultants des temps récents, Badinguet s'est surpassé quand il a osé dire à Bruxelles il y a 15 jours à la brillante Premier Ministre danoise (qui prend la présidence de l'Union) qu'il n'avait pas à l'écouter :
Mr Sarkozy was characteristically blunt. “David, we will not pay you to save the euro,” he said, according to one account.
He went on to rebuke Helle Thorning-Schmidt, the freshly elected Danish prime minister, for the temerity to speak up for a deal at 27. “You're an out, a small out, and you're new. We don't want to hear from you,” Mr Sarkozy said.
Je ne sais ce qui est le plus navrant : la phrase méprisante et stupide ou le style tel qu'il a été retranscrit par un témoin ( "vous êtes un Out"). Badinguet est toujours à son pire niveau face à une femme qu'il croit pouvoir rabaisser en toute impunité.
Le Danemark est certes resté à l'extérieur de l'Euro mais la sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt, qui vient de gagner les élections (et qui a des problèmes intérieurs), était plutôt favorable au lien entre la Couronne danoise et l'Euro. Certes, sur le fond, la proposition de Thorning-Schmidt de continuer à chercher un accord à 27 était peut-être irréaliste (surtout au moment où David Cameron faisait monter les enchères).
Le ton ignoble de ce sinistre individu qui semble si conforme aux pires clichés sur l'arrogance de notre nation a dû renforcer l'europhobie danoise et rappeler que la démocratie européenne serait piétinée par le couple franco-allemand.
On fait parfois l'éloge de son "énergie".
Mais ce genre de goujaterie n'a rien de la dignité qu'on attend d'une personne qui doit négocier un accord avec nos partenaires de l'Union européenne.
3 commentaires:
Je le dis une fois pour toutes, mais malheureusement cela ne sera pas suivi d'effet parce que c'est un mot clé du thème ;), mais traiter Sarkozy de "Badinguet" me navre à chaque fois. :'(
Napoléon III, à part sa funeste politique étrangère, fut un grand homme d'état, ami du grand capital comme moteur de développement, mais soucieux de la condition ouvrière, au point de se qualifier de "socialiste".
Sur les mots durs employés entre chefs d’États, mettons nous à leur place, après un énième marathon sur l'Euro, qui se finissent vers 2, 3 heures du matin. Ils sont fatigués, à bout, comme des forumistes rôlistes ils se sont répétés les mêmes arguments encore et encore, et ils ont envie d'en finir et de mettre les points sur les i. D'où perte de patience envers ceux qui prônent un accord impossible à l'unanimité (aspect pratique), tout en étant peu concernés, et donnant l'impression d'observer, goguenards, les tiraillements et l'effondrement de la zone euro (aspect énervant, humiliant, et perte de prestige).
Important, ça, le prestige, quand on est un ambitieux fils d'immigré.
J'en rajoute une couche (en essayant de ne pas abuser), mais quel est l'intérêt - philosophique et non voyeur, s'entend - d'apprendre comment les chefs d'Etat se sont foutus sur la gueule en négociation?
Quand j'étais admin d'assoces de JdR, on a eu des engueulades et des mots d'oiseaux qui volaient ("traître", p.ex), mais après le vote des décisions, ite missa est; on remballe ses rancoeurs et on passe à autre chose. Finalement seules les décisions finales comptent.
Je préfère aussi les comptes-rendus, par exemple de Comité d'Entreprise (ou, dans une moindre mesure, ceux de l'Assemblée Nationale), où les désaccords sont bien rapportés, mais dans un style plus urbain. "Untel fait remarquer que... - Chose marque sa désapprobation". C'est le meilleur compromis entre l'exhaustivité, la remise en forme, et le passage du fond devant la forme.
Pour en revenir aux "retranscriptions"; même au mot près, elle ne traduiront pas la façon dont les mots sont prononcés. Imaginons que le Petit Nicolas ait parlé à Helle sur le ton de la fermeté courtoise, plutôt que la colère impatiente ..., ou bien comme exercice intellectuel, la variante suivante : "You're an out :), a small out ;), and you're new :P. We don't want to hear from you {:/”
Sur Napoléon III/Sarkozy : Oh, Badinguet ne renvoie pas nécessairement au vrai Napoléon III dans sa complexité mais à l'image qu'en donne Victor Hugo :
Certes, [Badinguet] s'agite, rendons-lui cette justice ; il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il se remue.
Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas! cette roue tourne à vide.
Je ne sais pas si on peut vraiment prendre au sérieux la plaisanterie où Louis le Pseudo-Neveu a dit qu'il était plus socialiste que bonapartiste (et qu'Eugénie était royaliste légitimiste).
Mais comme je disais en 2008, en un sens Napoléon III avait peut-être une conscience plus aiguë du "paupérisme" (mais après tout Sarkozy aussi a pu prétendre en avoir une).
D'un autre côté, Sarkozy n'a pas (encore) eu besoin d'un Coup d'Etat et d'envoyer ses opposants à Cayenne (même s'il y a eu un plébiscite après).
Avantage démocratique : Sarkozy, notre Berlusconi soft.
Depuis le bouquin de René Rémond Les droites en France, on associe au "Bonapartisme" français un nationalisme autoritaire mélangé avec un modernisme (les Expos universelles) et un héritage républicain et social. De Gaulle avait au moins la Participation de René Capitan qui le faisait ressembler à un bonapartisme social. Cela a disparu avec le pompidolo-chiraquisme (même si Chirac prétendait encore vers 1976 qu'il était le vrai Travailliste français).
Sarkozy n'est plus vraiment un bonapartiste en ce sens. Il y a l'autoritarisme, un peu de modernisme, mais encore plus d'adhésion aux plus grands groupes que Pompidou ou VGE. Il a ajouté de la xénophobie à tout ce programme et un peu de maurassisme religieux.
Sur les interjections de négociations
La phrase contre Thorning continue à me paraître plus déplacée que la petite phrase de Hollande.
Mais Chirac avait été plus vulgaire vers 1986 en demandant à un Sommet européen si Margaret Thatcher voulait "aussi [ses] couilles sur un plateau".
Je suis un hypocrite : La différence est que je suis partial sur tout propos contre Margaret Thatcher.
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