J'ai négligé les compte-rendus depuis deux mois. J'ai donc abandonné l'idée de rattraper le retard et je vais me concentrer sur quelques comics récents au lieu de les survoler tous.
L'actualité chez DC est surtout la crise chez DC. Final Crisis, dont les ventes ont été décevantes, serait retardé parce que l'éditeur en chef Dan DiDio serait en désaccord avec la conclusion par Grant Morrison. Jim Shooter, le scénariste légendaire de la Légion des superhéros, s'explique avec une franchise brutale sur son renvoi. Plusieurs facteurs s'enchaînent : (1) DC Comics est toujours en procès sur le statut de Superboy (qui appartient à la famille Siegel et pas à DC), ce qui a compliqué les plans de Shooter (qui voulait introduire un nouveau "Superlad" pour tenter de détourner le copyright), (2) le second reboot de 2004 ne me semble pas avoir rendu la Légion plus intéressante dans sa lutte perpétuelle contre l'administration de la Fédération.
Marvel domine toujours largement le marché du superhéros et l'Invasion Skrull se termine enfin, en donnant au moins un bon comic.
- Booster Gold #14
Ce titre est fondé sur les voyages dans le temps et on peut se demander si ce concept peut permettre une série continue sans trop de répétition d'une même formule simple : le passé est changé, on voit les effets Papillon d'un changement (ce qui est un prétexte pour montrer une version alternative des personnages habituels) et Booster Gold voyage dans le passé pour restaurer la normale. Là où cela se complique est l'arbitraire de la mutabilité : certains événements ont été déclarés "critiques" et immuables mais parfois Booster Gold s'en tire sans trop de problème, ce qui est complètement ad hoc selon ce que veut le scénariste.
Ici, le parasite Starro a utilisé le voyage dans le temps pour infecter toute l'humanité et il suffit donc à Booster Gold de remonter au moment où Starro avait commencé. Un détail est que le nouveau scénariste est Remender, qui vient de conclure la série Atom et qui réutilise le personnage sans grand intérêt de Lady Chronos, qui avait été centrale pendant tous les derniers numéros de cette série (avec d'ailleurs le même dessinateur Pat Olliffe, ce qui donne donc un air d'épilogue). Les personnages ne cessent de faire allusion à plusieurs futurs possibles mais ces foreshadowings si nombreux finissent par perdre leur efficacité sinistre sur la fatalité alors qu'on est habitués à voir les prédictions être défaites.
Dan Jurgens, le créateur original de Booster Gold, doit reprendre le titre à partir du mois prochain et je ne suis pas sûr qu'il puisse vraiment le renouveler. C - DCU Decisions #1-4
Une mini-série ratée pour surfer sur l'élection présidentielle. On y apprend que Wonder Woman (une païenne féministe) vote Républicain et que Batman (un milliardaire répressif) vote Démocrate (Superman refuse de répondre). C - Final Crisis: Legion of 3 Worlds #2/5
Cette mini-série a sans doute l'un des effectifs les plus nombreux, avec plusieurs versions de la Légion des Superhéros. Il y a la version d'avant le reboot de 1994, puis celle de la période 1994-2004 et la nouvelle, ce qui donne trois Brainiac 5. Si ce n'était pas assez, Geoff Johns y ajoute Sodam Yat le Dernier Green Lantern Daxamite (dont le nom est un jeu de mot si faible). Le Superboy de Terre-Prime s'allie avec le sorcier omnipotent Mordru et la Légion des Supervilains.
