Univers DC
- DC Universe 0
Cette histoire écrite par Grant Morrison et Geoff Johns est censée être le prologue du grand cross-over de l'été, un survol de l'état actuel de l'univers DC et un point accessible pour les nouveaux lecteurs. Il réussit au moins les deux premiers aspects mais échoue complètement sur le dernier. Quand même un geek invétéré comme moi a du mal à suivre, c'est inaccessible.
La bd de 24 pages a pas moins de 8 dessinateurs pour des atmosphères différentes. Certains sont parmi mes favoris (George Pérez, Ivan Reis, Carlos Pacheco, Aaron Lopresti), certains m'attirent moins (Tan, Benes, Mahnke). Cette diversité de style accroit l'impression d'un catalogue d'introduction, un collage en teaser plus qu'une vraie histoire.
Le Narrateur rappelle d'abord les bases. L'univers DC est un multivers. Il comptait une infinité de Terres parallèles qui furent ensuite recombinées en un big bang en une seule Terre pendant la Crise des Terres infinies de 1985-86 avant de revenir à nouveau sous la forme de 52 Terres parallèles en 2006.
L'univers va se recentrer uniquement sur la Trinité des trois plus célèbres Batman-Superman-Wonder Woman.
Superman affronte au XXXIe siècle une menace obscure qui rappelle la Crise (mais ce n'est pas le même XXXI siècle que celui qu'on voit actuellement dans la série Legion of Super-heroes, c'est encore une autre version de la Légion qui semble être celle avant le Reboot de 1994... oui, tout cela est très accessible si vous avez suivi les numéros récents d'Action Comics j'imagine).
Batman joue les machos et interroge le Joker sur un mystérieux némésis Black Glove. Le Joker a l'air d'être devenu une sorte de Trickster omniscient dans cette version, un Mephistopheles. L'idée qu'un simple psychopathe humain dont le seul trait est de sourire puisse maintenant incarner un péril cosmologique est tellement ridicule que cela détruit toute suspension of disbelief dans cette scène.
Un groupe de dieux préparent un plan contre Wonder Woman, concevant un nouveau Golem immonde contre la "Pandore" parfaite. Il y a ici une faute de goût où le Golem est conçu à partir de terres d'Auschwitz, de Jasenovac (tiens, il choisit le génocide perpétré par les Croates contre les Serbes en 43 et non pas celui perpétré par les Serbes dans les années 90) et du Darfour. Associer des génocides réels avec un Golem, mythe juif par excellence, me chiffonne un peu. L'ennui est que cela ressemble à nouveau au même cliché qu'on a vu des centaines de fois, WW contre Arès. Elle a vraiment besoin d'avoir d'autres conflit que celui contre la "Conflictualité". Le combat de la Guerrière contre la Guerre est un peu usé.
L'ennemi de Green Lantern, Black Hand, a l'air d'être recruté comme le Black Lantern (il semble en revanche qu'il ne soit pas aussi le Black Glove dont parlait Batman avec le Joker).
Puis Libra, qui semble devenu un prophète de Darkseid (à moins que ce ne soit Lady Styx ?), vient réunir une nouvelle Société secrète des supervilains à Central City, la ville des Flash.
Une des bonnes trouvailles du numéro est le jeu constant sur le mot "MAIN" (comme le font remarquer ces annotations) dans divers contextes au fil de l'histoire.
Superman dit qu'il aurait besoin d'un "coup de main" (on voit qu'il tient l'anneau de Légionnaire) et il arrache le bras droit cyborg de Tyr (ce qui est aussi une jolie allusion à la main droite tranchée du dieu scandinave de la Guerre Týr / Tīw(az)). Le Joker tire des cartes qui sont appelées Dead Man's Hand (deux as, deux 8). L'univers DC est centré sur une Main mystérieuse entr'aperçue au Big Bang comme symbole du pouvoir démiurgique. C'est pourquoi le Spectre affronte la Main de l'Anti-monitor pendant le Big Bang, et la fin se conclut sur un Dieu qui tient la foudre dans sa main, annonçant un retour (que j'espère toujours non-définitif) du plus symbolique héros de l'univers DC, celui qui créa l'Âge d'Argent en 1956 et qui fut sacrifié en 1986.
Barry voyage en des boucles complexes dans le temps depuis les dernières moments de sa vie (ce site exhaustif énumère ses apparitions rétroactives "depuis" ou plutôt juste "avant" sa mort). Si Barry Allen revenait vraiment de manière durable, cela signifiera qu'il n'y a plus AUCUN mort un peu significatif dans l'univers DC à part (pour l'instant) les parents de Batman !! Grant Morrison dit que c'est normal pour des "personnages mythiques qui sont des archétypes éternels" mais c'est un mauvais argument. Un héros mythique a aussi besoin d'une mort pour clore son essence, ce qu'Alan Moore avait bien compris. Le cliché commercial des résurrections met en danger tout le principe de continuité et même la possibilité d'événement un peu mythique.
