mardi 10 mars 2009

Oui, encore Watchmen



  • Watchmen ne sera sans doute pas un triomphe au cinéma (trop long, mauvais rythme, peu accessible, backlash des Conservateurs, déception de ceux qui s'attendent à un film de superhéros) mais il a en tout cas eu un mérite : une bande-dessinée d'Alan Moore sortie il y a 25 ans est maintenant n°1 des ventes de Livres en général aux USA ! Oui, il a détrôné cette nullité infinie de Stephenie Meyer !

    Rien que pour la joie d'avoir un chef d'oeuvre aussi exigeant et difficile dans le top des listes, on ne peut pas lancer la pierre à Snyder.

  • Cependant, plus je pense à Watchmen, plus j'en veux au réalisateur d'avoir raté le personnage d'Ozymandias.

    Avec un jeu un tout petit peu plus subtile, plus affable, plus ambigu et aussi moins homophobe (vous avez remarqué le dossier marqué "Boys" sur le bureau de son ordinateur ? Pourquoi ce détail ajouté ??), le sens du film serait différent.

    Là, il n'y a aucune surprise et on a l'impression que tout est révélé dès sa première apparition comme s'il était vraiment un vilain de mélodrame. La scène de la pilule de cyanure est très mal faite et on n'y croit pas une seconde (mais cela dit, à ce moment-là dans la bd le lecteur ne croit déjà plus à l'hypothèse du Mask-Killer, si je me souviens bien).

    Il y a d'autres défauts (l'ultra-violence excessive, les combats de Hong Kong qui donnent l'impression qu'ils ont tous des superpouvoirs, les musiques parfois maladroites, le rythme d'exposition qui trie parfois très mal, le climax géré curieusement) mais la simplification d'Ozymandias me paraît vraiment irremédiable tant elle gâche le film. Je crois qu'il aurait été moins gênant de rater Rorschach (dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est excellent, je pense), ou Nite-Owl (qui est légèrement plus héroïque que dans le film, mais pas tant que cela).

    Comme dit bien Tim O'Neil :
    Ozymandias in the book, regardless of his monomania, is still an extremely sympathetic character - you believe his idealism is genuine, in much the same way as Rorschach's very different kind of idealism is also nonetheless genuine. But in the film, by subtracting every meaningful bit of exposition from the later chapters, you are left with a cipher, and not the complex, overreaching, earnestly adolescent original.

    I mean, seriously, they left the Captain Carnage anecdote in, but they took out the Gordian Knot speech? That's pretty much the definition of "missing the point".

    (...)
    You really can't tell that Rorschach and Nite Owl and Ozymandias aren't superhuman, because they move like Neo from The Matrix. Even the end, with Ozymndias catching a bullet, hardly seems like such a big deal - after all, he was wearing superhero-standard bullet-proof Kevlar plating, as opposed to the light tunic the character sports in the original. If the Watchmen are already supermen, just how much of a bigger deal is Dr. Manhattan? Obscuring this point risks obscuring the whole thing.


  • Mais quand je lis les critiques les moins sophistiquées sur Internet, il y a parfois des raisons de défendre le film, qui semble presque une oeuvre d'auteur quand on lit les commentaires anti-intellectuels outrés.

    Une partie du public nous rappelle que 25% soutienne encore Bush, inonde les forums de posts furieux parce qu'ils avaient emmené leurs enfants (heu... le film est classé R) ou parce que le film se moque si ostensiblement des Républicains - cela dit, cela ne fait pas de doute, Watchmen est aussi une satire anti-républicaine, même si sa méditation sur le pouvoir est plus générale (et si la bd est aussi un exercice presque formaliste).

    Et ils parlent tous avec effroi du Pénis Bleu qui doit apparaître 10 secondes sur 3 heures. Leurs cris d'horreur - même parfois chez des spectateurs non-conservateurs comme Jon Stewart ! - semblent vraiment traduire une angoisse nationale malsaine sur le phallus que je n'aurais pas imaginée, malgré tous les clichés français sur le puritanisme américain (et le fait qu'on ait observé une propension curieuse à observer l'entre-jambes).

    Comme le dit Phoebe, voilà l'effet d'années où Hollywood objectifie le corps féminin et censure le corps masculin pour ne pas perdre les "15-25 Male Demographics" dans son équation commerciale : un dieu nu en images de synthèse, à peu près aussi idéalisé et abstrait qu'une statue antique, réussit encore à choquer les spectateurs ! On a presque l'impression que Snyder a été courageux de ne pas mettre de feuille de vigne...

  • Justin Kownacki a de bonnes remarques sur le film, dont une : ce n'est pas un film, c'est un hommage.

  • Le critique Roger Ebert ne me paraît pas vraiment parler du film en tant que tel (pas grand-chose sur la réalisation) mais (à ma grande surprise car je le sous-estimais) il a l'air surtout enthousiasmé par la métaphysique ou la spéculation sur la physique contemporaine chez Doctor Manhattan. Il compare même le Dialogue sur Mars avec les scènes les plus métaphysiques de la tradition littéraire depuis le monologue de Hamlet sur la condition humaine !

