vendredi 2 janvier 2009

Tant de confusions en si peu de mots



Via alicublog, un article qui montre qu'un peu de connaissance est toujours trop peu sans jugement. L'auteur, qui se veut un penseur catholique profond (il eut 0,83% contre Giuliani aux élections municipales de New York comme candidat "Conservateur pro-vie"), enfile, en un véritable bijou d'ânerie, un record d'erreurs et de stupidités rares même dans la Blogolaxie.

(1) Il commence par faire remarquer qu'Obama s'intéresse à l'économie dite "comportementale (en gros parce qu'en plus de données comme les prix elle analyse aussi les croyances et comportements des agents, y compris au-delà de l'idéalisation d'un agent rationnel, comme D. Kahneman, le prix Nobel d'économie de 2002, qui a pu appliquer des modèles cognitifs).

(2) L'auteur lit "comportementale" et confond avec le behaviorisme radical de Skinner, qui niait que les états mentaux avaient une valeur explicative et voulait réduire toute l'analyse au comportement observable selon les renforcements de stimuli par récompenses. N'importe qui, même en se contentant de regarder l'entrée de Wikipedia, verrait que la ressemblance de terme est trompeuse.

(3) Il fait ensuite une remarque philosophique disant que le Behaviorisme est issu de Descartes parce que ce dernier a rompu avec la saine philosophie de Saint Thomas d'Aquin. Dire que le dualisme cartésien de l'Esprit et du Corps est identique à une philosophie niant les états mentaux est possible (certains Wittgensteiniens diraient que les deux extrêmes partagent des préjugés) mais cela mérite quand même des médiations dialectiques.

(4) Ensuite, il fait une remarque politique disant que (a) Obama est un gauchiste des années 70, (b) que le gauchisme des années 70 était fondé sur le Skinnerisme (ce qui surprendra presque tous les gauchistes), (c) ce qui expliquerait donc l'intérêt d'Obama pour l'économie "comportementale" (ce qui signifie sans doute que la Banque de Suède qui a donné le prix Nobel d'économie à Kahneman doit être aussi composée de gauchistes des années 70).

Sur quatre propositions, seule la première, factuelle, est donc peut-être vraie (je n'ai pas vérifié) et la troisième, trop vague, est affirmée trop brutalement. La seconde et la dernière sont de simples confusions élémentaires qui oublient qu'au contraire le behaviorisme skinnerien était en crise depuis au moins les années 50 avec la réfutation par Noam Chomsky (argument de pauvreté du stimulus) et l'essor de la psychologie cognitive (même si cette dernière a pu intégrer une partie des données des expériences behavioristes).

Toute la structure du sophisme montre comment on bondit vers une conclusion qui nous paraît plaisante de manière préétablie : l'auteur n'aime pas Skinner et Obama, donc Obama veut nous traiter comme des rats dans un labyrinthe.

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