- Green Lantern #30
C'est la seconde partie de l'analepse sur les origines de Hal Jordan avec la scène la plus rejouée depuis sa première apparition en octobre 1959 (Showcase #22), la passation de l'Anneau par Abin Sur. Il n'y a que deux détails qui me semblent un peu nouveaux par rapport à Tales of the Green Lantern Corps Annual #2 (1986) par Alan Moore. Abin Sur doit rester à bord du vaisseau en chute pour éviter qu'il ne s'écrase sur Coast City, ce qui préfigure ainsi la destruction de la cité par Mongul quelques années après. En revanche, tout un aspect de la retcon de la mini-série Emerald Dawn, 1991 par Gerard Jones, est à son tour éliminée. Le vieil ennemi Hector Hammond (qui ne devint un légume paralysé télépathe que par la suite) est aussi introduit d'emblée sous une forme d'un playboy ami de Carol Ferris avant même qu'elle ne devienne la patrone de Hal. Ce triangle Hammond-Ferris-Jordan avait un peu existé dans les premières apparitions de Hammond mais Johns veut de toute évidence lui faire jouer un rôle plus important - le problème est que les adaptations récentes de Superman ont déjà trop joué sur les triangles Luthor-Lane-Kent. Hammond est intéressant en figure de la Volonté pure retournée en impuissance physique totale, une sorte de Volonté sans corps, et la rivalité physique originelle n'en est que plus essentielle.
Les retours périodiques sur les Origines sont un mal nécessaire pour l'exposition aux nouveaux lecteurs. Le renouvellement est nettement moins fort que par le passé mais il existe toujours, même si le public des non-mangas vieillit. On devrait s'en féliciter si ce n'est qu'il y a parfois un côté un peu névrosé obsessionnel à se complaire à rejouer sans cesse la Scène originelle.
Je suis plus curieux de voir comment le scénariste Geoff Johns va traiter et modifier Star Sapphire, qui a vraiment besoin d'une retcon. A l'origine, Carol Ferris est un personnage légèrement plus intéressant que Lois Lane parce qu'elle est à la fois la supérieure de Hal Jordan (disons qu'elle serait donc son Perry White ou son Jonah Jameson) et sans le savoir une ennemie de Green Lantern.
Mais tout le passé de Star Sapphire était absurde : elle était une "Reine" d'amazones de l'espace choisie uniquement sur des critères physiques de ressemblance et qui devait battre Green Lantern afin de pouvoir l'épouser (on croirait plus un fantasme sexuel intérieur du scénariste qu'un vrai récit pour enfants..).
Puis on révéla, en un retournement plus intéressant, que ces Zamarons étaient en fait les membres femelles des Gardiens d'Oa qui avaient fait sécession depuis des milliers d'années, ce qui introduisait une dose fascinante de guerre des sexes à la Lysistrata chez ces Immortels menacés de surpopulation. Enfin, Geoff Johns a ajouté récemment le concept des différentes Lanternes associées comme un arc-en-ciel à différentes émotions et les Zamarons fondent les "Lanternes violettes".
On peut trouver ces Lanternes irisées, rouges (Colère), oranges (Avarice, associée à la faction des Controleurs), jaunes (Peur), vertes (Volonté), bleues (Espérance), indigo (Compassion), violettes (amour) et enfin noires, une idée géniale ou poétique si nous étions encore dans un comic de l'âge d'argent mais aujourd'hui ces codes de couleurs des Care Bears ou My Little Pony n'apparaissent que comme un héritage touchant et risible des premiers comics (de même que les diverses teintes de Kryptonite, que j'aime beaucoup par ailleurs). Le symbole des sept couleurs marcherait plus pour un personnage magicien (comme le Green Lantern de l'Âge d'Or qui n'était qu'une version d'Aladin et le Génie de la Lampe) que pour une histoire qui est censée être légèrement science-fictionnesque depuis les années 60. Je crois que je radote un peu mais ma scène favorite de Green Lantern reste celle écrite par ce réactionnaire de Larry Niven (Ganthet's Tale, 1992) où Hal Jordan accélère à une vitesse proche de la lumière pour profiter du décalage vers le rouge et transformer son rayon vert en rayon jaune. Ce genre de gag sur les lois réelles de la physique ne sera plus possible dans le nouveau code purement symbolico-mystique des sept émotions primaires : quel sens cela aurait-il de dire que la longueur d'onde du courage va baisser sa fréquence vers la longueur d'onde de la colère ?
Si on me pardonne des termes pseudo-"bachelardiens", on est en train de régresser des modèles de la rupture scientifique vers les métaphores imaginaires de l'alchimie et de la magie. C'est un processus général de glissement des métaphores dans les comics, du modèle abstrait vers une catachrèse traditionnelle ou un code "hermétique". En prenant conscience de leur caractère métaphorique, les comics ont tendance à abuser de cette lucidité post-moderne et à dénoncer sans cesse leurs tropes.