  • Si Watchmen avait été adapté dans une publicité pour les gateaux Hostess comme toutes ces vraies publicités Hostess.

  • Watchmen s'il avait été réalisé par Woody Allen (et beaucoup d'autres liens chez The Beat.

  • 4 commentaires:

    Anonyme a dit…

    J'ai vu le film 3 jours après avoir lu la BD (car j'avais peur de ne rien comprendre sinon, je fais partie de ceux qui ont fait monter le livre dans le classement des ventes !), je dois avouer que j'ai été vraiment enthousiasmé.

    Je suis vraiment très bon public :
    je n'ai pas été (trop) gêné par l'hémoglobine. Le seul aspect "super-pouvoir" évident qui m'a gêné est lors de la scène de combat du comédien où il brise des briques à main nue, pour le reste je ne vois pas trop où est le problème. Je suis peut-être un peu stupide, mais j'avoue que je me suis posé la question des super-pouvoirs assez longtemps même dans la BD : notamment quand Dan et Laurie se font agresser à 10 contre 2. Donc les chorégraphies hong-kongaises ne m'ont pas paru si incroyables.

    Sinon je confirme que le pénis bleu a suscité pas mal de réactions dans ma salle aussi... Mais on ne voit par exemple jamais de sein nu non plus aux US ; la scène d'amour entre Laurie et Dan a suscité tout autant de réactions.

    Pour Ozymandias, c'est vrai qu'on sent tout de suite qu'il est le méchant et il est un peu râté, mais j'ai du mal à imaginer comment il aurait pu en être autrement sans rallonger le film démesurément...

    Ah, j'ai bien aimé la nouvelle fin aussi, qui me semble bien cohérente avec le reste, même si j'ai du mal à imaginer comment l'humanité peut espérer lutter contre Dr Manhattan.

    Phersv a dit…

    La nouvelle fin est mieux, oui. Le monstre alien n'aurait vraiment pas marché.

    Oh, je ne demande pas qu'on raconte toute la vie d'Ozymandias mais la scène avec les chefs de l'industrie de l'automobile le montre vraiment trop nettement en mégalo. Il aurait fallu qu'il ait l'air un peu plus "inoffensif", presque gentillet avec son costume de couleurs pastel (au lieu d'être en Kevlar noir) pour que la surprise puisse fonctionner. Là, je crois que tout spectateur devine qu'il est le méchant dès sa première apparition.

    Il y a une théorie que j'aime bien même si elle est sans doute fausse : Ozymandias a intentionnellement laissé des indices aussi évidents que "Pyramid Corporation" et le mot de passe "Ramses II" (détail qui a mal vieilli avec notre conception actuelle de la sécurité informatique) juste dans le calcul que ses amis Nite Owl et les autres viendraient le voir dans l'Antarctique et qu'il pourrait ainsi non seulement les sauver mais leur exposer ses raisons. Il est le Smartest Man On Earth quand même.

    Phersv a dit…

    Je repense à la fin et j'ai deux doutes.

    1) Pourquoi ne pas essayer plutôt de convaincre Manhattan de détruire toutes les bombes nucléaires ?

    Hypothèse 1 : Ozy est narcissique. Il ne veut pas que Manhattan sauve le monde, il veut que ce soit lui, par mégalomanie et pour montrer qu'il valait mieux que Manhattan.

    Hypothèse 2 : Ozy pense que cela ne marcherait pas.

    2) Pourquoi l'URSS pardonne-t-elle si facilement aux USA si Moscou est attaquée aussi ? Après tout, ils doivent devenir paranos et penser que Manhattan travaillait toujours pour le gouvernement de Nixon en secret. Certes New York a été frappée également mais la réaction serait-elle vraiment de croire les USA ?

    Hypothèse : Je ne sais pas trop...

    Mais d'un autre côté, on croit peu à la pieuvre aussi. Et l'avantage de la nouvelle fin est que Manhattan a l'air d'avoir encore plus d'abnégation en acceptant d'être le bouc-émissaire.

    Anonyme a dit…

    1) si Manhattan s'amuse à aller détruire les bombes russes, ils s'en apercevront immédiatement et croiront que Manhattan est un agent envoyé par les US, du coup ils lancent immédiatement toutes les bombes qu'ils leur restent, mauvais plan

    2) Oui, je suis d'accord avec toi, pour cette raison j'aurais d'ailleurs tué Nixon, comme ça on est sûr que Manhattan ne travaille pas pour le gouvernement. Sinon, comme Manhattan a craqué à la TV deux jours avant, l'hypothèse d'un coup de folie nihiliste de sa part est quand même assez crédible, surtout qu'il rase toutes les capitales d'un coup si je comprends bien.

    Sinon j'ai une troisième hypothèse : Ozy est en fait un agent russe. Les Russes savent qu'ils sont en train de perdre la guerre froide et sont prêts à sacrifier Moscou pour la paix (ce sont des communistes quand même) avec en prime pas mal de capitales occidentales détruites. Objectivement, c'est à l'URSS que profite le plus le coup d'Ozy.