L'article de deux Normaliennes par un blog de Rue89 sur des "dérives" dans la vie quotidienne de certains groupes d'élèves paraît étonnant, comme le fait remarquer Madore, qui enseignait encore il n'y a pas longtemps la géométrie algébrique dans cette école.
Un avantage de l'ENS était justement que c'était sans "bizuthage", contrairement à beaucoup de Grandes Ecoles (même si les pratiques intérieures aux membres élus du Comité d'organisation des fêtes comportaient à une époque des rituels pouvant y ressembler, comme le jet du président dans le Bassin). Or l'article dépeint le Week-end d'intégration de 2011 comme un bizuthage en raison de quelques pratiques de goût discutable.
Les commentaires de l'article sont devenus pléthoriques (plus de quatre cents), bien que la plupart d'entre nous n'aient en réalité aucune information précise, ce qui donne des réponses qui illustrent souvent les préjugés préalables des commentateurs.
Certaines attaques sont à côté de la plaque (du genre "pas étonnants, ce sont des fils de bourgeois sarkozystes qui dirigent notre société violente") mais certaines apologies ressemblent presque à des contradictions performatives (du genre "non, il n'y a rien, d'ailleurs elles l'ont bien cherché", qui me tend au contraire à ne pas écarter trop vite toutes les accusations comme de simples exagérations).
On ne peut pas éliminer ces quelques témoignages de deux individus en se contentant de dire que les propos violents des Rugbymen sexistes et homophobes venaient de l'ESPCI (ouf) ou que des "féministes seraient devenues trop politiquement correctes". Après tout, dans un groupe de plus de deux cents nouveaux étudiants chaque année, il va y avoir quelques poignées de brutes fascisantes (comme ces deux Normaliens littéraires qui s'étaient amusés à harceler physiquement et humilier un helléniste et qui avaient été mollement sanctionnés par la direction qui semblait plus tenir à étouffer tout scandale).
Le BOcal, périodique gratuit de l'Association des élèves, aurait été accusé de faire des blagues telles qu'il a finalement publié un "numéro blanc" pour protester contre une menace de poursuites. Dans le numéro suivant, un article signé de trois membres d'un comité féministe tente de justifier leurs accusations. Le COF a changé en partie ses membres dirigeants. Cela illustre que les tensions préexistent à cet article sur Rue89.
On Writer’s Block: Part 2: What I Do About Writer’s Block
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We use the term “writer’s block” to describe our inability to deal with the
emotions we feel when we face a blank page or a problem with the work that
does...
Il y a 4 heures
11 commentaires:
Le mail provient apparemment d'un élève de l'ESPCI appartennant à l'équipe de rugby (le style ressemble suffisamment à ceux que j'ai eu sous les yeux à une époque pour penser qu'il est authentique).
Il faut quand même préciser que l'équipe de rugby est mixte ESPCI ENS, et il n'y a pas de raison de penser que les bourrins de la bande sont uniquement les élèves de l'ESPCI... connaissant les rugbymen en général et ceux de grandes écoles en particulier, je n'imagine pas spécialement que les rugbymen de l'ENS soient de fins lurons qui carburent au cacolac en soirée et discutent théologie pendant que leurs collègues de mêlée se baladent quéquette à l'air. Cela me semble un peu facile.
De ce que je glane sur place, il existe des tensions très fortes entre un petit groupe de féministes virulentes, à l'origine de la lettre à Rue89, et pas mal d'associations étudiantes. Cet article n'est donc que le coup supplémentaire d'un conflit larvé, cette fois porté au grand jour.
Il semble que, si certains comportements répréhensibles existent comme partout dès que l'alcool coule à flots, les faits reprochés sont pour la plupart déformés au point de perdre tout lien avec la réalité. En particulier, l'hallucinante accusation de viol est peu ragoutante...
Mes quelques visites à la fameuse "K-fêt" ne m'ont pas donné l'image d'un lieu de débauche où l'on risque de prendre à tout moment un pénis dans l'oeil, fait confirmé par une amie ayant géré l'endroit pendant deux ans.
De mon coté, je n'ai pas vraiment de témoignage à offrir, si de confirmation ni d'infirmation, si ce n'est le fait que le week-end d'intégration auquel j'avais participé avait assurément un côté "glauque rigolard" à certains moments. Rien de comparable à ce qui est reproché dans l'article, mais assez pour me rendre plausibles des "dérapages".
Sinon, dans le genre dénégation, la lettre suivante circule :
https://www.eleves.ens.fr/survey/login
un vrai chef d'œuvre dans le genre "ce sont des calomnies et de toute façon les coupables ont été punis"
> mixlamalice
Oui, je plaisantais en disant "ouf!", je ne crois pas en effet que cela singulariserait vraiment l'ESPCI par rapport aux Rugbymen de l'ENS. :)
> A
Les commentateurs disent qu'il sufirait d'appliquer la loi en empêchant la vente d'alcool à la K-Fête qui n'a pas la licence IV. Ce qui est bien entendu ridicule : les étudiants feraient comme aux USA et apporteraient des tonneaux de bière quand même pour aller vers le coma éthylique.