Le scénario est un peu le degré zéro de ce qui passe pour "EPIQUE" en ce moment dans l'Univers DC ("Mettons tout le monde contre tout le monde"), mais une telle histoire dessinée par George Perez est à peu près ce que j'attends d'un comic de superhéros. A - Green Lantern Corps #30
Alors que le Corps lutte contre l'un des plus inquiétants membres survivants du Sinestro Corps, "Berceau", qui tue les Green Lanterns pour collectionner leurs orphelins, les Gardiens d'Oa tentent une mission diplomatique vers leurs anciennes parèdres, les Zamarons dirigée par la Reine Aga'po (du grec αγάπη, Amour-Charité). J'avais trouvé l'idée des "sept couleurs" de Lanternes ridicule au départ mais ici l'opposition entre la Volonté d'ordre des Green Lanterns et l'Amour des Pink Lanterns est assez réussie. Les Gardiens réagissent à la mise en danger des familles des Lanternes Vertes et leur rivalité envers leurs congénères en interdisant désormais de manière totalitaire tout rapport amoureux pour les membres de leur Corps. L'histoire est en train de prendre un tour presque métaphysique comme une métaphore sur les contradictions entre les Attributs Divins de l'Amour et de la Justice. Cela dit, les Gardiens se comportent de manière de plus en plus irrationnelle et inquiétante et on voit donc déjà se profiler une guerre civile future (déjà annoncée avec les Indigo Lanterns). B+ - Justice Society of America #20
J'ai été dans l'ensemble déçu par la série Infinite Crisis de 2005-2006, qui me semble avoir gâché de nombreux éléments de Crisis on Infinite Earths de 1985 auquel elle était censée rendre "hommage". C'est tout le problème des "Suites". Mais l'élément le plus important fut plutôt postérieur avec le retour du nouveau Multivers DC - qui eut d'ailleurs lieu ensuite dans 52, avec un prétexte complètement raté, même si ce retour me paraissait une bonne idée. Le "bénéfice" du retour du Multivers est de fournir ici une continuité encore plus compliquée et le fan de l'Univers DC est conditionné pour apprécier cette débauche cosmologique contraire à tout Rasoir d'Occam. On pourrait même dire que l'Univers DC se singularise de plus en plus par le fait que ses histoires portent souvent sur la structure même de sa cosmologie fictionnelle (mais cela est vrai depuis que Flash II est né en disant s'inspirer des comics du Flash I fictif qu'il lisait enfant). Ici, la Société de Justice de la Terre DC (qui est l'équipe issue de ce qui était la "Terre 2" d'avant la Crise de 85) rencontre la nouvelle "Terre-2" post-52 qui est une réplique de ce qu'aurait été "leur" Terre 2 si la Crise n'avait pas eu lieu et ne les avait pas fusionnés avec Terre 1 et les autres. Si ce n'était pas compliqué, la nouvelle JSA a dans ses membres deux envoyés du futur : le Superman de Terre-22 et le Starman venu d'un des XXXIe siècle possibles (celui de la Légion d'avant le premier reboot de 1994). Starman (qui a enfin recouvert la raison) révèle qu'il est en fait la "Carte" du Multivers, ce qui est une jolie trouvaille qui pourrait justifier son rôle et son histoire enchevêtrée.
Dommage qu'on ait encore droit à la propagande religieuse de Geoff Johns sur Mr Terrific (seul héros explicitement athée, ce qui ne semble avoir été fait que pour servir à remplir un but apologétique puisqu'il ne cesse de dire que son athéisme était une erreur). B - Kingdom Come Special: Superman One-Shot
Un One-Shot sur le Superman de Terre-22 (celle de la mini-série Kingdom Come de 1996). L'histoire ne consiste guère qu'à avoir ce double plus âgé de Superman méditer sur sa condition mais les dessins d'Alex Ross sont un bel hommage au personnage de Clark Kent. La manie de Ross pour le photoréalisme ne marche pas très bien pour l'action mais est ici très adaptée pour un titre plus introverti et riche en portraits en gros plans. Il est rare par exemple que je trouve Lois Lane aussi émouvante. B
- Army@Love, vol. 2, #4
Après avoir encensé cette série comme une des meilleures satires grinçantes sur la Guerre en Irak (ici "l'Afbaghistan", réduit à une pure opération commerciale), j'ai été un peu submergé par le cynisme qui fait la force de cet humour noir. Tout le monde est tellement répugnant et cupide dans tous les camps qu'on finit par être un peu écoeuré. Même le couple central de Flabbergast et Switzer (qui n'est en fait lié que par un Philtre d'amour) a quelque chose de glaçant dans son hédonisme égocentrique. Mais l'intrigue est relancée par un message apocalyptique du futur qui pourrait faire sortir des petites trahisons privées. B - Savage Dragon #140
On commence à converger vers un grand final de l'Univers Image tout entier (Savage Dragon, Witchblade, Spawn, Shadowhawk et Invincible) contre Solar Man (qui est en gros un Superman omnipotent mais en plus Républicain draconien / fascistoïde).
