Nous nous levons à 5 heures du matin parce que mon fils adolescent doit partir en car pour un stage de judo avec toute son équipe en Belgique, pour ce long week-end avec le Pont de l'Ascension.
***
Le car opaque part à 6 h avec ses 50 élèves. Je vois que mon fils est resté là sur le bord, en uniforme de judo.
Nous allons prendre un petit déjeuner dehors comme il est tôt et nous ne pensons même pas à rentrer ou aller nous recoucher. Nous procrastinons longuement dans un café où les sièges sont des sortes de sphères des années 1970 remplies de coussins (un peu comme dans The Prisoner).
Il me dit qu'il est très préoccupé par l'absence d'un ami pour le stage, et se demande pourquoi cet ami a raté le car.
Puis soudain, après un temps qui semble immense, je prends conscience que c'est anormal.
"Mais pourquoi n'as-tu pas pris le car toi-même alors que nous étions à l'heure et que tu as même déposé ta valise à l'intérieur du car ?
- J'étais descendu pour jeter un trognon de pomme.
- Mais on laissé repartir le car ! Tu as raté tout ton stage de judo, Mellon ! Il est trop tard maintenant, ils sont déjà arrivés en Belgique !
- oh non.
Il fond en larmes. Je me demande comment j'ai pu ne pas en prendre conscience sur le coup et suis submergé par un sentiment de culpabilité.
Je me réveille en sursaut.
Je m'étais rendormi après l'avoir accompagné et toute l'histoire était un mélange entre le début réel (en gros le premier paragraphe de ce récit) et le fait que mon rêve avait réussi à éliminer le fait que je l'avais bien vu partir.
Comme d'habitude, toutes mes angoisses sont toujours représentées par des transports et des retards, ce décrochage effrayant entre le mouvement inexorable du monde qui continue sans le sujet et sa propre acceptation subjective de la durée. Le voyage est toujours pour moi, un peu comme le travail, un moment où on fait l'expérience de ne plus être à soi, d'être balloté en se voyant ne plus être qu'un sujet prisonnier dans un processus et où chaque étape peut rappeler qu'elle aurait pu ne pas être. L'effrayante contingence du fait d'être là à temps est comme un refus d'être "embarqué" dans ce temps.
Ce décalage où nous continuons d'agir sans remarquer l'anomalie est lié à ma peur de la démence sénile.
2 commentaires:
Continuer d'agir sans remarquer une anomalie, c'est quand même un peu un comportement caractéristique de rêves qu'on fait à tout âge. Pas de panique!
Oui, c'est en effet conforme à l'inquiétante étrangeté dans les rêves, c'est assez courant.
Je ne suis pas encore dans des oublis aussi graves mais je pense souvent à ces pères qui ont oublié leurs enfants dans la voiture en plein été. Le rêve traduit sans doute ces angoisses-là.
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