La science-fiction est un genre flou mais ombrageux. Elle se dissout vite en se mélangeant avec la fantasy inhérente dans les superhéros. Les années 90 sont en train de défaire progressivement la science-fictionnisation ou tentative de rationalisation accomplie dans les années 60 pour revenir à la magie des années 40. Cela reflète aussi sans doute un glissement des mentalités américaines vers plus d'irrationalisme. La cavorite anti-gravité de Hawkman des années 60 est redevenu un métal magique et le faucon est un avatar de Horus plus qu'un prédateur extra-terrestre. Les Metal Men chez Grant Morrison (qui se dit lui-même occultiste) sont aussi désormais des homoncules alchimiques et plus des androïdes.
- Legion of Super-Heroes #41
Enfin, le premier numéro qui ne soit pas vraiment déplaisant depuis le retour du scénariste Jim Shooter, aidé par un bon artiste, Aaron Lopresti. Il y a beaucoup d'intrigues en parallèle mais on commence à les démêler un peu. Le personnage du leader dépassé, Lightning Lad, ne progresse pas en compétence mais a au moins quelques scènes personnelles qui ne se réduisent pas à cette caricature. Enfin, le personnage protéen de Chameleon le polymorphe a enfin un peu droit à de l'attention, ce qui rend immédiatement l'histoire plus charmante.
Le problème est que je n'accroche toujours pas à la Dystopie centrale de tout ce comic : un groupe de jeunes surdoués en rebellion face à une administration politique âgée, corrompue et incompétente. L'image du gouvernement est réduit à une succession de plaisanteries sur leur complète nullité au point qu'on risque de rendre le côté dictatorial de Brainiac 5 sympathique. Je me demande si un scénariste américain peut encore écrire un politicien qui ne soit pas un pourri ou un nul.
- Uncle Sam & the Freedom Fighters (vol.2) #8/8
La conclusion sans grande surprise de la seconde mini-série. La série se veut une métaphore hypersuperexplicite sur la Présidence Bush et l'Amérique terrorisée post-9/11 mais on pourrait se demander ce qui n'est pas "post-9/11" dans les fictions américaines de toute façon. On nous "post-9/11" tellement que tout, de toute éternité, a toujours été "post-9/11" et que les flashbacks risquent d'être encore plus violents que tout le Vietnam.
La première série était un peu plus audacieuse avec le Président des Etats-Unis (le père de Phantom Girl) remplacé par un androïde génocidaire d'une autre dimension mais on a déjà vu ces Présidents traîtres même dans les séries républicaines de la FOX (ce qui doit expliquer que tant de leurs spectateurs feignent de croire qu'Obama serait secrètement un Candidat Mandchou d'Al-Qaeda !).
Ici, le cliché paranoïaque des Body-Snatchers était plus cancéreux : Red Bee était infiltrée de l'intérieur dans son ADN, un autre, Doll-Man, était amalgamé avec les cellules d'autres personnages. L'épilogue, assez long mais surprenant dans sa banalité, voit toute l'équipe des Freedom Fighters se résorber dans le divertissement et la quotidienneté, comme s'ils en arrivaient à craindre plus leur propre rhétorique de Révolution permanente - Firebrand a abandonné son radicalisme - que toutes ces Cinquièmes Colonnes récurrentes d'envahisseurs infiltrés.
Univers Marvel
- New Avengers #40
Ce numéro continue à lever le voile sur les mystères de l'Invasion Secrète skrull depuis plusieurs années, comme Mighty Avengers #12 de la semaine dernière faisait un flash-back de plusieurs mois sur les plans de Nick Fury. On apprend enfin comment il a fallu des années pour que les Skrulls deviennent en tout point indétectables, ce qui les rend encore plus inquiétant que les Body-Snatchers habituels chez qui il reste toujours un petit shibboleth (comme le doigt dans la série Invaders). Tout le numéro n'a pas un seul personnage humain mais les Skrulls sont parfois très anthropomorphiques entre eux. La fin révèle l'identité d'une des héros remplacés et je dois dire que j'ai été surpris d'être surpris : c'était un cas tellement évident et avec tellement d'indices clairs que j'avais cru que c'était nécessairement une fausse piste (red herring). Le piège était, comme souvent, que ce n'en était pas un. Mais ce qui est plus important est surtout son statut : elle n'est pas qu'une Skrull infiltrée, elle est la leader théologico-politique (Bendis tient à ajouter une légère dose de mysticisme) de l'Invasion skrull.
J'aime beaucoup ces deux prologues à la guerre qui se prépare. Je crains de moins aimer le déroulement une fois que le gimmick des Doppelgängers et de "Qui Est Qui" aura été éventé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire