mardi 11 janvier 2011

Monsieur Personne

Vu Mr Nobody, le film de science-fiction belge de Jaco Van Dormael.

Le film tombe à un mauvais moment car c'est le genre de thématique que j'aurais pu adorer il y a dix ans quand je trouvais encore le thème des mondes possibles novateur. Mais je suis un peu fatigué de toutes ces vies alternatives multiples comme Le Hasard (1981), Smoking/No Smoking (1993), Lola rennt (1998), Sliding Doors (1998), même si, ici, il y a quand même des interférences entre ces possibilités.

Et c'est un détail, mais ce nom générique de "Nemo Nobody" me paraît un peu facile (tout comme le Dedalus joycien dans Comment je me suis disputé). Lorsque la métaphore vous dit qu'elle est métaphore, elle pourrait le faire avec un peu plus de légèreté. Finalement je préfère presque certains noms plus énigmatiques ou humoristiques à la "Oedipa Mass" par exemple.

Mr. Nobody est un peu une refonte à grand budget de son film précédent, Toto le héros et on y retrouve le même vieillard qui recrée rétrospectivement ses enfances possibles.


Mr Nobody regorge certes d'idées. Mais l'abondance ne fait pas l'harmonie. Le film ressemblerait à un Jeunet dans l'inventivité, mais un Jeunet plus ambitieux qui voudrait caser trop de métaphysique dans une fiction spéculative qui mélange tous les thèmes dickiens de ces dernières années (on a droit aussi à une cosmologie solipsiste comme une des interprétations). Le thème des mondes multiples ne suffit pas, il faut donc ajouter la flèche du temps, l'entropie et des dimensions de temps non-linéaires comme substituts d'éternité.

Némo est le Dernier Homme mortel, mourant dans une société où tous les hommes sont devenus immortels. Nemo est le seul humain qui de son point de vue arrive à voir les divers mondes possibles et ses vies alternatives avec une ramification de possibilités, comme s'il arrivait toujours à s'émerveiller de la facticité ou de la contingence. Ses vies ne se valent pas toutes et certaines sont vraiment déprimantes (surtout celles où il vit avec Elise ou Jean puisque Anna seule, peut-être en raison de l'inceste sous-jacent va être son véritable amour). L'interprétation réaliste est que le vieil homme trouve un accomplissement à son existence contingente en réimaginant les possibles ou bien qu'il a raison de penser que toute l'histoire est toujours dans l'esprit de l'enfant qui devant ce Zugzwang de l'existence a choisi de suspendre toutes les possibilités. Et bien entendu, la solution la plus simple est que nous n'avons pas à choisir non plus en refusant ce dilemme (tout comme pour le prétendu choix d'interprétation d'Inception).

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