samedi 29 août 2009

Ted Kennedy en Lord Jim



A man that is born falls into a dream
like a man who falls into the sea.
If he tries to climb out into the air
as inexperienced people endeavour
to do, he drowns.
Joseph Conrad, Lord Jim

L'écrivaine Joyce Carol Oates, qui a écrit en 1992 le roman Black Water sur l'accident de Chappaquiddick, fait une analyse nuancée de Ted Kennedy.

Edward Kennedy commença comme George W. Bush, héritier incapable et dépassé d'une dynastie qui trichait à ses examens à Harvard et avait la réputation d'être le moins doué des frères Kennedy. On disait même que rarement un homme avait aussi peu mérité son poste de Sénateur où la Dynastie l'installa. Et il y a 40 ans, le 18 juillet 1969 (un an après l'assassinat de Robert), Ted eut ce fatal accident de voiture où mourut la jeune assistante Mary Jo Kopechne, qu'il ne sauva pas et qu'il mit plusieurs heures avant de déclarer (ce qui fit soupçonner qu'il avait avant tout pensé à étouffer le drame). Depuis, les Conservateurs réduisaient le dernier Kennedy à Chappaquiddick et les Démocrates observaient un silence embarrassé sur "L'Incident".

Mais il semble bien que cette panique de 1969, si elle jeta une ombre permanente sur le Sénateur qui l'empêcha de jamais être Président, fut aussi la cause des efforts et du sérieux reconnu du Sénateur depuis les années 70. Le fils à papa trop gâté semble avoir ressenti vraiment cette culpabilité et s'être astreint une certaine pénitence, quel que soit son problème récurrent d'alcoolisme.

C'est pourquoi Oates le compare au héros de Joseph Conrad, Jim, qui souffre d'avoir failli face au danger, d'avoir abandonné le navire et qui va chercher la Rédemption en gagnant le respect des indigènes malais qu'il défend.

C'est la toute la différence entre Ted Kennedy et George W. Bush. Tous les deux sont issus d'une vie de privilège et de népotisme, tous les deux ont combattu avec l'alcool, mais le premier a transformé sa faille en une exigence de responsabilité alors que le second en tira une négligence insouciante envers les scrupules ou les moins fortunés que lui.

Et finalement, on a le paradoxe, remarqué par beaucoup comme Serwer : JFK et RFK sont des mythes surévalués parce qu'ils sont restés dans la Potentialité grâce à leur assassinat. Ils ont été préservés de la sobre et décevante prose du monde. Le moins brillant Ted ne sera jamais un tel mythe mais il dut affronter la grise minutie de la réforme législative et pendant ses 40 ans de carrière contribua à plus d'améliorations concrètes que les deux symboles tutélaires.

4 commentaires:

Hady Ba a dit…

Sur :"Mais il semble bien que cette panique de 1969 [...] fut aussi la cause des efforts et du sérieux reconnu du Sénateur depuis les années 70." C'était également mon analyse jusqu'à hier.

Ce papier du Boston Globe
semble cependant montrer que Ted avait surpris son monde dès son élection en 1962 et avait passé à la vitesse supérieure lors de son deuxième mandat. Apparemment, même avant Chappaquiddick, Ted était déja un bon Sénateur qui se préoccupait de faire avancer la cause des plus humbles et notamment des noirs du Sud.

Si cette série d'articles du Globe sur Ted est vraiment fiable, ce type est encore meilleur que je ne le croyais. Ceci dit, c'est un journal de Boston et les Kennedy sont la famille royale locale...

Fr. a dit…

Ph, tu veux pas bosser au "Monde" ? Ça m'a pris moins de 30 secondes pour trouver leur dernière erreur dans un papier sur la health care reform. Cette note est bien meilleure que les trois papiers sur TK.

Phersv a dit…

> Hady Ba
Merci pour ce long article. Oui, la Rédemption de Chappaquiddick a quelque chose de "storytelling" un peu facile (le mythe de la Rédemption qu'aime tant le cinéma : The Fall and the Rise).
Le vrai choc avait commencé dès l'assassinat de Jack en 63, avant même l'assassinat de Robert en 68. J'ignorais qu'il était déjà considéré comme un champion des droits civiques au Sénat dès 64 (en même temps, comme élu du Massachussetts, cela allait de soi).

Mais un autre contraste serait celui entre Ted et John Kerry. Kerry naquit aussi dans le privilège (les Forbes) mais il fut, contrairement à Ted ou à W, un héros dès sa jeunesse au Vietnam. Pourtant, une fois élu collègue de Ted comme Sénateur Junior du Massachussetts, il eut un bilan législatif bien moindre et sembla se laisser guider par son mentor et un peu se reposer sur les lauriers de sa jeunesse.

> Fr.
Là en l'occurrence, c'est Joyce Carol Oates que je ne fais que plagier.
Tu l'as publié, l'erreur du Monde ?

Fr. a dit…

Non, je signale les plus évidentes dans les commentaires de l'article, mais la moitié saute probablement au moment de la validation du commentaire.

"Le Monde" produit des plagiats bien inférieurs, généralement basés sur cette séquence :

1- copier-coller la dépêche AFP
2- rajouter des fautes d'orthographe
3- rajouter 3 liens vers le NYT sans trop se fouler
4- rajouter un autre lien sélectionné au hasard
5- rajouter deux phrases d'analyse contradictoires
7- rajouter encore des fautes d'orthographe
6- publier