Le Times publie cette préface où les philosophes Thomas Nagel et Joshuah Cohen étudient les sources religieuses de la pensée de John Rawls.
Le philosophe libéral politique semblait très laïc mais avait commencé dans les années 40 en préparant des études de théologie pour devenir un pasteur épiscopalien à Princeton (même si Princeton est plus presbytérien et donc calviniste plus qu'anglican). Mais il perd la foi vers cette période, peut-être quand il est fantassin pendant la Guerre du Pacifique (il a dit notamment avoir vu les ruines de Hiroshima après la capitulation en 1945, quand il avait 25 ans).
On vient de retrouver ses textes théologiques, son mémoire de maîtrise (Senior Thesis) de 1942 sur la Communauté et le Péché et curieusement il y a quelques analogies avec la philosophie politique qu'il développera trente ans après.
Taking up the historical framework of Anders Nygren, the thesis criticizes the infection of Christianity, through Augustine and Aquinas, by the ethical conceptions of Plato and Aristotle, according to which ethics is concerned not with interpersonal relations but with the pursuit of the good by each individual separately. In its hellenized form, Christianity treats God as the supreme object of desire. Rawls objects that this misses “the spiritual and personal element which forms the deep inner core of the universe”.
The idea that ethics is fundamentally a matter of ensuring appropriate interpersonal relations, rather than pursuing ultimately desirable ends, has close affinities with Rawls’s later view that principles of justice are not founded on an account of the good to be pursued but specify fair terms of cooperation among free and equal persons.
Il critique une partie de la théologie chrétienne comme une aliénation loin du lien social vers un Bien transcendant, parce qu'il aurait été trop platonicien (on pourrait peut-être défendre Aristote de ce reproche). Or le centre de sa position "libérale" de maturité sera l'idée que la théorie de la Justice (sociale) a la priorité sur toute théorie (morale) du Bien.
La suite du texte est plus fidèle à la théologie de l'incarnation comme représentation de l'intersubjectivité concrète, la communauté Je-Tu (dont parlait déjà Feuerbach) qui ne peut reposer sur un contrat social d'individus atomiques égoïstes (là aussi, Rawls utilise un style hégélien de la théologie dialectique post-Karl Barth, mais il ne reprend pas l'accent sur la transcendance indicible de la théologie de la Crise anti-moderniste).
Le centre du mémoire est une théorie du Péché très augustinienne opposée à tout Pélagianisme des Oeuvres et du mérite. L'individu commet un péché d'hubris en s'attribuant le mérite et la responsabilité d'une action qui le dépasse et qui peut dépendre des circonstances.
Par la suite, le libéralisme politique de Rawls et toute la théorie transcendantale de la Position Originelle va à la fois permettre un dépassement du christianisme politique (qui ne peut être pleinement pluraliste) et une fondation qui ne soit pas aussi hostile à la religion qu'une théorie rationaliste du Bien.
2 commentaires:
"Le centre du mémoire est une théorie du Péché très augustinienne opposée à tout Pélagianisme des Oeuvres et du mérite. L'individu commet un péché d'hubris en s'attribuant le mérite et la responsabilité d'une action qui le dépasse et qui peut dépendre des circonstances."
Là encore il est tentant de faire un rapprochement avec la critique de la notion de mérite qu'on trouve dans la Théorie de la justice
Oui, c'est aussi l'analyse que font Cohen et Nagel, un quasi-jansénisme comme précédent de sa critique de la méritocratie.
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