> VfV
Les Mégas doivent varier aussi selon des individualités. Celui que j'avais vu était ennuyeux et alcoolique (avec une prétention oenologique tout aussi barbante que l'alcoolisme habituel), mais inoffensif (le seul jeu un peu débile avait dû être des "tableaux vivants" mais il n'y avait pas de pression trop embêtante pour y participer).
Mais c'est intéressant que cela sorte maintenant par l'Internet. Il faudrait voir comment les rapports se déroulaient dans les années 80 au moment où la mixité est revenue officiellement avec la fusion de l'ENSJF en 1985 (mais le Méga prétendument très ancien n'a en réalité été recréé que vers 1989, je crois).
Le pire avec ce genre d'accusation, c'est que quand les gens se défendent, on les accuse d'esprit de corps et tutti quanti.
Oui, encore que je comprenne l'agacement devant les successions de commentaires de Normaliens répétant qu'ils n'ont rien vu de tel.
Il se peut que le témoignage de "Rachel" et "Pacôme" ait cherché à faire une sorte de canular très exagéré mais dire qu'on n'a soi-même rien vu de tel ne suffirait pas vraiment à les discréditer.
En revanche, la version rectifiée signée par David Madore suffit à remettre en cause beaucoup des anecdotes sur l'homophobie (si j'ai bien compris l'histoire sur le DJ).
(Tiens, d'ailleurs, Hady Ba, je vous ai croisé hier après-midi au 29 où vous discutiez dans la cour mais je n'ai pas osé vous féliciter pour l'article sur le projet des sémantiques de Montague !)
"mais je n'ai pas osé"
Oh, merci! A chaque fois que je dis que je suis quelqu'un d'intimidant, mes amis rigolent. Merci vraiment de le confirmer.
Pour la peine, la prochaine fois que vous êtes de passage au 29, je vous autorise à passer me voir dans mon bureau. Je vous offrirai un café.
PS: On se connait ou pas? Je pourrais demander à Spector mais bon...
Non, non, on ne se connaît pas (et vous étiez en pleine conversation !).
Est-ce que personne à l'ENS n'envisage ce micro-scandale comme un produit assez naturel, finalement, de la ségrégation ?
Le recrutement de Normale Sup est déjà fondé sur un principe de sélection des individus par une estimation de leur capital intellectuel. Sur place, la concentration des activités me paraît assez forte, à l'image de ce que beaucoup de filières éducatives.
À l'intérieur de cet écrin, une partie des individus se reclasse sur d'autres échelles de capitaux distinctifs, par exemple en adoptant une identité politique fondée sur l'idéologie féministe radicale (groupe 1), ou par l'exploitation des rétributions symboliques traditionnelles de la vie associative (groupe 2).
Il me semble, justement, que c'est parce que l'identité féministe radicale du groupe 1 a assez peu de raisons objectives de s'ancrer dans le milieu de l'ENS que le groupe 1, souhaitant conserver cette posture pour maintenir une identité, doit se trouver des ennemis intérieurs.
La vie associative du groupe 2 est un excellent terrain pour développer cette figure : ce milieu se rend attractif notamment par une surveillance morale différente des comportements que celle subie lors de la vie scolaire, avec des opportunités de transgression physique et verbale.
Survient ensuite une erreur de parcours : le contact avec un journaliste de Rue89, intellectuel précaire par excellence, qui se fera symboliquement assassiner pour avoir permis d'une part la publication de l'article à un niveau indigent de recoupement des faits, d'autre part le torrent de commentaires anti-élitistes qui l'a suivi.
Alors que les tensions préexistantes vivaient entre les murs de l'ENS et dans les pages du BOcal, cette erreur fait intervenir une personne extérieure qui donne une importance surdimensionnée aux revendications du groupe 1, qui sont parfois situées en arrière-plan du récit (par exemple, l'usage du mot “viol” est une revendication, comme cet autre combat récent sur l'accord féminin).
Toutes les logiques à l'oeuvre me paraissent liées à la ségrégation de l'École, sur laquelle je ne porte pas de jugement personnel, au passage (je ne le répèterai pas). Ce que je peux critiquer, c'est la stratégie du groupe 1 : la cause féministe me semble complètement desservie par cette stratégie d'indignation, très égoïste et, je pense, très contre-productive.
comme cet autre combat récent sur l'accord féminin
Sans vouloir parler du fond (sur lequel je ne connais que des rumeurs), il y a un passage curieux du point de vue "normatif" dans leur explication du BOcal n°787 :
"Nos ami-e-s ne cessent de nous faire des reproches, de nous dire qu’on a « merdé », qu’on s’est « décrédibilisé-e-s » Là, c'est simplement décrédibilisées, du moins pour les signataires ?
Mais c'est intéressant de voir comment ce mouvement politique apparaît face à une "violence symbolique" (ici, l'AG de l'Association des élèves) qui ne semblait pas autant "ressentie" auparavant.
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