vendredi 21 août 2009

La consolation satirique



L'orateur gréco-syrien du IIe siècle Lucien de Samosate inverse dans son discours Sur le Deuil le genre de la Consolation, en faisant revenir un jeune Défunt prématuré qui insulte les vivants, d'une manière pessimiste, voire hégésiaque, mais pourtant peut-être plus lucide que certaines lettres épicuriennes ou stoïciennes (§§16-18).
Je déconseillerais pourtant de le lire à un enterrement.


"Insensé ! quels sont les biens que cette vie procure et dont tu crois que je ne jouirai pas ? Les parties de plaisir, les festins, le luxe des vêtements, les amours ! Tu crains apparemment que la privation de tout cela ne me rende misérable. Eh ! ne sais-tu pas qu'il vaut mieux ne point avoir soif que de boire, ne point avoir faim que de manger, ne point avoir froid que de posséder une grande quantité de vêtements ?

"Allons, puisque tu ne sais pas, à ce qu'il paraît, comment pleurer les morts, je vais t'apprendre la vraie manière. Recommence et crie de nouveau :
" Mon pauvre enfant, tu n'auras plus soif, tu n'auras plus faim, tu n'auras plus froid ; tu es perdu, perdu pour moi, infortuné ; tu as échappé aux maladies, tu n'as plus peur de la fièvre, des ennemis, des tyrans. L'amour ne te causera plus de chagrins, et le commerce des femmes ne t'épuisera plus, et tu ne te livreras plus à la débauche deux ou trois fois par jour : le grand malheur ! Enfin tu ne deviendras pas un vieillard que chacun méprise et dont la présence est insupportable aux jeunes gens."

(...)

"Avouons-le par Tisiphone ! il y a longtemps que vos paroles et vos actions m'auraient fait pousser un immense éclat de rire sans le linge et les bandelettes de laine dont vous m'avez tout embéguiné les mâchoires."

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