Quand je regarde la Table des matières, cela ne me donne pas vraiment envie alors que Green Lantern est mon personnage favori. Encore les mêmes articles sur les théories des émotions, sur l'éthique des vertus ou bien sur le fondement de la morale (Raison ou Emotion). Un article se demande si l'Anneau de toute-puissance de Green Lantern est la même métaphore pour le risque d'injustice de l'Anneau d'invisibilité qui permet à Gygès de se mettre "à part". Green Lantern était à l'origine simplement la Lampe d'Aladin et le Génie et la réponse est donc oui, c'est à peu près le même genre de mythe.
Mais mes raisons de continuer à lire Green Lantern n'auraient rien de très intéressant. Pour moi, Green Lantern était un peu l'inverse des récits de Lovecraft pour ses amateurs. Lovecraf, c'est principalement chercher de l'Horreur post-chrétienne dans un monde naturaliste, décentré et amoral (les Grands Anciens sont donc seulement des éléments du Sublime physique d'un univers vide de tout bien et mal, où la géométrie non-euclidienne est censée plus effrayante que tout loup-garou). Green Lantern c'est le rêve d'une morale universelle mais pourtant sans anthropocentrisme et dans le même aspect science-fictionnesque que Lovecraft (du moins dans les années 60, à présent, c'est redevenu une fantasy magique comme dans les années 40 avec toutes ces idées idiotes du Spectre des émotions).
Green Lantern n'est pas lui-même issu d'une race de surhommes divins (Superman - les Gardiens d'Oa sont assez proches d'une telle race) et il n'est pas non plus un homme s'élevant par sa propre science (ou par un accident de la science, de la magie, de la fortune et de la nature), il est conçu, recruté par une sorte d'algorithme cosmique, un plan rationnel où toute vie extra-terrestre dans tout l'univers instaure un ordre cosmopolitique (avec une race extra-terrestre chaste de supersavants à grosse tête pour remplacer les Anges comme les Grands Anciens remplaçaient les démons).
Plus encore qu'Iron Man, Green Lantern est aussi le plus anonyme et le plus interchangeable des héros, c'est une variable, "le Green Lantern du secteur 2814", Monsieur N'Importe Qui, défini plus par ses vertus pratiques que par la moindre capacité physique ou intellectuelle : tout x capable de surmonter sa crainte (ce qui justifie d'ailleurs que les Green Lanterns soient si "corruptibles", si l'audace est la seule vertu pertinente au-dessus de la justice). La méritocratie y est assez minimale puisque l'Anneau cherche n'importe quel héros le plus proche et il y a une part de contingence (John Stewart méritait l'anneau tout autant que Hal Jordan, mais il était simplement un peu plus loin).
Et non seulement l'individu porteur de l'Anneau est générique mais son pouvoir aussi est le plus générique de tous puisqu'il peut simplement faire n'importe quoi (dans les limites de ce qu'il a la volonté et l'imagination de concevoir). Tout superhéros est une figure de wishful thinking et un fantasme de puissance, mais Green Lantern en est la réalisation la plus pure : n'importe qui pouvant faire n'importe quoi, une distribution d'omnipotences locales individuées dans un univers infini pour en endiguer la fatale entropie, des sortes d'anticorps distribués dans le cosmos pour préserver toute forme de vie bien au-delà des vies terrestres.
Mais tout cela ne me semble pas si philosophiquement intéressant comme fantasme du Règne des Fins au-delà de l'humain.
Certains "pop-philosophers" deleuziens (E.Düring et alii) avaient essayé de trouver dans Matrix plus que les évidences sur la Caverne ou le Doute cartésien, en inventant des métaphores plus bizarres sur la représentation du virtuel comme n'étant ni organique (la matrice sexuelle) ni abstraite (une matrice mathématique). Mais à la fin, j'admirais plus leur propre capacité (esthétique) à jouer avec leurs facultés d'imagination et d'entendement (la surinterprétation créatrice) qu'une qualité philosophique intrinsèque de leur commentaire, qui ne pouvait pas construire de nouveaux concepts mais nous faire croire que l'oeuvre pouvait nous aider à jouer avec des concepts préexistants. C'est aussi un lien entre exégèse et art contemporain où le premier se positionne en cherchant à créer des effets de sens à partir des jeux du second, mais où le second semble avoir besoin de cette symbiose pour trouver une valeur esthétique. Le fait d'y arriver avec les sujets frivoles en dit plus sur la facilité du jeu d'exégèse que sur autre chose.
Add. Depuis quelques mois, j'ai un rejet des procédés des comic-books (à part peut-être la Légion, qui traverse plutôt une bonne phase après des années catastrophiques). Les morts inutiles, les résurrections en série, au bout d'un moment le Soap Opera finit par dégoûter. Ce graphique très xkcdien (sur Let's Be Friends Again) des dernières idées de Geoff Johns depuis qu'il a repris Green Lantern illustre bien l'évolution (si ce n'est que la Lanterne Orange ne m'avait pas amusé non plus).
4 commentaires:
" Le fait d'y arriver avec les sujets frivoles en dit plus sur la facilité du jeu d'exégèse que sur autre chose."
C'est exact, mais, à l'inverse des coquetteries sur Matrix (qui sont devenues d'autant plus absurdes que les films devenaient lourds), on peut trouver des tentatives d'exégèse hyperboliques qui ne renient pas leur propre bizarrerie, ou ne tentent pas de "soulever" artificiellement leur sujet. Je pense surtout aux gens d'Overthinking It sur ce point, mais je suis sûr qu'il y en a d'autres !
J'ai offert celui sur Metallica, qui sur-interprète tout et n'importe quoi dans leurs paroles, mais c'est plutôt amusant.
Juste un mot pour signaler la sortie d'un mensuel VF consacré a G.L : http://www.urban-comics.com/green-lantern-saga-1/
(Comic-Box l'evoquait et j'ai pensé a vous)
Ah, merci, cela commence avec la traduction des quatre nouveaux numéros 1 après le dernier reboot et les Guerres entre les différentes Lanternes (qu'on retrouve dans Green Lantern Corps, New Guardians et Red Lanterns).
Hélas, les histoires ne sont pas terribles en ce moment, et en plus elles se ressemblent vraiment beaucoup.
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