L'Univers Image est un peu une bizarrerie puisqu'il n'a aucune continuité englobante contrairement à DC et Marvel, sauf quand un des scénaristes le désire. Chaque titre a sa propre autonomie et les créateurs peuvent même partir de la compagnie avec leurs personnages, ce qui s'oppose donc à l'idée d'une cohésion d'ensemble. Savage Dragon est l'un des rares comics de cet éditeur qui prétend parfois imposer l'idée d'un Univers commun, mais il s'agirait plutôt d'un Univers Savage Dragon ou des échos d'Image dans ce titre. Cependant, la Terre de Savage Dragon est elle-même partagée entre des histoires qui s'écartent énormément d'une Terre similaire à la nôtre (elle est "post-apocalyptique" et Chicago semble être un champ de ruines peuplé de mutants) et des histoires où elle suit la "nôtre" (un Bush tout aussi incompétent a succédé à la dictature d'un super-tyran et Obama vient d'être élu). B - Top 10, vol. 2 ("Season 2") #2
La relance de la superbe série créée par Alan Moore est une réussite. J'étais sceptique puisque c'étaient les dessinateurs seuls sans Moore mais le concept d'une brigade de super-policiers dans une ville où tout le monde a des superpouvoirs tient toujours.
Il y a même ici le retour d'une tradition de ce titre : les "Oeufs de Pâques", de petits gags visuels cachés dans l'arrière-fond.
p. 8 on voit un écriteau dans le quartier des magiciens pour un teinturier / dry cleaner qui s'appelle "Mithrandir" (ce qui est une allusion au fait que Gandalf le Gris devient Gandalf le Blanc).
p. 17, dans le restaurant des Green Lanterns Jordan's, l'un de serveurs est un Schtroumpf / Gardien de la Galaxie et l'autre est le troll Orko. A
- Captain Britain & MI:13 #7
La série sur les superhéros "mystiques" d'Angleterre a un thème unificateur qui est désormais la lutte contre la tentation et les effets de ses propres pouvoirs. La malheureuse Spitfire est une héroïne mais aussi une Vampire, qui doit lutter contre sa propre Faim, et le Chevalier Noir a une épée sanguinaire qui joue à peu près le même rôle que Stormbringer. Ce titre pourrait être une meilleure continuation de l'ancien Excalibur que le comic de Claremont qui a repris ce même nom. B - Eternals Annual #1
Un scénario de Fred Van Lente (l'auteur d'Action Philosophers). Les Eternels (humains immortels manipulés il y a des millions d'années par les Célestes pour surveiller l'humanité) doivent lutter contre les Douze Jeunes Dieux, un nouveau Panthéon terrien (dans Thor #300 en 1980 - je me rends compte qu'ils ont dû inspirer les New Guardians d'Englehart dans l'univers DC). Ces Jeunes Dieux ont décidé de pousser directement l'Humanité vers la "Singularité" d'un "Point Omega" (ici "Uni-Mind"), supposant que les manipulations des Célestes sont en fait une forme de reproduction, poussant les Humains à devenir eux-même un nouveau Céleste (ce qui inverse le mythe dans Earth-X où on apprenait que les Célestes utilisaient au contraire les Humains simplement comme des anti-corps pour protéger un Céleste à venir). L'intérêt n'est pas vraiment que les Eternels réussissent bien entendu à les empêcher (ou il n'y aurait plus de Comics Marvel), mais que cela les conduit ensuite à douter de leur propre éthique et de leur sens de supériorité issue de milliers d'année d'inhumanité. Le thème des Eternels devient donc non pas leur divinité mais au contraire leurs doutes, leur finitude et leur faillibilité. B - Fantastic Four #561
L'équipe de l'Invisible du futur vient avec un Galactus utilisé comme une "batterie" et l'histoire se résout avec une nouvelle Terre artificielle où on envoie les milliards de réfugiés de ce futur alternatif, ce qui épuise cette version de Galactus. Tout le monde a l'air d'accepter un peu facilement ce sacrifice utilitariste (un Dieu en échange de quelques milliards de mortels), ce qui est absurde quand on sait que Richards est allé une fois jusqu'à sauver la vie de Galactus. Le scénariste Mark Millar a donc certes réussi à donner quelques "Grands" Concepts de SF typiques des Quatre Fantastiques, mais cet aspect "grandiose" ou "sublime" indéniable (on tue un Dieu de l'espace pour recréer une planète entière) ne suffit pas à donner une histoire intéressante. C
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