lundi 12 octobre 2009

Progrès et substantifique moëlle



Leibniz (qui ne partageait pas la conception étriquée de Monsieur Des Cartes sur les prétendus animaux-machines) prévoit vers 1680 une attaque pré-Luddite de l'Espèce Canine contre la Machine à Vapeur, car le nouveau Pot au feu risque de les priver :


"Qvoyqve nous ayons cedé la moëlle aux hommes pour l’amour de la paix, ce n’a esté qve pour nous conserver mieux nostre droit sur les os mêmes, qvi a esté d’autant plus affermi par cette composition.

Bon Dieu, qve la convoitise des hommes va bien loin, qvi ne se contentant pas de manger qvelqvesfois tout ce qu’ils ont, n’ont pas honte de nous vouloir ravir nostre portion. Mais cette gourmandise pourroist estre punie severement par les Dieux tutelaires de nostre espece, et le grand Sirius, ou chien celeste, qvi a merité place parmy les astres, plaidera sans doute nostre cause devant Iupiter, si les hommes refusent de nous faire droit. Mais Sirius luy même nous pourra vanger de l’injustice des hommes, redoublant les chaleurs des jours caniculaires, dont il est le maistre comme vous sçaués par la grande connoissance qve vous avés de l’Astronomie.

Outre que cette nouuelle mangeaille pourra faire de mechans effects parmy les hommes, et les rendre tous cyniqves, veu qu’ils sont déjas inclinés aujourdhuy à l’impudence."


Les Chiens menacent ensuite d'une grande grève si on ne leur reconnaît pas le droit aux os dans leur dureté, comme Prométhée même l'accorda à Jupiter.

On notera que les Chats n'ont pas le même moyen de retorsion car leur grève est si ancienne qu'on les croit maintenant naturellement nonchalants.

Voir aussi cette lettre où Leibniz, décidément cynophile, assure avoir vu un Chien capable de répéter des mots français.

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