dimanche 14 septembre 2008

Consentement et codes inégaux



Des femmes britanniques "acceptent" de passer par des tribunaux d'arbitrage qui appliquent un code familial qui va les désavantager :


There are concerns that women who agree to go to tribunal courts are getting worse deals because Islamic law favours men.

Siddiqi said that in a recent inheritance dispute handled by the court in Nuneaton, the estate of a Midlands man was divided between three daughters and two sons.

The judges on the panel gave the sons twice as much as the daughters, in accordance with sharia. Had the family gone to a normal British court, the daughters would have got equal amounts.

In the six cases of domestic violence, Siddiqi said the judges ordered the husbands to take anger management classes and mentoring from community elders. There was no further punishment.

In each case, the women subsequently withdrew the complaints they had lodged with the police and the police stopped their investigations.


La question du consentement des parties à un contrat inique entérinant la domination patriarcale n'est pas toujours claire. Le même problème s'était posé dans la Province de l'Ontario avec le même concept. L'Arbitration Act de 1991 avait conduit à ce qu'on appelait un "arbitrage fondé sur la foi" (Faith-Based Arbitration). Devant l'émoi provoqué par la multiplication des arbitrages en accord avec un droit coutumier musulman, la Loi sur l'arbitrage fut corrigée en Ontario en 2006 par le "Bill 27", The Family Statute Law Amendment Act).

L'arbitrage juif existait déjà depuis des décennies et ce n'est qu'avec l'arbitrage civil musulman que la question du Multiculturalisme a été reposé et les Canadiens ont préféré abolir tout arbitrage religieux. Il reste à voir si les Britanniques et sans doute bientôt les Français feront ce choix de restreindre l'arbitrage civil et si cela peut vraiment éviter que ces méthodes d'arbitrage ne reviennent à un Droit communautaire (qui était défendu par l'Archevêque de Canterbury).

Les défenseurs de ce droit civil familial disent qu'on peut l'intégrer sans appliquer pour autant la totalité du droit religieux (que ce soit les violences du Lévitique orthodoxe, l'autorisation de l'esclavage de prisonniers de confessions différentes ou les lapidations de la Charia). Il est vrai que parler de "la" Charia en général risque de surdéterminer le débat puisqu'on ne parle que de sanctionner des commissions pour le droit familial.

Voir par exemple cette défense de l'arbitrage religieux par un avocat socialiste qui affirme que la limitation de l'arbitrage est "paternaliste" (voire colonialiste et "islamophobe").

Il est vrai que l'arbitrage religieux pourrait renaître sous une forme plus cachée. Même si on n'autorise pas de sanction légale officielle, ne fait-on pas que conserver ces codes multiples mais de manière officieuse ?

Une autre solution réclamée par des associations et des syndicats serait plutôt de remettre en cause l'arbitrage civil en général et non pas l'arbitrage religieux en particulier.

NB : Il ne faut pas confondre dans les controverses politiques canadiennes sur le multiculturalisme l'Arbitrage avec la question des Accomodements raisonnables (notion parfois étendue de manière vague dans le discours médiatique mais qui désgine des adaptations pour le droit canadien du travail, comme par exemple des employés juifs demandant à ne pas travailler le samedi). Suite à ce débat, la Commission Bouchard-Taylor de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles avait fait quelques propositions de laïcisation de la politique québecoise, par exemple retirer la croix de l'Assemblée et cesser les prières chrétiennes mais le gouvernement québecois (libéral) refusa. La Commission, contrairement à notre Commission Stasi sur la Laïcité, a recommandé de n'interdire les signes religieux ostensibles que pour les magistrats mais pas pour les élèves (ce qui pourrait encore se discuter) mais pas même pour les enseignants de la fonction publique.

EDIT : Pendant ce temps-là, pour montrer le décalage dans la jurisprudence, le magistrat suprême d'Arabie saoudite déclare qu'il est légitime de décapiter les patrons de chaînes de télévision par cable qui diffusent des images jugées indécentes de femmes trop peu habillées.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

«Il reste à voir si les Britanniques et sans doute bientôt les Français feront ce choix de restreindre l'arbitrage civil et si cela peut vraiment éviter que ces méthodes d'arbitrage ne reviennent à un Droit communautaire.»

Ce choix est déjà fait, et depuis longtemps : l'article 2060 du code civil dispose que «On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public.» Quant à une sentence arbitrale rompant l'égalité des héritiers, elle serait nulle, cette règle d'égalité étant d'ordre public. Le parquet pourrait même agir en nullité si les héritières acceptaient cet arbitrage défavorable.

Phersv a dit…

Merci ! La Common Law pourrait-elle avoir de telles garanties ou au moins des recours possibles - si on ne veut pas remettre en cause tout l'arbitrage civil ?